C. L'ÉTAT MALIEN DOIT RESTAURER SES CAPACITÉS D'ADMINISTRATION ET DE SÉCURISATION

1. Les forces de sécurité intérieure sont aussi à reconstruire

Vos rapporteurs ont rencontré à Bamako le ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile et les principaux responsables du ministère.

Leur description de l'état des forces de sécurité malienne a été très franche et sans ambiguïté.

Il en ressort que l'état des forces de sécurité maliennes (à des degrés divers, Police, Gendarmerie, Garde nationale) est à l'image de celui des forces armées : manquant d'équipement, de logistique, désorganisées, faisant parfois montre d'une loyauté douteuse envers les institutions et sans grande motivation. Des situations de discipline bafouée, de non-respect des règles hiérarchiques, ont notamment été décrites par le Secrétaire général du ministère. Les besoins d'équipement sont là encore très grands.

Certains experts mettent en cause non seulement leur capacité à faire face à une menace terroriste mais aussi à gérer un trouble à l'ordre public de moyenne ou haute intensité. D'autres estiment même que certaines unités constitueraient même clairement un danger pour la stabilité politique du pays, parce que susceptibles de « basculer », en particulier au sein de la Police nationale.

Il faut toutefois noter que la Gendarmerie nationale, bien que tout aussi démunie de matériel, d'équipement et de véhicules, a fait un effort d'auto formation et que ses unités mobiles ont réussi à se redéployer : elle est revenue à Tombouctou et Gao. La Garde nationale serait, à l'instar de la Gendarmerie, moins touchée par la démotivation et la corruption que la Police Nationale. Elle souffre néanmoins tout autant du manque de moyens et de formation.

Les éléments récents n'ont fait que renforcer cette impression. Ainsi, le 7 avril, les forces armées maliennes ont dû mettre fin à des affrontements armés qui opposaient deux tendances rivales au sein du groupement mobile de Sécurité (GMS) de la police. Un syndicat conduit par Siméon Keita, présenté à Bamako comme un soutien de la junte, était accusé de favoriser la promotion de ses membres, par des avancements qui avaient été contestés et annulés. Keita est en fuite, un policier est mort, 15 autres ont été interpellés.

Vos rapporteurs estiment qu'un audit approfondi des forces de sécurité intérieures, en vue de la mise en place d'une mission de consolidation, semble une priorité.

D'ailleurs on ne peut que regretter que la France ait mis tant de temps à dépêcher les experts en renfort sur ces questions : fin février ils étaient toujours attendus.

L'extension de l'opération européenne EUCAP-Niger au Mali serait de nature à répondre à un vrai besoin.

Au moment où le Mouvement national de libération de l'Azawad met en place des structures de police à Kidal, il devient urgent d'agir sur la question du renforcement des forces de sécurité intérieure .

Vos rapporteurs estiment que la question des milices « ethniques » de la boucle du fleuve (Ganda Izo et Ganda Koi), dont il n'est presque jamais question, doit aussi être traitée. Elles devraient certainement être elles aussi être désarmées.

2. L'administration doit revenir au Nord du pays

Lors de leur déplacement à Bamako, vos rapporteurs ont pu observer que l'administration n'était pas revenue au Nord . Pire, de nombreux bâtiments administratifs, détruits, ne sont pas en état de fonctionnement.

À Tombouctou par exemple, ville de 50 000 habitants 30 ( * ) , fin février, à part le maire, un colonel malien et un capitaine de gendarmerie (dont certains effectifs de l'escadron de gendarmerie mobile seraient logés chez l'habitant !) il n'y avait aucune autre autorité civile (préfet, gouverneur ...) et toutes les administrations et services publics étaient fermés.

Au Nord il se dit que 31 ( * ) le gouverneur et le préfet de Tombouctou, qui étaient là pour la visite du Président Hollande le 2 février dernier, sont, depuis, repartis à Bamako, pour ne plus revenir...

Du fait des nombreuses dégradations de bâtiments administratifs et d'équipement, le besoin de financement pour rétablir la présence de l'État au Nord-Mali, à la suite des destructions commises par les groupes armés, serait de 120 M€.

D'ailleurs, le calendrier proposé par les autorités maliennes pour restaurer l'administration territoriale , dans le cadre du projet de « chronogramme » des élections, bien que jugé très optimiste, montre en creux les besoins immenses et la quasi-disparition des attributs de l'État au Nord puisque le calendrier de rétablissement des différentes autorités s'étale jusqu'en juin, pour des territoires libérés fin janvier par les forces armées :

Projet de calendrier défini par les autorités maliennes pour restaurer l'administration dans le Nord du pays (28 février 2013) :

- mise en place des autorités administratives régionales de Tombouctou et Gao : février - mars 2013 ;

- mise en place des autorités administratives des cercles de Douentza, Tenenkou et Youwarou : mars 2013 ;

- mise en place des autorités administratives de la région de Kidal : avril 2013;

- mise en place des autorités administratives des cercles des régions de Tombouctou et Gao : avril 2013 ;

- mise en place des autorités administratives des arrondissements des cercles relevant des régions de Tombouctou, Gao et Kidal : avril 2013 ;

- mise en place des services déconcentrés de l'ensemble des circonscriptions du nord (Education - santé) : mai - juin 2013.

Source : projet de chronogramme des élections, gouvernement malien, 28 février 2013

La question de la présence des services publics de base au Nord (éducation électricité, santé, administration) demeure urgente et non résolue.


* 30 Estimation

* 31 Source : Jeune Afrique, 28 mars 2013

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