(2) Une régulation bancaire et financière trop limitée à un contrôle en superficie des moyens anti-fraude
Or, selon le sentiment de votre rapporteur, la supervision bancaire et financière se limite trop souvent à un contrôle des moyens déployés par les établissements de crédits pour présenter un appareil de contrôle de conformité ... conforme, sans que ses résultats tangibles soient réellement évalués.
Rappel : l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) est l'organe de supervision français de la banque et de l'assurance. Créée par l'ordonnance du 21 janvier 2010 et installée en mars 2010, l'ACP est issue du rapprochement entre quatre autorités d'agrément et de contrôle des secteurs de la banque et de l'assurance : le Comité des entreprises d'assurance, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Sa création répond à l'objectif de mise en place d'une autorité de supervision forte, disposant d'une vision globale du secteur financier. Sa mission principale est de veiller à la préservation de la stabilité financière et à la protection des clients des banques, des assurés et bénéficiaires des contrats d'assurance. Elle représente également, dans son champ de compétence, la France au niveau des instances internationales. L'ACP est une autorité indépendante, adossée à la Banque de France. Plus de 1 000 agents sont ainsi mobilisés au sein de l'ACP pour garantir le bon fonctionnement du système de contrôle français. Le Collège de l'ACP est présidé par Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France et comprend 19 membres : - président du Collège : M. Christian Noyer, ou M. Robert Ophèle ; - un vice-président ayant une expérience professionnelle en matière d'assurance est désigné par les ministres chargés de l'économie, de la sécurité sociale et de la mutualité : M. Jean-Philippe Thierry est nommé vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel ; - sont également nommés membres du collège de l'Autorité de contrôle prudentiel : . M. Jean-Pierre Jouyet, Président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ; . Mme Monique Millot-Pernin, nommée par le Président du Sénat ; . M. Philippe Auberger, nommé par le Président de l'Assemblée nationale ; . M. Jérôme Haas, Président de l'Autorité des normes comptables. Sur proposition du vice-président du Conseil d'État : M. Olivier Fouquet, conseiller d'État. Sur proposition du premier président de la Cour de cassation : M. Francis Assié, conseiller. Sur proposition du premier président de la Cour des comptes : M. Jean-Philippe Vachia, conseiller maître. En raison de leurs compétences en matière de protection des clientèles ou de techniques quantitatives et actuarielles ou dans d'autres matières utiles à l'exercice par l'Autorité de ses missions : M. Emmanuel Constans et Mme Hélène Rey. En raison de leurs compétences en matière d'assurance, de mutualité, de prévoyance ou de réassurance : MM. Jean-Marie Levaux, Philippe Mathouillet, Dominique Thiry et Lucien Uzan. En raison de leurs compétences en matière d'opérations de banque, de services de paiement ou de services d'investissement : MM. Thierry Coste, Dominique Hoenn, François Lemasson et Christian Poirier. |
M. Edouard Fernandez-Bollo, secrétaire général adjoint de l'Autorité de contrôle prudentiel, semblant opposer la lutte contre le blanchiment à d'autres fonctions, a rappelé que le coeur de la mission de l'ACP est le contrôle de la stabilité financière, ce qui est significatif d'une conception hiérarchisée de missions qui devraient être considérées comme d'égale dignité.
Votre rapporteur n'a pas senti que le contrôle du risque fiscal, entendu sous tous ses angles, qui, outre qu'il entre désormais à part entière dans les missions du régulateur, représente pourtant un risque de réputation relevant directement de la préoccupation centrale de l'ACP, soit considéré comme entrant pleinement dans sa culture. Pourtant, l'histoire récente montre que des banques peuvent être déstabilisées par leur implication dans des affaires aux limites du blanchiment et de la complicité de fraude fiscale.
Cette relative indifférence a également transparu au cours de l'audition de l'AMF, la notion de risque fiscal n'apparaissant pas entrer immédiatement dans « l'habitus » de l'organisme, alors même que certaines professions supervisées par elles sont considérées comme difficiles à contrôler, que certains produits comportent des caractéristiques fiscales reposant sur des schémas à dimension internationale pouvant être vulnérables fiscalement er, enfin, que certains choix d'organisation des émetteurs peuvent présenter de sérieux risques, sur lesquels de façon générale, l'information financière fournie est, de surcroît, souvent sibylline. En revanche, les limites de la coopération assurée par l'organisation internationale des commissions de valeur (OICV) en matière de lutte contre la fraude fiscale ont été clairement rappelées. L'organisme dit ne rechercher que les délits boursiers quand il est pleinement concerné par les dispositifs anti-blanchiment qui concernent inclusivement le blanchiment de fraude fiscale.
