N° 693

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 juin 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la situation des finances sociales ,

Par M. Yves DAUDIGNY,

Sénateur,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Un an après l'élection présidentielle et la mise en place d'une politique axée sur le redressement des comptes publics et de réduction des inégalités sociales, votre rapporteur a souhaité dresser, dans la perspective du débat d'orientation des finances publiques, un premier bilan de l'action de la nouvelle majorité en matière de finances sociales.

Malgré la dégradation de la conjoncture économique, votre rapporteur estime que cette première année de législature illustre parfaitement la politique de changement annoncée par le Président de la République.

Elle se caractérise d'abord par un véritable effort de maîtrise des comptes sociaux visant à rompre ostensiblement avec la tendance à l'accroissement des déficits constatée les années précédentes. Grâce aux mesures nouvelles votées à l'été et à l'automne 2012, les déficits cumulés du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) sont ainsi repassés sous le seuil symbolique des 20 milliards d'euros pour la première fois depuis 2008.

Elle se caractérise ensuite par la définition, en concertation avec les partenaires sociaux, des évolutions structurelles nécessaires à l'infléchissement de la courbe des dépenses et au rééquilibrage du solde annuel du régime général. Inspirées respectivement des travaux du Haut Conseil de la famille (HCF) et du Conseil d'orientation des retraites (COR), les réformes des branches famille - dont les principales mesures ont été annoncées le 3 juin dernier par le Premier ministre - et retraite, seront discutées dès l'automne pour une entrée en vigueur en 2014.

En quelques mois, le Gouvernement s'est ainsi donné les moyens de remettre les comptes sociaux sur le chemin de l'équilibre. Cet équilibre n'est certes pas une fin en soi : en période de crise, notre système de protection doit jouer son rôle « d'amortisseur » social. Mais dans la mesure où il constitue une condition nécessaire à la soutenabilité des politiques sociales, cet équilibre reste un objectif indispensable à la préservation de notre pacte républicain.

I. UNE DYNAMIQUE DE RÉDUCTION DES DÉFICITS MENACÉE PAR LA CRISE

Le déficit des différentes branches du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est, pour la première fois depuis 2008, repassé sous la barre symbolique des 20 milliards d'euros en 2012.

Conforme à l'objectif de redressement des comptes publics fixé par le Président de la République, cette évolution des déficits sociaux constitue une rupture salutaire avec la dérive constatée entre 2009 et 2011.

Obtenue par le biais de recettes nouvelles dans un contexte économique marqué par l'atonie de la croissance et le ralentissement de la masse salariale, cette réduction pourrait toutefois s'avérer insuffisante pour garantir la soutenabilité de notre régime de protection sociale.

Il appartient par conséquent au Gouvernement de poursuivre les réformes entreprises afin d'infléchir durablement l'évolution tendancielle des dépenses, en particulier des branches maladies et vieillesse.

A. UNE RÉDUCTION PRONONCÉE DES DÉFICITS EN 2012

En dépit des perspectives inquiétantes révélées en juillet dernier par la commission des comptes de la sécurité sociale, l'année 2012 s'est finalement soldée par une sensible diminution des déficits du régime général et la réalisation des objectifs fixés par la loi de financement.

Loin de refléter l'amélioration structurelle de la situation des différentes branches, cette situation résulte essentiellement de la politique volontariste de redressement des comptes sociaux menée par le Gouvernement depuis l'été 2012.

1. Une réduction des déficits conforme aux objectifs fixés dans le cadre de la LFSS

Sans la volonté du Gouvernement de tenir les soldes fixés par la loi de financement de la sécurité sociale votée par l'équipe précédente, l'année 2012 se serait probablement terminée par un décalage entre les objectifs affichés et les résultats obtenus.

Les données rendues publiques par la Commission des comptes de la sécurité sociale en juillet 2012 laissaient en effet entrevoir un sensible dérapage des comptes sociaux au regard des tableaux d'équilibre adoptés à l'automne précédent (tableau ci-après).

Evolution des soldes du régime général et du FSV

(en milliards d'euros)

LFSS 2012

CCSS 1 ( * ) juillet 2012 (p)

Ecart potentiel

Solde du régime général

- 13,8

- 15,5

1,7

FSV

- 4,1

- 4,4

0,3

Soldes du régime général et du FSV

- 17,9

- 19,9

2

Source : rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, juillet 2012

Le rapport de la Commission des comptes publié en juin 2013 indique que non seulement les objectifs fixés en loi de financement ont été tenus mais qu'en ce qui concerne le régime général, ils ont été dépassés (tableau ci-dessous).

