B. LES RÉSULTATS DÉTAILLÉS DES SCÉNARIOS

1. L'étude de la FAO

Les tableaux ci-après fournissent les principaux résultats pour le potentiel de production de blé et de maïs (cultivés en pluvial).

Les colonnes du tableau correspondent à des modes différents d'adaptation des cultures aux changements climatiques, selon leurs effets sur la fertilisation et l'acclimation, ou non, de nouvelles semences, soit deux variables essentielles pour apprécier les effets des changements climatiques (les deux premiers scénarios sans fertilisation supplémentaire liée au CO2 et avec deux types différents de semences - locales ou adaptées aux changements climatiques -, les deux derniers avec une fertilisation et un même jeu d'hypothèses portant sur le maintien ou l'adaptation des semences).

Effet du changement climatique sur le potentiel de « blé pluvial » selon plusieurs scénarios (déviation en % par rapport au scénario sans changement climatique)

Effets du changement climatique sur le potentiel de « maïs pluvial » selon plusieurs scénarios (variation en % par rapport au scénario sans changement climatique)

Source : FAO Gunther Fischer

Les principaux résultats suivants doivent être soulignés.

 Les effets du changement climatique diffèrent selon la céréale considérée. Ils sont plutôt favorables pour le maïs et défavorables pour le blé, ce qui reflète notamment la sensibilité des rendements de chaque céréale aux conditions pluviales.

 Les changements climatiques exercent des effets d'autant moins défavorables que les variétés cultivées pourraient être adaptées et que la fertilisation des sols ressortirait comme accrue par l'augmentation de la teneur de l'atmosphère en CO246(*).

Pour le blé, on va d'une réduction du potentiel du simple au double (à l'échelle mondiale) selon cet effet.

On peut, sous certaines réserves, en tirer la conclusion que les incidences des changements climatiques semblent pouvoir être contenues par le recours aux techniques agricoles de sélection et de fertilisation. Mais, évidemment, ces adaptations ont un coût.

 L'impact des changements climatiques sur le potentiel de production de blé est globalement négatif mais très fortement différencié régionalement.

Le potentiel des pays en développement est nettement plus réduit que celui des pays développés. Les potentiels de l'Afrique subsaharienne ainsi que de l'Amérique centrale et de l'Asie seraient particulièrement affectés.

 Ces régions ne profiteraient pas (ou très peu) des effets plus favorables des changements climatiques sur la production de maïs qui seraient concentrés dans les pays développés dits (« pays de maïs ») et sur les territoires de la Fédération de Russie.

Effets du changement climatique sur le potentiel de « céréales pluviales » selon plusieurs scénarios (déviation en % par rapport au scénario sans changement climatique)

Source : FAO Gunther Fischer

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Au total, quand on généralise la simulation des effets du changement climatique à l'ensemble des céréales et qu'on imagine la sélection de céréales les plus adaptées aux conditions locales après les changements du climat, les effets globaux sont modérés. De légèrement négatifs, ils deviennent même positifs lorsque l'hypothèse sur la fertilisation des plantes par l'augmentation de la teneur de l'atmosphère en CO2 est posée.

Néanmoins, des régions particulièrement sensibles déjà et susceptibles de voir l'augmentation de leur population renforcer leurs déficits alimentaires, subiraient des pertes de potentiel élevées.

Il en va ainsi particulièrement pour l'Afrique du Nord (notamment l'Égypte) et le sud de l'Afrique (avec une forte dégradation en Angola et en Namibie notamment).

Dans la plupart des scénarios, le recul serait important en Amérique centrale et en Amérique du Sud, allant jusqu'à toucher des pays considérés comme à très fort potentiel agricole, dont le Brésil.

2. L'étude de GAEZ sur les superficies cultivables

Ces impacts du changement climatique sont également décrits par l'étude GAEZ qui, portant spécifiquement sur la question des superficies agricoles disponibles, examine sept scénarios concernant le blé, le maïs-grain et le riz.

Trois de ces scénarios envisagent des augmentations uniformes des températures mensuelles - de 1, de 2 ou 3° C -, tandis que les quatre autres envisagent des augmentations combinées des températures et des précipitations mensuelles : plus 1° C de température et plus 5 % de précipitations ; plus 2° C et plus 5 % ; plus 2° C et plus 10% ; plus 3° C et plus 10 %47(*) (Fischer et al., 2002 ; Fischer, Shah, van Velthuizen, 2002).

Pour s'en tenir aux seuls effets sur les terres cultivables, on relève que, dans tous les cas, une extension, faible (de 1 % à 6 %), des superficies cultivables en céréales interviendrait à l'échelle du monde.

Toutefois, les effets seraient très inégaux selon les régions. Dans les pays en développement, la superficie cultivable diminuerait, de 1,3 % à 11 % tandis qu'elle augmenterait de 11 % à 25 %, dans les pays développés.

Pour tous les scénarios, les gains de superficie cultivable seraient particulièrement importants (toujours supérieurs à 20 %) au Moyen-Orient et en Russie, importants (autour de 20 %) en Amérique du Nord et en Asie de l'Est, et en Asie centrale (mais avec de fortes variations selon les scénarios).

Évolution des superficies convenables à la culture du blé, du maïs grain et du riz dans différentes régions du monde en fonction de 7 scénarios de changement climatique (en %)

Source : Mme Laurence Roudart, d'après GAEZ.

Des zones assez étendues, non cultivables avec le climat actuel du fait d'une insuffisance des températures, deviendraient cultivables : zones septentrionales de l'hémisphère nord (Nord du Canada, de l'Europe, de la Russie, de la Mongolie et de la Chine), zones australes de l'hémisphère sud (Sud du Chili et de l'Argentine, Tasmanie, Nouvelle-Zélande), et zones montagneuses situées dans les Andes et dans l'Himalaya.

En revanche, les régions tropicales perdraient des terres cultivables, en particulier dans les zones proches des zones arides de l'Afrique, au Nord de l'Amérique latine jusqu'au Mexique, et de l'Océanie.

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Au total, une certitude se dégage : les changements climatiques accentuent les déséquilibres entre l'offre et la demande agricole au plan local obligeant à recourir davantage aux échanges internationaux pour « boucler » l'offre et la demande alimentaire.

Autrement dit, le changement climatique est un obstacle de plus à des stratégies d'autosuffisance alimentaire qu'elles soient nationales ou régionales.

Mais les impacts du changement climatique sont entourées de grandes incertitudes, et leurs scénarisations, telles que réalisées à ce jour, semblent aller plutôt dans le sens d'une minoration de ses effets sur l'équilibre alimentaire.


* 46 Cette variable, ici vue sous l'angle naturel de la teneur atmosphérique en CO2, peut, dans une certaine mesure, être considérée comme illustration d'une réponse plus artificielle que les agriculteurs pourraient apporter au défi d'augmenter leurs rendements.

* 47 Pour ce faire, l'étude GAEZ utilise trois modèles de simulation climatique : ECHAM4, du German Climate Research Centre of the Max-Planck Institute for Meteorology (Hamburg) ; CGCM1, du Canadian Centre of Climate Modeling and Analysis ; HadCM2, du Hadley Centre for Climate Prediction and Research (Royaume-Uni).