4. Renforcer les exigences de formation et de compétence

Selon le projet de décret soumis à l'avis des professionnels de l'esthétique, il était envisagé de réserver l'exécution des interventions précitées aux catégories de médecins suivantes :

« 1° Les médecins mentionnés aux 1, 2 et 4 de l'article D. 6322-43 95 ( * ) et les médecins spécialistes qualifiés en dermatologie ;

« 2° Les médecins titulaires des qualifications, diplômes, certificats ou autres titres nécessaires à la réalisation de ces actes et fixés par arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'enseignement supérieur. »

En outre, il reviendra au ministre chargé de la santé de déterminer, par arrêté, les conditions dans lesquelles pourront être réalisées les interventions à visée esthétique réservées aux seuls médecins.

a) Instituer un diplôme national de médecine esthétique

En raison de la reconnaissance de la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique en tant que spécialité médicale à part entière et du régime déclaratif des installations correspondantes auprès des ARS, il est possible de recenser le nombre de praticiens concernés : 500 établissements publics et privés sont autorisés à pratiquer des interventions de chirurgie esthétique et reconstructrice, dont 350 privés. En outre, certains actes esthétiques peuvent être réalisés par des médecins libéraux dans leur cabinet. Il existe 809 spécialistes en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique titulaires d'un diplôme d'études de spécialité (DES) en la matière, dont 70 % exercent à titre libéral exclusivement. En complément, des ORL peuvent accomplir certains actes, tout comme des gynécologues obstétriciens peuvent effectuer de la reconstruction mammaire. Les établissements qui ne sont que des centres autonomes de chirurgie esthétique sont une trentaine, concentrés en Ile-de-France et en région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

En revanche, en l'absence de diplôme national, il est difficile de recenser avec exactitude les médecins esthétiques pratiquant en France. Lors de son audition par la mission, M. François-Xavier Selleret, directeur de la DGOS, estimait entre quatre cents et cinq cents le nombre de médecins esthétiques , précisant qu'un travail de recensement était en cours. En l'absence de réglementation précise, la pratique des interventions à visée esthétique est ouverte à tous les médecins.

La très grande majorité des organisations représentatives du secteur de la médecine esthétique n'estime pas souhaitable de faire de la médecine esthétique une spécialité médicale à part entière , au même titre que d'autres spécialités telles que la dermatologie ou la chirurgie plastique reconstructrice et esthétique. Toutefois, devant l'augmentation exponentielle d'actes à visée esthétique non déclarés, le Cnom a demandé aux médecins disposant d'une expérience dans la pratique de ces actes d'élaborer des référentiels techniques et de préparer un enseignement national afin de les valider.

Initiées par des organisations professionnelles regroupant des médecins esthétiques, des formations diplômantes ont été mises en place à la fin des années 1990 au niveau des universités, sous la forme de diplôme universitaire (DU) puis de diplôme interuniversitaire (DIU), afin de pallier l'absence de formation initiale spécifique dans ce domaine.

Malgré ces progrès incontestables, un diplôme interuniversitaire n'offre pas de garantie de quota , ni de pratique homogène, ni d'uniformité dans la qualité des actes. Dans ces conditions, un certain nombre de praticiens plaident pour la mise en place d'une véritable capacité à exercer la médecine esthétique , sous la forme d'un diplôme d'études spécialisées complémentaires (DESC). Ce diplôme permettrait de certifier l'acquisition d'une compétence complémentaire et non exclusive dans le cadre de chaque spécialité médicale.

La mise en place d'un DESC se heurte cependant à plusieurs difficultés tenant à l'absence bien logique de services hospitaliers dédiés à la médecine esthétique. Une solution pourrait être trouvée dans l'insertion de stages pratiques en centres libéraux (cliniques ou cabinets) dans les requis de la maquette d'enseignement qui devraient être fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur.

Proposition n° 31 :
Définir le contenu d'un DESC de médecine morpho-esthétique
et de traitement des effets du vieillissement

L'article 2 du projet de décret relatif aux actes à visée esthétique présentant des dangers potentiels pour la santé, prévoit un mécanisme transitoire de « validation des acquis de l'expérience » pour les médecins ne disposant pas d'un diplôme reconnu de médecine esthétique mais ayant acquis une expérience solide dans la pratique de ce type de traitement 96 ( * ) .

