AUDITION DE M. PIERRE CONDAMIN-GERBIER, GESTIONNAIRE DE FORTUNE, ANCIEN ASSOCIÉ-GÉRANT CHEZ REYL PRIVATE OFFICE

(Mercredi 12 juin 2013)

M. François Pillet, président . - Je vous propose de poursuivre les auditions par celle de Pierre Condamin-Gerbier, gestionnaire de fortune et ancien associé-gérant chez Reyl Private Office. Devant notre commission, prêtez-vous serment de dire la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites « je le jure ».

M. Pierre Condamin-Gerbier . - Je le jure

M. François Pillet . - Je vous remercie. Pour des questions qui nous échappent, nous devons impérativement quitter cette salle à 18 heures. Je vais vous laisser la parole pendant une dizaine de minutes pour présenter le sujet tel que vous voulez l'aborder. Notre rapporteur animera le débat, suivi éventuellement par mes collègues.

M. Pierre Condamin-Gerbier . - Je vous remercie de me recevoir ce soir.

Mon nom est Pierre Condamin-Gerbier, j'ai 42 ans, je suis français et je travaille depuis vingt ans dans le domaine du family office. Ce métier recoupe naturellement le placement des liquidités d'un certain nombre de grandes familles internationales, mais également une fonction de secrétaire privé. Je gère la quasi-totalité des différents aspects de la vie personnelle et professionnelle de nos clients. J'ai exercé ce métier dans l'environnement anglo-saxon au service d'une famille d'armateurs grecs et d'une grande famille française. J'étais basé à Londres mais je voyageais très régulièrement dans les places aujourd'hui qualifiées d'« off-shore » pour le compte de ces familles ou des familles avec lesquelles elles avaient des relations personnelles ou professionnelles. J'ai ensuite pris résidence en Suisse, Reyl & Co m'ayant proposé de les rejoindre afin de développer le métier de family office. J'ai eu l'occasion d'être témoin des pratiques de l'ensemble de leurs conseils, notamment bancaires. J'ai pu observer la totalité de la palette de solutions techniques imaginées par des banques, notamment françaises, au service de clients internationaux. Ces outils permettaient d'aider les clients à optimiser légalement leur fiscalité, ou parfois à mettre en place un exil fiscal, jusqu'à la fraude la plus sophistiquée telle qu'elle est aujourd'hui découverte dans l'environnement français au travers de l'affaire UBS. L'intégralité des banques suisses et étrangères présentes en Suisse ont eu des pratiques similaires sur le territoire français. UBS a amené cette pratique à une forme d'industrialisation. Toutes ces banques ont utilisé leurs bureaux parisiens pour y attirer des petites, moyennes et grandes fortunes françaises à la recherche de technique de non-déclaration ou de fraude. Ces familles étaient alors accompagnées en Suisse, et elles le sont aujourd'hui vers d'autres lieux ou vers d'autres techniques plus sophistiquées et plus opaques. Contrairement à ce que je lis dans les médias, ces pratiques ne s'arrêtent pas ; elles se sophistiquent.

Mes interventions dans les médias datent de 2006-2007 et de mon mandat de représentant officiel de l'UMP en Suisse. J'ai dénoncé les pratiques de ma famille politique. Ma motivation est celle d'un citoyen français.

Je constate aujourd'hui, et depuis vingt ans, une très large utilisation par des personnalités de l'ensemble des partis politiques des techniques mises à disposition par ces intermédiaires financiers. Cela relève selon moi d'une très grande hypocrisie.

L'attitude des autorités suisses dans l'affaire UBS est très révélatrice. Elle est très différente de celle que ces mêmes personnes ont adoptée face aux Etats-Unis. Le marché américain n'a en effet pas la même importance que le marché français. Toutefois, la Direction nie aujourd'hui des pratiques avérées et a un sentiment d'impunité très fort. Selon moi, UBS dispose d'un certain nombre d'informations compromettantes concernant des personnalités politiques françaises, ce qui n'était pas le cas face aux Etats-Unis. Les pratiques découvertes lors de l'affaire Cahuzac ne se résument pas au mensonge d'un homme ; elles sont aussi le fait du mensonge d'un système et de la classe politique française en général.

