AUDITION DE MM. JEAN-YVES HOCHER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DE CRÉDIT AGRICOLE SA, EN CHARGE DE LA BANQUE DE FINANCEMENT ET D'INVESTISSEMENT ET DE LA BANQUE PRIVÉE, ET JÉRÔME BRUNEL, DIRECTEUR DES AFFAIRES PUBLIQUES DE CRÉDIT AGRICOLE SA

(mercredi 24 juillet 2013)

L'audition a eu lieu à huis clos.

AUDITION DE MAÎTRE ERIC GINTER, MAÎTRE GIANMARCO MONSELLATO ET MAÎTRE MANON SIERACZEK-LAPORTE, AVOCATS

(mardi 10 septembre 2013)

Nathalie Goulet, Vice-Présidente de la Commission d'enquête . - Les personnes auditionnées aujourd'hui, qui l'ont déjà été, doivent prêter serment.

Toute information relative aux travaux non publics d'une Commission d'enquête ne peut être divulguée ni publiée. En cas de faux témoignage, les personnes entendues sont passibles des peines prévues par les articles 334-13, 334-14 et 334-15 du Code pénal. Maître Manon Sieraczek-Laporte, je vais vous demander de lever la main droite et de dire « je le jure ».

Manon Sieraczek-Laporte . - Je le jure.

Nathalie Goulet . - Merci. Monsieur Eric Ginter ?

Eric Ginter . - Je le jure.

Nathalie Goulet . - Merci. Monsieur Gianmarco Monsellato, prêtez-vous serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ? Levez la main droite et dites « je le jure ».

Gianmarco Monsellato . - Je le jure.

Nathalie Goulet . - Je vous remercie.

Je vais vous laisser la parole pour un exposé de dix minutes. Le rapporteur et les autres membres de la Commission vous poseront par la suite une série de questions.

L'exposé liminaire devrait être bref, à moins de nouveaux éléments substantiels apparus depuis votre dernière audition, notamment le vote récent des nouveaux textes.

Manon Sieraczek-Laporte . - Merci Madame le Président.

Je n'ai pas pu répondre aux 19 questions de votre questionnaire. J'adresserai par la suite à la Commission d'enquête un document beaucoup plus complet reprenant l'ensemble des questions.

A titre liminaire, je précise ne pas exercer l'activité de conseil. Je n'ai jamais été mise en cause par les services judiciaires ni par l'administration fiscale. Je ne suis en aucun cas concernée par un rôle de facilitateur d'évasion fiscale ni d'organisateur de fraude fiscale. Je constate par ailleurs une augmentation des perquisitions chez nos confrères fiscalistes visant à étayer des présomptions de fraude de nos clients.

Je traiterai les éléments relatifs au projet de loi sur la fraude fiscale.

Vous demandez si les lanceurs d'alerte sont entourés d'un régime juridique suffisamment clair : ce régime doit être beaucoup plus précis qu'il ne l'est dans le texte. Celui-ci doit s'inspirer de la législation relative à la protection des sources des journalistes, qui garantit la non-divulgation des identités des personnes qui acceptent de procéder bénévolement à des révélations. Les informations données par les lanceurs d'alerte doivent être corroborées par des indices concordants, comme l'exige la Cour de Cassation dans le cadre d'une dénonciation anonyme.

Une protection du lanceur d'alerte doit en outre être organisée. Outre la clause de conscience selon laquelle tout salarié doit pouvoir divulguer une information illégale, une protection importante par rapport à l'employeur est requise. Ainsi, en plus de l'interdiction de licencier, il convient d'appliquer le régime des salariés protégés, soit une demande à l'inspection du Travail préalablement à un licenciement. Lorsque le lanceur d'alerte ne réside pas en France, il convient de veiller à ce qu'il ne soit pas arrêté à son retour dans son pays de résidence. En cas de fausse déclaration du lanceur d'alerte, il serait souhaitable d'appliquer des peines relatives à la diffamation.

Concernant le jugement que nous pouvons porter sur le verrou de Bercy, et donc sur la création d'un parquet financier, nous savons que l'action publique ne peut être exercée sans la double autorisation de l'administration fiscale et de la Commission des infractions fiscales (CIF). Le Ministre de l'Economie, qui dépose la plainte, est en effet lié par l'avis de la CIF. Je rappelle par ailleurs que le verrou de Bercy ne s'applique pas dans le cadre d'une escroquerie à la TVA. L'administration applique des pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses. Je traite ainsi un cas où une société a comptabilisé des achats de valeurs mobilières de placement, pour lequel les informations ont été recueillies grâce à l'assistance administrative des autorités belges. Celles-ci ont transmis l'information selon laquelle les sommes ont été virées sur un compte non-déclaré en Belgique, puis sur un compte du bénéficiaire qui est en outre gérant d'une autre société. Le vérificateur s'est alors attaché à démontrer l'élément matériel et l'élément intentionnel, comme dans le cadre d'une plainte pénale, et a appliqué le taux de 80 %. Peut-être le montant réclamé a-t-il été plus important que ce que le tribunal correctionnel aurait décidé. L'administration fiscale n'hésite donc pas à appliquer des pénalités importantes.

Nous savons toutefois que l'administration fiscale choisit ses dossiers, mais les critères de sélection sont inconnus. Théoriquement, le choix des affaires susceptibles de donner lieu à l'engagement de poursuites pénales s'effectue en considération de la nature, de l'importance et de la gravité de la fraude. En pratique, je constate que ce choix s'effectue souvent en fonction du montant des rappels et de la nature de l'impôt - une escroquerie à la TVA entraînant systématiquement des poursuites pénales. Si la personne soupçonnée est un professionnel du chiffre ou un récidiviste, la CIF est saisie.

Pour autant, l'administration fiscale maîtrise totalement les dossiers qu'elle transmet. La CIF est supposée protéger les droits des citoyens, et la suppression du verrou de Bercy est souvent présentée comme une première étape à la suppression de la CIF. Or cette maîtrise des dossiers par l'administration fiscale rend la CIF dépendante des pièces transmises. Ainsi, 95 % des 1 000 dossiers transmis chaque année font l'objet d'un avis favorable aux poursuites. La CIF est donc une auxiliaire de l'administration fiscale et une garantie en trompe-l'oeil. Elle constitue surtout un piège pour le contribuable, tous les éléments étant à charge. En outre, le contribuable ne bénéficie pas des droits de la défense : l'avis n'est pas motivé, il n'a pas à figurer dans le dossier pénal, le contribuable n'a pas à assister à la séance de la CIF, et il n'est pas admis à présenter ses observations.

Je serais favorable à la suppression du verrou de l'administration fiscale. Pour autant, la création d'un parquet financier est inutile. D'une part, aucun parquet n'a par exemple été créé pour le trafic de stupéfiants. D'autre part, des moyens suffisants sont déjà mis en oeuvre. Parmi ceux-ci figure notamment l'article 40 du Code de procédure pénale, qui fait obligation de dénoncer tout fait délictueux ou criminel. Il ne prévoit toutefois aucune sanction pour les agents, et pourrait donc être complété. Par ailleurs, le pôle financier fonctionne de façon satisfaisante. La création d'un parquet financier constituerait donc une complexification des relations entre le parquet et le parquet financier.

