D. FAUT-IL CLARIFIER ET SIMPLIFIER LES RÔLES ET LES PROCÉDURES ?

La réponse est évidemment positive : vos rapporteurs ont pu constater lors de leurs visites sur les bases que le principal besoin exprimé est celui d'une simplification des procédures.

D'ailleurs, le retour d'expérience mené lors des « Rencontres territoriales de la réforme » par le précédent ministre de la défense a été l'occasion pour les acteurs locaux du soutien de faire remonter près de 700 propositions en ce sens au centre de pilotage et de conduite du soutien (CPCS).

Centrées essentiellement sur les ressources humaines, la fonction achats-finances, les systèmes d'information et le transport, de portée très inégales, ces propositions visent surtout à alléger des chaînes administratives encore trop pesantes.

On peut par exemple citer la suppression des ordres de sortie des véhicules une fois la demande validée dans le logiciel « Sillage », ou encore la désignation d'un correspondant de zone pour organiser les renforts de véhicules entre bases de défense, ou la mise en place d'un « guichet unique » point d'entrée logistique et technique unique sur chaque base...

Les unités soutenues mettent en avant 34 ( * ) la nécessité pour elles de s'adresser à de multiples interlocuteurs, par type de service, alors qu'elles n'ont plus en interne la ressource suffisante, devant se concentrer sur leur coeur de métier. De plus, bien souvent, un besoin nécessite l'assemblage de plusieurs prestations (par exemple, le départ d'une compagnie en manoeuvre d'entraînement), et il convient de disposer d'un dispositif d'intégration d'ensemble, afin d'éviter qu'un de ces services ne manque à la date voulue (par exemple, le campement), et ne remette en question la prestation dans son ensemble.

Ce qui remonte avant tout des acteurs de terrain, c'est un besoin de coordination, d'intégration et donc de simplification.

Il est impossible de faire ici la liste exhaustive des simplifications nécessaires ; deux exemples viendront à l'appui de la démonstration, celui des zonages d'intervention des niveaux intermédiaires et celui et de la fonction « ressources humaines ».

1. Les zonages d'intervention : un enchevêtrement cacophonique

Lorsque, dans le cadre de la RGPP, a été décidée la réforme des échelons intermédiaires du ministère de la défense, aucun principe de concordance régionale de leurs différentes zones d'intervention n'a été posé.

Au contraire, les comptes-rendus du premier comité de suivi font état d'un principe d'indépendance totale de ces différentes réformes , qui devaient choisir, pour chaque fonction de soutien ou chaque chaîne de commandement « de manière indépendante, pour chacune d'entre elles, la maille géographique la plus adaptée. ».

Ainsi, on arrive au paradoxe suivant lequel, bien que les échelons intermédiaires soient le plus souvent implantés dans les mêmes villes (cf. carte ci-dessous), leurs zonages d'intervention ne coïncident absolument pas, ce qui entraîne, pour les bases de défense, un enchevêtrement cacophonique d'intervenants.

Zonages d'intervention des différents échelons intermédiaires :
l'exemple pour l'est de la France

Source : EMSD de Metz

Le zonage géographique propre des services de soutien ne correspond généralement pas avec celui des zones de soutien de la défense : c'est le cas en particulier pour la fonction achats finances, le soutien juridique, le soutien santé, le soutien de l'homme, le soutien informatique, la gestion du personnel civil... Même les fonctions les mieux « alignées » sur le découpage territorial des bases de défense et des EMSD, que sont le soutien « infrastructure » et « logement », ne convergent pas totalement, avec un rattachement différent de la base de défense de Creil, dont le soutien « infrastructure » relève de Saint-Germain-en-Laye.

Chacun a suivi sa logique propre, certes très compréhensible : mieux répartir le nombre de dossiers traités, raisonner par bassin d'emploi, spécialiser les acheteurs, etc... mais au final, le système est complètement illisible pour les bénéficiaires de ces soutiens.

L'ENCHEVÊTREMENT CACOPHONIQUE DES ZONAGES

- Des points de friction géographiques :

Les problèmes de coordination portent principalement entre les zones de soutien de Lyon et de Toulon et celles de Metz et de Paris. Selon un axe nord-sud, plusieurs centres de services partagés sont positionnés au sein de la zone de soutien de Toulon, alors que les bases de défense soutenues sont dans la zone de soutien de Lyon. Le même problème de coordination se pose entre les zones de soutien de Metz et de Paris : en région Nord-Picardie (particulièrement l'Oise, mais aussi la Somme), il est constaté un positionnement fréquent des centres de services partagés en Ile de France (EMSD Paris), alors que les bases de défense soutenues relèvent de la zone de soutien de Metz (EMSD de Metz).

