(2) La Cour des comptes en faveur des redéploiements
Lors de son audition, M. Christian Babusiaux a suggéré une stratégie de redéploiements fondée sur « une double bascule d'effectifs » :
- entre l'effectif de gestion et l'effectif de contrôle, ce dernier ne représentant que 10 % des 120 000 agents de la DGFIP ;
- et au sein de l'effectif de contrôle, entre l'effectif de terrain réalisant des contrôles ordinaires et les directions nationales chargées des contrôles plus techniques .
Constatant qu'aujourd'hui, moins de 1 % de l'effectif de la DGFIP est affecté au contrôle fiscal des grandes entreprises et des plus hauts revenus, il a estimé que ce ratio n'était vraisemblablement pas optimal, tout en signalant que la Cour des comptes n'a pas encore formulé de préconisations sur ce point. Il a également souligné l' interdépendance entre la question du ciblage des contrôles et celle de la répartition des effectifs entre les unités régionales et les unités nationales. La DGFIP compte, en effet, 12 600 agents travaillant sur le contrôle fiscal, mais seuls 1 100 d'entre eux sont répartis au sein des trois directions nationales.
(3) Des effectifs de lutte contre l'évasion fiscale insuffisants
Les représentants du syndicat SNUI-SUD Trésor Solidaires sont convenus que le nombre de vérificateurs avait été maintenu en précisant que les 5 000 vérificateurs de notre administration placent la France dans une position défavorable par rapport aux autres pays de l'OCDE en termes de ratio mesurant le nombre d'entreprises par agent chargé du contrôle fiscal externe (633 en France contre 375 en Allemagne, selon les données du rapport de M. Gérard Strainchamps, ancien directeur de la DNEF, diffusé de façon restreinte en 2001).
Ils ont souligné, en reprenant les données publiées par la Cour des comptes, que même si le nombre de vérificateurs a été relativement préservé, les effectifs du contrôle fiscal ont baissé :
- dans les services qui gèrent l'impôt et effectuent un premier contrôle et, le cas échéant, des taxations d'office, notamment pour les entreprises ;
- et surtout dans les pôles de contrôle et d'expertise qui font à la fois de la programmation du contrôle fiscal et du contrôle sur pièces ; or ce dernier est à l'origine de plus de 5 milliards d'euros de redressements, sur un total de 12 milliards d'euros en termes de droits auxquels s'ajoutent 3 milliards d'euros de pénalités alors que les résultats du contrôle fiscal externe se chiffrent à environ 8 milliards d'euros. Comme l'a précisé M. Edouard Marcus, sous-directeur du contrôle fiscal, environ un million de contrôles sur pièces de contribuables particuliers sont effectués chaque année, portant sur 36 millions de foyers fiscaux.
Partant du principe selon lequel « un agent opérant dans la sphère du contrôle fiscal produit 1,3 million d'euros de redressement fiscal en deux ans. Autrement dit, en deux ans, il a payé toute sa carrière, retraite comprise », les représentants du syndicat SNUI-SUD Trésor Solidaires ont formulé plusieurs préconisations :
- renforcer les effectifs de vérificateurs et développer l'expertise au sein de la DGFIP en créant une structure centrale qui irriguerait les services et permettrait d'apporter le soutien technique qui fait défaut ;
- assurer une couverture plus harmonieuse du tissu fiscal en orientant les contrôles vers les contribuables fortunés et les prix de transfert plutôt que vers les cas de TVA déduite par anticipation qui correspondent à un simple décalage de trésorerie.
M. Bernard Salvat, a rappelé que la DNEF compte, depuis le 1 er septembre 2011, 413 personnes, et a expliqué la légère diminution des effectifs par un transfert d'emplois à Tracfin et à la BNRDF. « Les seules suppressions d'emplois auxquelles j'ai personnellement procédé ces derniers temps viennent du fait que notre système informatique allège les tâches de saisie. J'ai donc rendu trois emplois, ce qui me paraît naturel. » . Il a également constaté que les finances publiques imposant des sacrifices aux administrations, la DNEF en avait supporté sa part, avec une diminution de 23 % de ses moyens de fonctionnement composés aux deux tiers de frais de transport, lesquels ne cessent de croître avec la hausse du prix du carburant .
Interrogé sur l'opportunité d'accroître les effectifs de vérificateurs, il a indiqué qu'à moyens juridiques constants, une telle mesure risquait de subir la loi des rendements décroissants. « Si un texte m'autorisait à observer tous les mouvements de capitaux professionnels vers la Lituanie, Hong-Kong, Singapour, les Iles Vierges, les Bahamas, ... je suis sûr que les rappels de droits augmenteraient ».
Le directeur de la DNEF a souligné l'importance stratégique d'un renforcement des moyens informatiques , en précisant que la DGFIP avait saisi la CNIL d'un projet d'amélioration des bases de données permettant à l'administration de recueillir des informations plus nombreuses sur les particuliers dans la sphère sociale . Partisan du développement de « l'exploration de données » ( data mining ) il a affirmé qu'un e bonne dizaine d'informaticiens supplémentaires et un budget pour acheter des logiciels constitueraient un investissement extrêmement rentable. « A mes yeux, un bon expert doté de bons outils informatiques peut réaliser des miracles ».
La commission d'enquête constate qu'en dépit de leur « sanctuarisation » apparente, les moyens de contrôle ont, de façon générale, manifestement subi le contrecoup de la RGPP . Bien consciente que faute de nouvelles avancées en matière d'accès à l'information bancaire dans les paradis fiscaux, l'augmentation des effectifs risque de subir la « loi des rendements décroissants », elle préconise cependant un renforcement des effectifs des trois directions nationales spécialisées, à l'évidence sous dotées puisqu'ils ne représentent aujourd'hui que moins d'un pour cent des effectifs de la DGFIP.