Vous demandez si la fraude et l'évasion fiscale abusive nous semblent suffisamment sanctionnées en France. Sanctionner la fraude est légitime, surtout lorsqu'elle est massive. Les sanctions doivent toutefois être proportionnées à la nature des infractions. Les sanctions et les moyens d'action mis en place, d'abord par police fiscale puis par le nouveau projet de loi sur la fraude fiscale, ont été considérablement renforcés. Une garde à vue de quatre jours est prévue, ainsi que des infiltrations et des écoutes. La prudence devrait pourtant être de mise dans le climat actuel d'insécurité juridique.

La complexité et l'évolution constante de la législation fiscale requièrent un renforcement du dialogue entre les entreprises et l'administration fiscale, afin que celles-ci soient conseillées et traitées avec compréhension. Nous oeuvrons dans ce sens depuis le 1er juillet 2013, de façon expérimentale, avec un protocole d'application des principes de transparence, de loyauté, de compréhension, et de pragmatisme. Un dialogue continu est ainsi développé, la situation de l'entreprise étant évoquée de façon claire et loyale. Il convient parallèlement de ne pas alourdir le projet de loi. Celui-ci sanctionne suffisamment la fraude fiscale, voire de façon excessive. Nous ne pouvons oeuvrer d'un côté pour la confiance et l'apaisement, et de l'autre mettre en place une pénalisation et une répression encore plus fortes.

Vous demandez également ce que nous pensons de la possible exploitation par l'administration fiscale de tous moyens de preuve d'origine illicite dans le cadre d'une procédure de contrôle ou d'enquête, donc indépendamment des dispositions prévues à l'article L16-B. La Cour de Cassation interdit depuis 1996 à l'administration fiscale de recourir à des documents dérobés par des salariés pour établir des redressements. D'autres arrêts en ce sens sont intervenus, dont certains du Conseil d'Etat, au nom du principe de loyauté. Le fait de transmettre des moyens de preuve d'origine illicite constitue donc à mon sens un manquement à ce principe, rappelé d'ailleurs par l'administration fiscale dans la Charte du contribuable. Une certaine prudence doit donc être conservée face aux documents soumis au secret médical ou au secret professionnel. Je suis donc assez réservée sur ce point. Une contractualisation opérée par les rescrits est une bonne solution, qui mérite d'être réfléchie afin d'éviter une pénalisation à outrance, même si la pénalisation est nécessaire.

Concernant les régularisations, elles concernaient l'an dernier HSBC. Elles découlent aujourd'hui de la « circulaire Cazeneuve ». Certains de mes dossiers sont ainsi en cours de régularisation. Il s'agit toutefois de comptes passifs, dont les montants se situent entre 100 000 et 600 000 euros. Les personnes concernées ont en effet pu être désignées comme légataires universels, sans lien familial, et ignoraient l'existence des comptes visés. Il est néanmoins possible qu'au-delà des dossiers que je traite, des comptes actifs très importants soient visés.

Nathalie Goulet . - Merci pour ces observations.

Eric Ginter . - Concernant l'actualité des propos tenus l'an passé et le rôle des banques, il me paraît clair que celles-ci ont pu jouer dans le passé un rôle non nul dans la fraude et l'évasion fiscales. Il est frappant aujourd'hui d'observer le nombre de contribuables souhaitant régulariser leur situation fiscale, dont leurs avoirs à l'étranger. Différents événements sont en effet intervenus, puis la « circulaire Cazeneuve » a permis de donner le cadre nécessaire à cette procédure, que j'avais soutenue. La France n'est pas seule à agir, puisque la Belgique et, depuis hier, les Pays-Bas, ont mis en place des programmes de régularisation. Les statistiques indiquent un nombre de 17 000 régularisations en Belgique.

La procédure a été dimensionnée par l'administration pour recevoir un certain nombre de demandes. Une vingtaine d'agents de la DNVSF sont ainsi chargés de ce sujet. Ces 20 agents réalisant chacun environ 200 jours de travail chaque année, nous obtenons un total de 4 000 jours travaillés. Un dossier requérant deux jours de travail, la capacité d'absorption de l'administration est donc actuellement de 2 000 dossiers par an. Le phénomène a ainsi été largement sous-estimé. Si nous pensons que 5 000 dossiers nécessitent une régularisation, ce travail devrait durer environ deux ou trois ans, mais le nombre de dossiers concernés pourrait être dix fois supérieur.

Eric Bocquet, Rapporteur de la Commission . - Sur quels éléments basez-vous cette estimation ?

Eric Ginter . - Nous avons reçu des personnes souhaitant régulariser leur situation, et plus de 100 dossiers sont actuellement en attente. Nous refusons de nouveaux dossiers car nous ne disposons pas de la capacité de les traiter. Par ailleurs, nos discussions avec des confrères laissent apparaître que le nombre de dossiers qu'ils doivent régulariser est largement supérieur aux estimations de l'administration.

Eric Bocquet . - Le nombre de 150 000, qui a été évoqué, vous semble-t-il plausible ?

Eric Ginter . - Ce nombre peut être plausible. Je tenais à signaler qu'avec une capacité de traitement de 2 000 dossiers par an, 25 ans seront nécessaires à l'administration sur la base de 50 000 dossiers au total.

Les dossiers que nous avons reçus ne concernent pas des sommes très importantes, entre 500 000 et 5 millions d'euros.

La procédure reste excessivement lourde et risque d'aboutir à un engorgement des différents acteurs. La précédente cellule de dégrisement avait déjà connu un succès réel, mais tout de même relatif, puisqu'environ 2 000 dossiers avaient été traités. Les établissements financiers avaient alors retenu leurs clients de procéder à la régularisation de leur situation. L'inverse est aujourd'hui constaté : les contribuables sont vivement incités par les établissements financiers à régulariser leur situation. Les clients peuvent d'ailleurs être déstabilisés face à ce discours inversé. L'un des établissements les plus importants a ainsi annoncé son objectif de régulariser la totalité des situations de ses clients avant la fin de 2014. Si ces établissements pourront continuer à pousser leurs clients en ce sens, la question se pose toutefois de la capacité d'absorption de ces dossiers par les avocats fiscalistes et par l'administration, ce dont je doute fortement.

L'échange d'informations vers lequel nous nous dirigeons constitue également un élément fondamental. Lors du récent congrès de l'Association fiscale internationale, ce thème était très présent dans les conversations. J'ai moi-même travaillé par le passé sur des procédures de ce type, et je me réjouis des avancées actuelles, que je n'aurais alors jamais imaginées. Diverses difficultés doivent être résolues pour que cet échange soit efficace.

L'échange d'informations est complexe à mettre en place effectivement et réellement, et des moyens adaptés sont requis pour faire face à ces difficultés pratiques. A titre d'exemple, lorsque l'administration procède à un examen de situation fiscale personnelle, elle demande au contribuable de transmettre ses comptes bancaires. Depuis plusieurs années, un fichier des comptes bancaires existe en France, géré informatiquement. Nous observons pourtant régulièrement de très fortes discordances entre les informations dont dispose l'administration et la réalité des comptes bancaires. De multiples éléments peuvent expliquer ce phénomène : les banques changent les numéros des comptes, les contribuables oublient l'existence d'un compte non-clôturé. Lorsque nous rencontrons un vérificateur, nous nous accordons en général sur les comptes qui doivent êre examinés. Je m'interroge aujourd'hui sur la façon dont nous pourrions arriver à un accord non plus à partir de ce fichier mais à partir d'informations provenant de pays étrangers. Il s'agira en effet de s'assurer que les informations sont correctes et traitées correctement. Il convient en outre de veiller à ce que le contribuable puisse vérifier et contester ces informations. D'autres éléments peuvent concerner les échanges d'informations selon qu'ils sont opérés sur demande ou spontanément.

