N° 707

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juillet 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le régime spécial de retraite et de sécurité sociale des marins (ENIM) ,

Par M. Francis DELATTRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Mesdames, Messieurs,

Faisant partie des plus anciens régimes de protection sociale, le régime de retraite et de sécurité sociale des marins est un régime spécial au sens de l'article L. 711.1 du code de la sécurité sociale. Il couvre les risques vieillesse, maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles pour l'ensemble des gens de mer travaillant dans les secteurs de la pêche, du transport maritime, des cultures marines et de la plaisance.

En raison de son déséquilibre démographique important, le régime de retraite et de sécurité sociale des marins reçoit chaque année une subvention de l'Etat , versée à partir de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Cette subvention s'élève à 840 millions d'euros en 2013 .

Ces dernières années, la commission des finances du Sénat s'est intéressée aux deux principaux régimes spéciaux subventionnés par l'Etat : les régimes de retraite des personnels de la société nationale des chemins de fer (SNCF) et de la régie autonome des transports publics (RATP). Notre collègue Bertrand Auban a notamment étudié les effets de la réforme de ces deux régimes spéciaux 1 ( * ) .

Resté à l'écart de la réforme des régimes spéciaux de 2008 et de la réforme des retraites de novembre 2010, le régime spécial des marins est relativement méconnu. Or il représente un coût budgétaire important pour l'Etat. De plus, l' établissement national des invalides de la marine ( ENIM ), gestionnaire du régime, a fait l'objet d'une réforme d'ampleur en 2010 .

L'objectif des travaux de votre rapporteur spécial était double : d'une part, dresser le bilan de la réforme de l'ENIM, d'autre part, évaluer l'adéquation des règles du régime au contexte économique et social . A cette fin, il s'est intéressé à la fois à la gestion du régime par l'ENIM, à son fonctionnement et a examiné différentes pistes d'évolution.

Le Parlement devrait examiner durant l'automne 2013 un projet de loi portant réforme des retraites. La question des régimes spéciaux et de leur alignement progressif sur le régime général semble pour le moment exclue. A l'issue de ses auditions, votre rapporteur spécial constate néanmoins que les régimes spéciaux, notamment celui des marins, ne doivent pas être laissés de côté.

Le processus de modernisation du régime de retraite et de protection sociale des marins, entamé par le changement de statut de l'ENIM, doit être encouragé et poursuivi. Dans cette perspective, votre rapporteur spécial s'est attaché à formuler des recommandations , portant à la fois sur la gestion du régime et sur ses règles de fonctionnement.

RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

La gestion du régime par l'ENIM

Recommandation n° 1 : modifier le partage des tâches entre l'ENIM et les services de l'Etat chargés de la mer afin de recentrer l'action des délégations à la mer et au littoral sur l'affiliation, l'accueil et l'information du public ;

Recommandation n° 2 : poursuivre le développement des télé-services dans le but de garantir un meilleur niveau de service et de responsabiliser les salariés et les employeurs ;

Recommandation n° 3 : rendre la coopération, voire la mutualisation de certains outils, entre régimes spéciaux obligatoire, afin de minimiser les charges de gestion.

La simplification des règles du régime de retraite des marins

Recommandation n° 4 : simplifier et assouplir la grille de salaires forfaitaires par catégories ;

Recommandation n° 5 : réduire le nombre de taux de contributions sociales applicables aux armateurs ;

Recommandation n° 6 : rationaliser les dispositifs d'exonération de charges sociales, afin de rendre le système plus lisible.

La promotion du régime auprès des professionnels

Recommandation n° 7 : lancer une campagne d'affiliation à destination des publics qui, de par leur activité, pourraient s'affilier à l'ENIM (secteur de la plaisance, professionnels munis d'une carte de circulation).

Le renforcement de l'équité au sein du régime et entre régimes

Recommandation n° 8 : garantir aux femmes marins enceintes une protection satisfaisante, en rendant applicable l'obligation de reclassement sur un emploi à terre ;

Recommandation n° 9 : moderniser la couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles, en tirant les conséquences, sur les plans réglementaire et financier, de la décision du Conseil constitutionnel du 6 mai 2011, ayant permis aux marins d'invoquer la faute inexcusable de l'employeur ;

Recommandation n° 10 : réfléchir à une prise en compte de la pénibilité plus juste entre les différentes professions du régime et moduler l'âge de départ à la retraite selon ce critère.

