N° 616

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mai 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) par le groupe de travail (2) sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision ,

Par M. Jean-Pierre PLANCADE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent .

(2) Ce groupe de travail est composé de : MM. Jean-Pierre Plancade , David Assouline, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. André Gattolin, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mmes Claudine Lepage, Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Il y a un peu plus d'un an, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat se rendait à Londres, plus précisément à la BBC, pour approfondir un sujet qui lui tenait à coeur : la question des relations de la télévision publique avec les producteurs de programmes 1 ( * ) .

Reconnaissons-le immédiatement, les interlocuteurs de « tante Beeb » n'ont pas tenu un discours nuancé et ont fortement souligné l'intérêt pour le service public du maintien d'une forte production interne, qui constitue selon eux :

- une source de revenus à travers les dividendes versés par la filiale de commercialisation et de distribution. Cet argument est de poids puisque la BBC tire environ 25 % de son chiffre d'affaires de ses activités de vente de programmes dans le monde ;

- un moyen de protection des valeurs éditoriales de la BBC, et en termes de stratégie commerciale, de la marque BBC ;

- une source d'innovation et d'ambition grâce à la taille de cet outil interne. Ainsi la force de la production interne permet à la BBC de produire des séries longues et ambitieuses (Rome, les Tudors) sans menacer son équilibre global ;

- et le moyen de constituer un catalogue de droits pouvant être valorisés sur le long terme. À l'ère de la télévision connectée, la capacité à vendre ses produits sera essentielle dans la compétition internationale, et aussi importante que celle de réunir un public nombreux au moment de la diffusion premium .

Devant les difficultés de notre service public, en termes de financement et d'audience, de tels atouts ne pouvaient être ignorés . Or notre réglementation séparant strictement les diffuseurs et les producteurs n'offre pas de telles opportunités de développement au service public.

Mais comparaison n'est pas raison et le Sénat, après deux tables rondes sur la circulation des oeuvres 2 ( * ) et l'avenir de la production audiovisuelle 3 ( * ) , a voulu prolonger sa réflexion en étudiant en profondeur les avantages et les inconvénients du système français.

Car si la question des relations entre les chaînes de télévision et les producteurs de programmes semble a priori constituer une affaire de spécialistes, dont le Parlement n'aurait pas à s'occuper, on s'aperçoit rapidement, en creusant un peu, que les dispositions législatives et réglementaires jouent un rôle éminent, du fait à la fois de leur précision et de l'étendue de leur champ .

Elles n'en restent pas moins extrêmement complexes et demandent un investissement majeur pour être à la fois comprises et maîtrisées.

C'est cette mission qui a été confiée à votre groupe de travail 4 ( * ) : en effet, il est de la responsabilité du Parlement de contrôler l'efficacité des règles qu'il met en place et de leur application.

Sa conviction finale est que la question des relations entre les diffuseurs et les producteurs ne peut pas être laissée entre les mains des seuls acteurs du secteur et mérite d'être mise à la portée de tout à chacun , parce qu'il s'agit d'un sujet d'intérêt général qui recouvre des enjeux culturels importants , mais aussi des problématiques économiques qu'on ne peut ignorer .

À cet égard, si le groupe de travail a souhaité auditionner l'ensemble du secteur (producteurs, diffuseurs et auteurs), il s'est aussi attaché à entendre des personnalités indépendantes, disposant d'une vision peut-être plus neutre. Votre rapporteur a au demeurant été très étonné, à l'occasion de ces auditions, de la convergence des différentes visions exprimées , qui nourrissent bien évidemment le rapport :

- une certaine sévérité vis-à-vis de la réglementation, principalement sur les sa complexité juridique et sur la question des quotas de production indépendante , a ainsi pu être constatée par les membres du groupe de travail. Une volonté de réforme a été exprimée, même si elle l'a été de manière plus forte par les commentateurs du secteur, que par ses acteurs ;

- plus votre rapporteur s'est investi, plus le groupe de travail a auditionné, plus il s'est aperçu que les questions économiques et culturelles étaient entremêlées . Une économie de l'audiovisuel dynamique constitue un terrain propice à une production de programmes de qualité et la réussite des oeuvres françaises permet de faire vivre un secteur soumis à de très fortes évolutions.