Les chiffres du marché français de la banque et de l'assurance. La poursuite en 2010 de la consolidation des structures du système bancaire et financier français s'est traduite par une nouvelle diminution du nombre des établissements de crédit : 683 contre 706 fin 2009. A la fin de 2010, sur les 683 établissements de crédit actifs en France, 479 (70 %) étaient détenus par des capitaux français et 204 (30 %) par des capitaux étrangers. Le mouvement de concentration du marché français de l'assurance, amorcé depuis le milieu des années 1990, s'est poursuivi en 2010. Le nombre d'organismes habilités à pratiquer les opérations d'assurance est passé de 1 268 en 2009 à 1 129 en 2010. Cette baisse concerne en particulier les mutuelles régies par le Code de la mutualité. Source : Autorité de contrôle prudentiel |
L'AMF, comme l'ACP, exerce néanmoins la mission que lui a confiée le législateur, de contrôle du respect du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
Mais, comme l'a souligné son représentant, le rôle de l'ACP est d'abord de s'assurer qu'il y a des systèmes de contrôle à l'intérieur des établissements. Ses interlocuteurs ne sont pas les quelque 50 000 agences ou points de vente disséminés sur le territoire, qui sont en contact avec la clientèle, mais les services centraux des établissements, qui mettent en place des mécanismes internes pour assurer la détection des opérations inhabituelles susceptibles de donner lieu à des soupçons de blanchiment, en bref l'ACP contrôle le contrôle de conformité.
Les contrôles sur place effectués par le régulateur ne portent pas sur le risque fiscal sous-jacent, qui n'est pas vu comme entrant dans la compétence de l'ACP . Les chefs de mission en charge d'une enquête générale ou d'une enquête thématique sur la LCB-FT se contentent donc de procéder à une vérification de la conformité des procédures et des pratiques de l'établissement concerné aux dispositions légales ou réglementaires.
Extraits du bilan des missions de contrôle sur le respect des obligations de lutte contre le blanchiment dans le domaine de la gestion de fortune pour les secteurs de la banque et de l'assurance - Février 2012 Le Secrétariat général de l'Autorité de contrôle prudentiel (SGACP) a procédé à l'analyse de dix-sept rapports de contrôle sur place qui ont concerné, en 2010 et 2011, vingt-et-un établissements de crédit, entreprises d'investissement et entreprises d'assurance appartenant à des groupes financiers français et étrangers et engagés dans des activités de gestion de fortune. L'analyse s'est centrée sur les dispositifs de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) de ces organismes. Dans l'ensemble, les organismes contrôlés ont fourni des efforts significatifs pour mettre leur dispositif de LCB-FT en conformité avec les obligations législatives et réglementaires issues de l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009. Les attentes de l'ACP en matière de gestion de fortune portent sur les principaux points suivants : - le renforcement de la gouvernance et notamment de la cohérence des dispositifs de contrôle interne et de LCB-FT au sein du groupe ; - la détection des clients présentant un risque élevé et la mise en place de mesures de vigilance adaptées ; - l'amélioration de la connaissance de la relation d'affaires et du client, à l'entrée en relation et pendant toute la durée de celle-ci ; - l'amélioration des dispositifs de surveillance automatisée des relations d'affaires ; - un respect plus diligent des obligations de déclaration à Tracfin, et notamment la réduction des délais de déclaration ; - l'amélioration des dispositifs de détection au regard des listes de gel des avoirs ; - le renforcement des moyens humains et techniques alloués aux unités en charge du dispositif de contrôle de la conformité. |
L'examen de l'ensemble des réponses fournies par le régulateur au questionnaire qu'a pu lui faire parvenir la commission d'enquête n'a pas permis d'infirmer son diagnostic d'ensemble : l'ACP exerce un contrôle des moyens mis en oeuvre tandis que les pratiques tangibles pouvant impliquer du blanchiment de fraude fiscale paraissent considérées assez superficiellement dans une démarche qui semble suivre le principe du contrôle de l'erreur manifeste 455 ( * ) .
Certes, comme l'a fait observer son représentant, le rôle de l'ACP ne peut pas être de surveiller, une par une, les millions d'opérations quotidiennes effectuées par les établissements de crédit, même en s'appuyant sur des outils automatisés : « toujours est-il qu'à l'occasion d'enquêtes ou de contrôles sur place, nous devons parfois regarder les dossiers individuels, à titre d'échantillonnage. » . De plus, par principe, le régulateur estime qu'il n'a « aucune compétence directement fiscale. Nous sommes juste chargés de surveiller que les entités respectent la réglementation professionnelle ».