Cette stratégie me paraît préférable à celle consistant à tenter d'utiliser des informations dont l'origine est douteuse. J'ai ainsi contribué à faire annuler les procédures concernant HSBC, car je conteste l'utilisation par l'administration d'informations douteuses. Le caractère douteux était en l'occurrence prégnant, puisque ces informations n'avaient pas été rédigées par des officiers de police judiciaire et avaient été fabriquées dans des conditions plus que critiquables.

Eric Bocquet . - Ces informations ont pourtant été utilisées par l'administration, permettant à celle-ci d'obtenir des résultats.

Eric Ginter . - Elles l'ont été de façon biaisée, car l'administration écrivait au contribuable que des soupçons pesaient sur sa situation. Celui-ci ne souhaitant pas être embarrassé, il régularisait sa situation. A l'inverse, certains contribuables ont estimé ne pas avoir à répondre, et l'administration en a déduit qu'ils n'avaient rien à avouer et n'a pas pu poursuivre les procédures.

Eric Bocquet . - Mettez-vous en doute la crédibilité des informations figurant sur le fichier HSBC ?

Eric Ginter . - Absolument. En tant qu'avocat de l'une des personnes visées, j'ai pu constater le caractère parfaitement inexact de certaines informations, notamment celles concernant mon client. Lorsqu'il était salarié de la banque, il avait procuration sur un certain nombre de comptes, dont la propriété lui avait été faussement attribuée.

Eric Bocquet . - Votre client aurait-il pu être considéré comme un prête-nom ?

Eric Ginter . - En effet, puisqu'il était gestionnaire des comptes sur lesquels il avait un pouvoir.

Concernant l'échange d'informations, l'administration est assez largement sous-équipée en termes de moyens. La connaissance des langues étrangères par les agents peut ainsi faire défaut. Il s'agit également d'harmoniser les procédures de contrôle et de prescription.

Eric Bocquet . - Je vous remercie pour ces premières informations.

Qui est à l'origine des demandes de perquisitions dont vous mentionnez, Madame, l'augmentation ?

Manon Sieraczek-Laporte . - Je mentionnais les perquisitions d'avocats fiscalistes visant à trouver des éléments incriminant les clients.

Eric Bocquet . - Vous avez souligné le retour évoqué par Bercy de 1 000 contribuables qui souhaitaient régulariser leur situation. Le compte que ces personnes découvraient était passif pour le client, mais l'était-il également pour la banque ?

Manon Sieraczek-Laporte . - Le terme de « passif » renvoie à la distinction opérée par l'administration fiscale. Ces comptes ont été découverts et non ouverts par le client. Des mouvements peuvent être constatés, mais pas des dépôts de revenus d'activités.

Eric Ginter . - Trois types de dossiers peuventêtre identifiés s'agissant des régularisations.

Le premier concerne les personnes ayant hérité. Nous n'avons aucun moyen de vérifier que cet héritage en est bien un. Il est toutefois vraisemblable que cette situation a pu exister dans certaines familles, notamment en raison des événements difficiles du XXème siècle.

Le deuxième type de dossiers est constitué des personnes ayant gagné de l'argent à l'étranger, et qui pour des raisons assez variées n'ont pas souhaité le rapatrier en France. Ainsi, des personnes provenant des anciennes colonies pouvaient ne pas avoir l'intention de rester en métropole. Ces personnes avaient par ailleurs pu rendre la République responsable des pertes subies, et ne tenaient pas à lui rapporter de l'argent. Plus récemment, des personnes ont exercé une activité à l'étranger, et bénéficié de revenus dans un autre pays. Ces cas de figure posent des problèmes mal traités actuellement, comme par exemple la déclaration de compte à l'étranger. Certaines personnes bénéficient en effet de plans de retraite versés par des sociétés internationales et alimentés à l'étranger. Elles déclarent leurs revenus mais peuvent avoir omis de cocher la bonne case sur le formulaire 2042.

Enfin, des personnes ont alimenté de leur vivant des comptes à l'étranger, également pour plusieurs raisons. Certaines étaient réticentes à l'impôt, d'autres méfiantes vis-à-vis d'une monnaie alors régulièrement dévaluée. Par ailleurs, certaines personnes se souviennent que traverser la frontière en 1940 fut possible pour les personnes disposant d'avoirs de l'autre côté de cette frontière, et ont décidé d'agir en ce sens.

Ces différents cas sont traités aujourd'hui, dans un cadre défini par l'administration. La période actuelle est propice, notamment en raison de l'âge de beaucoup des personnes concernées. Ce processus est positif pour les finances et la moralité publiques en évitant que la fraude fiscale soit considérée comme non-condamnable.

Eric Bocquet . - Comment expliquez-vous cet engouement soudain à soutenir la République en versant son juste écot au budget de la nation ?

Eric Ginter . - Les banques - généralement les banques étrangères, et non les banques françaises établies à l'étranger - demandent à leurs clients de régulariser leur situation. Elles prennent en outre les dispositions nécessaires pour conserver les clients ayant régularisé leur situation dans des conditions de confort comparables à celles des banques françaises. Elles s'engagent de plus à les aider à remplir leur déclaration fiscale afin que leur régularité soit garantie. L'objectif n'est donc pas de rejeter la clientèle française, mais de conserver une clientèle régularisée. La question se pose toutefois d'y parvenir au regard du nombre de personnes concernées.

Eric Bocquet . - Les banques que vous évoquez sont-elles suisses ?

Eric Ginter . - Oui.

Francis Delattre . - Certaines sont-elles luxembourgeoises ?

Eric Ginter . - Le Luxembourg est membre de l'Union européenne, et peut à ce titre pratiquer la libre prestation de services, contrairement aux banques implantées dans des pays non-membres de l'Union européenne.

Francis Delattre . - Le Luxembourg accueille-t-il des établissements financiers de droit non-européen ?

Eric Ginter . - J'ignore la réponse à cette question.

Manon Sieraczek-Laporte . - Je confirme que les banquiers suisses incitent leurs clients à régulariser leur situation, tout en souhaitant conserver leur patrimoine.

Nathalie Goulet . - Pensez-vous que l'affaire UBS aux Etats-Unis a contribué à cette moralisation et à cette volonté de retrouver des clients sécurisés ? La procédure suivie vous semble-t-elle exemplaire ?

Eric Ginter . - Le système FATCA modifie totalement les règles. Les représentants de l'OCDE au congrès de l'Association fiscale internationale ont mentionné des accords inter-gouvernementaux. Le Forum mondial poursuit ses travaux. L'Union européenne renforce la directive sur l'assistance administrative en matière de recouvrement et d'échange d'informations, dont la mise en oeuvre effective a été différée afin de permettre l'adaptation des administrations. Nous observons donc une compétition entre les différentes instances pour parvenir à une plus grande transparence. Les établissements financiers en tirent les conséquences sur la gestion et la pérennité de leur activité.

