b) Un nouvel élan politique préfigurant une action commune plus ambitieuse ?
Un nouvel élan politique a été donné à la lutte contre l'évasion fiscale à l'échelle de l'UE. D'abord, le 25 mars 2011 , vingt-trois États membres 378 ( * ) ont signé le Pacte Europlus destiné à renforcer le pilier économique de l'Union européenne : ce pacte, qui reste peu contraignant, prévoit de progresser dans la voie de la coordination fiscale, notamment afin de lutter contre l'évasion fiscale. En novembre 2011, pour la première fois, un rapport 379 ( * ) sur les politiques fiscales propices à la croissance dans les États membres et sur l'amélioration de la coordination fiscale a été annexé à l'examen annuel de croissance, document présenté par la Commission européenne pour lancer le semestre européen de 2012. Puis, ce sont les vingt-sept chefs d'État ou de gouvernement réunis les 1 er et 2 mars 2012 en Conseil européen qui ont conclu ainsi : « La politique fiscale peut contribuer à l'assainissement budgétaire et à la croissance. (...) Le Conseil et la Commission sont invités à concevoir sans tarder des moyens concrets de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, y compris en rapport avec les pays tiers, et à en rendre compte d'ici juin 2012 ». La Commission européenne a effectivement présenté au Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 une communication 380 ( * ) proposant des pistes concrètes pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, estimant à 2 000 milliards d'euros au total l'économie souterraine dans l'UE, soit un cinquième du PIB . Elle y plaide pour une stratégie commune, s'appuyant sur la force du nombre d'une Union à vingt-sept États membres, et définit une approche à trois niveaux : national, européen et international. Un plan d'action concret sera présenté d'ici la fin de 2012, incluant des initiatives à l'égard des paradis fiscaux et de la planification fiscale agressive.
Le Parlement européen contribue également à remettre le sujet de l'évasion fiscale sur le devant de la scène . Il a d'abord mis l'accent sur le détournement de fonds publics en décidant, en mars 2012, de créer une commission spéciale chargée d'enquêter sur l'impact social et économique négatif du crime organisé en Europe, particulièrement la criminalité mafieuse. Plus récemment, le Parlement a directement appelé à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Dans une résolution adoptée le 19 avril 2012, il exhorte les États membres à se concentrer sur la perception de l'impôt et la lutte contre la fraude fiscale, notamment en utilisant davantage les outils d'échange d'informations à l'échelle européenne, notamment les échanges automatiques d'informations. Il considère nécessaire de revoir la directive sur l'épargne, la directive mère-filiale 381 ( * ) et la directive intérêts et redevances (au titre desquelles, on l'a vu, certains flux entre sociétés échappent à toute véritable imposition) et souligne le rôle clé que pourrait jouer une assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés contre la fraude fiscale.
Ce faisant, le Parlement européen invite les États membres à faire progresser les nombreuses propositions que la Commission européenne a avancées ces dernières années : révision de la directive Epargne proposée depuis mars 2008, révision de la directive sur les paiements d'intérêts et redevances entre sociétés associées, proposition en 2011 pour une assiette consolidée d'impôt sur les sociétés, proposition de taxe sur les transactions financières... Mais, sur toutes ces questions, la règle de l'unanimité rend difficile toute avancée et, malgré l'élan donné par le Conseil européen les 1 er et 2 mars 2012, la présidence danoise du Conseil de l'UE n'a pu faire qu'aveu d'impuissance fin juin 2012, en passant la main à la présidence chypriote pour les six prochains mois. De nombreux intérêts nationaux entravent effectivement l'action commune au niveau de l'UE .
* 378 Outre les 17 Etats membres de la zone euro, ont signé la Bulgarie, le Danemark, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie.
* 379 Annexe IV à l'examen annuel de la croissance 2012, Politiques fiscales propices à la croissance dans les Etats membres et amélioration de la coordination fiscale , COM(2011)815 du 23 novembre 2011.
* 380 COM (2012) 351 du 27 juin 2012.
* 381 La directive « sociétés mères et filiales » de 1990 vise à éliminer la double imposition des dividendes distribués par les filiales à leurs sociétés mères situées dans un autre État membre. Elle a été amendée et améliorée en 2003.