15. Edmond Hervé, sénateur, ancien ministre

Jeudi 11 octobre 2012

Je vous remercie pour cette audition au cours de laquelle je n'évoquerai pas le rôle de l'Etat, chacun en ayant sa conception. Il existe une demande pressante d'un Etat proche, présent, lisible, que ceci soit le fait de ses agents d'autorité ou de ses services.

« L'avenir des campagnes » : je voudrais vous donner un résumé de mon expérience. Rien n'est plus néfaste que l'opposition ville-campagne et pour mettre en oeuvre la politique qui vous intéresse nous devons avoir une approche décentralisée, partenariale, ascendante et volontariste.

Pour ce faire, il faut tout d'abord définir un territoire homogène, avec un esprit d'appartenance, capable de mise en commun. Ce peut-être un bassin de vie, un pays, une vallée, une ou des intercommunalités.

Un territoire « révélé » par des élus, des acteurs économiques, associatifs, une autorité administrative, un chercheur...

Il faut ensuite bâtir, écrire un projet qui soit débattu, transversal, fondé sur une culture de développement, de confiance et d'action. Ce projet aura d'autant plus de consistance qu'il bénéficiera d'une fonction de diagnostic, d'observation, de veille, de prospective. Cette fonction peut être assurée par des agences de développement (cf. les agences d'urbanisme) qui peuvent dépendre du département (prévue par les lois Defferre de 1982-1983), d'une ou plusieurs intercommunalités, de l'Université, d'un organisme privé par délégation. Pour que cette mission fonctionne, il faut identifier les défis à relever.

Le premier est celui de la démocratie, ce qui pose la question de la représentation. Puis vient le défi démographique : une population qui chute tourne le dos à l'avenir. Viennent ensuite les défis économiques, culturels, financiers, environnementaux, éducatifs...

Les campagnes proches des villes ou d'une communauté peuvent tirer parti des services disponibles, souvent insuffisamment utilisés, d'où l'intérêt des conseils de développement.

La difficulté est de concilier les approches sectorielles et territoriales. Je crois au développement endogène, qui permet de s'extirper du champ d'une concurrence et d'impératifs de compétitivité exacerbés. Les CTL ont de nombreux outils d'aménagement, qui doivent absolument préserver le foncier. Il faut aussi un « plan environnement », un schéma de services publics, un schéma de formation, un schéma culturel, un schéma de transport, (y compris pour les marchandises), un plan pour le logement...

D'un point de vue économique, il faut inventer et privilégier les circuits courts, pour lesquels il existe de très nombreuses initiatives exemplaires. La quête de labels est une absolue nécessité.

Au niveau du département, une agence de développement est, à mon sens, nécessaire.

Concernant les ressources du territoire, la révision des valeurs locatives est nécessaire. Par ailleurs, une partie des dépenses de solidarité devrait être prise en charge par l'Etat. Une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG apporterait plus de justice et donnerait un meilleur fondement à la péréquation. A titre d'exemple, la mise en place de la taxe professionnelle à taux unique dans l'agglomération rennaise en 1992 a fait passer l'écart de TP par habitant de 1 à 60 à 1 à 4.

La taxe professionnelle à taux unique permet un aménagement du territoire national, évite les concurrences coûteuses et l'étalement urbain. Le modèle d'une ville-archipel avec des ceintures vertes sanctuarisées par un plan respecté peut-être une bonne référence.

[ Renée Nicoux - L'intercommunalité de projet progresse-t-elle ?]

Il y a une progression indubitable, même si les contenus sont très variés. La difficulté est de trouver un projet commun qui fédère, sans déposséder le maire. L'intercommunalité doit être comprise comme une extension de compétence, et non comme une réduction de compétence.

[ Renée Nicoux - avec des communes souvent petites, les intercommunalités rassemblent parfois de très nombreux membres... ]

Pour ce qui est des fusions, il ne faut pas être trop impératif. Par exemple, dans la Haute Marne, des communes réunies sous l'empire de la loi Marcellin sont en train de défusionner...

[ Gérard Bailly - dans les campagnes de l'intérieur, il existe une certaine vitalité à moins de 30 minutes des grands pôles, mais au-delà, que faire ?]

La première chose est d'investir dans la communication : voirie, accès à Internet.

La deuxième chose est de mener une politique de logement attrayante, avec un minimum de services publics facilement accessibles dont, en tout premier lieu, l'école.

Enfin, les rapports avec les chefs-lieus sont vitaux, et ces derniers ne doivent donc en aucun cas dépérir.

[ Gérard Bailly - l'accès aux services devant être sans cesse amélioré, une meilleure péréquation ne s'imposerait-elle pas ?]

La clarté qui prévalait naguère dans les financements respectifs de l'Etat, de la Sécurité sociale et des CTL n'a plus cours : tout est imbriqué, et l'Etat finance de plus en plus la Sécurité sociale et les CTL. Le contribuable national s'est substitué au contribuable local, l'autonomie fiscale est en chute libre... C'est une faute grave, et un nouveau partenariat Etat-CTL s'impose.

Il faut à la fois une péréquation verticale et une péréquation horizontale. Il faut encore une base fiscale juste, notamment pour la taxe d'habitation. Le problème numéro un étant celui de la région parisienne...

[ Gérard Bailly - Quels contre-feux allumer contre la disparition des petites entreprises et la diminution de nombres d'agriculteurs ?]

Je vous citerai l'exemple de l'entreprise Laguiole, dont la fabrication avait, dans un premier temps, chuté. Un « enfant du pays » a su redresser l'affaire, en y réintroduisant des procédés artisanaux et en faisant reconnaître le « made in France ». Il faut combattre une vision trop financière, contraire à l'aménagement du territoire, et retrouver une culture industrielle, artisanale, de la main...

[ Renée Nicoux - pour les pôles scientifiques, ne peut-on imaginer d'implanter des antennes dans des petites villes, en lien avec les universités]

Oui, avec trois conditions de réussite :

- égalité des compétences des enseignants ;

- égalité des conditions d'examen ;

- participation des CTL.

J'ai eu l'occasion de participer avec la faculté de droit de Rennes à une expérience de ce type pour la première année de maîtrise, qui a été un succès.

Pour le THD, j'estime que la région est responsable de la mise en oeuvre d'une plus grande péréquation.

Par ailleurs, trop de paysans dépendent des marchés internationaux. Ceux qui sont autonomes, qui transforment ou vendent directement leurs produits, sont ceux qui s'en sortent le mieux...

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