3. Des incertitudes qui ont perduré au-delà de l'adoption de la loi de finances pour 2010
Dans ce contexte d'élaboration rapide et de modifications multiples du texte du projet de loi de finances, il était difficile de présenter aux collectivités territoriales des données fiables sur les conséquences qu'aurait pour elles la réforme de la taxe professionnelle .
Le processus législatif, qui a vu à plusieurs reprises des ressources fiscales transférées d'une catégorie de collectivités territoriales à une autre, s'est effectué par tâtonnements, en tentant d'appréhender les conséquences pratiques de telle ou telle modification sans toujours y parvenir. Les obstacles rencontrés pour simuler les effets de la réforme étaient renforcés par le fait qu'elle portait sur l'ensemble des collectivités territoriales, notamment sur les quelques 36 000 communes, ce qui rendait en pratique les simulations difficilement réalisables.
Mais l'adoption du texte définitif de la loi de finances pour 2010 n'a pas immédiatement conduit à clarifier les conséquences de la réforme pour les collectivités territoriales . En effet, l'année 2010 a constitué, pour les collectivités, une « année blanche ». En 2010, le produit de la taxe professionnelle a été remplacé par la « compensation relais », versée par l'Etat, mais aucune autre modification des finances locales n'est intervenue, l'Etat seul percevant les nouvelles impositions créées pour se substituer à l'impôt disparu. Pour les collectivités, le bouleversement induit par la réforme s'est opéré à compter de l'année 2011.
Or, le calcul de l'ensemble du dispositif de compensation des effets de la réforme prend appui sur la différence entre ce que chaque collectivité a effectivement perçu en 2010 et ce qu'elle aurait perçu en 2010 si la réforme avait déjà été mise en oeuvre.
Ce calendrier ne permettait donc pas de savoir, dans le courant de l'année 2010, quels seraient les montants exacts de compensation affectés à chaque collectivité territoriale puisqu'il fallait attendre que les données fiscales définitives relatives à cet exercice soient disponibles.
Par ailleurs, plusieurs modifications substantielles de la réforme ont été adoptées par le Parlement dans le projet de loi de finances pour 2011 . Ainsi, par exemple, les modalités de répartition du produit de la CVAE dans le cas des entreprises industrielles multi-établissements ont fait l'objet d'ajustements conséquents. De même, les clefs de répartition du produit des IFER entre catégories de collectivités territoriales ont pour plusieurs d'entre elles été modifiées.
C'est pourquoi les premières évaluations détaillées des conséquences de la réforme pour les collectivités territoriales n'ont pu s'avérer exactes , même si certains constats d'ensemble se sont révélés justes. Le rapport « Durieux-Subremon » en particulier, remis au Parlement en mai 2010, avait tenté de fournir une évaluation dynamique des effets de la réforme sur les finances locales. Or, votre mission a pu constater des écarts importants entre ces estimations, fournies cinq mois après le vote de la réforme, et la réalité de ses conséquences. Pour les départements, par exemple, le rapport « Durieux-Subremon » 47 ( * ) a sous-évalué à hauteur de 557 millions d'euros la perte de recettes globale de recettes entre avant et après la réforme. Cette perte s'élève, d'après les dernières estimations disponibles, à 1 472 millions d'euros, au lieu des 915 millions d'euros prévus par le rapport, soit une marge d'erreur de plus de 60 %.
Pour l'élaboration de leurs budgets pour l'année 2011, les collectivités ont donc dû travailler avec des chiffres estimatifs, plusieurs fois modifiés dans le courant de l'année . Les données définitives n'ont finalement été reçues des services fiscaux par l'ensemble des collectivités qu'au mois de décembre de l'année 2011.
Votre rapporteur ne peut que constater qu'il ne dispose toujours pas, malgré plusieurs demandes, de fichiers agrégés au niveau national des nouvelles recettes fiscales locales pour chaque catégorie de collectivités territoriales. Ainsi, le Gouvernement ne devrait fournir qu'au mois de juillet 2012 des données agrégées sur les montants de compensation concernant chaque collectivité territoriale, soit deux ans et demi après la disparition de la taxe professionnelle.
Enfin, la mise en oeuvre de la réforme a révélé de nombreuses conséquences qui n'avaient pas été appréhendées au moment de son adoption. Ainsi en est-il, par exemple, des effets sur les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier de la disparition de la taxe professionnelle et de la création de la DCRTP et du FNGIR et des effets induits sur le fonctionnement des dispositifs de péréquation, tant verticale qu'horizontale (voir ci-après).
* 47 « Evaluation des effets de la réforme de la taxe professionnelle sur la fiscalité des collectivités locales et sur les entreprises », rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration, établi sous la supervision de MM. Bruno Durieux et Patrick Subremon.