D. UNE ENTREPRISE DE CAMOUFLAGE FINANCIER.

Que ce soient surtout les collectivités territoriales et les assurés qui financent la politique de lutte contre l'inondation et non l'État est le second non-dit. L'usine à gaz du financement de la lutte contre les catastrophes naturelles est aussi une entreprise de camouflage. L'État décide de tout, à moindre frais.

Si le bilan financier exact reste à faire, ce n'est donc pas seulement parce que l'exercice est complexe, d'autant plus difficile que les aspects autant que les acteurs de cette politique sont multiples, que les chiffres relatifs à la sécurité civile et aux catastrophes naturelles en général individualisent rarement les dépenses strictement liées à l'inondation.

Si on en est réduit à des évaluations par définition contestables, s'agissant du seul financement de la sécurité civile et des catastrophes naturelles, on ne doit pas être loin de la vérité en disant que, sur un total de plus de 7 milliards d'euros, la charge incombe à 70 % aux collectivités territoriales, le reste étant partagé à peu près par moitié entre le budget de l'État et les particuliers plus les professionnels avec une participation des agences de l'eau dont l'essentiel des ressources a pour origine les consommateurs.

La principale charge touche à la sécurité civile. Comme l'écrit M. Georges Ginesta : « En France, la politique régalienne de la sécurité civile est définie au niveau national, alors qu'elle est gérée et financée par des structures dépendant des collectivités territoriales.

Les dépenses de l'État consacrées à la sécurité civile sont évaluées à près d'un milliard d'euros, quand les collectivités territoriales y consacrent annuellement plus de 4,7 milliards d'euros. » 147 ( * ) 56 % sont financés par les départements et 44 % par les communes et intercommunalités.

La seconde charge, un peu plus d'un milliard d'euros, est celle des surprimes d'assurances qui financent le régime « catnat », le fonds « Barnier » (226 millions d'euros en 2011) et le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), pour moitié (90 millions d'euros).

À la charge de l'État, outre la sécurité civile : 15 millions d'euros au titre du programme 122 en 2012 (aides exceptionnelles aux collectivités territoriales), la moitié du FNGRA (90 millions d'euros), des dépenses fiscales variables selon les années (4 millions d'euros pour le Var en 2010). Rappelons que la contribution de l'État aux investissements de prévention est financée par une ponction sur le fonds « Barnier », alimenté par les assurés et non par le budget de l'État.

Pour les collectivités territoriales, il faut ajouter aux charges des SDIS, les investissements liés ou non aux PPRI, aux PAPI, aux divers plans grands fleuves, les dépenses de personnel, les participations aux divers établissements publics gestionnaires des rivières, cours d'eau et de la prévention, les subventions aux associations de volontaires, les dépenses de communication en direction de la population et d'alerte, etc. Difficile d'avancer un chiffre pour ce panier d'actions, mais, comme on a tenté de l'établir, la seule charge relative aux EPTB et assimilés et les participations au plan « grands fleuves », représente plus de 180 millions d'euros annuellement. Tout considéré la charge devrait se situer entre 250 et 350 millions d'euros. (Voir Titre V.III.E, p. 226)

Malgré le caractère non homogène des séries de chiffres qui, en toute rigueur, interdit de les additionner, les écarts sont trop nets pour masquer l'essentiel, à savoir qu'en matière de lutte contre l'inondation le système français :

1 - a fait le choix de l'intervention et de l'indemnisation plutôt que celui de la prévention,

250/350 M €

530 M €

1 200 M €

Prévention active

Indemnisations « catnat »

Dommages

2 - fait porter la charge de cette politique d'abord aux collectivités locales (2/3) puis quasiment à égalité à l'État et aux assurés et aux consommateurs.


* 147 Assemblée nationale - Rapport (n°3805) sur le projet de loi de finances pour 2012 - annexe n°41 Sécurité civile - présenté par M. Georges Ginesta au nom de la commission des finances. Octobre 2012.

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