Par ailleurs, si elle a une juridiction étendue dans le champ de l'UE à l'ensemble des entités d'un groupe bancaire dont le siège est en France, son rôle reste limité par les frontières (dans le champ extérieur à l'UE) et par l'existence de structures opaques, qu'elle peut ne pas pouvoir aisément détecter.
Cependant, il faut encore mentionner les travaux consacrés par la Cour des comptes à l'ACP ainsi que l'esprit des réflexions conduites de longue date au Sénat sur les questions de régulation, tendant à en renforcer la transparence et le professionnalisme.
La Cour des comptes a notamment pu se demander si l'ACP n'avait pas, en particulier dans son activité de prononcé de sanctions, une pratique trop hésitante. L'examen des décisions souligne la pertinence de cette interrogation, en particulier pour les affaires de blanchiment de fraude fiscale, qui se révèlent très peu nombreuses.
Votre rapporteur souhaiterait en toute hypothèse que dans la définition de sa politique de saisine de la commission des sanctions le collège de l'ACP fasse toute sa place aux problématiques envisagées par la commission d'enquête : l'application sans faille des normes anti-blanchiment que le Gafi a élargies en visant désormais la fraude fiscale en elle-même, et qui devrait inclure les pratiques d'évasion fiscale internationale, mais aussi le contrôle des voies par lesquelles un certain nombre d'agents opèrent pour divertir des avoirs hors de notre territoire en contravention avec les normes d'exercice des professions 456 ( * ) , la surveillance des pratiques internes aux établissements en ce qu'elles pourraient relever de procédés d'évasion fiscale mis en oeuvre à leur profit...
Il conviendrait de réfléchir également à la diversification des modalités de saisine de la commission des sanctions, le tropisme du collège pouvant influer sur l'attention portée à des faits qui n'entrent pas directement dans les préoccupations d'un régulateur essentiellement soucieux de stabilité financière. A ce sujet toutefois, votre rapporteur veut rappeler que le risque fiscal mérite d'entrer dans le champ du contrôle micro-prudentiel, la prévention étant le plus sûr moyen d'éviter des situations de contrôle qui au stade de la réparation peuvent s'avérer difficiles à gérer.
Ces constats sont sans doute le reflet de la conception du contrôle défendue par l'ACP. Ils font écho à une forme de prudence qui transparaît des instructions adressées aux établissements de crédit pour préciser les contours de la lutte anti-blanchiment. Par exemple, alors que le décret du 16 juillet 2009, qui identifie des critères de détection du blanchiment de fraude fiscale pourrait être interprété comme posant des obligations non exclusives de la considération d'autres hypothèses, les lignes directrices adoptées par l'ACP conjointement avec Tracfin exigent l'existence d'un des 16 critères définis par le décret pour que l'établissement procède à la déclaration de soupçon. Cette interprétation restrictive ajoute aux interrogations que suscite le contenu et la portée du décret précité.
Lors de son audition par votre commission, M. Philippe Jurgensen avait estimé qu'une modification des textes sur le blanchiment devrait intervenir, ces dispositions étant utilisées, par leur flou, pour ne pas dénoncer la fraude fiscale.
C'est également le sentiment de votre rapporteur.
Les dispositions du décret de juillet 2009 paraissent ne pas couvrir une série d'opérations considérées par le GAFI comme favorisant le blanchiment, qui, pour n'être théoriquement pas accessibles en France, peuvent être constatées par les établissements soumis au contrôle de l'ACP et à la déclaration à Tracfin dans la dimension internationale de leur activité.
L'utilisation de comptes numérotés, de titres au porteur n'est pas clairement mentionnée.
Par ailleurs, on pourrait considérer que l'existence de comptes, ou de relations avec de tels comptes, fonctionnant dans un certain nombre de pays peu transparents, pourraient donner lieu à signalement.
Mais, on butte alors sur les limites d'un dispositif qui, en pratique, ne concerne que des opérations réalisées sur le territoire national ou dans des pays où la vigilance pourrait être moins forte en raison de leur conformité générale aux standards internationaux.
C'est à l'article L.561-34 du code monétaire et financier qu'il faut se reporter pour relever une réserve d'importance, puisque cet article suspend les obligations de signalement quand les entités d'un groupe financier international se voient interdites par le droit en vigueur dans l'État d'implantation de procéder à l'échange d'informations relatives à leur clientèle, illustration éloquente d'un désamorçage des armes juridiques qu'on prétend se donner.
