b) Les fonds de péréquation de la CVAE des régions et des départements : un dispositif inabouti
Si le FPIC est déjà entré en vigueur, tel n'est pas le cas des autres dispositifs de péréquation prévus dans la loi de finances pour 2010 pour les niveaux départemental et régional, qui doivent seulement commencer à fonctionner à partir de l'année 2013 .
Sur ce sujet, la commission des finances du Sénat a déjà préconisé 49 ( * ) plusieurs ajustements, sur lesquels votre mission souhaite à nouveau insister, tant l'objectif d'une plus grande péréquation au sein de ces deux catégories de collectivités territoriales paraît essentiel.
(1) Les insuffisances du dispositif de l'article 124 de la loi de finances pour 2011
Le dispositif de péréquation initialement prévu par l'article 77 de la loi de finances pour 2010 a été fortement modifié par l'article 124 de la loi de finances pour 2011 50 ( * ) .
La loi prévoit ainsi la création, à compter de 2013, de deux fonds de péréquation sur flux cumulé - l'un pour les départements, l'autre pour les régions.
Dans la version initiale du texte proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2011, le prélèvement ne portait que sur les seuls départements et régions dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à la moyenne .
Le montant du prélèvement était égal à la moitié du produit de la CVAE en année « n » qui excède le produit de CVAE de l'année 2011 . C'est le principe de la péréquation sur flux cumulés. En 2012, l'assiette de prélèvement est relativement faible puisqu'elle ne correspond qu'à l'augmentation de CVAE entre les années 2011 et 2012. En revanche, l'ampleur du fonds est appelée à croître avec les années puisque, par exemple, en 2020, ce sera la moitié de la croissance globale de la CVAE entre l'année 2011 et l'année 2020 qui servira à la péréquation.
A la suite de larges débats lors de l'examen du texte au Parlement, la commission mixte paritaire a décidé de suivre la position de l'Assemblée nationale s'agissant de l'ampleur du dispositif de péréquation, en prévoyant que le prélèvement ne portera que sur la moitié de la croissance de la CVAE qui excède, pour un département ou une région, la croissance globale de la CVAE entre les années 2011 et « n ».
Il faudra donc non seulement qu'une collectivité connaisse une croissance de sa CVAE pour être prélevée mais, en outre, que cette croissance soit plus rapide que la croissance moyenne de la CVAE sur le territoire national pendant la même période.
Les tableaux ci-dessous, qui résultent des travaux menés par la commission des finances du Sénat, font apparaître la très forte réduction de l'ampleur des fonds entre le dispositif voté en loi de finances pour 2011, actuellement applicable, et celui qui aurait résulté de l'adoption du mécanisme proposé par le Gouvernement .
Les simulations figurant dans les tableaux ci-dessous, valables aussi bien pour les régions que pour les départements, sont fondées sur les hypothèses suivantes :
- un département A avec un produit de CVAE de 100 en 2011 ;
- une croissance moyenne de CVAE de 2 % par an au niveau national entre 2011 et 2015 : la base de 100 en 2011 devient donc, en moyenne, une base de 108,2 en 2015.
Effets du texte adopté en loi de finances pour 2011
Hypothèses |
Conséquences sur le prélèvement |
|
Si le département est en dessous de 108,2 de CVAE en 2015 |
Pas de prélèvement |
|
Si le département est au-dessus de 108,2 de CVAE en 2015 |
Potentiel financier par habitant inférieur à la moyenne |
Pas de prélèvement |
Potentiel financier par habitant supérieur à la moyenne |
Prélèvement de la moitié de la croissance de la CVAE excédant la croissance moyenne Par exemple, pour une CVAE à 120, prélèvement de : (120-108,2)/2 = 5,9 |
Source : commission des finances
Ainsi, il faudrait donc que le département A dispose, d'une part, d'un produit de CVAE en 2015 supérieur à 108,2 et, d'autre part, d'un potentiel financier par habitant supérieur à la moyenne pour subir un prélèvement ; et ce prélèvement ne s'élèverait qu'à 5,9 sur un produit de CVAE de 120.
Effets du texte initial proposé par le Gouvernement
Hypothèses |
Conséquences sur le prélèvement |
|
Si le département est en dessous de 100 de CVAE en 2015 |
Pas de prélèvement |
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Si le département est au-dessus de 100 de CVAE en 2015 |
Potentiel fiscal par habitant inférieur à la moyenne |
Pas de prélèvement |
Potentiel fiscal par habitant supérieur à la moyenne |
Prélèvement de la moitié de la croissance de la CVAE Par exemple, pour une CVAE à 120, prélèvement de : (120-100)/2 = 10 |
Source : commission des finances
Dans la version proposée initialement, il aurait suffi que la CVAE d'un département soit supérieure à 100 - son montant de l'année 2011 - et que son potentiel financier soit supérieur à la moyenne pour faire l'objet d'un prélèvement. En outre, le prélèvement serait égal à 10 sur une base de CVAE de 120 en 2015.
Cet exemple, qui porte sur un département dont la croissance de la CVAE serait supérieure à la croissance moyenne, montre que dans la version du texte adopté, le prélèvement serait inférieur de 41 % au prélèvement tel que prévu par le texte initial . Les fonds consacrés à la péréquation départementale et régionale seraient donc réduits d'autant.
Les conséquences du texte actuel pourraient être encore plus dommageables si tous les départements, ou toutes les régions, voyaient leur CVAE augmenter dans des proportions identiques. Alors, bien que la CVAE augmente, aucun prélèvement ne serait opéré puisqu'aucune collectivité ne croîtrait plus rapidement que la moyenne. Il en résulterait qu'aucune péréquation ne serait opérée sur le produit de CVAE .
Ainsi, au regard des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur la dynamique des écarts de richesse entre les départements et les régions, le dispositif actuellement prévu par la loi est loin de permettre une péréquation à la hauteur des enjeux.
* 49 « Péréquation financière entre les collectivités territoriales : les choix de la commission des finances du Sénat », juillet 2011.
* 50 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.