E. ENCOURAGER UN ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL EQUITABLE ET ADAPTÉ.

Nous avons déjà évoqué les décisions récentes de la Cour de justice de l'Union européenne qui valide la nécessité de tenir compte des contraintes spécifiques liées au statut coopératif dans l'application du droit de la concurrence et des aides d'État 31 ( * ) . Une application uniforme de ces règles génère en effet ce que coop.fr appelle des « discriminations à rebours », à savoir que des sociétés coopératives peuvent se voir privées d'aides publiques ou être soumises à des obligations totalement inappropriées qui les lèsent dans leur développement. Combattre ces discriminations à rebours n'a pas pour but de donner aux coopératives des avantages particuliers, mais au contraire vise à établir une égalité réelle de traitement.

1. Appliquer le droit de la concurrence en respectant les spécificités des coopératives agricoles
a) Préserver un régime fiscal équitable

Le mouvement de la coopération agricole a fait part à votre rapporteur de son inquiétude concernant la manière dont les autorités en charge du respect des règles de la concurrence, tout particulièrement au niveau national, appliquent certaines notions du droit de la concurrence. La nécessité de prendre en compte la spécificité coopérative dans l'application de ce droit étant reconnue par la CJUE elle-même, il serait regrettable que les autorités nationales aillent au-delà du nécessaire et fassent preuve d'un rigorisme excessif.

Le premier point d'inquiétude pour le secteur coopératif agricole concerne la contestation du régime fiscal dérogatoire des coopératives agricoles . Une plainte a été déposée en 2004 auprès de la Commission européenne contre l'État français pour aide d'État illégale par la Confédération du commerce en gros et du commerce international (CGI).

Sans entrer dans une analyse fiscale détaillée et complexe qui n'aurait pas sa place dans le présent rapport, il est important de rappeler que l'exonération de certaines taxes 32 ( * ) correspond à une compensation des contraintes spécifiques qui pèsent sur la gestion des coopératives agricoles :

- celles-ci sont contraintes dans le développement de leur activité , puisque, d'une part, la règle de l'exclusivisme limite à 20 % du chiffre d'affaires le volume des opérations réalisées avec les non coopérateurs 33 ( * ) et, d'autre part, la loi circonscrit étroitement leur objet social (leur finalité est de réaliser des opérations visant à développer les activités agricoles de leurs membres 34 ( * ) ) ;

- elles sont également soumises à des contraintes de financement , comme toutes les coopératives, du fait de leur logique économique non capitaliste (rémunération limitée du capital, non partage des recettes, etc.).

Ces contraintes spécifiques justifient, comme l'admet la jurisprudence européenne, des règles fiscales dérogatoires d'une ampleur proportionnée . Or, votre rapporteur estime que ce principe de proportionnalité est bien respecté. D'une part, l'exonération partielle d'impôt sur les sociétés pour les opérations réalisées avec les coopérateurs est un instrument de renforcement des fonds propres par auto-accumulation qui compense l'impossibilité de se financer sur les marchés financiers et qui est strictement encadré du fait de l'impartageabilité des réserves coopératives. D'autre part, le régime dérogatoire en matière d'imposition locale permet de maintenir des activités agricoles et un certain développement économique en milieu rural, ce qui correspond bien à un objectif d'intérêt général des territoires concernés. Enfin, il faut rappeler que le régime dérogatoire des coopératives agricoles est étroitement contrôlé par l'administration dans la mesure où son application est subordonnée au fait que les coopératives se comportent bien conformément aux règles de la coopération. Elles sont à ce titre soumises à une obligation de révision coopérative périodique.


* 31 Voir supra p. 25.

* 32 Exonération de certaines taxes locales  (taxe foncière sur les propriétés bâties et contribution économique territoriale) et exonération partielle de l'impôt sur les sociétés.

* 33 Lesquelles opérations sont d'ailleurs taxées dans les conditions de droit commun.

* 34 C'est la raison pour laquelle les activités industrielles des coopératives agricoles sont réalisées dans des filiales commerciales classiques soumises à une fiscalité de droit commun.

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