B. UN RÉGIME DONT LE FINANCEMENT REPOSE À 90 % SUR LA SOLIDARITÉ NATIONALE ET INTER-RÉGIMES

1. Un déficit démographique particulièrement prononcé
a) La forte dégradation du ratio démographique

Le régime spécial des marins comptait en 2012 environ 29 000 cotisants pour 117 000 bénéficiaires de pensions de vieillesse et près de 95 000 personnes couvertes au titre des assurances maladie et maternité .

Le ratio entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités est particulièrement faible. Celui-ci s'élevait à 0,25 cotisant pour un retraité en 2012. A titre de comparaison, le ratio démographique est de 1,39 pour le régime général de retraite, 0,95 pour le régime de retraite de la RATP et 0,68 pour le régime de retraite de la SNCF.

Evolution du nombre de cotisants, de bénéficiaires de pensions de vieillesse
et du ratio démographique du régime de retraite des marins

Source : commission des finances, d'après les données de l'ENIM

La situation démographique du régime se dégrade de façon continue depuis l'après-guerre, en raison de la forte baisse des effectifs de marins . Le nombre de marins, secteurs du commerce et de la pêche confondus, a diminué de plus de 70 % depuis 1950 et de 40 % depuis 1980. Cette chute des effectifs s'explique principalement par le déclin de la flotte sous pavillon français ainsi que par la crise du secteur de la pêche maritime.

Evolution des effectifs des marins de 1950 à 2011

1950

1960

1970

1980

1990

2000

2010

Variation 1950-2010

Commerce

55 086

42 391

38 000

36 377

22 125

16 242

13 926

- 75 %

Pêche

63 616

50 661

39 000

39 107

35 946

27 261

18 371

- 71 %

Total

118 702

93 052

77 000

75 484

58 071

43 503

32 297

- 73 %

Source : ENIM

b) Une amélioration seulement à compter de 2030

Selon les projections de l'ENIM, qui reposent sur l'hypothèse d'un resserrement de l'activité maritime autour de la flotte de commerce, les effectifs de cotisants du régime, tout comme les effectifs de retraités, diminueraient de façon continue sur l'ensemble de la période de projection.

En particulier, le ratio démographique du régime devrait continuer de se dégrader jusqu'en 2030. Le nombre de cotisants devrait ainsi s'élever à près de 23 900 en 2020 et 20 700 en 2030, tandis que le nombre de pensionnés serait de 112 000 en 2020 et 98 000 en 2030.

Prévisions d'effectifs de cotisants et de pensionnés

Année

Effectifs de cotisants

Effectifs pensionnés de droit direct

Effectifs pensionnés de droit dérivé

Effectif total pensionnés

Ratio cotisants / retraités

2012

27 116

71 489

45 601

117 090

23,2 %

2013

26 477

70 863

45 898

116 761

22,7 %

2014

26 000

70 171

46 166

116 337

22,3 %

2015

25 610

69 418

46 405

115 823

22,1 %

2016

25 252

68 610

46 616

115 225

21,9 %

2017

24 898

67 751

46 797

114 548

21,7 %

2018

24 549

67 005

46 783

113 788

21,6 %

2019

24 206

66 216

46 685

112 902

21,4 %

2020

23 867

65 392

46 503

111 896

21,3 %

2030

20 728

57 189

40 589

97 778

21,2 %

2040

19 715

50 352

31 090

81 443

24,2 %

2050

18 751

44 917

22 417

67 335

27,8 %

2080

16 133

30 308

10 913

41 221

39,1 %

2100

14 594

27 164

8 568

35 731

40,8 %

Source : ENIM

Le relatif rétablissement du rapport démographique du régime à compter de 2030 s'expliquerait par l'accélération de la baisse des effectifs de pensionnés et le ralentissement du recul du nombre de cotisants.

* Le rapport démographique corrigé correspond au rapport entre, d'une part, la somme du nombre de retraités de droit direct et de la moitié du nombre de retraités de droit dérivé et, d'autre part, le nombre de cotisants.

Source : secrétariat général du conseil d'orientation des retraites, « Perspectives 2020, 2040 et 2060 du régime de retraite des marins », mars 2013

C'est au titre de cet important déséquilibre démographique, que le régime de retraite et de sécurité sociale des marins reçoit des subventions de l'Etat, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et diverses compensations des autres régimes de retraite.

2. La part croissante des subventions et compensations dans le financement du régime
a) Un équilibre financier assuré par l'Etat

En 2013, l'ENIM a reçu une subvention de la mission « Régimes sociaux et de retraite » du budget de l'Etat de 840 millions d'euros . Cette subvention finance principalement les dépenses de pensions de retraite des marins. En outre, une partie de cette subvention (6 millions d'euros) sert à financer les dépenses d'action sanitaire et sociale en faveur des marins.

Crédits du programme 197
« Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

(en millions d'euros)

Intitulé de l'action

Crédits de paiement

Dépenses de fonctionnement

Dépenses d'intervention

Total pour 2013

Variation 2012/2013

01

Pensions de retraite des marins

10,69

823,15

833,84

- 1,8 %

02

Action sanitaire et sociale des marins

1,09

5,07

6,16

- 14,2 %

Total

11,78

828,22

840,00

- 1,9 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013

Le régime de retraite des marins n'est pas le seul dont l'équilibre financier est assuré par l'Etat. La mission « Régimes sociaux et de retraite » du budget général de l'Etat regroupe un certain nombre de régimes spéciaux dont le déséquilibre démographique nécessite l'intervention de la solidarité nationale. Certains sont des régimes dits « ouverts », auxquels il est encore possible de s'affilier (essentiellement les régimes de retraite de la SNCF et de la RATP), tandis que la plupart sont des régimes « fermés » en raison de la disparition de certaines professions ou entreprises publiques (par exemple les régimes des mines et de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes - SEITA). Parmi tous les régimes de retraite « ouverts » subventionnés par l'Etat, le régime des marins est celui dont la part de la dotation de l'Etat est la plus importante par rapport aux prestations servies . La subvention représente ainsi les trois-quarts des ressources de la caisse de retraite des marins et plus de la moitié des recettes totales de l'ENIM.