Francis Delattre . - Il aurait été difficile de procéder à un échange d'informations avec les Etats-Unis et pas avec l'Union européenne.

Eric Ginter . - En effet.

Francis Delattre . - L'Allemagne a lancé avant la France ce processus avec les banques suisses, en négociant un accord.

Eric Ginter . - L'Allemagne avait effectivement négocié un accord Rubik avec la Suisse. Cette dernière a signé un accord de ce type avec l'Autriche, qui partage avec elle le secret bancaire, et le Royaume-Uni. L'accord avec l'Allemagne a été rejeté par le Bundesrat. Le système FATCA est alors intervenu, contesté par les autorités françaises qui souhaitaient des accords intergouvernementaux.

Francis Delattre . - Le refus du Bundesrat est heureux, car la volonté allemande constituait une réelle agression envers le système européen.

Eric Ginter . - La qualification d'agression envers le système européen ne me semble pas pertinente, car le système Rubik diffère peu des modalités prévues par la directive Epargne. Toutefois, nous avons pu constater que cette directive avait été mal appliquée. L'attitude de l'Allemagne était donc paradoxale, car elle mettait en place un système identique à celui qu'elle n'avait pas souhaité appliquer. Le système Rubik a toutefois été abandonné au profit de l'échange automatique d'informations.

Francis Delattre . - Certains de vos clients disposent-ils d'avoirs dans des paradis fiscaux lointains ?

Eric Ginter . - Oui.

Gianmarco Monsellato . - Mon propos liminaire s'inscrit dans la continuation de celui tenu lors de la précédente audition. Je rappelle que mon domaine de compétence porte peu sur les personnes physiques.

Eric Bocquet . - Vous êtes apparemment spécialiste des prix de transfert.

Gianmarco Monsellato . - Je suis le plus ancien spécialiste en France.

Je suis mal à l'aise quant au titre de la commission sénatoriale, qui fait figurer le rôle des banques et des acteurs financiers dans l'évasion fiscale. J'avais rappelé à l'occasion d'une note destinée au Rapporteur l'épisode relatif aux Templiers, détruits par le Royaume de France pour des motifs d'évasion fiscale. Or l'évasion fiscale est un terme non défini.

La fraude fiscale doit être définie comme la soustraction intentionnelle au paiement de l'impôt.

L'abus de droit, prévu dans le seul système français, est construit sur des critères précis qui soulignent leur caractère fictif des opérations ou résultant de l'application littérale de la loi à l'encontre des objectifs de la loi, dans le seul but d'éviter la charge fiscale.

Le manquement délibéré renvoie à l'insuffisance, l'inexactitude, ou l'omission que le contribuable ne pouvait pas ignorer.

L'optimisation est définie comme le choix légitime et légal de la solution la plus favorable.

Eric Bocquet . - Nous pouvons discuter la dimension légitime de ce choix.

Gianmarco Monsellato . - En effet, mais j'estime ce terme pertinent.

L'évasion désigne l'action de sortir. La question sous-jacente de cette commission est la suivante : pourquoi la richesse substrat de la fiscalité sort-elle de France ? Les éléments de réponse sont liés à une politique fiscale largement obsolète, ignorant la disparition des frontières, totale en Europe et massive dans le monde. Nous ne pouvons en effet élaborer des politiques fiscales à l'encontre de celles de nos partenaires. Nous sommes condamnées soit à l'harmonisation voire à l'intégration européenne, soit à la compétition. Ce second choix est celui opéré par la Belgique, la Royaume-Uni ou les Pays-Bas.

Eric Bocquet . - La compétition peut mener à une taxation nulle. Prônez-vous cette voie ?

Gianmarco Monsellato . - Je plaide pour l'harmonisation et l'intégration européenne, qui n'est pas effective puisque des pays comme la France l'ont refusée. Si nous ne choisissons pas cette voie, nous nous engageons de fait dans la compétition.

Nous sommes dans une situation où l'optimisation constitue pour les entreprises un moyen de protection face à la guerre que se livrent les Etats. Chacun cherche en effet à attirer les capitaux étrangers sur son sol avec une imposition réduite, le Royaume-Uni et l'Allemagne ayant développé un réel savoir-faire dans ce domaine. Nous sommes en outre confrontés en France depuis plusieurs années à un niveau de prélèvements obligatoires tel qu'il détruit la base de richesses qu'il est censé taxer. Il encourage en effet l'investissement hors de France, décourage l'investissement en France, et décourage les entrepreneurs de créer de la richesse.

Le rôle des banques dans ce contexte est celui du bouc émissaire. Elles constituent une cible facile en tant qu'entreprises les plus mondialisées. Ayant trait à l'argent, elles sont en outre moralement suspectes. Elles sont certes utilisées par des fraudeurs fiscaux comme moyen d'évasion, mais les accuser de tous les maux fiscaux revient à accuser la SNCF parce que des délinquants auraient pris un train pour s'enfuir. Toutes les banques ne sont pas exemplaires, certaines étant confrontées à des fraudes internes qu'elles ont soit ignorées, soit tolérées. Je constate toutefois que les banques placées sous les feux de l'actualité pour des fraudes internes n'étaient pas françaises.

Ces éléments étant posés, je souhaite répondre à chacune des questions que vous avez transmises.

« Quel potentiel d'arbitrage fiscal et réglementaire les circuits ou montages financiers recèlent-ils ? Présentez les montages juridico-financiers les plus couramment proposés ou évoqués pour vos clients. »

Le terme de « montage » est très exagéré. La réalité est que la structuration économique moderne intègre la fiscalité. Parmi les produits évoqués dans la presse figurent les produits hybrides, soit des prêts par lesquels le pays qui paie l'intérêt le déduit comme tel de sa base fiscale, celui recevant l'intérêt ne le taxant pas comme un profit du capital. Ce procédé est très mal vu. J'ai cependant pratiqué ces produits dans le passé, approuvés alors par Bercy. Ils ont permis de financer les TGV et les Airbus, en limitant l'endettement lié à ces projets. Ces produits sont donc des financements structurés, qui peuvent certes être utilisés à des fins non économiques - les poursuites étant alors légitimes, mais qui ont servi à jouer sur les différences de fiscalité entre les bailleurs et les emprunteurs pour financer l'investissement public et limiter le prix de la dette.

Concernant les centres de trésorerie en Belgique ou en Italie, je souligne que l'Italie n'a jamais constitué un paradis fiscal. Ce pays a fait le choix politique de recourir aux centres de trésorerie afin d'attirer les centres de financement et de créer de l'emploi très qualifié. Il est en outre moins coûteux pour une entreprise de disposer de sa propre banque interne que de recourir à une banque externe. Si les Belges ont procédé à une déduction fiscale de tous les investissements passés (le stock) et futurs (les flux), les Italiens ont favorisé le stock futur. La France a quant à elle fait le choix de taxer les intérêts, les centres de trésorerie étant ainsi incités à s'implanter ailleurs. Une utilisation des centres de trésoreries à des fins non-économiques constitue par ailleurs un abus de droit, couvert par les textes.

Ces montages sont donc légitimes lorsqu'ils financent une activité légitime, et illégitimes quand ils n'ont d'autre but que la fiscalité.