Les Suisses ont d'ailleurs inventé le secret bancaire en 1934 à l'occasion de l'affaire de la banque commerciale de Bâle. Des membres du gouvernement Herriot avaient reçu des bons d'obligations payés en liquide dans les locaux de cette banque. Cela ressemble fortement à l'affaire Cahuzac, 80 ans auparavant.

Dans le monde de la gestion de fortune, nous constatons depuis vingt ans ce qui est découvert aujourd'hui dans les médias. C'est le témoignage que je me propose de vous apporter.

M. François Pillet . - Je vous remercie. Je passe immédiatement la parole à notre rapporteur.

M . Eric Bocquet . - Merci de cette introduction.

Ma première question est personnelle. Pouvez-vous nous expliquer les circonstances de votre licenciement de Reyl & Co en 2010 ? Est-ce cette rupture qui vous amène à tenir de tels discours, si percutants ?

Par ailleurs, cette commission d'enquête cherche à comprendre les mécanismes à l'oeuvre dans les constructions fiscales. Pourriez-vous nous dire à partir de quel niveau de fortune un client est pris en compte par un établissement bancaire ?

Enfin, vous assurez que ces pratiques perdurent. Aucune prudence n'est-elle née au sein des banques suisses ? Pourriez-vous illustrer cette idée ?

M. Pierre Condamin-Gerbier . - J'ai été licencié de chez Reyl pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'actualité présente. Dans notre métier, nous devons être les ambassadeurs des grandes familles que nous servons, sans aucun conflit d'intérêt. Nous sommes donc amenés à mettre en concurrence notre banque et ses concurrentes. La famille Reyl partageait cet état d'esprit lorsque nous nous sommes associés et comprenait la nécessaire indépendance du family office. Toutefois, elle a par la suite recruté une nouvelle direction qui ne comprenait pas ce qu'était véritablement un family office et n'admettait pas son indépendance. J'ai dénoncé ces conflits d'intérêts et annoncé mon départ. Celui-ci a été vécu comme une trahison, la plupart de mes clients ayant quitté le family office en même temps que moi. L'établissement Reyl a trouvé une bonne raison de me licencier. François Reyl était un ami. Il n'y a aujourd'hui aucune vindicte personnelle.

J'ai lu à l'occasion de l'affaire Cahuzac qu'il était suspicieux que le solde du compte ne soit que de 600 000 euros. Rappelons que lorsque Monsieur Cahuzac a ouvert son compte chez Reyl, celui-ci était un gérant indépendant très ambitieux, aux démarches commerciales très ouvertes. Les minima d'ouverture de compte ne me semblent donc pas dans ce cas-là pertinents. Ces minima sont avant tout un argument commercial participant à un jeu de dupes entre les banques suisses. Les banques suisses collectent toutes à des niveaux de fortune restreints. Cela relève donc de la communication et du marketing. Soulignons que n'est pas appréciée uniquement la taille des actifs, mais aussi l'accès que peut procurer un client à différents cercles d'influence.

Auparavant, la Suisse regroupait une partie « software » et une partie « hardware ». Tant l'ingénierie patrimoniale que les structures et les équipes permettant la fraude fiscale étaient en Suisse. Aujourd'hui, la Suisse conserve des professionnels qui réfléchissent aux solutions internationales, mais celles-ci sont mises en oeuvre hors d'Europe, notamment au Moyen-Orient et à Hong-Kong, qui accueille la plupart des grandes fortunes internationales. La Suisse ne peut se permettre de risquer les exportations de ses grands industriels. Les points de pression sont donc immédiats. Au contraire, la Chine dispose de plus d'un milliard de consommateurs.

L'argent est donc envoyé plus loin, et les structures se sophistiquent. Les journalistes évoquent souvent les trusts. C'est un instrument de droit anglo-saxon qui concerne à l'origine la protection familiale, la préservation de patrimoine ou la gestion de fonds de pension. Des avocats fiscalistes parisiens et londoniens l'ont détourné de ces motifs louables et licites. Le trust est toutefois aujourd'hui beaucoup moins utilisé.

