3. Un nouvel élan donné à la coopération européenne en matière fiscale

L'entrée en vigueur prochaine du dispositif « FATCA » n'est sans doute pas étrangère aux progrès réalisés au cours des derniers mois au sein de l'Union européenne pour améliorer la coopération entre les États-membres en matière fiscale.

La fiscalité - l'un des rares domaines qui demeurent régis par la règle de l'unanimité - peut être regardée comme le « parent pauvre » de la coopération européenne. Des dispositifs de coopération ont certes pu être adoptés - tels la « directive épargne » du 3 juin 2003, qui a mis en place un échange automatique d'informations entre États membres s'agissant des paiements d'intérêts - mais leur champ a longtemps été circonscrit, laissant subsister d'importantes disparités entre les législations d'États membres pas toujours très soucieux de solidarité fiscale... Les réticences à cet égard du Luxembourg et de l'Autriche sont connues.

L'Union européenne ne pouvait toutefois pas rester imperméable aux engagements pris dans le cadre du G20 et de l'OCDE et au souhait nettement affirmé de plusieurs de ses membres - à commencer par la France - d'avancer de façon significative sur ce sujet.

• Des exigences accrues en matière d'échanges d'informations

C'est dans ce contexte qu'a été adoptée la directive 2011/16/UE du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal , visant à renforcer les exigences de transparence et d'échange d'informations entre les États membres.

Son champ concerne tous les impôts et taxes , à l'exception de la TVA, des droits de douane, des droits d'accises et des cotisations sociales obligatoires déjà couvertes par d'autres dispositions législatives de l'UE sur la coopération administrative. Les échanges d'informations peuvent porter sur des personnes physiques ou morales, sur des associations de personnes ou sur toute autre construction juridique.

Elle dispose que, désormais, les États membres ne peuvent plus refuser de transmettre des informations au seul motif que ces informations sont détenues « par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu'agent ou fiduciaire, ou qu'elles se rapportent à une participation au capital d'une personne » .

En outre, la directive prévoit qu' à compter du 1 er janvier 2015, cinq catégories de revenus et de capitaux donneront lieu à un échange automatique d'informations : revenus professionnels, jetons de présence, produits d'assurance-vie non couverts par d'autres directives, pensions, propriété et revenus de biens immobiliers.

Enfin, elle renforce les mécanismes d'échanges spontanés entre partenaires européens, par exemple lorsque l'autorité compétente d'un État membre a des raisons de supposer qu'il peut exister une perte d'impôt ou de taxe dans un autre État membre.

Cette directive est entrée en vigueur le 1 er janvier 2013, à l'exception des dispositions relatives à l'échange automatique d'informations qui n'entreront en vigueur que le 1 er janvier 2015.

• L'engagement du processus de révision de la « directive épargne » de 2003

Parallèlement, l'Union européenne s'est engagée dans un processus de révision de la « directive épargne » 2003/48/CE du 3 juin 2003.

Entrée en vigueur le 1 er janvier 2005, cette dernière astreint les agents payeurs, soit à déclarer les intérêts perçus par les contribuables résidant dans d'autres États membres de l'UE, soit, s'agissant de la Belgique, du Luxembourg et de l'Autriche, à prélever une retenue à la source sur les intérêts perçus (20 % jusqu'au 30 juin 2011, 35 % depuis cette date). Des dispositions similaires (échange d'informations ou retenue à la source) sont également appliquées dans cinq pays tiers européens (Suisse, Liechtenstein, Monaco, Andorre et Saint-Marin) et dans dix territoires dépendants ou associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas (Anguilla, Aruba, Iles Vierges britanniques, Iles Caïmans, Guernesey, île de Man, Jersey, Montserrat, Antilles néerlandaises et îles Turks-et-Caicos), sur la base d'accords bilatéraux.

La proposition de modification publiée par la Commission européenne le 13 novembre 2008 vise à améliorer le dispositif, en étendant son champ d'application aux personnes morales , afin de garantir l'imposition des paiements d'intérêts transitant par des structures intermédiaires de type « trusts ». Elle prévoit aussi d'étendre le champ d'application de la directive aux revenus équivalents à des intérêts et provenant d'investissements effectués dans divers produits financiers innovants ainsi que dans certains produits d'assurance-vie . En outre, la simplification du fonctionnement technique de la directive devrait faciliter l'utilisation du système et en rendre l'application plus efficace.