Ces financements hybrides sont très souvent remis en cause par l'administration, qui ne les tolère plus. Plus généralement, l'ensemble des prix de transfert sont systématiquement remis en cause, même lorsqu'ils impliquent des pays dont la fiscalité est forte.

« Quel motif de consultation fiscale les intermédiaires financiers vous présentent-ils ? »

Notre cabinet compte plusieurs banques parmi ses clients. Nos conseils ne touchent pas la structuration de leurs produits financiers, mais la sécurisation, l'optimisation et la défense de leur politique fiscale internationale. Cet enjeu est sensible car les banques sont des activités très mondialisées et intégrées, le résultat devant donc être réparti dans chacun des pays. Chaque pays revendique une partie des profits, et refuse d'assumer les pertes.

Concernant les acteurs personnels, donc les individus utilisant les comptes bancaires en Suisse, les banques ont des procédures d'acceptation de clients très strictes. Afin de protéger leur image, elles obligent le client à régulariser sa situation, ou le refusent.

« Pourquoi les banques multiplient-elles les filiales dans les paradis fiscaux ? »

Les banques ne multiplient pas ce type de filiales. En tant qu'entités mondiales, elles sont présentes dans les paradis fiscaux car ces lieux concentrent des capitaux. Si une banque souhaite traiter avec des clients chinois, elle est ainsi obligée de détenir une filiale dans les Iles Vierges ou aux Bermudes, car beaucoup de Chinois fortunés disposent d'un compte dans ces pays, pour des raisons parfois autres que fiscales. Le discours moralisateur est aujourd'hui prégnant car insufflé par les Américains, qui attendent que les banques françaises implantées en Asie se retirent pour récupérer leurs parts de marché.

Les banques n'ont pas de coquille vide. Si des immeubles accueillent le siège de milliers d'entreprises, les banques n'en font pas partie. Les groupes Américains s'autorisent ces procédés car tout ce qui n'est pas strictement interdit par le droit fiscal américain est permis. Durant le mandat de Kennedy, les groupes américains avaient été clairement incités à recourir aux paradis fiscaux afin de réinvestir à l'étranger l'argent économisé, dans une logique de subvention de la conquête de parts de marché international. La Présidence Obama n'est pas revenue sur cet accord.

Eric Ginter . - Un des plus grands groupes au monde s'est vu demander des dividendes par ses actionnaires. Il devait pour cela rapatrier des fonds aux Etats-Unis. Le siège américain a donc emprunté plusieurs milliards de dollars pour distribuer ces dividendes. Il garantit cet emprunt grâce à un jeu de balance avec ces fonds présents hors du sol américain. L'administration américaine ne peut ignorer ce procédé.

Gianmarco Monsellato . - Le droit français rend impossibles ces procédés depuis 1979. Les Américains ont toutefois le droit de subventionner de cette manière leur économie. Le discours consistant à subventionner son économie tout en incitant les partenaires à entraver la leur n'est donc pas forcément à l'avantage de la France ou de l'Europe.

« A votre connaissance, les filiales des grandes banques constituées dans des paradis fiscaux versent-elles de jetons de présence à leur administrateur ? »

De tels jetons ne sont probablement pas généralement versés. Lorsque les banques disposent d'une filiale de ce type, elle est détenue par d'autres filiales ou à 100 %.

« Quel degré d'exigence en termes d'informations sociales se voient-elles imposer ? »

Ce degré est de plus en plus élevé. Les banques françaises publient auprès de leur régulateur la liste exhaustive de leur présence dans les différents pays. Si un revenu français passe par une entité située par exemple à Macao, il est taxé en France à 100 %.

« Quelles opérations financières sont les plus particulièrement en cause dans les contentieux portant sur les prix de transfert, notamment au niveau des activités financières ? »

Les prix de transfert sur les produits financiers sont les plus simples, ceux concernant les marques étant par exemple beaucoup plus complexes. Cette simplicité a entraîné des exigences pour les entreprises quant à leur justification. Le contentieux fiscal consiste à déterminer si un groupe, lorsqu'il prête à l'une de ses filiales, doit prêter au taux auquel le groupe pourrait emprunter, ou à celui auquel la filiale, si elle était entièrement indépendante, pourrait emprunter. Les règles doivent être clarifiées.

Les prix de transfert sur les activités de marché sont extrêmement complexes, car ces activités sont très intégrées. Chaque cas est particulier. Cette complexité ne sert toutefois pas à optimiser, puisque chaque banque souhaite disposer du maximum de profits au siège, pour des raisons politiques.

Les prix de transfert en France sont très transparents. L'administration fiscale dispose donc des moyens de tout savoir, mais la question est de savoir si elle dispose des moyens de tout comprendre sans a priori moral. Certains contrôleurs d'impôt sont ainsi hostiles à l'activité bancaire en général.

La délocalisation des centres financiers n'est pas une réalité, ceux-ci étant en fait centralisés. Les administrations ont favorisé ce processus afin de localiser des pertes à l'étranger. Le marché pousse également à une facturation unique.

Concernant les régimes fiscaux agressifs, je n'en connais pas en Europe car ils sont transparents et rationnels. Cette rationalité s'inscrit dans le cadre de la compétition fiscale. Les régimes fiscaux agressifs sont ceux des Etats non-coopératifs, dont les règles juridiques et fiscales sont très laxistes. Des pays européens comme l'Autriche sont certes réticents à une fiscalité élevée, mais cette tradition ne saurait être qualifiée d'agressive.

« Combien de dossiers de récupération d'avoirs dissimulés à l'étranger avez-vous traité ? »

En raison de la présence de journalistes dans la salle, je ne peux répondre sur ce point. Je pourrai vous adresser une réponse écrite, qui reprendra des ordres de grandeur évoqués par mon confrère. Ces dossiers sont presque aussi nombreux depuis la « Circulaire Cazeneuve » qu'avant. Les personnes recourant à nos services sont les contribuables dont les situations sont les plus légitimes.

Combien de signalements à Tracfin avez-vous effectué ?

Les avocats ne communiquent pas avec Tracfin, mais avec le bâtonnier, à qui nous n'avons signalé aucune information. Les avocats ne sont pas en mesure d'identifier les flux financiers, contrairement aux banquiers et aux notaires.

« Combien de dossiers relevant de l'abus de droit, de la fraude à la loi ? »

Je ne dispose pas du nombre de ces dossiers, mais concernant la défense, ils sont assez réguliers. L'administration utilise en effet l'abus de droit comme technique de négociation pour accepter le redressement, cette technique permettant d'éviter la mise en oeuvre par les contribuables des procédures d'élimination de la double imposition. Nous combattons ce phénomène auprès de nos clients. Il ne faut donc pas prendre pour argent comptant les statistiques du syndicat des impôts sur la fraude à la loi et l'abus de droit, car une bonne partie n'est pas justifiée. Il convient de retenir les statistiques des tribunaux, beaucoup plus basses.

« Seriez-vous favorable à l'édiction d'une obligation de dévoilement des schémas fiscaux ? »

Je suis par principe opposé à toute obligation violant le secret professionnel de l'avocat. Cette suggestion peut toutefois être valable dans l'unique cas de négociation d'un rescrit dans un contexte de sécurité fiscale avec l'administration et dans un délai court compatible avec la réalité des comptes, alors la transparence totale me semble être de mise.

