F. L'INGÉNIERIE AU SERVICE DE LA RÉSISTANCE À L'INONDATION

Un changement de politique en faveur des territoires inondables suppose aussi une meilleure connaissance et une plus grande diffusion des techniques de construction améliorant la résistance des bâtiments à l'inondation et à ses séquelles.

1. Maintenir une ingénierie publique de qualité dans les régions à risque

L'ingénierie publique, on l'a vu, a été sérieusement mise à mal par la réforme générale de l'administration territoriale de l'État. Le bon sens voudrait pourtant que les services de l'État des départements les plus exposés au risque inondation, comme dans le sud-est de la France disposent des ingénieurs suffisants pour mener à bien les missions d'études et de travaux nécessaires en matière de prévention des inondations, qu'il s'agisse de leurs missions propres ou du conseil aux collectivités territoriales. Tout en laissant le soin au Gouvernement d'en prévoir les modalités, la mission suggère que des soutiens ponctuels puissent être apportés aux directions départementales des territoires et de la mer par la voie d'une mutualisation de spécialistes au niveau régional.

- Maintenir des moyens humains dans les départements présentant des risques d'inondation nécessitant une ingénierie publique pour la mise en oeuvre de la politique de prévention des inondations.

2. Les techniques de construction en zones inondables

En matière de prévention des inondations, la formation des ingénieurs de l'État ou des collectivités territoriales a longtemps été orientée exclusivement vers les aménagements des cours d'eau : digues, bassins écrêteurs ou de rétention... Le manque de formation aux techniques de constructions résilientes est évident.

Leur objectif est de réduire les dégâts occasionnés par une inondation pour limiter leurs coûts financiers et la durée de cessation de l'activité. Quelques jours d'inondation d'un bâtiment, c'est plusieurs mois avant un retour à la normale.

Cette préoccupation est d'autant plus légitime que « nos villes peuvent aujourd'hui s'inonder elles-mêmes lors d'orages ou de pluies longues. L'imperméabilisation grandissante et le dimensionnement des réseaux pour des événements de fréquence décennale ou vicennale conduisent ceux-ci à déborder plus facilement : la ville inonde la ville, ce que les Anglais ont découvert à deux reprises, à leurs dépends, en 2000 et 2007. C'est une préoccupation aujourd'hui centrale à Rotterdam, Dublin, Anvers ou Hambourg, comme à Marseille » (CEPRI).

Il ne s'agit plus seulement de combattre un phénomène naturel mais d'aménager un territoire pour qu'il puisse vivre avec lui. Vivre avec le risque et non plus espérer, illusoirement pouvoir l'oublier. M. Nicolas Bauduceau, directeur scientifique et technique du CEPRI, admettait d'ailleurs, lors de son audition, que « si nous avions autant investi sur la construction résiliente que nous l'avons fait pour la protection depuis vingt ans, [...] nous saurions d'ores et déjà construire des quartiers résilients. »

Là aussi, il s'agit de mettre en balance le coût des travaux et l'avantage qu'on en peut tirer, les situations les plus favorables étant les constructions nouvelles et les opérations de rénovation urbaines comme le montre l'exemple d'Ajaccio.

Exemple d'Ajaccio : « le risque a été notre chance »

La contrainte « inondation » était incontournable et rédhibitoire dans le périmètre du projet ANRU, touché par des zones d'aléas forts et très forts. Le principe de précaution et la politique de l'État en matière de risques amenaient à figer le quartier en l'état, voire à autoriser les démolitions, mais pas de reconstructions. Or la démolition - reconstruction est le schéma classique et un critère fondamental des projets ANRU.

Le projet a donc été réexaminé au regard :

- de l'ensemble des contraintes : risque d'inondation, manque de foncier disponible sur Ajaccio ;

- des nécessités liées à ces contraintes : aménagements hydrauliques, exutoire vers la mer, réduction de la vulnérabilité des équipements publics, économiser le foncier ;

- et des besoins exprimés par les habitants, plutôt satisfaits de leurs logements, mais qui constatent que les espaces publics sont négligés.

Ainsi, le nouveau projet a valorisé les contraintes en s'orientant vers la requalification des espaces publics, la réalisation d'aménagements et d'équipements de qualité qui prennent en compte la réduction de vulnérabilité aux inondations, en programmant la création de bassins de rétention et des travaux sur les réseaux d'eaux pluviales, et en évitant les démolitions inutiles.

Les acteurs sont unanimes à dire que la contrainte d'inondation a finalement été une chance pour le projet, moins onéreux, et plus satisfaisant pour les habitants.

Source : Ministère de l'Écologie, de l'Énergie du Développement et de l'Aménagement du Territoire - Établissement public Loire, Quinze expériences de réduction de la vulnérabilité de l'habitat aux risques naturels. Quels enseignements?, 2008

Lors des assises de Bordeaux, M. Guy Pustelnik, président de l'établissement public territorial du bassin de la Dordogne, relevait ainsi que « les étudiants de l'école d'architectes de Bordeaux - où se tenait ces assises - ne reçoivent aucun enseignement [...] en matière d'inondation. ».

La mission appelle donc de ses voeux un effort sur la formation et de sensibilisation à ces techniques du personnel de l'État et des collectivités territoriales.

- Intégrer pour les ingénieurs de l'État ou des collectivités territoriales une formation portant sur les techniques de constructions résilientes.

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