Derrière les règles juridiques, qui protègent la diversité culturelle, il y a donc un sujet industriel. Dans son analyse et son évaluation du cadre régissant les relations entre les diffuseurs et les producteurs, votre rapporteur a donc choisi de faire ressortir à la fois ses effets culturels et ses conséquences économiques, qui sont intimement liés ;

- enfin un consensus s'est dégagé autour de l'idée que l'audiovisuel était à la veille d'une révolution numérique internationale ayant déjà touché les autres industries culturelles de plein fouet, et sur le fait que les pouvoirs publics devaient en tirer certaines conclusions.

Afin de faciliter la lecture du présent document, votre rapporteur a choisi d'utiliser un vocabulaire grand public ou de définir à chaque fois les expressions tirées du jargon du secteur. Ainsi les expressions « chaînes de télévision » ou « diffuseurs » sont souvent utilisées à la place « d'éditeurs de services de télévision » qui est la notion juridique prévue par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. De même les « parts de copro », les « programmes de stock » ou encore le « sous-quota patrimonial », concepts aussi bien connus du milieu audiovisuel qu'ignorés du grand public, font l'objet d'une définition avant leur emploi dans le rapport.

Votre rapporteur s'est limité à l'analyse de la production audiovisuelle. Le rôle des diffuseurs dans le financement de la création cinématographique, bien que fondamental, constitue un enjeu financier moins important pour les chaînes et aurait, en outre, vocation à être traité dans un rapport spécifique.

Il a aussi choisi de traiter davantage des « oeuvres audiovisuelles » (fiction, animation, documentaires), piliers de la diversité culturelle, que des programmes de flux, pour lesquelles les obligations sont faibles, voire inexistantes.

Parmi ces « oeuvres », il a enfin apporté un éclairage plus direct sur la fiction française , qui constitue le coeur de l'oeuvre patrimoniale et surtout dont le succès apparaît mitigé aux observateurs.

Il a scindé ce rapport en trois parties :

- la première vise à présenter le cadre juridique relatif aux relations entre les producteurs audiovisuels et les chaînes de télévision, en lui apportant une profondeur historique afin d'éclairer tel ou tel aspect de la réglementation ;

- la deuxième présente, quant à elle, la situation du secteur audiovisuel , c'est-à-dire la santé économique de ses acteurs, d'une part (auteurs, producteurs, diffuseurs, distributeurs), et la vitalité des programmes, d'autre part. La question posée a été celle des effets de la réglementation sur la situation du secteur ;

- la troisième replace la pertinence de notre dispositif réglementaire dans un futur proche . Votre rapporteur, et il n'est pas isolé, est en effet convaincu que la télévision est à la veille de profonds bouleversements. À cet égard, si le cadre juridique applicable peut parfois paraître un peu dépassé, il risque en fait de devenir totalement obsolète si les évolutions déjà constatées se poursuivaient .

Le fil rouge de ce rapport est ainsi l'analyse des règles fixées par les pouvoirs publics, de leurs effets culturels, et de leur pertinence économique. Si votre rapporteur milite pour une « politique industrielle » en matière de production audiovisuelle, c'est précisément parce qu'il considère qu'elle participe pleinement du succès de la culture française dans notre pays et de son rayonnement à l'étranger.


* 1 Rapport d'information n° 34 (2012-2013) de Mme Marie-Christine Blandin, MM. David Assouline, Jacques Legendre, Mmes Catherine Morin-Desailly, Marie-Annick Duchêne, M. Jean-Jacques Lozach et Mme Danielle Michel, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 10 octobre 2012.

* 2 Rapport d'information n° 585 (2008-2009) de M. Jacques Legendre, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 22 juillet 2009.

* 3 Rapport d'information n° 710 (2010-2011) de M. Jacques Legendre, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 5 juillet 2011.

* 4 M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur (Haute-Garonne - RDSE), MM. David Assouline (Paris - Soc.), Jean-Pierre Chauveau (Sarthe - UMP) et Jacques Chiron (Isère - Soc.), Mme Marie-Annick Duchêne (Yvelines - UMP), MM. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Ecolo), Pierre Laurent (Paris - CRC), et Jean-Pierre Leleux (Alpes-Maritimes - UMP), Mmes Claudine Lepage (Français établis hors de France - Soc.), Colette Mélot (Seine-et-Marne - UMP) et Catherine Morin-Desailly (Seine-Maritime - UDI-UC).

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