« Avez-vous été mis en cause par l'administration fiscale ou les services judiciaires dans votre activité ? »

Jamais.

« Vous paraît-il conforme à la préoccupation d'éviter des conflits d'intérêt que des anciens membres du gouvernement ou Présidents de la République puissent sans autre condition être amenés à exercer la profession d'avocat ? »

Notre cabinet ne compte aucun membre relevant de cette catégorie. Par ailleurs, la déontologie de l'avocat l'empêche de se saisir d'un dossier dans lequel il serait en conflit d'intérêt.

Eric Bocquet . - Votre cabinet emploie un ancien directeur général de l'administration fiscale.

Gianmarco Monsellato . - L'ancien directeur des politiques fiscales de la Commission européenne ne travaille pas pour les clients.

L'éducation, plus que la réglementation, est importante. Nos normes internes sont en effet encore plus strictes que la loi, car nous ne pouvons nous permettre de menacer notre image de marque.

Eric Bocquet . - Le code de déontologie est-il commun à tous les avocats ?

Gianmarco Monsellato . - Tous les avocats sont effectivement soumis aux mêmes règles. Si nous ne les acceptons pas, le bâtonnier dispose de moyens de sanction importants, allant jusqu'à la radiation du barreau.

Eric Bocquet . - Des cas de non-respect de ces principes ont-ils émergé dans le passé ?

Eric Ginter . - Ces cas sont fréquents. Concernant le barreau de Paris, une Commission de déontologie se réunit régulièrement et veille au respect des règles de notre profession.

Eric Bocquet . - Pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur du nombre de cas annuels ?

Eric Ginter . - Le bâtonnier pourrait transmettre cette information. J'ai moi-même recouru à ce type de procédures pour le compte de clients après avoir constaté la mauvaise conduite de certains confrères. Nous sommes sensibles à cette question de la déontologie, tant d'un point de vue personnel qu'au regard de l'image de marque de notre profession auprès du grand public.

Eric Bocquet . - Certains avocats ont-ils été confondus pour blanchiment de capitaux ?

Gianmarco Monsellato . - Je crois que tel a pu être le cas mais je n'en ai pas personnellement connaissance.

Eric Ginter . - Nous ne pouvons théoriquement manier l'argent de nos clients, qui passe nécessairement par des comptes Carpa. Des utilisations abusives de ces comptes ont pu intervenir.

Eric Bocquet . - Des statistiques existent-elles sur ce point ?

Eric Ginter . - Il convient de les demander au bâtonnier, un service du barreau de Paris étant chargé de cette mission.

Gianmarco Monsellato . - Concernant la loyauté des preuves, la protection de l'innocent doit toujours primer sur la recherche du coupable. Les preuves illicites ou issues de délation amènent en général à sanctionner des innocents, la délation étant elle-même rarement innocente. Le statut de lanceur d'alerte dans le projet de loi sur la fraude fiscale me gêne beaucoup, car il établit un système de délation généralisé malsain et dangereux pour un Etat de droit.

Ce projet de loi revient par ailleurs sur des libertés publiques fondamentales dont on ne pensait pas qu'elles seraient remises en cause dans un pays comme la France. Un délit de fraude fiscale est aujourd'hui passible d'une garde à vue de quatre jours plus que des crimes graves. Plus grave encore, le projet de loi instaure le renversement de la charge de la preuve en matière pénale. Si vous détenez un compte à l'étranger, vous devez prouver qu'il est entièrement légitime. Ainsi, pour la première fois dans l'histoire de France de l'après-guerre, une loi pénale suppose qu'un citoyen est coupable jusqu'à preuve du contraire. Aucun garde-fou n'est prévu, ni aucune loyauté des preuves. Si l'objectif est de faire rentrer plus d'argent, il ne sera pas atteint. Les Italiens ont démontré la pertinence de l'application du concept de signe extérieur de richesse ; la fraude fiscale n'est en effet pas dans les grandes entreprises, mais chez des particuliers. Il suffit alors de vouloir les contrôler. L'Italie a obtenu des résultats spectaculaires en agissant ainsi, mais la France n'a actuellement pas cette volonté.

La fraude fiscale ne constitue en aucun cas une excuse pour renier des libertés publiques qui seront chèrement regrettées.

Notre cabinet ne plaide pas devant l'AMF car nous n'opérons pas dans le domaine du droit boursier.

« La fraude fiscale ainsi que l'évasion fiscale abusive vous semblent-elles suffisamment sanctionnées en France ? »

Les 80 % de pénalités, auxquels s'ajoutent les poursuites pénales, constituent une sanction suffisamment sérieuse. De lourdes pénalités seront toutefois appliquées, à tort, pour des optimisations fiscales souvent légitimes, que l'administration présentera comme des fraudes fiscales. La fraude réelle ne sera pas recherchée. L'administration étant incapable de lutter contre la fraude à la TVA, elle pourra demander aux contribuables honnêtes d'apporter la preuve que la société à laquelle ils ont effectué un règlement n'est pas fraudeuse. Or il devrait revenir à l'administration de prouver que le récipiendaire du versement est un fraudeur. L'Italie a ainsi cherché à mobiliser les contribuables qui ne payaient pas d'impôt plutôt que ceux qui en payaient déjà.

« Quel jugement portez-vous sur le verrou de Bercy ? »

J'y suis favorable, car la fiscalité est un domaine complexe qui requiert de la rationalité. Sans un contrôle a priori de Bercy, dont les techniciens peuvent juger rationnellement la nature de la fraude, et si nous recourons directement au parquet financier, de mauvaises compréhensions techniques apparaîtront, ainsi qu'une inflation du droit pénal fiscal qui ne bénéficiera ni à l'administration ni au citoyen. Bercy doit pouvoir déterminer si elle relève du droit pénal ou pas.

« Le contentieux européen relatif au régime français appliqué aux transferts de sièges sociaux a-t-il été dénoué ? »

Il ne l'a pas été, mais je ne doute pas que les mouvements de capitaux étant libres au sein de l'Union européenne, toute mesure législative à l'encontre de ce principe sera invalidée par la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE). Toutefois, les transferts de sièges sociaux sont taxables en France et l'ont toujours été.

La CJUE, et c'était votre dernière question, donne dans la majorité des cas tort aux Etats. Son rôle n'est pas de protéger les impératifs budgétaires des Etats, mais de faire appliquer le droit. Or le droit ne doit pas se soumettre aux impératifs budgétaires des Etats.

Eric Ginter . - Je souhaite revenir sur les trois dernières questions.

Nous constatons depuis quelque temps un infléchissement de la jurisprudence communautaire en matière fiscale. L'introduction de la notion de partage équilibré du droit d'imposer constitue ainsi un élément important pour la CJUE. L'administration française a tiré parti de certains arrêts importants. La CJUE est sensible aux difficultés financières des Etats, mais son rôle est bien de protéger le droit communautaire.

La compatibilité du régime français appliqué aux transferts de sièges sociaux avec le droit de l'UE reste posée. Il se dit que la Commission européenne s'était préoccupée du nouveau régime mis en place, mais que cette initiative a été gelée en raison d'une question préjudicielle posée devant la CJUE sur le régime allemand. Si la CJUE approuve le système allemand, nous pouvons déduire que le système français est compatible avec le droit de l'UE, puisqu'il en est la copie. Dans le cas contraire, nous devons nous interroger sur le régime français, assez critiquable en raison de la possibilité d'imposer immédiatement des plus-values latentes. L'instruction administrative récemment publiée renforce d'ailleurs cette imposition.