On relèvera que cette éventualité est pleinement intégrée par le GAFI dont la recommandation 22 prévoit en ce cas que « les autorités compétentes du pays où est située la société-mère devraient être informées, par les institutions financières, que celles-ci ne peuvent appliquer les recommandations du GAFI ».
Votre commission n'a pu vérifier l'accomplissement de cette obligation qui, il faut le reconnaître, semble avoir une portée essentiellement juridico-symbolique.
Elle doit observer que le Comité de Bâle , qui promeut une vision consolidée du risque de blanchiment suit une démarche révélatrice d'un biais culturel où le suivi individuel semble ne guère compter . Or, c'est bien l'identification individuelle qui importe pour déceler et réprimer la fraude et les moyens du terrorisme .
Sur ces questions, on pourra utilement de reporter aux « lignes directrices relatives aux échanges d'informations au sein d'un groupe et hors-groupe »de mars 2011 de l'ACP où les obligations relatives au secret professionnel sont particulièrement mises en exergue pour encadrer la fourniture d'informations nominatives .
Ce disant, votre rapporteur n'incrimine pas tant l'ACP que le système juridique, un peu monstrueux, qui préside à la lutte internationale contre le blanchiment du fait des incohérences entre les objectifs et les moyens de cette action et les « barrages juridiques » opposés par des États qui sont des poids lourds de la finance mondiale et dont certains appartiennent à l'espace européen.
Parmi les très nombreuses informations transmises par l'ACP, la commission d'enquête a encore choisi de mettre en évidence l'une d'entre elles qui lui semble fondamentale : « pour améliorer le contrôle, nous réclamons un raccourcissement des délais entre le moment où les opérations sont repérées et celui où Tracfin est avisé in fine . »
Réponse de l'ACP à la question 10 paragraphe 7 posée par la commission d'enquête. Question : L'ACP suggère un respect plus diligent des obligations de déclaration à Tracfin, et notamment la réduction des délais de déclaration ; quel est le délai moyen, le délai supérieur ? Réponse : L'ACP attend des organismes financiers soumis à sa supervision que les opérations atypiques détectées fassent l'objet d'une analyse systématique pouvant conduire, le cas échéant, à transmettre une déclaration de soupçon à Tracfin prévue par le Code monétaire et financier, dont celle prévue par l'article L. 561-15 II. Le résultat du dépouillement des QLB en 2011 (sur l'exercice 2010) a fait ressortir un délai moyen pour les organismes faisant partie du périmètre d'étude sur la gestion de fortune de 55 jours. Le maximum est de 235 jours. |
Les obligations du secteur bancaire en matière de signalement fiscal sont donc non seulement juridiquement limitées à la fraude, ce qui peut ne pas couvrir l'évasion fiscale, mais également appliquées de façon tardive , ce qui peut permettre au client d'échapper à d'éventuelles sanctions.
La commission d'enquête souligne tout particulièrement l'impératif de renforcement de la précocité du signalement par les établissements de la banque ou de l'assurance. Il lui semble opportun de fixer un objectif chiffré qui pourrait consister à diviser au moins par deux le délai moyen de 55 jours ainsi que de sanctionner les écarts excessifs et non justifiés à cette moyenne.
