C. DES CONSÉQUENCES CULTURELLES ET ÉCONOMIQUES

« Comment acquérir une expérience durable avec une activité épisodique ? Comment accéder au marché international avec une offre ponctuelle ? » 20 ( * ) . L'étude relative à l'observation de la production audiovisuelle et cinématographique en 2013 donne en creux les réponses aux questions qu'il pose : ce n'est pas possible.

Le trop fort éparpillement des producteurs entraîne une sous-administration de la profession , voire son sous-financement .

Selon Mme Anne Duruptuy, auditionnée par votre groupe de travail, « l es producteurs sont de plus en plus diversifiés et spécialisés et ont de moins en moins les moyens de développer des projets, voire de rendre des comptes ». Certains producteurs ne peuvent ainsi pas même produire de factures aux diffuseurs.

Par ailleurs, et probablement du fait de cette atomisation, les producteurs ne participent que très faiblement au risque industriel lié à la production de programmes . Comme le souligne là encore la note du CSA précitée du 21 février 2008, « l'apport propre des producteurs français au financement des oeuvres, tel qu'il apparaît dans les devis, reste limité, à hauteur de 14 % du coût de production des oeuvres relevant des trois genres patrimoniaux de la fiction, du documentaire et de l'animation. L'apport des éditeurs de services, quant à lui, s'élève à 58 %, hors la part de contribution au Cosip. En agrégeant l'apport du Cosip, quasi intégralement financé par les éditeurs des services, la contribution de ceux-ci s'élève à 72 % du financement de la production ».

Ce constat n'est pas en soit problématique mais laisse penser que certains producteurs peuvent être dans un état de dépendance économique vis-à-vis des éditeurs , ce qui limiterait l'intérêt de leur indépendance, notamment capitalistique.

Plus inquiétant, ces analyses tendraient à montrer que la production française est incapable de répondre à des demandes , à supposer qu'elles existent, de séries avec de nombreux épisodes diffusées tous les ans , qui sont pourtant aujourd'hui au coeur de la production audiovisuelle mondiale 21 ( * ) .

Cet état de fait s'accompagnerait de l'arrivée de groupes audiovisuels européens solides qui ont récemment installé des filiales de production en France : création de BBC Worldwide France production (novembre 2008), Shine TV France du groupe dirigé par M. Murdoch (juillet 2009) ou encore ITV Studios France (mars 2010). D'autres étendent aussi leurs activités à la fiction comme Endemol. Comme le note le CSA, « si ces dernières participent indéniablement au dynamisme du tissu industriel national, elles sont constituées en premier lieu pour adapter des formats dont les recettes reviennent à ces groupes » 22 ( * ) .

Votre rapporteur considère à cet égard, comme le CSA, que la diversité de plus en plus importante des genres produits par des groupes présents dans les programmes de flux (Endemol, Fremantlemedia) « pourrait faire craindre un effet de ciseaux pour les producteurs nationaux », et les placer dans une difficulté économique réelle.

À la fin de son analyse sur le secteur de la production, le CSA appelle de ses voeux une « réflexion en profondeur sur l'impact du cadre légal français sur la compétitivité de l'ensemble des parties prenantes de l'industrie nationale de programmes , afin d'éviter notamment qu'un décalage existe entre les besoins du secteur et la mise en oeuvre des réglementations » 23 ( * ) .

C'est toute l'ambition du présent rapport.


* 20 Observatoire de la production audiovisuelle et cinématographique en Ile-de-France , étude réalisée par MM. Livier-René Veillon (directeur de la commission du film d'Ile-de-France) et Philippe Degardin (directeur des études d'Audiens).

* 21 D'autres facteurs, notamment culturels expliquent aussi l'incapacité française à produire des épisodes de séries en nombre (à l'exception très notable de Plus belle la vie ).

* 22 Deux années d'application de la réglementation de 2010 relative à la contribution des éditeurs de services de télévision au développement de la production audiovisuelle , CSA, janvier 2013.

* 23 Contribution du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur l'adaptation de la régulation audiovisuelle , 14 janvier 2013.

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