Jusqu'à présent, les négociations ont fait l'objet de blocages récurrents, principalement du fait du Luxembourg et de l'Autriche, qui bénéficient du régime dérogatoire permettant de payer une retenue à la source plutôt que de délivrer des informations, et qui ont fait de la renégociation des accords bilatéraux conclus avec les cinq pays tiers précités (Suisse, Liechtenstein, Monaco, Andorre et Saint-Marin) un préalable à toute avancée dans le domaine communautaire.

Ces réticences se sont récemment atténuées : sous l'effet de la pression de leurs pairs, le Luxembourg et l'Autriche ont accepté de déconnecter la question de la révision de la directive épargne de la renégociation des accords avec les pays tiers. La Commission européenne a ainsi été spécifiquement chargée, le 14 mai dernier, d'un mandat de négociation visant à étendre le champ des accords portant mesures équivalentes à la directive épargne conclus avec ces cinq États et à y inclure une clause d'échange de renseignements sur demande conforme aux standards internationaux. Ce mandat prévoit également la possibilité de leur demander d'entrer dans une démarche d'échange automatique avec les États membres.

• Vers un « FATCA » européen

Avant même son entrée en vigueur formelle, le dispositif américain « FATCA », à l'application duquel se préparent de nombreux pays, tend à s'imposer comme modèle à suivre en matière de lutte contre la fraude fiscale, l'évasion fiscale et la planification fiscale agressive.

C'est ainsi qu'à la demande du Conseil européen réuni le 22 mai 2013, la Commission européenne a publié, le 12 juin 2013, une proposition tendant à étendre l'échange automatique d'informations entre les administrations fiscales de l'Union européenne : les dividendes, les plus-values, toutes les autres formes de revenus financiers et les soldes de comptes seraient ajoutés à la liste des catégories faisant l'objet d'un échange automatique d'informations au sein de l'Union en vertu de la directive du 15 février 2011 précitée.

D'ores et déjà, afin de donner une impulsion à ces chantiers, la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni ont décidé, dans le cadre du « G5 », de développer à titre de pilote un mécanisme d'échange automatique sur le modèle de « FATCA ».

Plusieurs autres États pourraient s'y associer (à ce jour, douze États membres, ainsi que le Mexique et la Norvège), tandis que le fait que des États membres traditionnellement réticents à l'échange automatique d'informations comme l'Autriche ou de Luxembourg aient accepté à l'égard des États-Unis de mettre en oeuvre « FATCA » devrait permettre d'obtenir leur adhésion au dispositif, en raison, notamment, de la clause de la nation la plus favorisée prévue à l'article 19 de la directive du 15 février 2011 précitée (qui dispose que « lorsqu'un État membre offre à un pays tiers une coopération plus étendue que celle prévue par la présente directive, il ne peut pas refuser cette coopération étendue à un autre État membre souhaitant prendre part à une telle forme de coopération mutuelle plus étendue »).

L'échange automatique d'informations, que la précédente commission d'enquête appelait de ses voeux, semble désormais à portée de main...

Comme l'indiquait Bruno Bézard, directeur général des finances publiques, lors de son audition : « Vous remarquerez que l'accord « Rubik », dont tout le monde parlait il y a quelques mois, a quasiment disparu de la scène médiatique [...] . Les promesses budgétaires faites par la Suisse à la Grande-Bretagne, pour l'appâter, afin qu'elle signe cet accord, vont décevoir, malheureusement pour le budget britannique, et ne sont plus de mise. On n'est plus dans un contexte où il est possible de garder le silence en échange d'un gros chèque ! [...] L'Allemagne n'a pas ratifié cet accord. Les Suisses avaient présenté les conclusions de la discussion avec l'Italie comme imminentes. Dans l'ambiance actuelle, la signature d'un tel accord me paraît peu probable. Les choses peuvent changer, mais l'atmosphère n'est plus du tout la même. En moins d'un an, j'ai pu voir le contexte international se modifier radicalement ».

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