2. La fonction « ressources humaines » : juxtaposition ou mutualisation ?
a) En théorie, la réforme devait permettre la mutualisation des actes d'administration des ressources humaines
(1) La distinction entre la « RH de commandement » et la « RH d'administration »

L'objectif fixé par la RGPP et par le plan de transformation du ministère était de mutualiser la gestion administrative des ressources humaines sur les bases de défense, en limitant les fonctions « ressources humaines » exercées dans les unités aux seuls actes de commandement .

Le raisonnement consistait à établir une distinction entre les actes non détachables du commandement (notation, discipline...), et ceux qui relèvent de la gestion administrative, dite « RH d'administration ». Ce deuxième volet devait faire l'objet d'une mutualisation en base de défense et permettre ainsi de contribuer significativement aux objectifs de réduction de postes.

Qu'il soit bien clair que la volonté d'harmoniser et de mutualiser ne concerne à ce stade que les actes de gestion administrative : il n'est en particulier pas envisagé d'unifier les différents statuts ni de gommer les spécificités de chaque corps ou armée, non plus que de priver les commandants d'unités, autorités d'emploi, d'un levier consubstantiel à l'acte de commandement, celui de la gestion de proximité et de la responsabilité des actes de « management » qui se traduisent par une appréciation des mérites et de la manière de servir des agents (notation, proposition d'avancement, congés, récompenses, discipline).

Il n'est pas contestable en effet que, quelle que soit l'autorité d'emploi, des besoins administratifs communs existent : quelle que soit l'armée ou l'unité, un chef a besoin, pour noter, que la feuille de notation soit préparée, puis gérée, par exemple.

(2) Les gains potentiels de la mutualisation des actes d'administration des ressources humaines en base de défense

De la mutualisation de ces actes de gestion devaient découler plusieurs avantages :

- pour les unités, qui seraient débarrassées des actes administratifs et pourraient se recentrer sur le coeur de la fonction de commandement,

- globalement, avec une mutualisation en groupement de soutien (militaires) ou en centres ministériels de gestion (civils), des tâches telles que la préparation des papiers, la saisie dans les systèmes informatiques etc..., des économies d'effectifs substantielles.

Sur la période 2008-2015, il était prévu une réduction de près de 4 800 postes dans la fonction ressources humaines 36 ( * ) . Les économies attendues en la matière se traduisent par une diminution substantielle du ratio entre gérants et gérés dans le seul domaine des ressources humaines.

Ce ratio gérants/gérés est calculé, depuis 2009, sur la base du rapport entre les gérants déclarés en organisation dans la fonction ressources humaines et l'ensemble des effectifs. Cet indicateur est publié dans les documents budgétaires, dans le projet annuel de performance (PAP) du programme 212 sous l'intitulé « Efficience de la fonction RH » :

NDICATEUR 7.1 : Efficience de la gestion des ressources humaines

Ratios "gérants-gérés" : efficience des ressources humaines

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Cible 2016

Réalisation

Réalisation

Réalisation

Réalisation

Prévision actualisée

Prévision
initiale

Cible

Cible initiale

3,59 %

3,28 %

3,14 %

3,08 %

3,00 %

2,84 %

2,78 %

2,50 %

Source : PAP 2012

Le ministère de la défense s'est initialement fixé pour objectif un ratio de 2,50 % en 2016, aligné sur les processus RH les plus performants du ministère. A la fin 2011, il restait encore près de 40% de l'objectif à réaliser.

Pour autant, d'après ce qu'ont pu constater vos rapporteurs lors de leurs visites de terrain, le chantier de l'harmonisation des procédures et, partant, de leur mutualisation entre armées, est loin d'être abouti.

b) En pratique, on assiste pour l'instant à une juxtaposition de systèmes autonomes
(1) L'harmonisation des 66 « macro-processus » est en cours

L'harmonisation des processus en matière de ressources humaines entre les différentes armées est le préalable à la mutualisation des tâches. Ce très vaste chantier avance nécessairement lentement, d'une part à cause de son ampleur (pas moins de 66 « macro-processus » ont été identifiés) mais aussi peut-être à cause de résistances d'ordre culturel au changement.

Pour chaque processus, une comparaison est effectuée entre les différentes pratiques en vigueur, et l'alignement sur la plus efficiente est proposé.

