b) La fin de l'inertie face aux doubles non impositions exploitées par certaines sociétés de l'UE ?

La double non-imposition prive les États membres de recettes considérables et engendre une concurrence déloyale entre les entreprises au sein du marché unique. Elle survient lorsque des entreprises transfrontières échappent à l'impôt en raison de discordances entre les systèmes fiscaux nationaux. La planification fiscale agressive exploite souvent les vides juridiques existant entre les systèmes fiscaux des États membres précisément pour contourner l'impôt.

Dans le cadre de la mobilisation politique récente de l'UE sur la nécessité de lutter contre l'évasion fiscale, la Commission européenne a lancé une consultation sur les cas de double non-imposition en matière de fiscalité directe des sociétés, consultation qui vient de s'achever le 30 mai 2012. Pour encourager la participation de ceux qui pourraient avoir connaissance de cas réels d'exploitation de la double non-imposition par les entreprises, les contributions anonymes étaient acceptées.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter du lancement de cette consultation, convaincu que la double non-imposition nuit à la répartition équitable de la charge fiscale et constitue un avantage concurrentiel injuste pour les sociétés qui cherchent à en tirer parti.

La consultation relève certaines situations déjà identifiées par la Commission européenne :

- les disparités de traitement d'une même entité (cas des hybrides 403 ( * ) ) ;

- les disparités de traitement d'un même instrument financier, présentant à la fois des caractéristiques de dettes et de capitaux ;

- l'application de conventions préventives de double imposition au sein de l'UE conduisant à une double non-imposition (par exemple, le cas où deux pays divergent dans l'interprétation de la notion d'établissement stable en matière de commerce électronique) ;

- les prix de transfert et les différentes méthodes nationales de fixation de ces prix via les accords préalables (APP) unilatéraux, par lesquels une administration fiscale établit des critères pour la détermination des prix de transfert applicables aux transactions intragroupes ;

- les transactions avec des entreprises associées situées dans des pays à fiscalité nulle ou très faible ;

- le financement par l'emprunt (avec intérêts déductibles) d'un revenu exonéré d'impôt ;

- le traitement spécifique des revenus passifs tels que les intérêts et les redevances ;

- les conventions préventives de la double imposition conclues avec des pays tiers : notamment, certaines conventions signées par des États membres avec des pays en développement prévoient un crédit d'impôt fictif 404 ( * ) et un alignement fiscal 405 ( * ) destinés à promouvoir l'activité économique dans ces pays mais susceptibles de donner lieu à des abus.

D'ores et déjà, une proposition de modification de la directive sur les intérêts et redevances, en date du 11 novembre 2011, a déjà été adoptée par la Commission européenne, soucieuse que ce dispositif, destiné à éviter la double imposition ne serve pas en fait à permettre une double non-imposition . La proposition de 2011 vise notamment à établir clairement que les États membres doivent accorder les bénéfices de la directive aux sociétés concernées d'un État membre, uniquement lorsque le paiement des intérêts ou redevances concerné n'est pas exonéré de l'impôt sur les sociétés. Sont notamment concernées les sociétés qui, bien que soumises à l'impôt sur les sociétés, bénéficient cependant d'un régime fiscal national particulier exonérant les intérêts ou redevances reçus de l'étranger. Dans des cas semblables, la directive révisée prévoirait de laisser à l'État d'où provient le paiement la possibilité de ne pas exonérer les intérêts et redevances de retenue à la source.

Les ministres de l'économie et des finances réunis à l'ECOFIN n'ont pu que constater leurs divergences sur cette proposition , dans le rapport préparé par la présidence danoise pour le Conseil européen de fin juin 2012. Certains États membres jugent en effet excessif de conditionner l'exonération de retenue à la source des intérêts et redevances à un assujettissement à l'impôt, dans son pays d'établissement, du bénéficiaire du revenu perçu au titre de ces intérêts et redevances. Pour d'autres, cette nouvelle exigence d'assujettissement à l'impôt devrait au contraire se traduire par la fixation d'un seuil minimum de taxation à l'impôt sur les sociétés dans le pays où sont reçus les intérêts et redevances.

Votre rapporteur relève que, sur la simple fixation d'un taux minimum d'imposition à simple fin de servir de critère pour le bénéfice d'une directive, l'unanimité entre États membres est hors d'atteinte aujourd'hui ... La France aura fort à faire pour convaincre ses partenaires d'avancer sur les futures propositions que la Commission européenne annonce pour fin 2012 afin de remédier aux cas de double non-imposition dans l'UE.


* 403 Cf. supra .

* 404 L'Etat de résidence accorde un crédit d'impôt en tenant compte de l'impôt qui aurait été versé à l'Etat de la source s'il n'avait pas été fait application d'un régime d'allègement fiscal.

* 405 L'Etat de résidence accorde un crédit d'impôt théorique, indépendamment de l'imposition réelle dans l'Etat de la source.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page