Concernant le verrou de Bercy, je ne comprends pas où réside le problème. Si un procureur constate qu'un dossier d'abus de bien social relève de la fraude fiscale, il suffit de saisir l'administration fiscale qui opèrera les redressements et portera éventuellement plainte. Le droit fiscal doit être appliqué par l'administration fiscale. Il ne peut l'être par des autorités qui ne disposent pas toujours des compétences appropriées.

Le nombre de dossiers transmis à la CIF reste très stable quelle que soit l'évolution de l'activité économique. Ces dossiers sont généralement assez banals et concernent des personnes n'ayant pas déclaré des revenus. L'administration s'interroge sur ce phénomène depuis longtemps. Une explication possible est que les méthodes de contrôle ne sont pas adaptées en raison de problèmes de prescription, de détection de la grande fraude, et de réactivité de l'administration.

L'affaire des fonds turbo constitue à ce titre un exemple éloquent en tant que plus grande fraude fiscale organisée en France depuis plusieurs années. Celle-ci était connue de l'administration, qui l'a sanctionnée très tardivement. L'administration s'est fondée sur l'abus de droit, mais le Conseil d'Etat a jugé que les conditions d'un abus de droit n'étaient pas réunies. Les entreprises qui avaient été redressées se sont retournées contre les banques qui leur avaient vendu ce type de produits. Le contentieux a alors porté sur la responsabilité de celles-ci. Lorsqu'il s'est agi de sanctionner les établissements financiers - souvent de petites banques-, le Ministère de l'Economie a saisi la CIF, qui a donné un avis négatif. Cette fraude massive n'a ainsi jamais été sanctionnée pénalement.

Manon Sieraczek-Laporte . - Concernant les sanctions pénales, il convient de ne pas oublier qu'elles sont importantes, et qu'elles peuvent être cumulées avec des sanctions administratives. Le principe non bis in idem n'est donc pas appliqué.

En outre, la transparence entre l'administration fiscale et l'autorité judiciaire est relativement importante. En effet, le procureur transmet les informations dont il dispose, permettant à l'administration fiscale de bâtir ses redressements, et inversement l'administration communique à l'autorité judiciaire.

Mme Nathalie Goulet . - Concernant la CIF, le rapporteur et moi-même avons rédigé des amendements de suppression ayant rencontré un succès d'estime. Le gouvernement n'a visiblement aucune intention d'agir en ce sens. Nous n'avons toutefois pas été convaincus par les motifs du maintien de la CIF. Ses délais d'intervention jouxtent parfois la prescription. La réforme de la CIF telle qu'intervenue dans les débats n'est pas forcément satisfaisante.

Eric Ginter . - La CIF a été créée pour pacifier les relations entre les contribuables et l'administration. En tant que praticien, je pense que la CIF n'apporte pas grand-chose. La procédure telle qu'elle a été créée est essentiellement écrite, ni les contribuables ni l'administration n'étant entendus, contrairement aux modalités en vigueur dans le cadre du comité des abus de droit fiscal par exemple. La CIF était initialement composée de membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, donc d'aucun organe de la justice judiciaire. Elle ne pouvait donc établir de véritables pré-jugements.

La suppression de la CIF ne me gênerait pas fondamentalement. Si cette institution comprend des magistrats de l'ordre judiciaire, la compréhension de son rôle en sera encore compliquée, car la présence actuelle de magistrats administratifs n'implique pas l'ordre judiciaire, donc pénal.

La CIF intervient en outre en amont des procédures, en autorisant certaines initiatives telles que des perquisitions ou des écoutes. Peut-elle ensuite intervenir en aval pour donner un avis sur des poursuites pénales ?

Francis Delattre . - Le principe est celui selon lequel une décision ne peut s'appliquer sans recours et sans discussion. Il s'agit d'éviter une censure du Conseil constitutionnel.

Nathalie Goulet . - Je ne suis toujours pas convaincue de l'utilité de la CIF. Nous ne parviendrons toutefois à aucune décision sans modification constitutionnelle par une question préjudicielle. La CIF n'est pas une juridiction, elle viole les principes du contradictoire ainsi que tous les principes procéduraux de droits de la défense, et elle constitue une entité d'exception.

Concernant les prix de transfert, j'ai étudié des rapports de l'administration fiscale relatifs à la possibilité de leur validation. Je rejoins les propos de Monsieur Monsellato d'après lesquels les personnels qualifiés pour juger des prix de transferts font face à des difficultés pour la résolution desquelles ils ne disposent pas toujours de tout ce qu'il faudrait

Pensez-vous plausible la procédure actuelle de soumission du prix de transfert à un aval de l'administration visant à éviter les redressements ? Quelles seraient vos préconisations en matière de formation des agents ?

Gianmarco Monsellato . - La loi sur les accords préalables de prix de transfert en France date de 2000. Je l'avais alors soutenue en prônant une généralisation des accords préalables de prix. Les prix de transfert sont en effet un conflit entre Etats. Le contribuable n'a pas à l'assumer, et doit donc pouvoir s'accorder préalablement avec une ou deux administrations concernées. Les entreprises internationales souhaitent la sécurité sur ces sujets, le risque étant pour elles tant comptable que lié à leur image.

Les agents français gérant les prix de transfert sont très compétents, mais trop peu nombreux. Il conviendrait d'accroître leur nombre. Les intérêts du Trésor seraient ainsi servis, puisque les entreprises seraient davantage incitées à arbitrer en faveur de la France. Elles seraient quant à elles plus sécurisées. Les responsables de l'administration sont réticents à donner des accords préalables de prix supplémentaires, car ils craignent que le Parlement estime que ces accords sont donnés trop facilement aux grands groupes. Un accord contractuel entre l'administration et une entreprise internationale est en effet toujours suspect en France car perçu à tort comme une faveur.

Il est important que la France dispose d'une procédure de qualité sur les accords préalables de prix, afin d'accroître les recettes fiscales tout en encourageant l'économie par une amélioration de la sécurité. Nous devons nous placer à armes égales, car les Américains et les Japonais envoient une vingtaine d'agents lors des négociations sur un dossier, quand la France n'en envoie que deux. Dans ce domaine, les entreprises sont les alliées de l'administration, les autres Etats étant l'adversaire. La France avait beaucoup progressé entre 2000 et 2005, et a beaucoup reculé depuis. Très peu de dossiers sont déposés aujourd'hui, car la procédure est trop complexe.

Nathalie Goulet . - 52 dossiers de ce type ont été déposés cette année.

Gianmarco Monsellato . - Les dossiers déposés ne sont pas traités efficacement par l'administration faute de moyens.

Eric Bocquet . - Ce défaut de confiance avec l'administration résulte-t-il des fonds turbo ? Pourriez-vous nous réexpliquer le fonctionnement de ces fonds ?