LES CHIFFRES-CLÉS DU RÉGIME SPÉCIAL DE RETRAITE

ET DE SÉCURITÉ SOCIALE DES MARINS

I. LE RÉGIME DE RETRAITE ET DE SÉCURITÉ SOCIALE DES MARINS : UN RÉGIME SPÉCIAL À PART

A. UN RÉGIME MULTIRISQUES, ANCIEN ET ATYPIQUE

1. L'un des plus anciens régimes de protection sociale

Les prémices du régime de retraite et de sécurité sociale des marins datent de l'institution par Colbert, en 1673 , du fonds des invalides de la marine . Ancêtre de l'actuel établissement national des invalides de la marine (ENIM), ce fonds a été créé en compensation de l'enrôlement . Il avait vocation à financer des hospices maritimes, au travers d'un faible prélèvement sur la solde des marins. En 1689, ce secours aux marins estropiés a évolué vers le versement d'une demi-solde , qui constitue l'ancêtre de la pension d'invalidité.

Conçu à l'origine pour le personnel militaire de la marine royale, le régime de protection contre l'invalidité a été étendu au début du XVIII e siècle à la marine marchande, puis aux marins-pêcheurs, du fait de l'enrôlement obligatoire des gens de mer. Avec le développement de la marine commerciale, une séparation progressive s'est opérée entre la protection sociale des marins militaires et celle des marins civils. Cette séparation était achevée en 1898 avec la création d'une caisse de prévoyance spécifique aux marins civils. Mais ce n'est qu'avec le décret du 17 juin 1938 2 ( * ) que les différents régimes d'assurance des marins ont été unifiés.

L'ordonnance du 4 octobre 1945 a permis le maintien d'une organisation spéciale de sécurité sociale pour un certain nombre d'entités et de professions dont « les activités qui entraînent l'affiliation au régime d'assurance des marins français institué par le décret-loi du 17 juin 1938 modifié ».

Le régime spécial des marins est donc l'un des plus anciens régimes de sécurité sociale et de retraite avec le régime des mines. Son histoire explique la place importante de l'Etat dans la définition de ses règles et dans sa gestion, ainsi que l'attachement des professionnels.

2. Un régime multirisques, avec une activité retraite prépondérante

Le régime des marins couvre l'ensemble des assurances sociales, à l'exception des prestations familiales 3 ( * ) , au travers de deux caisses, regroupées au sein de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) :

- la caisse générale de prévoyance ( CGP ) prend en charge les risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladie professionnelle (AT-MP). Au total, les dépenses correspondant à ces différentes prestations se sont élevées à près de 338 millions d'euros en 2012 (hors frais de fonctionnement), soit 21 % des charges totales de l'ENIM ;

- la caisse de retraite des marins ( CMR ) est responsable de la branche vieillesse, qui représente la principale activité du régime en termes de dépenses avec 1 092 millions d'euros de pensions de retraite versées en 2012, soit 68 % des charges de l'ENIM.

Dépenses de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM)
par type de prestations servies

(en millions d'euros)

Exécution 2011

Exécution 2012

Prévision 2013

Part dans le budget de l'ENIM en 2013

Pensions vieillesse

1 081,3

1 092,1

1 101,0

68 %

Prestations maladie, maternité, AT-MP et prestations diverses

324,9

330,7

337,7

21 %

Action sanitaire et sociale

6,4

5,8

5,8

1 %

Source : ENIM ; projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013

Par ailleurs, l'ENIM a développé une politique d'action sanitaire et sociale spécifique , presque entièrement financée par une subvention de l'Etat (7,18 millions d'euros en 2012 et 6,16 millions d'euros prévus en 2013). Les dépenses liées à cette politique permettent principalement de financer des prestations aux ayants droits les plus âgés, plus particulièrement sous la forme d'aides ménagères à domicile (3,68 millions d'euros en 2012), et des subventions à des organismes sociaux ou à des associations telles que le service social maritime (SSM) et l'association pour la gestion des institutions sociales maritimes (AGISM).

L'action sanitaire et sociale de l'ENIM vient en complément des prestations familiales et sociales gérées par la Caisse maritime d'allocations familiales .

La caisse maritime d'allocations familiales

La caisse maritime d'allocations familiales (CMAF) est une caisse spécifique aux professions maritimes, dont la compétence est nationale. Elle joue à la fois le rôle d'organisme recouvreur de cotisations familiales et de contributions sociales et de caisse prestataire et cumule, à ce titre, les statuts de caisse d'allocations familiales (CAF) et d'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF).