Dans un contexte d'aggravation des déséquilibres de la démographie médicale , l'augmentation de la demande de soins esthétiques susceptible d'intéresser un nombre croissant de médecins généralistes est perçue comme une cause potentielle d'aggravation du risque de désertification médicale. Dans ces conditions, le ministère de la santé a mis en place un plan d'action sur la médecine de proximité afin de favoriser un exercice attractif et diversifié de la médecine générale.

Pris en application des articles du code de la santé publique relatifs à l'inscription au tableau de l'ordre (L. 4111-1, L. 4112-1 et L. 4112-3), le décret du 3 mai 2012 97 ( * ) ouvre aux médecins, sous conditions, la possibilité d'obtenir un droit d'exercice complémentaire à celui de la spécialité dans laquelle ils sont initialement qualifiés.

Dans le cadre de la loi « HPST » précitée, le développement professionnel continu (DPC) des professions de santé a été créé en vue de regrouper la formation médicale continue (FMC) et celles des autres professions de santé ainsi que l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Afin de tenir compte du renforcement de la formation médicale continue ainsi que de la diversification des compétences des médecins, le décret du 3 mai 2012 vise à permettre aux médecins spécialistes d'exercer une spécialité dite « non qualifiante » relevant du groupe I des diplômes d'études spécialisées complémentaires de médecine (telles que l'allergologie, la nutrition, l'addictologie, la toxicologie, la dermatopathologie, la médecine d'urgence, la médecine du sport ou la médecine du travail). Ces spécialités n'ouvrent pas droit à la qualification de spécialiste correspondant à l'intitulé du diplôme.

Afin de bénéficier de ce droit d'exercice complémentaire, les médecins doivent justifier d'une formation et d'une expérience qui assurent tout ou partie des compétences requises pour l'exercice des spécialités correspondantes. L'obtention de ce droit relève de la compétence de l'Ordre national des médecins, les décisions étant prises par le conseil départemental de l'ordre après avis d'une commission constituée par spécialité.

L'article 5 de ce décret prévoit qu'en fonction de l'évolution de la démographie médicale constatée au cours d'une année civile et au regard des besoins de prise en charge des patients, le nombre maximum de médecins pouvant en bénéficier sera fixé chaque année par arrêté du ministre chargé de la santé, pour chaque région et spécialité.

Dans le cas où la médecine esthétique ferait l'objet d'un diplôme d'études spécialisées complémentaires relevant du groupe I, elle serait reconnue comme une « spécialité non qualifiante » : un médecin justifiant des compétences requises par l'Ordre national des médecins pourrait se voir attribuer un droit d'exercice dans les conditions prévues par ce décret.

La reconnaissance au niveau national d'une formation diplômante rigoureuse en matière de médecine esthétique permettra de mettre de l'ordre parmi les formations sponsorisées et alimentées par des représentants de fabricants de dispositifs esthétiques dans le cadre, bien souvent, de conférences ou colloques internationaux qui n'offrent aucune assurance sérieuse de qualité.


* 95 Soit les médecins spécialistes, à l'exception des anesthésistes-réanimateurs, autorisés à faire partie d'équipes médicales réalisant des interventions de chirurgie esthétique.

* 96 Selon ce projet, « les médecins qui, à la date de publication du présent décret, justifient de trois ans de pratique dans le domaine des actes, procédés, techniques et méthodes médicaux à visée esthétique, peuvent continuer à les pratiquer, sans remplir les conditions de formation et de diplômes prévues [par le code de la santé publique] , sous réserve d'une validation par le Conseil national de l'Ordre des médecins, après avis de la commission nationale de validation de la pratique des actes à visée esthétique placée auprès du Cnom [...] . Cette validation intervient au plus tard avant le 31 décembre 2013, après examen d'un dossier présenté par les candidats ».

* 97 Décret n° 2012-637 du 3 mai 2012 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine peuvent obtenir une extension de leur droit d'exercice dans une spécialité non qualifiante.

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