3. L'évaluation de la réforme, une contrepartie nécessaire

Pour vérifier que la réforme atteint pleinement ses objectifs, et que le coût assumé par l'État était bien justifié, il convient de procéder à une évaluation approfondie de ses effets.

a) Le suivi de la réforme, une obligation de l'administration...

Si la mission reconnaît qu'il est encore un peu tôt pour mesurer pleinement les effets de la réforme, notamment sur un plan macroéconomique global, comme l'ont affirmé nombre des personnes auditionnées, elle considère que la jeunesse de la réforme ne doit pas empêcher les administrations d'assurer un suivi de cette dernière, et de recueillir dès à présent toutes les données que requiert une telle évaluation.

Or, la nécessité d'un tel suivi ne semble pas avoir été pleinement intégrée par les différentes administrations concernées, alors même qu'il devrait être effectué par leurs soins, et de façon continue.

Éric Besson a certes affirmé lors de son audition que « le gouvernement partage ce souci d'analyse, puisqu'il avait lui-même programmé, dès le début, l'évaluation de cette importante réforme. L'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'administration (IGA) avaient ainsi été chargées de réaliser, rapidement, une première estimation des conséquences de cette réforme pour l'économie et les entreprises . » Mais depuis la publication du rapport « Durieux-Subremon » en mai 2010, aucune administration en particulier n'a pris la relève en la matière. Les analyses des différents ministères, lorsqu'elles existent, demeurent ainsi très partielles, si bien qu'aucune évaluation complète de la réforme, dans tous ses effets, ne semble envisageable à l'heure actuelle.

Pour sa part, la Cour des comptes contrôle l'exécution des lois de finances, mais ne procède pas à une évaluation systématique des effets des réformes opérées. Si elle peut se saisir ou être saisie de tels sujets, un tel examen demeure ponctuel, et son champ d'investigation peut ne pas être exhaustif.

Quant au Parlement, s'il a bien évidemment son rôle à jouer en la matière - la constitution de cette mission en témoigne -, ses contrôles sont également ponctuels, et largement dépendants des données qui lui sont fournies par l'administration.

Or, la mission a éprouvé des difficultés à recueillir les informations demandées, notamment chiffrées, auprès des administrations concernées, comme il a été relevé à plusieurs reprises. Certaines des contributions annoncées à l'occasion des auditions n'ont pas été fournies, tandis que certaines demandes n'ont pu trouver de réponses. Ainsi en est-il de la mesure de l'écart de taux d'imposition de chaque secteur économique en pourcentage de la valeur ajoutée produite, alors qu'il s'agit d'une donnée d'un intérêt évident, disponible pour la période antérieure à la réforme 44 ( * ) .

Lorsque des données ont été fournies, elles ne sont pas toujours accompagnées d'explications claires sur la façon dont elles ont été obtenues et ce qu'elles recouvrent exactement. Il peut en résulter un certain désarroi, notamment lorsque ces données sont comparées entre elles ou avec les données fournies à l'occasion de travaux parlementaires antérieurs.

S'agissant du coût global de la réforme, par exemple, une absence de continuité entre les tableaux fournis à l'occasion de la discussion des différentes lois de finances (initiales et rectificatives) a été constatée. Certaines rubriques du tableau ne sont apparues qu'à partir de la discussion de la loi de finances pour 2012, alors qu'elles auraient pu l'être dès 2010, dans la mesure où elles ne résultent pas de décisions législatives ultérieures. Des erreurs ont également pu se glisser dans certaines lignes, comme l'a reconnu l'administration. Enfin, l'arrondi à la centaine de millions d'euros empêche le Parlement de connaître le détail des sommes en jeu.

La lecture du rapport de la Cour des comptes de mai 2012 sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat confirme ces insuffisances en matière de collecte des données. La Cour n'a en effet pu obtenir d'explications sur le décalage entre le coût prévisionnel du dispositif d' « écrêtement des pertes » et les sommes enregistrées à ce titre :

« Les entreprises assujetties à la CET bénéficient d'un dispositif d'écrêtement de leurs pertes, dont le coût avait été estimé à 710 M€ dans la loi de finances initiale pour 2011.

Sur ce montant, seuls 150 M€ correspondant à l'écrêtement sur la CFE ont été enregistrés, alors que le dispositif doit également s'appliquer à la CVAE. La direction générale des finances publiques n'a pas été en mesure de préciser à la Cour si l'écrêtement des pertes sur la CVAE avait été inappliqué en 2011, ou si, localement, il avait été décompté dans les « autres dégrèvements » du programme 201-Remboursements et dégrèvement d'impôts locaux, ce qui pourrait expliquer que ceux-ci représentent 870 M€ en exécution contre seulement 410 M€ prévus dans la loi de finances initiale.

Dans la première hypothèse, il y aurait nécessairement un report de charge sur l'exercice 2012, dont l'ordre de grandeur serait de 560 M€ (par différence entre la budgétisation en loi de finances initiale 2011 et l'exécution du seul écrêtement sur la CFE). Dans la seconde, il n'y aurait eu qu'un problème d'imputation de l'écrêtement sur la CVAE en 2011, sans impact sur le solde en 2012 45 ( * ) . »


* 44 Cf. supra, première partie, B. « Le tableau contrasté des gagnants et des perdants », 3. « Un rééquilibrage attendu en faveur du secteur industriel ».

* 45 Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat (exercice 2011), Mai 2012, pp. 35-36.

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