Le solde cumulé des différentes branches du régime général s'est ainsi établi à - 13,3 milliards d'euros en 2012, soit une amélioration de 500 millions d'euros par rapport aux objectifs de la loi de financement et de 4,1 milliards d'euros par rapport aux résultats de l'année 2011.

En ligne avec l'objectif fixé en loi de financement, le déficit du FSV s'est élevé quant à lui à 4,1 milliards d'euros, soit une progression de 700 millions d'euros d'une année sur l'autre sous l'effet de la dégradation du marché du travail et de l'augmentation des prises en charge de cotisations chômage.

Evolution des soldes du régime général et du FSV

(en milliards d'euros)

2011

LFSS 2012

Réalisé 2012

Ecart

Solde du régime général

- 17,4

- 13,8

- 13,3

0,5

FSV

-3,4

- 4,1

- 4,1

0

Soldes du régime général et du FSV

- 20,9

17,9

- 17,4

0,5

Source : rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2013

2. Des objectifs atteints grâce aux mesures du collectif budgétaire

Ces résultats supérieurs aux dispositions de la LFSS pour 2012 ont été obtenus grâce à l'adoption, à l'occasion du collectif budgétaire du 16 août 2012, de mesures correctrices venues compenser le ralentissement de la progression de la masse salariale.

Après une progression supérieure à sa moyenne de longue période en 2011 (+ 3,6 %), l'évolution de la masse salariale du secteur privé a en effet subi les conséquences de la dégradation de la situation de l'emploi pour s'établir à 2,2 % en 2012.

Ni la prévision initiale d'octobre 2011 (+ 3 %), ni la prévision révisée de juillet 2012 (+ 2,5 %) n'auront donc été tenues en dépit de l'effet positif lié à la revalorisation du Smic de 2 % au 1 er juillet.

Votre rapporteur tient à cet égard à rappeler que cet écart de 0,8 point entre les hypothèses de travail et la progression effective de la masse salariale a entraîné un manque à gagner de plus de 1,5 milliard d'euros pour les comptes du régime général en 2012.

Evolution de la masse salariale

(en pourcentage)

2011

LFSS 2012

Réalisé 2012

Masse salariale

3,6

3

2,2

dont Emploi

1

-

0

dont Salaire moyen

2,6

-

2,2

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2013

En dépit de la moindre progression de la masse salariale du secteur privé et du ralentissement de la croissance tendancielle des recettes qui lui est mécaniquement associé, les produits du régime général ont néanmoins progressé de 4,4 % en 2012, tirés par les mesures nouvelles votées dans le cadre des lois de finances et de financement pour 2012 d'une part, et de la loi de finances rectificative du 16 aout 2012 d'autre part.

Evolution des produits nets du régime général

(en pourcentage)

2010

2011

2012

Recettes du régime général

2

5,3

4,4

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2013

Dans la mesure où votre rapporteur a déjà eu l'occasion de détailler l'ensemble des dispositions à caractère social adoptées fin 2011 dans son précédent rapport d'information, il se contentera d'énumérer dans le tableau ci-après les mesures d'économies votées dans le cadre de la loi de finances rectificative de l'été 2012.

Conformément aux propositions - écartées par le gouvernement d'alors - réalisées par la majorité sénatoriale à l'occasion de la discussion de la loi de financement pour 2012, ces mesures concernent essentiellement la suppression de niches sociales et le relèvement des taxes sur le capital.

Impact financier des principales mesures de recettes de la LFR du 16 aout 2012 sur les produits 2012 du régime général et du FSV

(en millions d'euros)

Suppression des allégements sociaux attachés aux heures supplémentaires et complémentaires de travail

900

Augmentation de deux points du taux des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et les produits de placement2 ( * )

800

Hausse de 8 % à 20 % du taux du forfait social

500

Augmentation du taux des cotisations d'assurance vieillesse de 0,2 point prévue pour financer l'ouverture du droit à la retraite anticipée à soixante ans

200

Hausse de 14 % à 30 % pour la contribution patronale et de 8 % à 10 % pour la contribution salariale du prélèvement social sur les « stock-options » et les attributions gratuites d'actions

80

Extension aux non-résidents des prélèvements sociaux sur des revenus immobiliers de source française

50

Abaissement du plafond au-delà duquel les indemnités de rupture sont assujetties, dès le premier euro, à la CSG, la CRDS et aux cotisations sociales

10

Source : évaluations préalables du projet de loi de finances rectificatives pour 2012 -
rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

Le dynamisme des produits du régime général en 2012 contraste avec l'évolution relativement modérée des charges nettes, dont le taux de croissance s'est établi à 2,9 %, proche de ceux constatés au cours des deux exercices précédents.

