B. LES VOIES D'UNE RELANCE DU COUPLE FRANCO-ALLEMAND

Lors de sa conférence de presse, le Président de la République a suggéré plusieurs pistes pour une initiative européenne à soumettre à l'ensemble de nos partenaires européens : un gouvernement économique de la zone euro, un plan d'insertion des jeunes, une stratégie d'investissements notamment pour les nouvelles industries et pour les nouveaux systèmes de communication, une communauté européenne de l'énergie destinée à coordonner les efforts sur les énergies renouvelables et à assurer la transition énergétique. Il a par ailleurs mis en avant une capacité budgétaire de la zone euro et la possibilité, progressivement, de lever l'emprunt.

À vrai dire, ces idées étaient déjà sur la table. Mais le fait que la France s'en saisisse et souhaite les faire avancer est une bonne chose. Elle n'y parviendra qu'à partir du couple franco-allemand. La contribution commune peut être utile dans ce sens.

1. L'action dans le domaine économique et social
a) Le plan commun pour l'emploi des jeunes

Le chômage des jeunes en Europe est particulièrement préoccupant. 23,5 % des jeunes sont à la recherche d'un emploi. La situation est très grave dans certains États membres : L'Espagne (56,4 %), la Grèce (62,5 %), le Portugal (42,5 %), l'Italie (40,5 %), la Slovaquie (33,6%) et Chypre (32,7 %). A l'inverse, l'Allemagne (7,5 %), l'Autriche (8,0 %) et les Pays-Bas (10,6 %) sont dans une situation bien plus favorable. La France (26,5 %) se situe, quant à elle, au-dessus de la moyenne européenne.

Paris et Berlin ont annoncé un plan commun pour l'emploi des jeunes. Une conférence des ministres de l'Emploi et des administrations du marché de l'emploi aura lieu le 3 juillet à Berlin. La contribution franco-allemande approuve l'objectif de la « garantie pour la jeunesse » visant à ce que chaque jeune de moins de 25 ans se voit proposer une offre de qualité en matière d'emploi, de formation, d'apprentissage ou de stage. Ce plan devra viser à offrir une meilleure formation, une insertion dans le marché de l'emploi et des conditions de mobilité améliorées. La formation en alternance et l'apprentissage devront être développés. Les possibilités qu'offre le programme « Erasmus pour tous » devront être mieux utilisées. Pour que l'initiative pour l'emploi des jeunes joue pleinement son rôle, la contribution prévoit que le décaissement des 6 milliards d'euros qui lui ont été alloués devra être concentré sur les deux premières années de la prochaine période financière pluriannuelle et être effectif dès que possible en 2014. Les préparatifs concrets devront être menés avant la fin de 2013. D'autres fonds structurels, en particulier le Fonds social européen, pourront aussi être utilisés. L'accès des PME au financement sera amélioré par des actions des institutions européennes, en particulier la Banque européenne d'investissement (BEI).

b) L'énergie

La déclaration du conseil des ministres franco-allemand à l'occasion du 50 e anniversaire du traité de l'Élysée a affirmé l'objectif des deux pays d'augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Angela Merkel a fixé un objectif pour son pays de 40 % d'électricité issue des énergies renouvelables d'ici 2020. Cette énergie renouvelable est actuellement essentiellement fournie par l'éolien (8,6 % de la production d'électricité). En France, la contribution des énergies renouvelables au mix électrique a progressé en 2012 pour atteindre 16,4 %.

En février 2013, les ministres français et allemand de l'environnement Delphine Batho et Peter Altmaier ont signé une déclaration commune transformant le bureau de coordination énergies renouvelables en un office franco-allemand pour les énergies renouvelables dans le cadre de la transition énergétique.

Les deux ministres ont récemment cosigné une tribune 5 ( * ) dans laquelle ils indiquent vouloir « faire de la transition énergétique le nouveau moteur du couple franco-allemand pour les énergies renouvelables ».

