2. Une réforme rapide et un texte initial plusieurs fois réécrit
Au regard de ces éléments, il apparaît que la substitution de la CET à la taxe professionnelle, outre son objectif de renforcement de la compétitivité des entreprises installées en France, a constitué un bouleversement de la fiscalité locale.
L'ampleur de ce bouleversement a été d'autant plus grande pour les collectivités territoriales que la réforme a été mise en oeuvre dans des délais très brefs et que son architecture a été plusieurs fois profondément modifiée lors des débats au Parlement. L'année 2010 a ainsi maintenu les acteurs locaux dans un état d'incertitude, jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi de finances pour 2010 .
Le 5 février 2009 , le Président de la République annonçait la suppression de la taxe professionnelle à compter du 1 er janvier 2010 . Moins d'un an s'est donc écoulé entre l'annonce de cette réforme et la disparition effective de la taxe professionnelle, l'objectif de calendrier initialement affiché ayant été tenu. La réforme a donc essentiellement été élaborée pendant l'été 2009, afin de figurer au sein du projet de loi de finances pour 2010, déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale le 30 septembre 2009.
Originellement, l'intégralité de la réforme était contenue dans un unique article - l'article 2 - du projet de loi de finances. Le dispositif hors normes de cet article 2 (60 pages, 1 244 alinéas) a été intégralement réécrit et réorganisé, une première fois, lors de son examen par l'Assemblée nationale, puis, une seconde fois, lors de son examen par le Sénat , à l'issue duquel la réforme de la taxe professionnelle faisait l'objet de sept articles distincts du projet de loi de finances, répartis entre la première et la seconde partie du projet de loi.
Outre ces considérations de forme, les amendements adoptés, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ont, sur le fond, largement modifié les dispositions initialement prévues dans le texte . Les collectivités territoriales, pendant cette période d'examen et de vote de la loi de finances, qui ne s'est achevé qu'à la toute fin de l'année 2009, ont donc nécessairement vécu une période d'insécurité juridique, d'autant plus grande que les changements votés par les assemblées touchaient des aspects majeurs de la réforme pour les collectivités territoriales.
Deux des principaux aspects de la réforme ont ainsi été remis en cause par le Parlement. D'une part, la spécialisation initialement prévue par le texte a été atténuée , le législateur ayant choisi de faire bénéficier l'intégralité des catégories de collectivités territoriales d'une part du produit de CVAE. Plusieurs autres impositions ont été transférées, au cours des débats parlementaires, entre les différents échelons de collectivités ou entre l'Etat et les collectivités. Ce fut le cas, notamment, de la TaSCom et des IFER. Les modalités de répartition entre les collectivités territoriales de certaines ressources - comme la part supplémentaire de taxe sur les conventions d'assurance - ont également été modifiées.
D'autre part, le Parlement a opté pour une stricte territorialisation de la CVAE , tant pour le bloc communal que pour les départements et les régions. Cette vision s'est opposée à celle du Gouvernement, qui souhaitait mutualiser le produit de cet impôt.
Enfin, d'autres modifications de grande ampleur ont été adoptées . Ainsi, par exemple, à l'initiative de la commission des finances du Sénat, il a été remédié aux inconvénients du barème progressif de la CVAE par la création d'un dégrèvement à la charge de l'Etat couvrant le différentiel entre le taux de CVAE acquitté par les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions d'euros et le taux de 1,5 %.