III. LES SCÉNARIOS ENVISAGÉS : CERCLE VERTUEUX DU PARTAGE DES DROITS ET POLITIQUE INDUSTRIELLE

A. OBLIGATIONS D'INVESTISSEMENT ET QUOTAS DE DIFFUSION : PROTÉGER LE CoeUR DE NOTRE EXCEPTION CULTURELLE

La gratuité des fréquences hertziennes est aujourd'hui liée à l'engagement des éditeurs de services de télévision de respecter un certain nombre de principes, principalement culturels.

L'exigence majeure est l'obligation d'investissement dans un quota minimal d'oeuvres françaises et européennes. Aux yeux de votre groupe de travail, cette règle est au coeur de notre politique d'exception culturelle .

Elle permet en effet de s'assurer que ce qui caractérise la culture et la pensée françaises puisse être exposé sur les écrans de télévision, qui constitue toujours le média privilégié pour les Français. De même le quota de diffusion semble toujours trouver grâce aux yeux de nombre d'observateurs, qui indiquent qu'en son absence, les séries américaines auraient déjà envahi l'ensemble de nos écrans de première partie de soirée. Votre rapporteur rappelle l'attachement de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication au maintien de l'audiovisuel dans le champ de l'exception culturelle, laquelle se manifeste par l'exposition d'oeuvres françaises et européennes auprès du public.

Faut-il pour autant ne rien changer ?

Votre rapporteur estime tout d'abord que les quotas applicables et l'existence d'un sous-quota patrimonial donnent plutôt satisfaction. Cela a permis à un groupe comme M6, plutôt réticent sur les investissements en « patrimonial », de développer des projets, tout en conservant sa ligne éditoriale spécifique.

La difficulté principale est pour le groupe France Télévisions, soumis à des contraintes extrêmement fortes, tant en valeur relative (20 % de son chiffre d'affaires) qu'en montant absolu (420 millions d'euros). Pour autant, votre groupe de travail considère que ces obligations sont vertueuses pour le service public , qui doit pouvoir cependant les voir s'alléger en temps de grandes difficultés.

Néanmoins, certaines adaptations, sur lesquelles le groupe de travail n'a pas d'avis tranché, sont envisagées par les acteurs :

- l'inscription d'une obligation de production inédite dans le décret « production » des chaînes hertziennes paraît ainsi légitime ;

- l'intégration des oeuvres destinées exclusivement à un usage non linéaire dans les obligations de production semblerait également constituer une adaptation pertinente des accords, qui irait dans le sens d'un encouragement au développement sur Internet des services de télévision 47 ( * ) . Les contrats afférents sont plutôt des contrats de coproduction dont les investissements devraient logiquement être comptabilisés au titre des obligations dans la production indépendante ;

- un débat s'est engagé sur un éventuel assouplissement du quota d'oeuvres d'expression originale française (EOF) aux heures de grandes écoutes. Le décret n° 2009-1271 du 21 octobre 2009 a assoupli la règle applicable en introduisant pour les chaînes historiques un « couloir européen » de 10 % de leur obligation patrimoniale pouvant être consacrée à des oeuvres non EOF éligibles aux aides financières du CNC. Il s'agit d'ouvrir la porte pour certaines productions européennes filmées en anglais, mais avec un regard français ou européen. Votre commission considère de longue date que la langue est un élément de la culture et ne peut en être dissociée. Même s'il est conscient de l'intérêt de faire des coproductions européennes tournées en anglais afin de réunir des montants plus importants et de faciliter l'export, votre groupe de travail ne peut donc, à cet égard, pas souhaiter un allègement trop substantiel d'une telle obligation ;

- enfin le sujet des chaînes du câble et du satellite est aussi revenu au cours des auditions. Le groupe de travail a estimé que des questions légitimes peuvent être posées (notamment sur l'intérêt d'obligations progressives en fonction du chiffre d'affaires) mais n'a pas souhaité se positionner. L'économie de ces chaînes sera cependant probablement une thématique à aborder au cours des prochaines années.

Au final, le groupe de travail n'a pas pris de position sur d'éventuelles modifications des règles relatives aux quotas d'investissement et de diffusion.

Sur ce sujet, il considère qu'il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre : si des amodiations sont probablement acceptables, les principales règles doivent être maintenues en l'état et soutenues par l'ensemble des acteurs. La mission principale qu'on peut se fixer est même de tenter de soumettre à une partie de ces règles les nouveaux acteurs émergents de la télévision, comme les sites de partage de vidéos en ligne (voir, sur ce sujet, les propositions du rapport de M. Pierre Lescure).

L'exception culturelle a donc vocation à s'étendre plutôt qu'à se restreindre.


* 47 Actuellement, par exemple, les oeuvres financées par les chaînes et destinées exclusivement à un usage non linéaire ne font pas partie des dépenses éligibles à l'obligation de production. Or ces investissements constituent indéniablement une contribution dans la production audiovisuelle qu'il convient de valoriser pleinement. Par ailleurs, comme l'a indiqué une personne auditionnée à votre rapporteur, les oeuvres « nouveaux médias » sont souvent conçues dans une logique de marque et s'inscrivent dans une logique de collaboration durable entre les producteurs et le groupe.

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