Naturellement, ce travail fait ressortir des différences de situation qui, résultant de l'histoire, ne sont guère compréhensibles. Ainsi, si un officier de l'armée de terre ne paie jamais ses repas, un officier de l'armée de l'air le paie lorsqu'il est à l'état major à Balard, alors qu'un officier de marine pourra le payer à Toulon, mais pas à Brest....

Autre exemple, les primes des pilotes sont gérées de façon différente entre les trois armées, et sont ou non, suivant les cas, maintenues lors d'affectation de ces pilotes dans des postes d'état major...

Autre difficulté, si tout le monde peut s'entendre sur le fait que la « RH d'administration » est mutualisable par essence, la définition de son périmètre n'est pas la même suivant les armées ; il existe de fortes logiques de milieu.

Ce travail d'harmonisation est le préalable indispensable au développement du système d'information unique, le SIRH, qui devrait permettre un réel saut qualitatif dans la gestion quotidienne et le pilotage des ressources humaines dans le ministère.

Un seul exemple, donné par le directeur des ressources humaines entendu par vos rapporteurs : alors qu'il faut aujourd'hui 45 jours pour faire un état précis des effectifs du ministère, il faudra, demain... 45 secondes .

Pour autant, ce chantier, en progrès certes, n'est toujours pas abouti.

D'ailleurs il est significatif de constater que l'exemple d'harmonisation réussie cité par tous les responsables RH rencontrés, celui de la notation, ne concerne, en réalité, que le formulaire (la feuille de notation). Les processus restent quant à eux différents suivant les armées.

(2) Le regroupement à Tours des trois DRH d'armées ressemble plus, pour l'instant, à une juxtaposition qu'à une mutualisation

Pour l'instant, l'hétérogénéité des procédures et la multiplicité des systèmes d'information en termes de ressources humaines rendent la convergence largement virtuelle.

Vos rapporteurs ont pu le constater sur plusieurs bases et en particulier à Tours, où vont être déconcentrées à terme les trois directions des ressources humaines des armées.

Après l'armée de l'air, c'est en effet la direction des ressources humaines de l'armée de terre qui s'est installée à Tours, en attendant la direction des personnels militaires de la marine.

Pour autant, on peine à distinguer, sur le terrain, de véritable dynamique pour des rapprochements et des synergies et vos rapporteurs s'interrogent : l'objectif est-il réellement de mutualiser ou simplement de co-localiser ?

c) Pour les civils, la réforme s'est traduite par une dégradation du soutien de proximité en ressources humaines

La réforme de la gestion des ressources humaines devait amener, pour le personnel civil, une professionnalisation de la fonction et conduire à une plus grande équité de traitement par rapport à la situation antérieure où ils étaient gérés par leurs formations.

Dans le cadre de la réorganisation de la gestion des ressources humaines civiles, huit centres ministériels de gestion (CMG) ont été mis en place à Saint-Germain en Laye, Metz, Lyon, Toulon, Bordeaux, Rennes, Brest et Paris (Service parisien de soutien de l'administration centrale), depuis le 1er janvier 2010.

La logique était que les employeurs se recentrent sur leurs fonctions de pilotage (ressources, notation, avancement ...), tandis que les centres ministériels de gestion se chargeraient de la quasi-totalité des actes et processus de gestion.

Au rebours de l'amélioration théorique de leurs conditions de traitement, vos rapporteurs ont pu observer que, dans la pratique, le personnel civil ressentait au contraire une dégradation de la qualité de la gestion des ressources humaines, liée en particulier à la perte d'un lien de proximité par rapport à la situation antérieure où ils étaient gérés directement par leur armée.

La répartition des rôles entre en matière de gestion administrative des ressources humaines des personnels civils entre les groupements de soutien de base de défense et les centres ministériels de gestion (CMG), échelon décentralisé de la direction des ressources humaines, mérite d'être repensée ou tout au moins clarifiée.

En théorie, les civils ne relèvent plus, pour leur gestion administrative, que du CMG. En pratique, ces derniers sont relativement éloignés du terrain. Dans ce contexte on peut craindre, à terme, soit de laisser un vide, soit d'uvrir un espace pour le développement de pratiques para-règlementaires dans lesquelles les groupements de soutien auraient, de fait, plus ou moins à connaître de la gestion des personnels civils.


* 36 Source : direction des ressources humaines du ministère de la défense

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