L'assurance-vie luxembourgeoise est le seul moyen d'ouvrir un compte auprès d'une banque suisse sans que les titulaires réels ne figurent dans les documents d'ouverture de compte comme ayants droit économiques. La France a appliqué des textes européens en matière d'investissement immobiliers. Lorsque vous achetez un bien immobilier en France au travers d'une structure de droit étranger, l'administration fiscale française vous donne deux possibilités : révéler qui est derrière cette structure ou payer 3 % de la valeur de marché du bien par an. Lorsque vous utilisez un contrat d'assurance-vie dont le prestataire est une société européenne ou une société dont la maison mère est cotée sur un marché européen, vous avez le droit de faire l'acquisition du bien immobilier français au travers de la structure intermédiaire étrangère avec la société d'assurance-vie comme contrepartie réelle. L'administration française s'en contente et accepte que la société d'assurance-vie soit désignée comme ayant droit économique. Ceci est très largement utilisé. La plupart des très grandes structurations de réinvestissement de l'argent non déclaré en France se font au travers l'assurance-vie luxembourgeoise. De grands noms français ont par exemple racheté des immeubles parisiens.

L'autre grande technique pour le réinvestissement des capitaux non déclarés est celle des prêts lombards. Si un client souhaite acquérir un bien immobilier en France avec de l'argent non déclaré placé en Suisse, il sollicite un prêt auprès d'un établissement bancaire qui se garantit par une hypothèque sur le bien immobilier en question. La véritable garantie se situe hors livre. Elle est donnée par la filiale suisse à sa maison mère parisienne, dans un contrat et une comptabilité parallèles.

S'il y a un défaut sur le remboursement du prêt immobilier, les actifs seront saisis auprès de la filiale immobilière de la banque à Genève, où la banque paye d'ailleurs très peu d'impôts par rapport à la France.

Les techniques se sont sophistiquées. Le curseur a été seulement déplacé. Les « cellules de dégrisement » mises en place n'ont attiré que des clients peu importants ou mal conseillés. Le véritable argent est parti plus loin et s'est opacifié. D'excellentes techniques existent pour le rapatrier.

M. Eric Bocquet . - D'autres acteurs sont-ils impliqués dans les techniques que vous décrivez ?

M. Pierre Condamin-Gerbier . - Les banques sont les premiers acteurs du système que je décris. Elles ont développé en leur sein des équipes d'ingénierie patrimoniale qui suivent très précisément ces questions. Aux conférences d'ingénierie patrimoniale ou de family office organisées par des sociétés françaises ou anglo-saxonnes, l'une des premières remarques concerne l'absence de représentants de l'administration et la liberté de parole qui en découle. Elles vont chercher la valeur ajoutée auprès des grands cabinets d'avocats et fédèrent tous les professionnels nécessaires.

De nouvelles classes d'actifs, au-delà des marchés financiers, sont aujourd'hui très favorables, comme le mobilier ou l'art. Les banques ont ouvert des départements « art » par intérêt, car ce marché permet de mener une fraude à plus grande échelle et de façon moins régulée. De plus, les oeuvres d'art ne rentrent pas dans la base de calcul de l'ISF. Les banques sont très présentes sur ce marché. L'un des principaux sponsors de la foire d'art de Bâle est UBS.

M. Eric Bocquet . - Pensez-vous qu'il existe un système européen de gestion des avoirs dissimulés qui impliqueraient certains Etats ? Par quels circuits financiers passeraient-ils ?

Par ailleurs, vous avez évoqué des personnalités politiques de tout bord qui détiendraient des comptes dissimulés. Comment avez-vous eu connaissance de cette situation ?

M. Pierre Condamin-Gerbier . - En réponse à votre deuxième question, j'ai eu connaissance de cette situation pour en avoir été le témoin direct. Plusieurs de mes employeurs m'ont demandé d'intervenir dans des dossiers où avaient été identifiées des personnalités politiques. Mon témoignage repose sur la connaissance de dossiers très précis sur lesquels j'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir avec les enquêteurs. J'ajouterai qu'un certain nombre d'institutions périphériques, prenant la forme de cercles mondains sont parfois très opportunément utilisées pour servir d'intermédiaires.

