3. Habillement, restauration, infrastructures: des décisions à prendre sans dogme ni sans tabou

Plusieurs projets d'externalisation sont aujourd'hui en cours d'examen, que le ministre de la défense devra trancher au mois de septembre prochain, principalement la maintenance des infrastructures, la restauration et l'habillement. Le nombre d'emplois en jeu est important, de même que les sommes concernées.

a) Le dialogue compétitif engagé pour l'habillement ne doit pas fermer l'option de la régie rationalisée optimisée

La fonction habillement des armées, objet d'un projet RGPP, emploie au total de l'ordre de 1 600 personnes et mobilise un budget d'achats annuels de près de 180 M€. Une étude préliminaire pour l'externalisation de cet aspect du soutien a permis de définir son périmètre. Après l'accord du ministre, le dialogue compétitif a débuté en novembre 2011 et devrait aboutir à une remise des offres finales fin 2012.

Ce projet porte sur l'approvisionnement, le stockage et la distribution des effets non stratégiques et concerne 869 équivalents temps plein .

En effet, les effets à haute criticité opérationnelle en sont exclus. Seront également conservés en régie, dans tous les cas de figure, l'étude et la conception des effets. Seule la réalisation, le stockage, le transport et la distribution de certains effets serait externalisée. D'autre part, les services à la personne (écussonnage...) font partie intégrante de la fonction « habillement » au sein du ministère, ce qui est une particularité à respecter.

Périmètre du projet d'externalisation de l'habillement

Étude et conception

Réalisation

Stockage

Transport distribution

Services à la personne

Effets à haute criticité opérationnelle (MF1)

Régie

Régie

Régie

Externalisé

Sans objet

Tenues de combat et effets métier soutien et support (MF2)

Régie + co-activité

Externalisé

Externalisé

Externalisé

Externalisé en option

Tenues de service courant, effets de sport (MF3)

Régie + co-activité

Externalisé

Externalisé

Externalisé

Externalisé en option

D'après les éléments d'information recueillis par vos rapporteurs, quatre candidats seraient toujours en lice sur les 6 initiaux. Ils ont remis leurs propositions intermédiaires. La phase 3, d'audition, aura lieu en juin-juillet et la remise des offres finales est prévue courant septembre .

La décision ministérielle pourra intervenir à l'issue des différents travaux d'évaluation.

Vos rapporteurs sont sensibles à l'argument économique suivant lequel les solutions présentées par les candidats, qui correspondent aux meilleures pratiques du secteur privé (stocks minimums, flux tendus, recours à la distribution par correspondance, systèmes d'information performants, etc....), devraient logiquement permettre de maintenir la qualité de service, à moindre coût, voire de l'améliorer dans certains cas.

Dans l'étude préalable ayant conduit à lancer le marché, les gains attendus de l'externalisation étaient estimés à 21%, ceux de la rationalisation de la régie, à 13%.

Toutefois, vos rapporteurs sont particulièrement préoccupés par certains points de vigilance sur lesquels ils souhaitent attirer l'attention du ministère de la défense :

- la qualité des produits, car les expériences menées en la matière par d'autres organismes (armée allemande...) montreraient un risque de dégradation dans ce domaine ;

- le maintien du tissu industriel national : une éventuelle externalisation ne doit pas conduire à accélérer ni favoriser les délocalisations ; même si en la matière il apparaît que d'ores et déjà, la fabrication textile, à l'exception de tissus de grande technicité, est réalisée hors de France, où seul l'assemblage est encore localisé, sous l'effet de la règlementation qui impose des appels d'offre européens ;

- l'impact sur les personnels, puisque seulement 250 personnes environ seraient conservées en mode externalisé, contre plus de 1 600 actuellement, avec, éventuellement, une problématique particulière liée aux maîtres ouvriers.

Pour toutes ces raisons, vos rapporteurs jugent indispensable que l'étude sur l'optimisation de la régie rationalisée soit menée avec le plus grand sérieux, de telle sorte qu'elle constitue une réelle alternative pour la décision ministérielle.