Votre rapporteur fait observer que nous disposons d'une expertise dans d'autres domaines énergétiques. Il faut donc veiller à ne pas limiter notre coopération aux seules énergies renouvelables. Aux yeux de votre rapporteur, le nucléaire reste pour la France un atout en termes de compétitivité et de protection contre l'effet de serre, qu'il convient de préserver.

c) La gouvernance de la zone euro

Pour la gouvernance de la zone euro, le Président de la République a proposé d'instaurer un gouvernement économique qui se réunirait tous les mois autour d'un véritable président nommé pour une durée longue et affecté à cette seule tâche. Cette question de la gouvernance a déjà été abordée dans le TSCG. L'Eurogroupe, qui a été formellement reconnu par le traité de Lisbonne, se réunit déjà tous les mois. En revanche, il est vrai que le président de l'Eurogroupe est élu pour un mandat limité à deux ans et demi qu'il cumule avec les fonctions ministérielles nationales. Un mandat plus long et exclusif d'autres activités serait peut-être un gage de plus grande efficacité. Lors de leur rencontre du 30 mai, le Président de la République et la Chancelière ont retenu le principe de sommets plus réguliers de la zone euro et d'un président à temps plein de l'Eurogroupe disposant de moyens renforcés. Ils ont aussi invité le Parlement européen à mettre en place en son sein des structures dédiées pour la zone euro. S'y ajouterait un contrôle démocratique exercé au niveau national pour les compétences relevant du niveau national. Cette césure paraît contestable tant les deux niveaux - national et européen - sont désormais étroitement imbriqués. C'est pourquoi votre rapporteur préférerait à cette césure l'idée d'un fédéralisme « coopératif ».

Des questions - peut-être plus décisives - vont se poser. Nous consolidons la zone euro. Nous voulons renforcer sa gouvernance. Jusqu'où voulons-nous aller ? Comment cette gouvernance rénovée s'articulera-t-elle avec l'ensemble institutionnel de l'Union européenne ? Votre rapporteur ne croit pas que l'on puisse progresser sans une sorte de « noyau dur » pour piloter la zone euro. C'est là où le moteur franco-allemand peut retrouver tout son sens.

d) La convergence économique et sociale

La convergence économique et sociale au sein de l'Europe doit aussi être un sujet franco-allemand. On en parle depuis longtemps. Il faut maintenant avancer et prendre des initiatives concrètes. Le Président de la République a indiqué que le gouvernement économique de la zone euro « harmoniserait la fiscalité, commencerait à faire acte de convergence sur le plan social par le haut et engagerait un plan de lutte contre la fraude fiscale. » . La France et l'Allemagne doivent agir ensemble dans ce sens afin d'entraîner nos partenaires européens. C'est évidemment un préalable à la possibilité, également évoquée par le Président de la République, que la zone euro soit dotée de la capacité de « lever l'emprunt ». Dans leurs propositions, le président de la République et la Chancelière souhaitent le développement d'une politique économique de la zone euro, visant compétitivité, croissance et emploi. Parmi les domaines d'action, ils mentionnent expressément la convergence des systèmes fiscaux et la dimension sociale avec notamment la mise en place de salaires minimaux, définis au niveau national, soit par la législation, soit par des conventions collectives. Par ailleurs, au second semestre, devraient être définis à la fois le concept de « contrats de compétitivité et de croissance » ainsi que les ressources et les modalités d'un fonds de la zone euro. On rappellera également que la France et l'Allemagne participent à la coopération renforcée relative à la création d'une taxe sur les transactions financières (TTF) qui associe onze États membres.

