B. L'ACCENTUATION D'UNE SÉGRÉGATION SCOLAIRE DÉJÀ SÉDIMENTÉE

1. Un assouplissement structurellement sous contrainte

Plusieurs rapports d'évaluation récents, dont la mission a auditionné les auteurs, concluent que globalement, à l'échelle nationale, les effets de l'assouplissement furent modestes sans être nuls. La réforme de 2007 aurait donc eu des conséquences très limitées au niveau national et n'aurait donc pas infléchi significativement l'évolution du système éducatif. Ainsi, selon Gabrielle Fack (Université Pompeu Fabra, Barcelone) et Julien Grenet (École d'économie de Paris) 15 ( * ) , entre 2006 et 2009, le nombre de demandes de dérogations a presque doublé, passant de 6 à 11 %. Le taux de satisfaction est toutefois resté stable autour de 70 %, si bien que les dérogations accordées sont seulement passées de 5 à 8 % au niveau national. 16 ( * ) Les grands équilibres du système scolaire n'ont donc pas été bouleversés, ni à l'entrée au collège en 6 e , ni à l'entrée au lycée en seconde.

Votre rapporteure attribue le faible impact de l'assouplissement, constaté au plan national, à un ensemble de contraintes qui ont fortement limité les possibilités de satisfaire les demandes des parents. La procédure elle-même prévoyait un certain nombre de verrous, en imposant le strict respect des capacités d'accueil, sans création de division supplémentaire dans les établissements les plus attractifs pour limiter les effets d'aspiration et en maintenant une priorité d'inscription aux élèves du secteur même dans les collèges et les lycées réputés.

Il faut également tenir compte des contraintes d'implantation des établissements. Ainsi, en milieu rural, il n'existe bien souvent qu'un seul collège à proximité, ce qui rend caduque toute possibilité de dérogation. En outre, notamment à l'entrée en 6 e , les parents affichent une préférence certaine pour l'établissement le plus proche du domicile, qui permet d'éviter à de jeunes enfants des trajets inutiles. Enfin, si l'assouplissement a eu des effets modérés, c'est aussi parce que lui préexistaient à la fois des procédures de dérogations bien rodées et utilisées et une ségrégation sociale forte des établissements reproduisant la ségrégation urbaine. Structurellement, l'assouplissement était donc très contraint.

Cependant, ce bilan national agrégé masque des disparités très importantes. Les demandes de dérogation ont ainsi été plus importantes dans certaines académies comme celles de Paris, de Lille, de Caen, de Limoges, de Lyon ou d'Aix-Marseille. Les Hauts-de-Seine, le Rhône, les Bouches-du-Rhône et le Nord ont affiché des taux de demandes de plus de 15 % en 2009. A Paris, les demandes à l'entrée en 6 e ont augmenté de 25,4 à 36 ,1 % entre 2008 et 2009 et parallèlement le taux de satisfaction a chuté de 49,5 % à 30,7 %. 17 ( * )

C'est pourquoi la mission s'est attachée tout au long de ses travaux à affiner et à différencier son diagnostic selon les territoires et selon les publics touchés. Les zones très urbanisées sont manifestement plus touchées par les dérogations, mais la région parisienne méritait d'être distinguée des grandes métropoles régionales. L'éducation prioritaire demandait également un traitement spécifique. De même, la comparaison des profils sociologiques des établissements publics et privés était nécessaire. Dans certaines zones et pour certains publics, la dynamique d'aggravation des inégalités sous l'effet de l'assouplissement de la carte scolaire est patente, alors même que le système éducatif français était déjà marqué auparavant par une ségrégation scolaire certaine.


* 15 Audition du 28 mars 2012.

* 16 G. Fack & J. Grenet, Rapport d'évaluation de l'assouplissement de la carte scolaire , École d'économie de Paris - Cepremap, janvier 2012, p. 63.

* 17 Ibid. , p. 66.

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