En particulier, compte tenu de l'intrication des chaînes logistiques, une régie rationalisée pourrait, en sus de l'habillement, étudier les conditions de délivrance des matériels de campagne et des vivres opérationnels, constituant autant de leviers d'optimisation potentiels.

La décision devra être prise sans dogme ni tabou. Il ne faut pas s'interdire de faire des économies ni d'optimiser les processus en les alignant sur les meilleures pratiques du marché, tout en pesant très soigneusement les conséquences industrielles et humaines.

b) La restauration : une expérimentation duale, des résultats proches ?

Le projet d'externalisation de la fonction restauration « RHL » ( restauration, hôtellerie, loisirs ) fait l'objet d'une expérimentation duale :

- la mise en oeuvre, depuis le 11 janvier 2011, d'une externalisation dans 11 restaurants, dit projet « RHL1 ». Cette première expérimentation porte sur 3% des sites et du personnel (8 sites, 11 restaurants, 370 agents) et ne concerne que la production (le ministère conserve les charges de fluides et d'infrastructure). Lors de l'évaluation préalable, l'économie était estimée à 18%. Sur les 171 personnes concernées, 55 ont été mis à disposition du prestataire, sur la base du volontariat ;

- et, d'autre part, depuis novembre 2011, d'une rationalisation de la régie, ou projet « RRO », sur 5 sites, avec une diminution de coût attendue de 7%.

Ces deux expérimentations parallèles portent sur des périmètres comparables en termes d'effectifs (350-370) de nombre de sites (11-12), et de nombre de repas servis (2 millions de repas servis). Elles sont donc conçues comme des alternatives.

Un bilan comparatif plus complet des deux solutions doit être réalisé dans les prochains mois. Il devrait permettre d'établir un plan et un calendrier d'extension à l'ensemble de la fonction.

D'après les premiers éléments d'information recueillis par vos rapporteurs, la réalité des gains économiques reste encore à ce stade difficile à apprécier.

Toutefois, il n'est pas exclu que les gains économiques soient sensiblement les mêmes dans un cas comme dans l'autre , en raison des gains liés à l'organisation des tâches et à la polyvalence accrue du personnel dans la régie rationalisée, inspirées des méthodes des professionnels de la restauration.

La rationalisation se nourrit des « bonnes pratiques » du secteur privé. Réciproquement, les cahiers des charges de l'externalisation doivent mieux prendre en compte les spécificités « militaires » (repas en dehors des horaires prévus notamment...).

Dans cette activité fortement consommatrice de main d'oeuvre, le levier principal porte en effet sur la masse salariale, le second sur les denrées, puisque l'investissement et le fonctionnement demeurent à la charge du ministère de la défense. Une organisation différente des tâches peut donc produire des économies significatives.

Vos rapporteurs sont soucieux qu'une éventuelle externalisation ne soit pas l'occasion d'évincer les PME locales de l'approvisionnement alimentaire , même si on peut noter que des prestataires « régionaux » ont pu répondre et obtenir des lots du marché d'externalisation « RHL1 ».

D'ailleurs, quand, pour des raisons historiques, la restauration se trouve être déjà externalisée (comme c'est le cas pour un point de restauration sur la base de défense de Metz que vos rapporteurs ont visitée), on n'observe pas de différence très significative en la matière.

La dimension « locale » peut et doit être prise en compte dans les deux cas.

En matière de restauration, il n'est pas exclu que la régie rationalisée produise des gains économiques aussi importants que l'externalisation . Dans certains cas l'externalisation peut-être utile, dans d'autres, sans doute les plus nombreux, elle porte plus d'inconvénients que d'avantages et représente un abcès de fixation inutile .

Sur ce dossier, qu'il est encore trop tôt pour évaluer de façon définitive, vos rapporteurs préconisent une approche pragmatique, dans un domaine qui est malheureusement devenu un lieu de crispation. Les décisions doivent être prises au cas par cas.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page