Plusieurs bases de défense présentent des particularités : ainsi la base de Brive (avec des unités multi-sites), de Creil (« centre de gravité » de la base à Paris alors qu'elle est située sur la zone de soutien de Metz), de Lille (centres de services partagés entre Metz et l'Ile de France).

- Certaines fonctions sont plus concernées que d'autres :

Dans le domaine achats-finances, la PFAF sud-est (Toulon) soutient des formations et organismes stationnés sur les bases de défense situées dans la partie « sud » de la zone de soutien de Lyon ; la PFAF Ile de France (St Germain en Laye) soutient des formations et organismes stationnés sur les bases de défense situées pour partie dans la zone de soutien de Rennes et celle de Metz.

En matière de gestion du personnel civil, il faut noter le rattachement du département de l'Oise et de la Somme au centre ministériel de gestion (CMG) de Saint-Germain-en-Laye, dans une logique de bassin d'emploi pour les restructurations, et la compétence du CMG de Toulon pour l'ensemble des départements de la zone de défense et de sécurité sud qui relèvent de la zone de soutien défense de Lyon.

Pour autant, tous les services sont concernés : les périmètres géographiques de compétence des services locaux du contentieux - SLC - ne coïncident pas avec le découpage des zones de soutien de la défense (le SLC de Toulon est compétent pour des bases de défense de la zone de soutien de Lyon). La DIRISI (services informatique) de Toulon soutient des formations et organismes stationnés sur les bases de défense situées dans la partie « sud » de la zone de soutien de Lyon ; la DIRISI Ile de France soutient la base de défense de Creil, située dans la zone de soutien de Metz ; la DIRISI de Brest soutient la base de défense de Cherbourg, située dans la zone de soutien de Rennes. Les pôles d'action sociale (PMAS) sont déployés suivant une cartographie sans correspondance directe avec celle des bases de défense.

Inutile de dire que la lisibilité de l'organisation des services, et leur accessibilité pour les groupements de soutien des bases de défense est largement perfectible ! Le résultat de cette absence de mise en cohérence ne s'est pas fait attendre et les exemples rocambolesques abondent des difficultés générées pour les personnels et les groupements de soutien.

Il en résulte en particulier un « ressenti » négatif de désorganisation généralisée

Ainsi un personnel en poste à Carcassonne relèvera de la plate-forme achats finances de Toulon, de Bordeaux pour sa reconversion mais aura son action sociale gérée à Lyon ! En conséquence, le service achat finances de la base de Tours va relever de deux plates-formes achats finances différentes, celle de Rennes et celle de Saint Germain en Laye, dont il va pouvoir d'ailleurs comparer les performances -assez sensiblement différentes - en termes de taux de rejet et de délai de traitement...

Vos rapporteurs tiennent à souligner un effet pervers supplémentaire de ce type d'organisation : l'importance du besoin de coordination, qui en découle très directement, justifie en partie le rôle et l'existence des EMSD.

En forçant le trait on pourrait dire que la complexité de l'organisation zonale générée par l'impossibilité des services à se coordonner sert de justification au maintien d'autres organismes, pour gérer cette complexité...

Ce problème a été identifié très clairement, tout d'abord par la Cour des comptes, ensuite par les rencontres territoriales de la réforme. Le calendrier arrêté à l'issue de ces rencontres territoriales devait conduire, après une phase de diagnostic, à la définition de propositions concrètes pour y remédier d'ici avril 2012 35 ( * ) .

Force est de constater que, bien que le sujet soit à l'étude, des propositions communes à tous les services concernés n'ont pas encore émergé.

Ce dérapage de calendrier illustre sans aucun doute la difficulté pour ces administrations à se remettre en cause : on ne peut que redouter que dans cette configuration, une véritable « usine à gaz » ne sorte des différents groupes de travail constitués sur le sujet, tendant davantage à accompagner la complexité qu'à la résoudre.

Il paraît indispensable non pas d'atténuer à la marge les effets de cette désorganisation mais bien de remédier à la cacophonie zonale, préjudiciable pour les bases de défense.


* 34 Source : réponse écrite du SGA en date du 7 mars 2012 au questionnaire adressé par vos rapporteurs

* 35 Source :document de synthèse issu des rencontres territoriales de la réforme, janvier 2012

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