En 2011, la CMAF comptait 6 368 allocataires et gérait 13 426 comptes de cotisants. Elle a encaissé 137 millions d'euros de cotisations et versé 23,5 millions d'euros de prestations légales, ainsi qu'environ 2 millions d'euros d'aide au titre de l'action sociale.

Pour la première fois depuis dix ans, le nombre d'allocataires de la CMAF a augmenté en 2011. Cette hausse s'explique par l'opération, réalisée par la CMAF, de réintégration d'allocataires inscrits dans des Caf départementales et relevant de plein droit de la caisse maritime, en se basant sur le recueil national des bénéficiaires.

Située à La Rochelle, la Cmaf dispose de six antennes sur le littoral métropolitain, qui ont accueilli environ 1 800 personnes en 2011. Pour l'accueil physique, la Cmaf s'appuie également sur le réseau du service social maritime.

3. La diversité des professions maritimes affiliées au régime
a) Les professions concernées par l'affiliation à l'ENIM

Le régime de retraite et de sécurité sociale des marins concerne les professionnels des secteurs maritimes au sens large : pêche , cultures marines , commerce et plaisance professionnelle .

L'affiliation au régime découle de l'immatriculation en tant que marin ou gens de mer, sur un navire immatriculé en France. Ainsi, sont affiliés au régime spécial des marins les catégories suivantes, définies par l'article L. 511-1 du code des transports :

- les marins , c'est-à-dire « toute personne [...], qui contracte un engagement envers un armateur ou s'embarque pour son propre compte, en vue d'occuper à bord d'un navire un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et au fonctionnement du navire » ;

- les gens de mer , c'est-à-dire « tout marin ou toute autre personne exerçant, à bord d'un navire, une activité professionnelle liée à son exploitation ».

Sur les quelques 30 000 marins actifs cotisant au régime fin 2011, environ 44 % appartenaient au secteur du commerce et 55 % relevaient de la pêche et des cultures marines.

La situation économique des secteurs maritimes

1) Les secteurs de la pêche et des cultures marines

En 2012, la flotte de pêche française comptait 7 157 navires, dont 4 578 en métropole et 2 579 en outre-mer, représentant environ 22 000 emplois. En métropole, 39 % des marins sont employés à la « petite pêche », c'est-à-dire par des navires partant à la journée, 14 % à la « pêche côtière » (navires dont l'absence du port est comprise entre 24 et 96 heures) et 17 % à la « pêche au large » (navires dont l'absence du port est supérieure à 96 heures et qui n'appartiennent pas à la grande pêche).

Depuis le milieu des années 2000, le secteur de la pêche connaît une baisse régulière du nombre de navires, d'emplois (- 11 % entre 2005 et 2010) et de volumes débarqués (- 18 % entre 2006 et 2010). Après une grave crise en 2007-2008 liée à l'augmentation du coût du pétrole, le secteur a généré en 2011 un chiffre d'affaires de 1 051 millions d'euros, pour 464 000 tonnes de produits débarqués (pêches fraîche et congelée confondues).

Le secteur des cultures marines regroupe environ 3 000 entreprises conchylicoles (élevage de coquillages, algues et crevettes) et 500 entreprises piscicoles (aquaculture), employant au total environ 19 000 personnes. Avec un chiffre d'affaires de 667 millions d'euros en 2010, le secteur aquacole français compte parmi les premiers en Europe. La production d'huîtres y tient une place très importante. Le secteur est toutefois fragilisé par les crises sanitaires.

Au total, les secteurs de la pêche et de l'aquaculture ne fournissent que 20 % des poissons et coquillages consommés en France, le reste étant importé.

2) Le secteur de la flotte de commerce

Au 1 er janvier 2013, la flotte de commerce française comptait environ 199 navires, dont 38 navires pétroliers, 87 navires de transport de marchandises et 74 navires de passagers. Une baisse de 6 % de la flotte a été constatée en 2012, qui a affecté principalement les navires pétroliers.

Le contexte de ralentissement des économies émergentes et d'entrée de l'Union européenne en récession explique en partie ce recul, lié à la baisse des échanges mondiaux. De plus, la flotte française de navires de passagers est soumise à une concurrence étrangère forte et connaît de grandes difficultés. En revanche, le secteur des flottes de services, à très haute valeur ajoutée (flotte câblière, flotte offshore et flotte sismique) est très dynamique.

3) Le secteur de la plaisance professionnelle

Le secteur de la plaisance professionnelle emploie près de 1 600 marins. Si la filière de la construction nautique est très dynamique, la navigation de plaisance professionnelle connaît un marché de l'emploi très conjoncturel et parfois instable.

