2. Les plans de prévention du risque d'inondation (PPRI) et la protection par les contraintes réglementaires d'urbanisme

Depuis 1995 et l'adoption de la loi Barnier, le PPRI est devenu l'outil de référence en matière de prévention des risques d'inondation (Annexe 5). À ce jour, il a été imposé dans la quasi-totalité des territoires inondables, souvent par vagues, au lendemain d'événements dramatiques, comme on a pu le voir dans le Var.

Lors de ses déplacements, la mission a pu se rendre compte à quel point, malgré sa technicité, le contenu et les conséquences du PPRI étaient parfaitement intégrés par les acteurs locaux. Élus, comme responsables associatifs, parlaient spontanément de « zones rouges » ou de « zones bleues », d'aléas de référence ou encore d'études hydrologiques. Lors de leur élaboration, les PPRI sont donc un objet du débat local, ce qui est positif, et souvent de blocage, ce qui l'est moins.

Découlant directement de l'identification du risque précédemment décrite, le PPRI a pour objet de délimiter les zones selon leur degré d'exposition au risque - les « zones de danger » - ou qui, sans être directement exposées, peuvent aggraver le risque existant ou provoquer un nouveau risque. À ces zones correspondent des prescriptions spécifiques relatives aux constructions et activités, pouvant aller jusqu'à l'interdiction absolue, et des couleurs renvoyant à l'intensité d'exposition aux risques et aux prescriptions qui vont avec.

Le PPRI est prescrit et élaboré par l'État au terme d'une procédure dite de « concertation » fixée par le représentant de l'État lui-même. Une fois adopté, le PPRI s'impose alors aux documents d'urbanisme en cours ou à venir, tel le PLU, comme aux autorisations d'occupation des sols, tels les permis de construire.

Le PPRI produit aussi des effets sur les particuliers et les entreprises Ainsi, les compagnies d'assurance peuvent refuser d'assurer une personne qui, dans le délai de 5 ans, ne se conformerait pas aux prescriptions contenues dans le PPRI et, comme on l'a vu, les assurés des communes non dotées d'un PPRI approuvé voient également leur franchise « catnat » augmenter de manière exponentielle en cas de classement répété de la commune en état de catastrophe naturelle pour le même risque. Manière d'inciter ces communes à ne pas s'opposer voire à faire accélérer l'adoption d'un PPRI. Reste à comprendre la logique d'un dispositif qui pénalise des sinistrés qui ne sont pour rien dans le retard pris dans la mise en place d'un PPRI.

Enfin, de l'identification du risque dépendront les choix d'aménagement qui devront concilier protection, intérêts privés et dynamique de développement local. Conciliation si peu évidente qu'elle se transforme généralement en conflits entre les élus locaux et les services de l'État lors des phases d'élaboration.

L'article L. 562-3 du code de l'environnement confie au préfet le soin de définir les modalités de la concertation relative au projet de PPRI, en exigeant toutefois que soient associés à son élaboration les collectivités territoriales et les EPCI. Outre le recueil d'avis des assemblées délibérantes, les élus locaux sont généralement informés lors de plusieurs réunions de présentation et d'échange de l'avancement du projet de PPRI. Le juge veille au respect de cette procédure, le défaut de concertation pouvant entraîner une annulation du PPRI, même si le cas est rare. La théorie rappelée, il n'en demeure pas moins que dans bien des cas cette concertation se limite à la production dans un même lieu de deux discours parallèles quand ce n'est pas à la simple communication aux élus des décisions de l'administration. La multiplication des réunions de ce type, si elle peut impressionner le juge, ne fait pas pour autant une concertation.

Les conflits peuvent porter sur le principe même du PPRI ou sur ses modalités. Quand les collectivités peuvent s'appuyer sur une expertise propre de qualité, les services de l'État sont contraints de pousser plus loin leurs études. Ce débat d'ordre technique masque en fait deux aspirations différentes : la volonté de protection maximale des zones à risque du côté de l'État, le souhait de sauvegarder des possibilités de développement des zones à risque du côté des collectivités territoriales.

Le cas du PPRI de Vaison-la-Romaine dans le département du Vaucluse

Le 22 septembre 1992, à la suite de pluies violentes et imprévues de l'ordre de 300 mm avec une accumulation de 11 km de nuages, l'Ouvèze avait atteint, dans des endroits marqués par des crues ne dépassant pas traditionnellement les 50 ou 60 cm, un niveau de près de 3 m conjugué à une vitesse inouïe d'environ 2 m/s. Sous le pont romain, goulot d'étranglement pour l'écoulement des eaux, la rivière avait même atteint 17 m de hauteur sans toutefois faire rompre l'ouvrage antique. Au total, 41 victimes furent à déplorer, après l'inondation de l'école, d'un camping et de l'aval du pont romain, notamment d'un lotissement. Il n'a été retrouvé trace dans les archives municipales d'un phénomène de cette ampleur qu'en 1610, date où le parapet du pont romain avait été emporté comme en 1992.

Le représentant de l'État a, quelques années plus tard, initié une procédure d'élaboration d'un PPRI pour la vallée de l'Ouvèze. Pour ce faire, les services de l'État ont pris comme référence la crue meurtrière du 22 septembre de 1992, la plus importante connue. Le résultat final contient, pour la commune, des erreurs voire des lacunes.

Pour faire valoir son point de vue, la commune a alors diligenté et financé une contre-étude hydrologique sur les zones litigieuses pour mieux connaître le risque. Des permis de construire délivrés par le maire ont d'ailleurs été validés par le tribunal administratif alors même que le PPRI, connu mais non opposable, classait la zone de construction en zone de danger. Par exemple, la commune de Vaison-la-Romaine a contesté le classement de la zone d'activités des Aurics en « zone rouge », secteur qui, bien qu'inondé en 1992, a dû cette mésaventure, non au débordement de l'Ouvèze, mais à des eaux de ruissellement bloquées par l'ancienne voie de chemin de fer.

La concertation - soumise à un régime juridique désormais renforcé - s'était concrétisée alors par une association des élus à des réunions de lancement à compter de 2002, des réunions par groupes de communes, entre mai 2002 et novembre 2006, avec 9 réunions où étaient présents des élus de la commune de Vaison-la-Romaine, des actions de communication entre avril 2004 et novembre 2006 et finalement le recueil d'avis préalables à l'adoption du projet par arrêté préfectoral

Au terme de ces années, le préfet du Vaucluse a décidé d'approuver le PPRI du bassin versant de l'Ouvèze sur la commune de Vaison-la-Romaine par un arrêté du 30 avril 2009 que la commune a contesté par un recours gracieux. Ce recours a été rejeté par le préfet le 6 octobre suivant. La commune s'est finalement résolue à saisir, par une requête du 5 novembre 2009, le tribunal administratif de Nîmes.

Dans son jugement du 23 juin 2011, le tribunal a annulé partiellement le PPRI mais sur le fondement d'une mauvaise appréciation du risque par le préfet et donc d'une détermination illégale des zones de risque. Il a cependant rejeté les autres arguments de la commune. Ce jugement illustre la difficulté, a fortiori pour le juge, de départager les arguments scientifiques et parfois contradictoires extraits des expertises. La rédaction du jugement démontre bien que, face à deux positions divergentes, le juge apprécie la vraisemblance des affirmations techniques en fonction de leur cohérence et de leur concordance : absence de contradiction entre l'expertise et la contre-expertise, précision des expertises présentées, témoignages ou encore contradiction dans les affirmations d'une partie.

Ce jugement est actuellement frappé d'appel.

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