Eric Ginter . - Les fonds turbo étaient des fonds communs d'investissement ayant donné lieu à un crédit d'impôt. Les banques avaient demandé à l'administration de ne pas être contraintes de recalculer le montant du crédit d'impôt après la clôture de l'exercice, et l'administration a admis cet élément de souplesse. Certains se sont donc engouffrés dans la brèche en multipliant de façon exponentielle le nombre de personnes concernées, donc le crédit lui-même. Les entreprises, en investissant quelques jours dans un fonds, pouvaient récupérer le crédit et acquitter par ce moyenl'impôt sur les sociétés dont elles étaient redevables.

Ce mécanisme s'est largement répandu et a profité à divers établissements financiers. L'administration n'a réagi qu'après la publication d'un rapport de la Cour des comptes.

Eric Bocquet . - Le crédit impôt recherche bénéficie-t-il essentiellement aux banques ?

Gianmarco Monsellato . - Non, vraiment pas. Les chiffres avancés par la presse sont peu sérieux. Cela résulte d'une confusion. La comptabilité nationale compte comme sociétés financières les holdings tête de groupe, or celles-ci voient remonter le crédit d'impôt recherche de leur usine filiale. Les banques disposent de moins de 5 % du crédit d'impôt, pour des activités de recherche liées aux systèmes informatiques.

Eric Bocquet . - Des contentieux fiscaux ont-ils porté sur le rattachement territorial des produits et des pertes sur des produits dérivés ?

Gianmarco Monsellato . - Les contentieux n'en étaient pas au sens juridictionnel, mais au sens de la double imposition ; ils étaient donc traités par des conventions fiscales d'arbitrage ou des procédures amiables entre les Etats. Les plus classiques ont porté sur un équilibrage entre les profits et les pertes assumés par les Etats. L'OCDE a émis un principe, peu suivi par les Etats, consistant à analyser où se trouve le capital suffisant pour absorber les risques de perte, et où se situent les individus disposant des compétences et de l'autorité pour juger de l'allocation de ce capital.

Eric Bocquet . - Madame Sieraczek-Laporte, vous avez récemment publié un ouvrage, Exilés fiscaux : tabous, fantasmes et vérités. Pourriez-vous définir chacun de ces trois termes ?

Manon Sieraczek-Laporte . - Le terme de tabou est justifié par l'accès impossible aux chiffres de l'administration fiscale. Nous devons recueillir certains éléments à l'étranger.

Concernant le fantasme, les raisons de tous les départs ne sont pas fiscales.

La vérité renvoie aux moyens d'éradiquer l'exil fiscal, qui se développe rapidement.

Eric Bocquet . - Avez-vous travaillé à des schémas d'optimisation fiscale ayant trait à des produits financiers structurés ?

Gianmarco Monsellato . - Je me suis assuré que ces produits ne soient pas doublement taxés, et qu'ils correspondaient aux principes fiscaux internationaux de l'OCDE. Les produits dérivés n'ont pas de fin d'optimisation fiscale, mais financière.

Eric Bocquet . - Concernant la crise bancaire, les pertes des banques ont-elles fait l'objet de contestations au niveau de l'évaluation ?

Gianmarco Monsellato . - La prescription n'est pas encore intervenue en France. Des contestations sont intervenues aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou au Japon. Le résultat n'est toutefois pas connu, car des contentieux interviendront, notamment concernant l'allocation des pertes. J'ai travaillé sur l'allocation des pertes, sur des bases économiques autant que faire se peut, mais des contentieux existent encore qu'il en ait peu en France comparativement aux États-Unis et au Japon par exemple.

Eric Bocquet . - Quelles sont les principales difficultés sur ce sujet ?

Gianmarco Monsellato . - La première difficulté réside dans la mauvaise foi des administrations, qui cherchent à maximiser leurs recettes fiscales et sont en compétition entre elles. Le rapport de force est très prégnant, notamment pour les banques, qui sont à peine écoutées sur ces sujets.

La deuxième difficulté est que les formules appliquées auparavant en droit fiscal et en économie pour les profits ne fonctionnent plus pour les pertes.

L'absence d'accord préalable de prix constitue la troisième difficulté. Si des accords de ce type sur ces sujets étaient intervenus, la situation aurait été facilitée. Traiter cette situation a posteriori et dans l'urgence est moins favorable que la traiter a priori.

Francis Delattre . - Pourquoi l'entreprise Renault a-t-elle placé son siège social en Hollande ?

Par ailleurs, concernant le problème de base fiscale posé par l'économie numérique, dont les grands acteurs s'installent en Irlande, auriez-vous des suggestions pour lutter contre ce phénomène ?

Gianmarco Monsellato . - Renault a placé son siège en Hollande car un pays neutre était souhaité après la fusion avec Nissan. Cette installation n'a pas apporté de bénéfice fiscal à Renault, car l'entreprise était soumise au régime du bénéfice mondial consolidé, qui a depuis disparu. La localisation du siège en Hollande était donc purement juridique et politique.

J'ai été auditionné par la Commission Woerth sur l'économie numérique. Selon le droit fiscal français, repris par le droit international, les grands acteurs comme Google n'ont pas à payer d'impôt en France car l'imposition intervient au lieu de résidence de l'investisseur. La France a souhaité cette règle mondiale en 1920, car elle la favorisait vis-à-vis de ses colonies. Le monde a changé depuis. Si nous modifions les règles, il convient alors de s'accorder entre Etats, et de veiller aux éventuelles nuisances pour les groupes français présents à l'étranger.

En matière fiscale, il est inutile de courir après l'évolution technique, qui aura toujours un temps d'avance. Le cloud pose ainsi des sujets fiscaux différents de l'Internet. Il convient d'encourager les investisseurs dans l'économie de demain en France.

Francis Delattre . - Nous comprenons le point relatif à Google.

Amazon n'est pas imposé sur son centre de distribution installé en France.

Gianmarco Monsellato . - En droit fiscal international, un stock n'entraîne pas de taxation. Amazon a déclaré aux Etats-Unis être prêt à payer plus d'impôts dans les différents Etats, mais à condition de disposer d'une règle fiscale uniforme. L'Union européenne doit réaliser un travail en ce sens par une intégration ou a minima une harmonisation, sans laquelle nous sommes condamnés à une compétition d'au moins dix ans.

Eric Bocquet . - D'où provient l'attractivité des fonds luxembourgeois ?

Gianmarco Monsellato . - Dans un premier temps, l'attractivité n'était pas fiscale mais prudentielle. Les règles étant beaucoup plus souples, il est très facile de créer un fonds d'investissement ou d'assurances au Luxembourg, le processus étant très complexe en France. Par ailleurs, le Luxembourg a développé une vraie compétence sectorielle, et la fiscalité y est favorable.

Eric Ginter . - La compétition est assez vive à l'intérieur même du Benelux. Les Belges et les Néerlandais s'en plaignent. Les Pays-Bas critiquent les intérêts notionnels belges, qui ont par la suite été mis en place rapidement au Luxembourg. Ce dernier est ainsi caractérisé par la réactivité de sa réglementation, les autorités souhaitant être en pointe. Elles ne s'en cachent d'ailleurs pas. L'industrie bancaire luxembourgeoise, concernant la gestion privée, est également beaucoup plus dynamique que l'industrie bancaire suisse.

Nathalie Goulet . - Je vous remercie de vos interventions.

Je proposerai au bureau l'organisation d'une table-ronde avec des responsables de l'administration. Les points de vue sont tellement opposés sur certaines questions que le travail du législateur est rendu difficile, notamment concernant la charge de la preuve.

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