G. RENFORCER LES OUTILS DE L'ADMINISTRATION FISCALE
1. Sanctuariser les moyens des superviseurs
Le contrôle fiscal ainsi que les superviseurs financiers pourraient sans doute réaliser des gains de productivité par une meilleure coordination de leurs actions, par une extension de leurs prérogatives ou encore par le développement du capital humain, qui appelle une formation permanente. Par ailleurs, des évolutions concernant les formes de contrôle (en renforçant les contrôles ciblés) ou les modalités des relations avec les contribuables (par l'instauration d'doivent aller dans ce sens.
Mais ces gains de productivité réclament n certain temps et ne sont pas tellement assurés qu'on puisse les anticiper dans les arbitrages budgétaires.
Par ailleurs, l'afflux prévisible, et, en tout cas espéré de dossiers de normalisation fiscale conduit avec la sophistication des montages mais aussi la persistance de formes très banales de fraude, à souhaiter que les moyens de l'administration soient suffisamment calibrés pour remporter les succès attendus.
Proposition n° 24 : budgéter les moyens nécessaires à une politique décisive sur les plans financiers, social, économique et politique. |
2. Des dispositifs pouvant gagner en efficacité
Le droit fiscal français comporte plusieurs dispositifs anti-abus 57 ( * ) destinés à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales . Leur efficacité est très inégale mais réelle, l'article 57 du code général des impôts relatif aux prix de transfert ayant par exemple permis de rehausser une base fiscale de 3,5 milliards d'euros en 2012 58 ( * ) . S'inscrivant dans la continuité de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France de 2012 59 ( * ) , la présente commission appelle le Gouvernement et le Parlement à poursuivre l'amélioration de ces dispositifs (cf. encadré ).
La nécessité de faire évoluer
plusieurs dispositifs
L'abus de droit : l'article L. 64 du livre des procédures fiscales permet de sanctionner les montages ayant pour but exclusif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales en s'appuyant sur une application littérale des textes, mais contraire à l'intention de leurs auteurs. Si son efficacité a été démontrée, le dispositif souffre néanmoins d'une faiblesse majeure : il n'est pas applicable lorsqu'un montage poursuit un but « essentiellement » fiscal, et non pas « exclusivement » fiscal. A la suite d'une initiative 60 ( * ) de votre rapporteur et de Philippe Marini, président de la commission des finances, le Gouvernement a annoncé son intention de constituer un groupe de travail pour élaborer une rédaction permettant d'éviter le contournement du dispositif. Les dispositifs hybrides : ces montages, qui jouent de la différence de qualification juridique d'une même opération entre deux pays, permettent d'aboutir à une situation de double non-imposition. L'article 14 du projet de loi de finances pour 2014 traite le sujet sous l'angle de l'endettement artificiel, par lequel des sociétés génèrent des charges financières déductibles en France et considérées à l'étranger comme des gains en capital non imposables. Le cas des autres dispositifs hybrides reste néanmoins en suspens. Les prix de transfert : l'article 57 du code général des impôts permet d'imposer en France un bénéfice qui a été transféré par diminution ou majoration des prix d'achats ou de vente entre entreprises liées. L'article 15 du projet de loi de finances pour 2014 vise à inverser la charge de la preuve en matière de transfert de fonctions ou de risques à une entreprise liée. Un « FICOBA assurance-vie » : créé en 1971 puis informatisé en 1982, le fichier des comptes bancaires (FICOBA) recense les comptes de toute nature (bancaires, postaux, d'épargne...) ouverts sur le territoire national et permet l'exploitation de ces informations par les agents habilités à l'occasion des procédures de contrôle fiscal et de recouvrement des impôts. Cependant, les comptes d'assurance-vie ne sont pas soumis à une telle obligation de déclaration, alors qu'ils sont un vecteur important d'évasion fiscale. L'extension du FICOBA à l'assurance-vie avait ainsi été l'une des propositions (n° 46) de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France 61 ( * ) . Cette proposition n'a toutefois pas abouti à ce jour. |
Proposition n° 25 : poursuivre le travail de renforcement des dispositifs anti-abus et des instruments juridiques de l'administration fiscale. |
Par ailleurs, afin de lutter efficacement contre la fraude fiscale, il est important que les différents outils juridiques du contrôle fiscal soient mobilisés , à commencer par un usage plus systématique du droit de communication à l'égard des intermédiaires . Ce droit, prévu par les articles L. 81 à L. 102 AA du livre des procédures fiscales, permet à l'administration fiscale de prendre connaissance et, au besoin, copie de documents détenus par des tiers (entreprises privées, administrations, établissements et organismes divers...). Les renseignements recueillis à cette occasion peuvent être utilisés pour l'établissement de l'assiette et le contrôle de tous impôts et taxes à la charge, soit de la personne physique ou morale auprès de laquelle il est exercé, soit de tiers à cette personne - et notamment de son avocat, banquier ou gestionnaire de patrimoine. La Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) a d'ailleurs mené plusieurs opérations de grande envergure ( cf . encadré ). La commission d'enquête relève toutefois que les résultats de ces opérations sont mitigés ( cf. encadré) et les services de la DGFiP reconnaissent eux-mêmes que « l'utilisation du droit de communication auprès des banques s'inscrit davantage parmi les opérations de contrôle dissuasif ». La procédure gagnerait donc à être plus ciblée en ce qui concerne les banques, et par ailleurs étendue aux autres intermédiaires susceptibles d'intervenir dans la fraude fiscale.
Bilan des droits de communication à grande
échelle
Le premier droit de communication auprès des banques 63 ( * ) , en novembre 2010, a permis d'établir un fichier de 40 000 virements supérieurs à 15 000 euros, ayant conduit à un contrôle sur pièces de 1 200 contribuables et à un examen de situation fiscale personnelle (ESFP) pour 10 % d'entre eux. Ces contrôles, complexes, sont en voie d'achèvement. Un second droit de communication auprès des banques , plus ciblé, a eu lieu en février 2012. Des contrôles concernant 1 100 personnes ont été initiés. Les régularisations spontanées se feront dans les conditions de la circulaire du 21 juin 2013 précitée. Enfin, une opération similaire a été menée auprès des deux intermédiaires financiers gérant l'essentiel des opérations par cartes de crédit en France, afin d'analyser les transactions réalisées par des cartes bancaires étrangères . Celle-ci a permis le redressement d'environ 7 millions d'euros de droits. |
Cependant, la réorientation des outils du contrôle fiscal atteint rapidement ses limites s'agissant des intermédiaires , et ceci en raison des garanties procédurales dont bénéficie le contribuable.
* 57 Cf. rapport du 17 juillet 2012 fait par Éric Bocquet, précité, pages 583 à 601, pour une liste complète au moment de sa publication.
* 58 Source : DGFiP.
* 59 Cf . rapport du 17 juillet 2012 fait par Éric Bocquet, précité.
* 60 Lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière.
* 61 Cf . rapport du 17 juillet 2012 fait par Éric Bocquet, précité.
* 62 Source : DGFiP.
* 63 Suite à la publication du « décret banques » n° 2010-1011 du 30 août 2010 fixant les modalités du respect des obligations de conservation et de communication d'informations prévues à l'article L. 152-3 du code monétaire et financier.