Part de la subvention de l'Etat dans le budget des caisses de retraite

(en millions d'euros)

Régimes spéciaux

Nombre de cotisants / nombre de pensionnés

Volume de prestation de pensions servies

Subvention de l'Etat

Part de la subvention de l'Etat dans le régime

Retraités de la SEITA

253 / 9 723

169

166

98,2 %

Fonds de retraite des mines

3 755 / 307 900

1 746

1 349

77,2 %

Régime de retraite des marins

29 207 / 117 589

1 131

840

74,2 %

Caisse autonome de la SNCF

161 500 / 300 000

5 386

3 409

63,3 %

Caisse autonome de la RATP

44 203 / 44 035

1 081

615

56,9 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013

La subvention de l'Etat à la caisse de retraite des marins a augmenté de l'ordre de 3,7 % par an en moyenne depuis 2005 , soit une hausse cumulée de près de 200 millions d'euros entre 2005 et 2013 . Une partie de cette augmentation s'explique par la fin du dispositif de surcompensation entre régimes spéciaux de retraite en 2012. Créé par la loi de finances n° 85-1403 du 30 décembre 1985, ce mécanisme de compensation spécifique aux régimes spéciaux de retraite (fonctionnaires de l'Etat, des collectivités territoriales, des hôpitaux, mines, marins, SNCF, RATP, Banque de France, SEITA, etc.) mettait principalement à contribution la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et le régime des fonctionnaires civils. Compte tenu des transferts trop importants entre régimes, la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu la disparition progressive de la surcompensation, qui a pris définitivement fin au 1 er janvier 2012.

Evolution de la subvention versée par l'Etat à la caisse de retraite des marins

(en millions d'euros)

* De 2005 à 2012 la subvention présentée correspond aux crédits consommés ; de 2013 à 2016 aux crédits prévus.

Source : rapports annuels de performances annexés aux projets de loi de règlement de 2006 à 2012 ; direction du budget

Depuis 2012, c'est donc principalement la dégradation de la situation démographique du régime et l'érosion de ses ressources propres qui expliquent la hausse de la subvention de l'Etat. Selon les prévisions de la direction du budget, celle-ci devrait continuer d'augmenter dans les trois années à venir, pour atteindre 895 millions en 2016.

b) Les mécanismes de transferts inter-régimes et la subvention de la CNAMTS

En plus de la subvention de l'Etat, l'ENIM perçoit d'autres ressources extérieures afin de garantir l'équilibre financier du régime. Environ 10 % des ressources du régime de protection sociale des marins proviennent des compensations et transferts entre régimes sociaux, soit un total de près de 170 millions d'euros au titre de l'année 2013 . Les principaux transferts et compensations provenant d'autres organismes de sécurité sociale sont constitués de :

- une compensation dite « démographique » entre régimes d'assurance vieillesse, à hauteur de 70 millions d'euros en 2012 et de 73 millions d'euros en 2013 . Ce mécanisme de compensation, institué par la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974, a pour but de « remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes ». Les principaux régimes contributeurs sont le régime général, le régime de la fonction publique locale et hospitalière (CNRACL), le régime des fonctionnaires de l'Etat et le régime des professions libérales ;

- des transferts provenant du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et du fonds spécial d'invalidité (FSI). En vertu d'une convention signée le 13 octobre 1994, le FSV rembourse à l'ENIM, comme pour la majorité des autres régimes d'assurance vieillesse, le versement des allocations de minimum vieillesse. Le transfert provenant du FSV s'élevait à 3,3 millions d'euros en 2012 ;

- un transfert de contribution sociale généralisée (CSG), en provenance de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), de l'ordre de 90 millions d'euros en 2012.

En outre, depuis 2006, la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a pris le relais de l'Etat pour assurer l'équilibre de la branche maladie-maternité-AT-MP du régime des marins. La CNAMTS verse une subvention d'équilibre à la caisse générale de prévoyance (CGP) de l'ENIM . Celle-ci s'élève à 284 millions d'euros en 2013 , soit près de 82 % du montant total des prestations versées par la CGP.

c) L'érosion des ressources propres du régime

La part des cotisations acquittées par les armateurs et les salariés au titre de la protection sociale ne constitue qu'une faible fraction des ressources du régime des marins. Ainsi, les cotisations sociales ont représenté 9,5 % des ressources du régime en 2012, soit 154 millions d'euros sur un budget total de 1,6 milliard d'euros.

Ressources de l'ENIM en 2013

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé à la loi de finances pour 2013

La faible part des cotisations sociales dans le financement du régime s'explique principalement par le petit nombre de cotisants, mais aussi par les différents dispositifs d'exonération de charges sociales dont bénéficient les secteurs de la pêche et du commerce. Si le niveau des cotisations de marins s'est maintenu depuis le début des années 2000, le montant des contributions des armateurs a connu une forte baisse en 2006.

Evolution des contributions et cotisations sociales

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Variation 2003-2012

Armateurs

124

112

119

78

74

70

65

62

67

66

- 50,8 %

Marins

88

82

89

85

81

87

96

87

89

86

- 4,5 %

Total

212

194

208

163

155

157

161

149

156

153

- 27,8 %

Source : ENIM

L'Etat a pris en charge la totalité des exonérations de charges sociales, soit environ 69 millions d'euros en 2012.

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