c) Pour une meilleure prévention de l'évasion fiscale

La prévention de l'évasion fiscale qui suppose notamment la connaissance de la diffusion des montages et de leur utilisation est insuffisamment développée malgré son utilité. Elle pourrait s'appuyer sur des techniques rénovées d'appréciation des risques ainsi que sur des processus d'intervention administrative plus rapides.

Le directeur des vérifications nationales et internationales a souligné que pour garantir l'efficacité du contrôle fiscal des grandes entreprises, tous les vérificateurs doivent être informés au plus vite dès qu'un type de montage non conforme au droit est repéré, car ce dernier risque de proliférer .

Certains pays ont systématisé la démarche préventive en rendant obligatoire le dévoilement des nouveaux schémas d'optimisation . Une étude publiée par l'OCDE sur le rôle des intermédiaires fiscaux a souligné, dès 2008, quelques bonnes pratiques à l'égard de la « planification fiscale agressive » qui se résument à la communication obligatoire des montages fiscaux à l'administration.

Communication préalable de renseignements

Le Canada, l'Afrique du Sud, le Royaume-Uni et les États-Unis appliquent des règles de droit exigeant que certains dispositifs ou mécanismes soient communiqués aux services fiscaux avant la déclaration d'impôt - généralement lorsque le dispositif est promu. Dans ces quatre pays, c'est essentiellement sur l'intermédiaire fiscal que pèse cette obligation de divulgation.

L'expérience des pays utilisant de tels systèmes a montré qu'ils exercent un pouvoir de dissuasion important et qu'ils diminuent l'attractivité de la planification fiscale agressive. Ils atténuent directement l'attrait économique de ces dispositifs, réduisant sensiblement le temps nécessaire aux administrations fiscales pour les détecter et y répondre (que ce soit par des moyens législatifs ou devant les tribunaux). La période durant laquelle l'intermédiaire fiscal peut percevoir des honoraires est écourtée, de même que, du fait de la plus grande rapidité de la réponse, celle où le contribuable peut profiter d'avantages fiscaux. Ces systèmes doivent être élaborés avec soin pour parvenir à leurs objectifs. Plus de détails sont donnés au chapitre 6 et à l'annexe 6.1.

En 2006, l'Australie a adopté des « lois sur les pénalités applicables aux promoteurs » (« promoter penalty laws »). Elles visent à dissuader la promotion de systèmes d'optimisation fiscale abusive en imposant des sanctions civiles et en prévoyant des injonctions à ce titre.

Lors d'un discours en 2006, le directeur général des impôts (« ATO Commissioner ») a précisé, au sujet de ces dispositions, que « dans leur grande majorité, les professionnels de la fiscalité agissent avec déontologie et professionnalisme et apportent ainsi une contribution essentielle à la protection de l'intégrité du système fiscal. Cette législation vise à éliminer les agents non scrupuleux qui diffusent des dispositifs non viables au détriment des contribuables honnêtes comme des conseillers respectueux des principes déontologiques . »

Source : étude sur le rôle des intermédiaires fiscaux (OCDE - 2008)

Un rapport publié par l'OCDE en février 2011 sur ce même thème - « Lutter contre la planification fiscale agressive par l'amélioration de la transparence et de la communication de renseignements » - montre comment plusieurs pays ont mis au point des stratégies innovantes qui se fondent sur l'accès le plus précoce possible à des renseignements fiscaux ciblés et complets , ce que les contrôles classiques ne permettent plus à eux seuls d'obtenir.

Par ailleurs, à l'occasion de son déplacement à Londres, votre rapporteur a pu recueillir des témoignages de terrain sur l'efficacité pratique du système britannique d'intervention administrative en cas de découverte de schémas agressifs. Cette dimension de l'action contre l'évasion fiscale qui intéresse sa dimension préventive avait été évoquée par M. Olivier Fouquet lors de son audition. HMRC, l'administration fiscale britannique, peut publier instantanément des actes administratifs de suspension des montages fiscaux qu'elle conteste et qui peuvent être sanctionnés par le Parlement britannique. Le droit français s'opposerait, en certains de ses principes - la suprématie de la loi- à un tel processus. Pourtant, l'administration fiscale dispose déjà d'un pouvoir un peu exorbitant, celui d'instruction fiscale, sous réserve toutefois qu'il se situe dans le respect du droit existant. La différence avec la situation anglaise semble tenir dans la faculté réservée du côté anglais de statuer ultra-legem. Quoiqu'il en soit, même si la pratique a été quelque peu rationalisée, le relatif échec du rescrit montre que l'intervention administrative n'est pas parfaitement dans les moeurs françaises, des déconvenues aussi retentissantes que celle intervenue dans l'affaire des fonds turbo ayant pu marquer les esprits.

Les renseignements fournis à Londres par les autorités fiscales coïncident avec les conclusions de l'OCDE : les règles de communication obligatoire de renseignements applicables aux dispositifs d'évasion fiscale(combinées avec la pratique du « fiscal scoring » des grandes entreprises), auraient permis au Royaume-Uni de réduire de plus de 12 milliards de livres les possibilités de contournement de l'impôt.

Le tableau ci-dessous présente le bilan précis de la législation britannique adoptée en 2004 ( Tax Compliance Risk Management Process - Processus de gestion du risque en matière de discipline fiscale) : elle oblige le « promoteur » du schéma fiscal, c'est-à-dire la plupart du temps un cabinet de conseil, ou, à défaut, son utilisateur à en communiquer le contenu à l'administration fiscale des la phase préparatoire à la vente du dispositif.

Source : « Lutter contre la planification fiscale agressive par l'amélioration de la transparence et de la communication de renseignements » OCDE - février 2011

Certains pays ont adopté des règles qui, sans obliger les contribuables à communiquer les dispositifs de planification fiscale agressive, les y incitent fortement puisque cette démarche peut leur permettre de bénéficier de pénalités minorées en cas de redressement.

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