B. UNE RÉHABILITATION DE L'AGRICULTURE ? LE RAPPORT DE LA BANQUE MONDIALE SUR LE DÉVELOPPEMENT 2008

Le rapport de la Banque mondiale de 2008 intitulé « L'agriculture pour le développement » est généralement présenté comme la manifestation d'un revirement de la doctrine de la Banque avec un regain de faveur accordée au rôle de l'agriculture dans le développement.

Le rapport aborde successivement trois grandes questions :

- celle de la contribution de l'agriculture au développement ;

- celle des instruments permettant de concrétiser cette contribution ;

- celle du cadre d'action le plus favorable pour atteindre les objectifs du développement.

La contribution de l'agriculture au développement est jugée « vitale » si l'on souhaite atteindre les « Objectifs  du Millénaire » d'une réduction de moitié de la part des personnes souffrant d'extrême pauvreté et de la faim.

Pour autant, la diversité des situations est soulignée et elle conduit le rapport à suggérer des stratégies différenciées pour sortir les ménages ruraux de la pauvreté.

1. Les trois catégories de pays identifiées par la Banque mondiale

Le rapport part d'une analyse de la diversité des situations agricoles proposant une répartition en trois catégories de pays distingués selon le nombre d'agriculteurs et de pauvres :

les pays à vocation agricole,

les pays en mutation,

les pays urbanisés.

Les pays à vocation agricole sont ceux où l'agriculture représente une part importante de l'activité et de la croissance, mais aussi où le taux de pauvreté définie à partir d'un niveau du revenu inférieur à 2,15 dollars par jour est comparativement forte.

Dans les pays en mutation , l'agriculture est un plus faible contributeur à l'activité et à la croissance mais le nombre relatif des pauvres ruraux reste élevé.

Dans les pays urbanisés , la contribution de l'agriculture à la croissance est marginale et la pauvreté n'est plus un phénomène principalement rural même si le taux de pauvreté dans les campagnes est supérieur de 63 % au taux des pauvres urbains.

Le « monde du développement » vu à partir de la catégorisation proposée se présente comme suit.

La catégorie la plus nombreuse - 3 à 3,5 milliards d'habitants dont 63 % de ruraux - est celle des pays en mutation qui regroupent surtout des pays d'Afrique du Nord-Moyen Orient et d'Asie mais aussi quelques pays d'Europe. La part de l'agriculture dans l'activité économique y est de 13 %, soit un niveau relativement faible, alors que la population active agricole représente 57 % du total, ce qui est élevé. L'agriculture contribue pour moins de 7 % à la croissance annuelle et la valeur ajoutée agricole par habitant s'élève à 142 dollars contre un niveau moyen de PIB par habitant de 1 068 dollars 82 ( * ) . La croissance du PIB agricole est relativement faible par rapport à la croissance globale (2,9 contre 7 % par an pour le PIB non agricole au cours de la période 1993-2005).

La pauvreté est concentrée dans le secteur agricole (80 % des pauvres). Il existe par ailleurs une tendance à l'élargissement des inégalités entre le monde urbain et le monde rural. Par exemple, la pauvreté en Chine a décliné, en pourcentage, deux fois plus vite dans les villes que dans les campagnes entre 1980 et 2001 (en Indonésie, 2,5 fois plus vite ; en Thaïlande, 3 fois plus vite). Pour autant, l'agriculture peut contribuer efficacement à la réduction du taux de pauvreté : entre 75 et 80 % de la baisse du taux de pauvreté en Chine entre 1980 et 2001 est attribuable à la baisse de la prévalence de la pauvreté dans le monde rural.

Les pays en mutation sont ainsi des pays dans lesquels, si la population agricole reste relativement importante, la prévalence de la pauvreté rurale pour être encore trop forte est inférieure à ce qu'elle est dans les pays à vocation agricole. L'agriculture n'y est plus le moteur principal de la croissance et l'essor de la production agricole est contenu. Mais, grâce à la diversification économique, la population rurale décline ce qui limite, à un haut niveau malgré tout, la pauvreté rurale.

Les pays urbanisés rassemblent 965 millions de personnes , dont 26 % vivent dans les campagnes. Les zones géographiques concernées sont principalement l'Amérique du Sud et l'Europe centrale et orientale.

Le poids de l'agriculture dans la production a été ramené à 18 % et la croissance y vient, plus encore que dans les pays en mutation, d'autres secteurs. Il y existe une forte inégalité entre le PIB par habitant et le PIB agricole. Le premier atteint 3 489 dollars, le second 215 dollars seulement.

La croissance du PIB agricole n'est que légèrement inférieure à la croissance annuelle du PIB. Mais, le taux de pauvreté rurale est plus élevé que le taux de pauvreté urbaine.

Enfin, les pays à vocation agricole (615 millions d'habitants dont 68 % de ruraux) sont particulièrement localisés en Afrique subsaharienne. L'agriculture représente 29 % de la production et apporte à ces pays un tiers de leur croissance. La dynamique de la valeur ajoutée agricole est relativement élevée : 4 % l'an entre 1993 et 2005 contre 2,9 % dans les pays en mutation (2,2 % dans les pays urbanisés).

La prévalence de la pauvreté dans les zones rurales est l'un des critères de différenciation des situations des différents pays.

Le taux de pauvreté général (défini comme la disposition d'un revenu inférieur à 2,15 dollars) est nettement plus élevé dans les pays à vocation agricole que dans les autres (80 % contre 60 % dans les pays en mutation et 26 % dans les pays urbanisés).

Les écarts concernant le taux de pauvreté rurale sont un peu moins élevés mais apparaissent substantiels : le taux de pauvreté rurale atteint 83 % dans les pays à vocation agricole ; 73 % dans les pays en mutation et 36 % dans les pays urbanisés.

La plupart des pauvres sont des ruraux dans les deux premières catégories (70 % dans les pays à vocation agricole et même 79 % dans les pays en mutation) mais dans les pays urbanisés, la pauvreté touche moins les ruraux que les urbains (39 % des pauvres vivent dans les campagnes contre 61 % dans les villes) même si le taux de pauvreté chez les ruraux est supérieur.

Apprécié à partir d'un plafond encore plus bas (1,08 dollar par jour) la situation des pays à vocation agricole ressort comme particulièrement dégradée avec près de la moitié des ruraux (49 %) qui perçoivent moins que ce revenu.

Dans les pays à vocation agricole, l'extrême pauvreté (celle attachée à un revenu inférieur à 1,08 dollars) touche 61,1 % des pauvres ; cette proportion atteint 38,1 % dans les pays en mutation et 35,2 % dans les pays urbanisés.

Dans le cadre de cette typologie, le rapport propose différentes stratégies de développement qu'il présente comme adaptées aux différentes situations en partant d'une ré-estimation des effets d'entraînement du secteur agricole sur l'activité économique.


* 82 Les données utilisées sont insuffisamment éclairantes. Il faudrait comparer le PIB non agricole par actif non agricole au PIB agricole par actif agricole.

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