Source : Direction des affaires maritimes ; France Agrimer, « Les filières pêche et aquaculture en France », avril 2013

b) Des conditions de travail pénibles et une forte sinistralité

La grande majorité des métiers des secteurs maritimes se caractérisent par une pénibilité importante et une forte sinistralité. Les principaux facteurs de pénibilité sont les horaires de travail décalés , l' éloignement et un espace de vie à bord confondu avec l'espace de travail. L' exposition au bruit des machines constitue également une nuisance importante.

La pénibilité est particulièrement marquée dans le secteur de la pêche en raison du rythme de travail engendré par le maniement des engins de pêche et le traitement des captures.

En outre, la pêche demeure le secteur le plus accidentogène en France , devant le bâtiment et les travaux publics, et ce malgré une baisse de 25 % du nombre d'accidents entre 2006 et 2010. En 2010, environ 1 300 victimes d'accidents du travail ont été recensées dans ce seul secteur. Cette baisse semble s'expliquer davantage par la baisse des effectifs de marins pêcheurs que par une diminution de la sinistralité.

Sur les 226 décès relevés chez l'ensemble des marins entre 1999 et 2010, 191 concernaient la pêche et la conchyliculture. Les principales causes des accidents à la pêche sont les naufrages et les chutes à la mer . Sur la période 1999-2010, le taux de décès par chute à la mer ou naufrage s'élève à 0,88 pour 1 000 marins à la pêche, alors qu'il est de 0,71 pour 1 000 marins toutes catégories confondues et de 0,033 pour 1 000 travailleurs dans l'ensemble des catégories professionnelles.

Evolution du nombre d'accidents du travail maritime

2006

2007

2008

2009

2010

Evolution

2006-2010

Pêche

1 798

1 682

1 497

1 411

1 343

- 25 %

Conchyliculture

239

220

216

208

202

- 15 %

Commerce

1 376

1 497

1 381

1 347

1 224

- 11 %

Tous marins

3 413

3 400

3 203

3 073

2 694

- 21 %

Source : commission des finances, d'après le rapport sur les accidents du travail maritime 2009-2010 du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Dans un rapport thématique sur la sécurité des navires 4 ( * ) , la Cour des comptes relève ainsi le « défi particulier » que pose le monde de la pêche maritime en matière de sécurité et recommande une analyse plus globale de la dangerosité du métier de marin pêcheur, intégrant le contexte économique et financier.

4. Des règles d'attribution des prestations qui diffèrent du droit commun

Le corpus juridique du régime est fondé sur le code des transports et des décrets spécifiques 5 ( * ) . Ces derniers renvoient dans certains cas au code de la sécurité sociale, mais prévoient aussi des règles spécifiques, en particulier pour le risque vieillesse.

a) Les spécificités en matière d'assurances maladie et maternité

La principale particularité concernant l'assurance maladie des marins est la prise en charge à 100 % des maladies en cours de navigation . Cette prise en charge incombe à l'employeur pendant le premier mois, puis l'ENIM prend le relais.

L'obligation de prise en charge de l'employeur, qui comprend les soins, la poursuite de versement du salaire et les frais de rapatriement, a pour origine les premières conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) relatives au travail maritime.

Si cette spécificité apparaît plus protectrice que le droit commun, la protection des femmes marins enceintes est quant à elle précaire . Le droit du travail maritime 6 ( * ) prévoit en effet que les femmes exerçant la profession de marin ne peuvent travailler à partir du moment où la grossesse est constatée. Leur contrat de travail est alors suspendu et elles se trouvent privées de revenus jusqu'au versement des indemnités journalières maternité 7 ( * ) . Le fonds d'action sanitaire et sociale de l'ENIM a mis en place une indemnité spécifique pour combler cette période sans rémunération.

b) Les spécificités en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle

Le régime des marins ne dispose pas de branche autonome couvrant les risques d'accidents du travail et de maladie professionnelle (AT-MP). De surcroît, il n'existe pas de contribution employeur ou de cotisation salariale spécifique en matière d'AT-MP. Cette situation apparaît en contradiction avec la forte sinistralité des métiers maritimes.

De plus, le décret du 17 juin 1938 posant les grands principes d'organisation du régime ne reconnaît pas la faute inexcusable de l'employeur pour un accident survenu en mer. Ainsi, les marins victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ne peuvent recevoir de majoration de rente en cas de faute inexcusable de l'employeur, comme c'est le cas dans le régime général.