En réalité, il ne pourra pas y avoir mutualisation des dettes sans un véritable partage de la souveraineté. On est ainsi renvoyé à l'idée d'une « union politique », évoquée périodiquement par l'Allemagne sans que son contenu soit toutefois précisé. Le Président de la République a repris à son compte cette idée d'« union politique » en paraissant l'axer surtout sur les propositions citées plus haut. Pour l'instant, les contours de ce qui pourrait être une « union politique » restent donc assez flous de part et d'autre du Rhin. Personne ne semble pressé de relancer le débat institutionnel dans un contexte économique particulièrement difficile. La Chancelière a récemment déclaré à la presse allemande 6 ( * ) qu'elle ne voyait pas la nécessité d'abandonner de nouveaux pouvoirs nationaux. La coordination des politiques devrait être renforcée sans que de nouveaux pouvoirs soient attribués à Bruxelles.

2. L'espace de liberté, de sécurité et de justice

La coopération franco-allemande peut jouer un rôle d'impulsion efficace pour construire l'espace de liberté, de sécurité et de justice

La France et l'Allemagne ont souvent été à l'origine d'avancées concrètes. Les accords de Schengen en sont un bon exemple. Ensemble, elles peuvent permettre de nouvelles avancées. Le régime matrimonial franco-allemand, élaboré en 2010, peut préfigurer un régime européen. La création d'un Parquet européen ne se fera pas sans un accord franco-allemand. La récente concrétisation d'une position commune est donc une bonne nouvelle.

La déclaration du conseil des ministres franco-allemand à l'occasion du 50è anniversaire du traité de l'Élysée souligne la volonté commune d'approfondir la coopération dans ce domaine. Outre le renforcement de la citoyenneté européenne qui reste un objectif commun, les deux pays envisagent une coopération approfondie dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, le trafic de drogues, la traite des êtres humains, ainsi que la cybercriminalité.

De même, les commissariats européens seront multipliés et renforcés pour servir de cadre à l'engagement conjoint de policiers allemands et français lors d'évènements festifs ou lors de périodes estivales.

En matière d'immigration, la France et l'Allemagne amélioreront leur coopération dans la gestion des flux de population, notamment pour favoriser l'intégration.

3. La politique étrangère et la défense

La politique étrangère et la défense constitue un autre domaine où la coopération franco-allemande peut jouer un rôle décisif. L'Union européenne doit se positionner dans un monde instable. Si elle est capable d'élaborer des positions communes, sa voix portera. Dans le cas contraire, elle ne sera pas entendue. La France et l'Allemagne doivent agir ensemble dans ce sens. L'Europe doit pouvoir se défendre contre les différentes menaces. Les dernières années ont montré qu'il était possible de concevoir une défense européenne sans mettre en cause le rôle de l'OTAN. Avec le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne fournissent l'essentiel de l'effort européen de défense. Ensemble, ils pourraient prendre des initiatives communes, en particulier pour promouvoir une véritable industrie européenne de l'armement.

La déclaration du conseil des ministres franco-allemand à l'occasion du 50 e anniversaire du traité de l'Élysée souligne l'engagement de la France et de l'Allemagne pour la mise en oeuvre d'une véritable politique étrangère européenne, la logique de rapprochement de leurs ministères des affaires étrangères ainsi la recherche d'une mise en commun de services entre les postes des deux pays, en particulier dans le domaine consulaire (services des visas notamment).

Dans le domaine de la défense, la déclaration du conseil des ministres franco-allemand annonce des propositions et initiatives communes dans le cadre de la coopération bilatérale afin de développer les capacités de l'Union européenne au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). À plus long terme, les deux pays chercheront à contribuer à l'émergence d'une véritable culture de défense commune en Europe. La déclaration mentionne également la recherche d'une analyse stratégique convergente, prérequis d'une capacité d'action commune. Elle appelle à une mutualisation et à un partage accru des ressources et des capacités. En ce qui concerne l'industrie de défense, elle relève qu'en décembre 2012, la France et l'Allemagne ont réaffirmé leur engagement conjoint en faveur d'EADS.

Le Président de la République a indiqué qu'il ferait des propositions en vue du Conseil européen de décembre 2013. Il faut souhaiter que la coopération franco-allemande joue aussi dans ce domaine.


* 5 Le Monde du 15 mai 2013.

* 6 Der Spiegel du 3 juin 2013.

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