3. L'administration fiscale largement dépourvue d'outils pour atteindre les intermédiaires

La commission d'enquête constate que les intermédiaires fiscaux ne sont pas assez visés par l'administration fiscale . Cette faible attention, relevée et regrettée plusieurs fois devant la commission d'enquête, se retrouve dans les systèmes d'information de la DGFiP : « l'outil de statistiques du contrôle fiscal (application ALPAGE) ne permet pas de restituer des résultats sur les rectifications impliquant des montages financiers ou l'utilisation d'intermédiaires financiers 64 ( * ) » - une limite toutefois compréhensible compte tenu de l'imprécision de telles catégories.

En réalité, il semble que l'administration fiscale ne soit pas la mieux placée pour combattre les pratiques indélicates et illégales des intermédiaires fiscaux . Certes, le nombre de vérifications de comptabilité et d'examens de situation fiscale personnelle (ESFP) des professionnels du chiffre et du droit pourrait être accru. Cette attention doit être explicitée dans le cadre de la programmation des opérations de contrôle fiscal , actuellement régie par la circulaire du 2 novembre 2010, et qui se décline en « orientations stratégiques nationales » puis, au niveau des directions interrégionales de contrôle fiscal, en « plans interrégionaux du contrôle fiscal ». Mais l'augmentation des contrôles fiscaux sur les intermédiaires ne constitue pas une solution totalement satisfaisante , pour deux raisons : d'abord, parce qu'elle serait inéquitable au-delà d'un certain point ; ensuite, parce que les informations obtenues lors d'un contrôle fiscal renseignent sur la situation de l'intermédiaire contrôlé, mais ne disent rien sur celle de ses clients. Un intermédiaire peut ainsi très bien « faire commerce » de la fraude fiscale tout en étant lui-même à jour de l'ensemble de ses obligations .

D'ailleurs, l'exercice du droit de communication auprès d'un intermédiaire afin d'obtenir des informations sur l'un de ses clients ne saurait en aucun cas déboucher sur un contrôle fiscal de cet intermédiaire. Le droit de communication est en effet un relevé passif et limité d'informations, qui ne peut pas porter sur la situation du tiers interrogé. Il s'agirait alors d'un contrôle fiscal de fait, entaché d'irrégularité : l'article L. 47 du livre des procédures fiscales prévoit en effet que, avant de procéder à un ESFP ou à une vérification de comptabilité, l'administration est tenue d'en informer le contribuable par un avis de vérification, qui doit notamment préciser les années soumises à vérification, ainsi que la faculté pour le contribuable de se faire assister par un conseil. Son absence entraîne la nullité de la procédure d'imposition 65 ( * ) . Le droit de communication est donc utile pour redresser les contribuables fraudeurs, mais n'est guère pertinent pour s'attaquer à leurs conseils indélicats .

La mise en oeuvre de moyens plus poussés nécessite donc l'intervention de l'autorité judiciaire , dont les modalités de coopération avec l'administration fiscale sont rappelées par la circulaire commune du ministre du budget et du garde des sceaux du 5 novembre 2010.

En matière de contrôle fiscal, il s'agit surtout de la mise en oeuvre du droit de visite domiciliaire, ou « perquisition fiscale 66 ( * ) » : cette procédure intrusive doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention. A ce sujet, la commission d'enquête déplore que la DNEF dispose, de facto , d'un quasi-monopole dans le recours à la perquisition fiscale, qui gagnerait à être davantage pratiquée par les directions interrégionales et nationales .

L'administration peut ensuite avoir davantage recours aux moyens de la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) , dans le cadre de la procédure accélérée et confidentielle d'enquête fiscale créée en 2009 67 ( * ) ( cf. infra ).

Enfin, à l'occasion d'une plainte de l'administration pour fraude fiscale 68 ( * ) , celle-ci peut attirer l'attention du parquet sur la possible complicité d'un ou plusieurs intermédiaires , l'autorité judiciaire ayant la faculté d'étendre la recherche de la responsabilité du délit à d'autres personnes que celles qui sont directement visées par la plainte. A cet égard, la DGFiP regrette qu'« en pratique, la majorité des dossiers de fraude fiscale ne donne pas lieu à des investigations judiciaires suffisantes pour permettre la mise en cause des complices », et signale ne pas avoir « connaissance d'intermédiaires mis en cause depuis 2005 au titre de la complicité de fraude fiscale 69 ( * ) ». S'il est effectivement délicat d'établir une complicité en la matière, on peut en effet regretter qu'aucun jugement ne soit encore intervenu à ce titre. Le renforcement de l'action à l'égard des intermédiaires passe donc nécessairement par une action commune de l'administration fiscale et de l'autorité judiciaire .


* 64 Source : DGFiP.

* 65 A l'exception toutefois du contrôle inopiné : par dérogation, celui-ci peut avoir lieu sans notification préalable de l'avis de vérification, lequel est alors remis en main propre, au début du contrôle. Le contrôle inopiné vise à éviter que le contribuable ne fasse disparaître des éléments tendant à prouver l'existence d'irrégularités. Cependant, le contrôle inopiné n'est qu'une simple constatation matérielle, l'examen au fond ne pouvant commencer qu'à l'expiration du même « délai raisonnable » applicable au contrôle de droit commun.

* 66 Le droit de visite et de saisie est prévu par les articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales.

* 67 Cf. article 23 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 68 En vertu de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, les plaintes pour fraude fiscale « sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales ». Pour une présentation détaillée du monopole de l'administration fiscale en la matière et des exceptions à ce dispositif, voir le rapport pour avis n° 730 (2012-2013) de François Marc au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

* 69 Source : DGFiP.

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