Si la décision du Conseil constitutionnel du 6 mai 2011 8 ( * ) a reconnu aux marins les mêmes droits à indemnisation qu'aux autres salariés, les règles du régime et le financement de la couverture AT-MP n'ont pas été modifiés en conséquence.

c) Les spécificités en matière de retraite

Les règles de fonctionnement du régime de retraite des marins se distinguent de celles du régime général essentiellement sur quatre points :

- l'âge normal d'ouverture des droits à la retraite est fixé à cinquante-cinq ans , contre soixante-deux ans pour le régime général (à partir de la génération née en 1955). Les départs anticipés sont possibles, à cinquante ans pour les marins ayant servi vingt-cinq années et à cinquante-deux ans et demi pour ceux réunissant dix-sept annuités et demi de services ;

- il existe trois types de pensions , non cumulables entre elles, selon l'ancienneté. La pension d'ancienneté est versée lorsque le marin réunit au moins vingt-cinq années de services ; la pension proportionnelle à partir d'au moins quinze années de services ; la pension spéciale lorsque la durée de services est comprise entre trois mois et quinze ans ;

- le montant de la pension de retraite est calculé sur la base du salaire forfaitaire des trois dernières années de service , contre le salaire réel des vingt-cinq meilleures années pour le régime général.

Le tableau de la page suivante établit un comparatif des principales règles de liquidation entre le régime de retraite des marins et le régime général.

REGLES DE LIQUIDATION

REGIME GENERAL

RÉGIME DE RETRAITE DES MARINS

Âge normal d'ouverture des droits

62 ans (à compter de la génération née en 1955)

55 ans

Durée de service minimale à l'âge normal d'ouverture des droits

Sans objet

15 ans

Durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein

41,5 ans (à compter de la génération née en 1956)

37,5 ans

Assiette de liquidation

25 meilleures années (salaire réel)

3 dernières années (salaire forfaitaire)

Taux de liquidation (taux plein)

50 %

75 %

Modulation

Proratisation en fonction de la durée de cotisation

Coefficient de proratisation =
durée d'assurance dans le régime / durée d'assurance requise

2 % par annuité

Décote (se superpose à la proratisation)

1,25 % par trimestre manquant
(à compter de la génération 1953)

Pas de décote

Surcote

1.25 % par trimestre supplémentaire cotisé après l'âge légal

Pas de surcote

Activité après limite d'âge

Activité autorisée, avec surcote possible après 65 ans

Cumul emploi retraite après liquidation de la ou des pensions de retraite

Activité autorisée
Services non valables pour pension au-delà de 65 ans

Revalorisation

Au 1 er avril de chaque année, selon la prévision d'inflation de la commission économique de la Nation

Au 1 er avril de chaque année, selon la prévision d'inflation de la commission économique de la Nation

Comparaison des règles de liquidation des pensions de retraite du régime général et du régime spécial des marins

Source : commission des finances, d'après les éléments transmis par le ministère des affaires sociales et de la santé

Il convient de souligner que le régime de retraite des marins n'a pas été concerné par la réforme des régimes spéciaux de 2008 . Par ailleurs, la réforme paramétrique de novembre 2010 9 ( * ) n'a eu qu'un effet indirect sur le régime : l'âge moyen de départ à la retraite a augmenté en raison du nombre important de bénéficiaires de pensions spéciales, qui bénéficient également d'une pension de retraite d'un autre régime.


* 1 Rapport d'information n° 452 (2007-2008), « La caisse de retraite du personnel de la RATP : comment maîtriser le financement du régime spécial de la RATP » et rapport d'information n° 732 (2009-2010), « Le régime spécial de retraite de la SNCF : un premier bilan de la réforme de 2008 ».

* 2 Décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins.

* 3 Les prestations familiales des assurés du régime des marins et le recouvrement des cotisations sociales correspondantes relèvent de la Caisse maritime des allocations familiales (CMAF), qui appartient au réseau de la Caisse nationale des allocations familiales.

* 4 Cour des comptes, rapport thématique « La sécurité des navires et de leurs équipages : des résultats inégaux, un contrôle inadapté » , 2012.

* 5 Annexe II.

* 6 Article 24, alinéa 2 de l'arrêté du 16 avril 1986 relatif aux conditions d'aptitude physique à la profession de marin à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance.

* 7 Servies à partir de six semaines avant l'accouchement.

* 8 Décision 2011-125 QPC du 6 mai 2011.

* 9 Loi n° 2010-1330 di 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

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