3. En matière financière : les freins à la taxation et les résistances à la transparence

Un autre levier de lutte contre l'évasion fiscale consiste à mieux réguler les flux financiers, à la fois en organisant une meilleure connaissance de ces flux et en freinant la mobilité de ces transactions par le biais d'une tax e. L'Union européenne peine à avancer sur ces deux tableaux, même s'il faut reconnaître les progrès déjà accomplis, notamment grâce au volontarisme du commissaire en charge des services financiers, M. Michel Barnier, qu'a rencontré votre commission d'enquête.

a) La longue route vers la nécessaire taxe sur les transactions financières

Non seulement il est juste de faire contribuer le secteur financier à la crise financière qui lui est largement imputable, mais une taxation du secteur financier peut également décourager la mobilité excessive du capital et ralentir les spéculations non productives pour l'économie.

Déjà évoquée par Keynes en 1936 puis théorisée par Tobin en 1972, la taxe sur les transactions financières (TTF) a fait l'objet d'un projet européen à l'initiative de la Commission. Selon le projet de directive présenté en septembre 2011 par la Commission, la taxe serait prélevée sur toutes les transactions sur instruments financiers entre institutions financières lorsqu'au moins une des parties à la transaction est située dans l'Union européenne. L'échange d'actions et d'obligations serait taxé à un taux minimum de 0,1 % et les contrats dérivés à un taux minimum de 0,01 %. On estime que les recettes s'élèveraient à 57 milliards d'euros par an dans le cas naturellement où la taxe serait créée sur l'ensemble du territoire de l'Union. La Commission propose que cette taxe prenne effet à compter du 1 er janvier 2014.

Plusieurs pays ne cachent pas leur opposition à ce projet : le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et la République tchèque. Néanmoins, neuf États (Italie, France, Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, Grèce et Portugal) ont adressé une lettre commune à la présidence danoise de l'Union européenne le 7 février 2012, appelant à accélérer les travaux du Conseil sur le projet européen de TTF, évoquant la possibilité de mettre en oeuvre une coopération renforcée, « pour assurer une juste contribution du secteur financier au coût de la crise financière et pour améliorer la régulation des marchés financiers ».

Le 22 juin 2012, les ministres de l'économie et des finances, réunis en Conseil ECOFIN, ont constaté leur désaccord sur cette taxe, qui ne pourra donc pas être adoptée à l'échelle de l'UE. Il s'agit de la première étape juridique ouvrant la voie à une possible coopération renforcée. Conformément à l'article 329 du TFUE, les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée en matière de taxe sur les transactions financières doivent adresser une demande à la Commission européenne, à qui il reviendra, si elle juge réunies les conditions juridiques d'une telle coopération, de soumettre une proposition en ce sens au Conseil. Le Conseil devra alors se prononcer à la majorité qualifiée, mais après que le projet aura été approuvé par le Parlement européen. Dans un premier temps et pour faciliter sa mise en place aussi rapide que possible au vu de la procédure à suivre, la taxe susceptible d'être créée par coopération renforcée pourrait ne frapper que les transactions sur le marché secondaire (actions, obligations 406 ( * ) voire OPCVM) mais pas les produits dérivés, dont la taxation soulève plus de difficultés techniques.

Depuis, le Gouvernement français a instauré seul une taxation, dans la loi de finances rectificative de mars 2012 407 ( * ) , sous forme de trois nouvelles taxes, à savoir une taxe sur l'acquisition d'actions françaises au taux de 0,1 %, une taxe sur le trading à haute fréquence et une taxe sur l'achat de CDS souverains à nu au taux de 0,01 %. Le projet de loi de finances rectificative soumis en juillet 2012 au Parlement devrait relever le taux de cette première taxe à 0,2 % dans l'espoir d'en augmenter le rendement. L'Allemagne appelle pour sa part à une décision rapide sur le texte européen et se réserve la possibilité, si cette piste était abandonnée, d'explorer le modèle britannique de Stamp Duty Tax .


* 406 Sauf les obligations souveraines.

* 407 Article 5 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

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