Evolution des dépenses nettes du régime général

(en pourcentage)

2010

2011

2012

Dépenses du régime général

3

2,8

2,9

Source : rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2013

Ce résultat est largement lié à la progression modérée des dépenses d'assurance maladie et d'assurance vieillesse, qui représentent respectivement 47 % et 33 % des dépenses totales du régime général.

Pour la troisième année consécutive, les dépenses du champ de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ont en effet été inférieures à l'objectif fixé en 2012. Selon le constat issu des comptes des régimes, elles se sont élevées à 170,3 milliards d'euros, soit 870 millions de moins que l'objectif fixé par la loi de financement pour 2012 et 520 millions de moins que l'estimation des dépenses retenue pour la construction de l'Ondam 2013. La croissance des dépenses a été de 2,4 % en 2012 à périmètre constant, en ralentissement par rapport aux années précédentes (2,6 % en 2010 et 2,7 % en 2011).

L'écart à l'objectif d'ensemble est presque intégralement imputable aux soins de ville (- 830 millions d'euros par rapport à l'objectif initial, - 480 millions d'euros par rapport à l'estimation de l'automne 2012).

L'évolution des prestations de retraite du régime général a quant à elle bénéficié de l'effet de la réforme des retraites de 2010. Le relèvement de l'âge légal à 60 ans et 9 mois pour la génération 1952 (accéléré par la LFSS pour 2012) a réduit de 188 000 le nombre des départs et limité la progression des prestations versées qui s'établit à 3,9 % en 2012, taux de progression moins élevé qu'en 2010 et 2011 et nettement inférieur à la tendance moyenne des années 2005-2008 (environ 6 % par an).

3. Des évolutions différenciées entre branches

La diminution du déficit des comptes sociaux en 2012 concerne, cela mérite d'être souligné, l'ensemble des branches du régime général.

Evolution des soldes des branches du régime général

(en milliards d'euros)

2010

2011

LFSS

2012

Réalisé

2012

Maladie

- 11,6

- 8,6

- 5,9

- 5,9

AT/MP

- 0,7

- 0,2

0

- 0,2

Vieillesse

- 8,9

- 6

- 5,9

- 4,8

Famille

- 2,7

- 2,6

- 2

- 2,5

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2013

La réduction du déficit s'est toutefois essentiellement partagée entre les branches maladie (pour 2,7 milliards d'euros) et retraite (pour 1,2 milliard d'euros) qui ont été les principales bénéficiaires des apports de recettes.

Le déficit de la branche famille est resté pratiquement stable d'une année sur l'autre à 2,5 milliards d'euros. La majoration de 25 % du montant de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) accordée sous condition de ressources aux 5 millions de ménages ayant à charge des enfants âgés de six à seize ans, a toutefois entraîné un écart justifié avec les objectifs de la loi de financement 3 ( * ) .

La meilleure conjoncture de 2011 avait permis une réduction du déficit du Fonds de solidarité vieillesse de 700 millions d'euros. Celui-ci s'est toutefois dégradé en 2012 pour revenir à son niveau de 2010, en raison notamment de la forte augmentation de ses prises en charge de cotisations au titre du chômage et d'une réduction de ses recettes de C3S.

Evolution du solde du FSV

(en milliards d'euros)

2010

2011

LFSS

2012

Réalisé

2012

FSV

- 4,1

-3,4

- 4,1

- 4,1

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2013


* 1 CCSS : Commission des comptes de la sécurité sociale.

* 2 Initialement opérée par l'article 2 de la loi de finances rectificative du 14 mars 2012 instituant la TVA sociale afin de compenser la part du transfert des cotisations patronales non couverte par la majoration du taux normal de TVA, cette augmentation a été maintenue par le Gouvernement en dépit de la suppression du dispositif initial par la loi de finances rectificative du 16 aout 2012.

* 3 Le coût de cette mesure est estimé à 360 millions d'euros pour la Cnaf.

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