2. De l'échec des accords Rubik au « FATCA » américain : la promotion de l'échange automatique d'informations comme nouveau standard de la coopération internationale

Les mois qui viennent de s'écouler ont par ailleurs vu progresser de façon tout à fait significative la promotion de l'échange automatique d'informations comme nouveau standard de la coopération internationale.

• L'échec des accords « Rubik »

La destinée des accords dits « Rubik » est à cet égard révélatrice de l'évolution rapide des mentalités en ce domaine et d'un abaissement significatif du seuil de tolérance des pays occidentaux face aux politiques d'opacité financière menées par certains États - y compris au sein même de l'Union européenne.

Forte de son attachement ancien au principe du secret bancaire et de l'opacité fiscale que celui-ci assure aux clients de ses établissements financiers, la Suisse a cherché à répondre aux mises en cause dont elle faisait l'objet de la part de ses principaux partenaires sans pour autant remettre en cause les fondements de son système bancaire. En 2011, elle a proposé à plusieurs grands États européens des accords bilatéraux dits « accords Rubik » reposant sur le principe d'un prélèvement forfaitaire libératoire effectué par son administration sur tous les comptes détenus en Suisse par les résidents du pays partenaire. Cette imposition forfaitaire a pour objet de permettre au contribuable de continuer à bénéficier de la confidentialité et d'éteindre toutes créances fiscales à l'égard de son État de résidence. L'imposition est établie et prélevée par les établissements financiers suisses, à charge, ensuite, pour l'administration fédérale suisse de reverser l'intégralité du produit à l'État partenaire. Elle est présentée comme une alternative à l'échange automatique d'informations , permettant de concilier confidentialité pour les détenteurs de comptes non déclarés et rentrées fiscales pour l'État partenaire.

Des accords de ce type ont ainsi été signés avec l'Allemagne et le Royaume-Uni en automne 2012 ainsi qu'avec l'Autriche en avril 2012. La France a, pour sa part, décliné toute proposition en ce sens, estimant notamment qu'un accord de ce type s'apparentait à une forme d'amnistie fiscale peu compatible avec nos principes républicains.

Toutefois, alors que les accords signés avec le Royaume-Uni et l'Autriche sont entrés en vigueur le 1 er janvier 2013, l'accord avec l'Allemagne a été rejeté par le Parlement allemand - semblant porter un coup d'arrêt au dispositif.

De fait, la Suisse paraît de plus en plus isolée dans sa défense de dispositifs de ce type, tandis que les voix se font de plus en plus nombreuses, notamment en Europe, pour demander la généralisation d'un mécanisme d'échange automatique d'informations entre les États partenaires. À cet égard, les effets d'entraînement induits par la prochaine entrée en vigueur de la loi « FATCA », votée par les États-Unis au printemps 2010, jouent un rôle essentiel dans les évolutions que la commission d'enquête a pu constater, quasiment au jour le jour, dans la mise en place d'une coopération internationale et européenne réelle en matière de fraude fiscale.

• Les effets d'entraînement induits par la loi « FATCA »

Le 18 mars 2010, les États-Unis ont adopté le « Foreign Account Tax Compliance Act » (« FATCA ») ayant pour objet d'obliger les établissements financiers étrangers de fournir à l' Internal Revenue Service (IRS) - l'agence fiscale des États-Unis - des informations sur les comptes détenus directement ou indirectement par des contribuables américains , notamment les flux financiers et les soldes annuels de ces comptes.

Le client américain de l'institution financière devra donner son accord à la transmission de ces informations ; dans le cas contraire, cette dernière sera tenue de procéder au bénéfice de l'IRS à une retenue fiscale égale à 30 % du montant de l'ensemble des paiements en provenance des États-Unis.

Dans un souci d'efficacité, cette loi, d'application extraterritoriale , s'adresse non seulement aux États liés aux États-Unis par une convention internationale de coopération, mais également, en l'absence d'une telle convention, directement aux établissements financiers , qui se trouvent de facto confrontés à un risque de rétorsion dans le cas où ils refuseraient de se soumettre aux demandes américaines (prélèvement de 30 % sur tous les paiements émis depuis les États-Unis pour compte propre ou pour compte de tiers).

En vue de faciliter la mise en oeuvre de cet accord, la France - comme d'autres États - a négocié un accord avec les États-Unis reposant sur la réciprocité , ce qui permettra d'améliorer la coopération fiscale avec les États-Unis (même si, en pratique, le nombre de résidents fiscaux américains en France et le nombre de résidents fiscaux français aux États-Unis est limité).

De fait, en incitant la plupart des États à conclure avec l'administration américaine un tel accord, ce dispositif, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1 er juillet 2014 , contribue d'ores et déjà à promouvoir le principe de l'échange automatique d'informations comme nouveau standard de la coopération entre États en matière fiscale.

Ce dernier a d'ores et déjà fait l'objet d'une communication du G20 de Saint-Pétersbourg de septembre 2013 , lequel a chargé l'OCDE d'établir un rapport en vue de mettre en place dans ce domaine un standard international qui pourra, à terme, être généralisé.

Concrètement, l'enjeu est de taille : alors que, jusqu'à présent, prédomine encore le principe de la coopération « à la demande » (un État suspectant l'un de ses ressortissants de posséder un compte non déclaré dans un autre État en demande confirmation à ce dernier), la mise en place de l'échange automatique d'informations permettra aux administrations d'être informées systématiquement des ouvertures de compte, transferts d'argent, créations de sociétés, etc. réalisés par leurs ressortissants dans les pays partenaires, en amont de l'ouverture de toute procédure administrative ou judiciaire. Pour reprendre les termes utilisés par Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives Économiques , lors de son audition : « l'échange automatique met à mal le secret bancaire à des fins fiscales ».

Ce système est d'autant plus susceptible de prospérer qu'il est promu par des pays jouissant d'un poids important dans l'économie mondiale : ainsi, face au risque de mesures de rétorsion auquel ses établissements financiers auraient pu être confrontés, la Suisse a signé avec les États-Unis le 14 février 2013 un accord relatif à la mise en oeuvre du « FATCA », que le Parlement suisse a entériné le 27 septembre dernier .

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