Les sanctions dont dispose l'ACP sont mentionnées aux articles L.612-39 à L.612-41 du Code monétaire et financier. Il s'agit de : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'interdiction d'effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l'exercice de cette activité ; 4° La suspension temporaire d'un ou plusieurs dirigeants ; 5° La démission d'office d'un ou plusieurs dirigeants ; 6° Le retrait partiel ou total d'agrément ou d'autorisation; 7° La radiation de la liste des personnes agréées. La Commission des sanctions peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire au plus égale à cent millions d'euros (1 million d'euros pour les changeurs manuels), et assortir la sanction d'une astreinte. La Commission des sanctions a été saisie en 2010 de sept procédures disciplinaires (dont trois étaient jointes car elles concernaient des faits connexes). En 2011, trois nouvelles affaires ont été portées à sa connaissance sur les quatre derniers mois de l'année suivant la publication tardive du décret mettant en oeuvre la réforme de la procédure prévue par la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010. Sur les cinq décisions rendues après jonction des trois affaires portant sur des faits connexes, quatre ont porté sur des griefs intégrant le non respect des procédures en matière de LCB-FT et/ou de contrôle interne. Les décisions ont été les suivantes : un blâme assorti d'une sanction de 150 000 euros, trois avertissements (assortis pour deux d'entre eux de sanctions pécuniaires de 20 000 et de 800 000 euros), un avertissement à un dirigeant et une suspension de dix ans assortie d'une amende de 10 000 euros adressé à un autre dirigeant. Outre ces pouvoirs de sanction, il convient de noter que l'ACP dispose également de divers pouvoirs de police administrative afin d'intervenir de façon correctrice. Ces pouvoirs figurent aux articles L.612-30 à L.612-34 du code monétaire et financier : il s'agit des mises en garde, des mises en demeure, des demandes de programme de rétablissement, des mesures conservatoires, ou de la possibilité de désigner un administrateur provisoire. La procédure de mise en demeure- qui n'existait pas dans le cadre de la Commission bancaire- a notamment vocation à être développée et à devenir un instrument régulier de contrôle (le domaine de la LCB-FT concerne un tiers des neuf mises en demeure décidées depuis mai 2010 par l'ACP). Il convient de noter que l'ensemble des pouvoirs dont dispose l'ACP ne peuvent être mis en oeuvre que lorsque les conditions fixées par le CMF, qui définit les motifs de mise en oeuvre des mesures, sont respectées : s'agissant des sanctions, il faut notamment, soit que l'établissement assujetti « ait enfreint une disposition législative ou réglementaire au respect de laquelle l'Autorité a pour mission de veiller ou un code de conduite homologué », soit qu'il n'ait pas respecté une mesure de police administrative. |
Par ailleurs, la commission d'enquête souhaite que le bilan de la mise en oeuvre effective des recommandations de l'ACP relatives au gel des avoirs puisse être établi dès que possible et en prendra connaissance avec intérêt.
Les préconisations de l'ACP relatives à l'amélioration des dispositifs de détection au regard des listes de gel des avoirs. Les organismes financiers sont tenus de procéder au gel des fonds et des ressources économiques des personnes désignées dans les règlements européens de mesures restrictives ou par des arrêtés du ministre français chargé de l'économie. La notion de gel est définie dans les règlements européens de mesures restrictives ou dans la législation nationale. Le gel est l'action, y compris le fait de s'abstenir de faire, dont l'effet est de priver une personne, un organisme ou une entité atteint par une mesure de gel de son pouvoir de contrôle sur la chose gelée ou de la possibilité de bénéficier ou de jouir de la chose gelée. Le gel oblige les organismes financiers à immobiliser les avoirs et à s'opposer à leur mutation et transmission par tout moyen : interdiction des débits et retraits, désactivation des moyens de paiement, non compensation de chèques, suspension de la faculté de rachat sur un contrat d'assurance-vie, interdiction d'accès aux coffres, interdiction d'ordre sur instruments financiers, etc. En outre, aucun fonds, ni aucune ressource économique ne doit être mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes visées par de telles mesures. Ceci n'interdit pas de poursuivre l'alimentation des comptes déjà ouverts par des versements, par exemple des intérêts, à la condition que ces sommes soient également gelées. L'ACP attend des organismes financiers soumis à sa supervision : - qu'ils se dotent de dispositifs opérationnels et adaptés (procédures, moyens humains, outils etc.) à leurs activités permettant de détecter et de bloquer toute opération au bénéfice d'une personne ou d'une entité faisant l'objet d'une mesure de gel des fonds, instruments financiers et ressources économiques ; - qu'ils mettent en place un dispositif de détection automatisée , si les activités le justifient, des clients et des opérations, lors de l'entrée en relation d'affaires et pendant toute la durée de celle-ci ; - qu'ils mettent à jour, sans délai, les listes de personnes et entités soumises à des mesures de gel des avoirs (en fonction des évolutions des textes européens et français) et qu'ils paramètrent les dispositifs de détection de telle sorte que les variations orthographiques soient prises en compte ; - qu'ils s'assurent du traitement et du suivi des alertes engendrées par les dispositifs de détection, et que la Direction Générale du Trésor, autorité compétente en matière de gel des avoirs, puisse être saisie, le cas échéant, dans les plus brefs délais. |
* 455 A cet égard, l'observation, entre parenthèses, mentionnée dans la réponse à la question n° 4 du questionnaire adressé par votre rapporteur à l'ACP, qui ne s'imposait en rien, paraît témoigner d'une ouverture inachevée aux réalités de la fraude et de l'évasion fiscale internationale.
* 456 A ce sujet, il conviendrait de s'assurer que l'ACP a joué tout son rôle dans des affaires auxquelles votre rapporteur a été très sensible, avant que l'ouverture d'une information judiciaire n'intervienne, l' obligeant, lui et la commission, à céder le pas à la justice.