En réponse à votre première question, il est évident que nos grandes entreprises ont été les plus grandes utilisatrices de ces structures pour gérer leur trésorerie ou pour régler des commissions licites ou illicites. Nos services secrets également ont été très utilisateurs de ces structures et ont une maîtrise parfaite des techniques de dissimulation. Il est ensuite facile de les utiliser pour des raisons beaucoup moins publiques. Ces circuits sont utilisés par la plupart des Etats européens. Je ne rentrerai pas dans une théorie du complot avec l'existence de circuits parallèles. Il existe chez les banquiers des comptes de passage. Ils ont au départ une utilisation licite : certaines transactions demandent un certain délai entre l'ordre et le règlement de livraison. Avant le règlement de livraison, les banques ne peuvent pas affecter les transactions par portion à leurs différents clients. Elles sont obligées de réserver temporairement ces transactions sur des comptes de passage dont le titulaire est la banque elle-même. Au bout de trois ou cinq jours, les différentes transactions sont affectées au compte concerné. Aujourd'hui, la quasi-totalité de ces comptes de passage est utilisée pour dissimuler le trajet réel des actifs lors la fermeture et de la réouverture de compte. Lorsqu'une banque propose à un client de transformer ses avoirs détenus à titre personnel ou au travers d'une société dans une assurance-vie luxembourgeoise, cela permet d'éviter que l'émetteur sache qui est le récepteur, et vice-versa. Ces techniques sont très largement utilisées.

Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'aller en Suisse pour faire tout cela. L'affaire UIMM concernait des millions d'euros sortis en liquide d'agences de banques françaises à Paris. Connaît-on les suites de cette affaire ? Je n'en ai pas le souvenir. Les pratiques des banques françaises sont tout aussi sidérantes. J'ai travaillé pour une famille britannique, les Hambros . Du fait de dissensions familiales, cette famille a vendu sa banque à la Société Générale. J'ai vécu le changement de culture entre les deux. Les équipes de wealth planning sont allées dans toutes les régions rencontrer les conseillers en gestion. La Société Générale a présenté un cas d'école à ces conseillers et chacun est venu expliquer comment il aurait aidé le client, notamment à frauder. Les directeurs régionaux ont ensuite déterminé qui a été le plus convaincant.

C'est un système généralisé. Les mesures de comparaison de comptabilité envisagées aujourd'hui me semblent d'une efficacité nulle vis-à-vis de ces pratiques indétectables.

M. François Pillet . - Vous avez expliqué que les Etats eux-mêmes connaissent ces techniques d'opacité. Les partis politiques sont-ils aussi des évadés fiscaux ?

M. M. Pierre Condamin-Gerbier . - Absolument. J'ai pris les responsabilités de représentant UMP en Suisse juste avant l'élection présidentielle de 2007. La communauté française en Suisse ne compte pas que des gestionnaires de fortune ou des banquiers, mais aussi et avant tout des jardiniers, des cadres, des cuisiniers. Nous avons accueilli des personnalités de l'UMP, dont Messieurs Woerth et Devedjian. Nous leur avons proposé de leur réserver des voitures les attendant à la gare de Genève. Ils sont arrivés dans l'avion privé de l'une des grandes fortunes délocalisées en Suisse qui soutient ce parti. Officiellement, ils étaient arrivés en train : il nous a été demandé de nous taire. Ils ont prétendu deux mois plus tard ne pas me connaître.

Quand j'ai pris le poste de représentant UMP en Suisse, j'ai pu avoir accès à toute la correspondance de l'UMP. J'y ai vu des choses aberrantes et scandaleuses. Je m'en suis ouvert à la personne représentant le PS en Suisse. Il avait vu des choses très similaires de son côté. Il est évident que certaines personnalités politiques ont mis à disposition de leur parti ou de leurs collègues des techniques qu'ils avaient expérimentées pour leur enrichissement personnel.

M. Jean-Yves Leconte. . - Je partage votre appréciation de la communauté française en Suisse. Vous avez dit vous être ouvert aux enquêteurs. Tout ce que vous savez a-t-il été transmis à la justice ? Peut-on connaître le nom du représentant du PS en Suisse ? Il faut donner à la justice les moyens de sanctionner et de juger les délits.

Dans un souci d'aide à la décision, pensez-vous que la priorité aujourd'hui se situe au niveau de l'harmonisation fiscale ou de la création d'une nouvelle régulation des opérateurs financiers ?

M. Pierre Condamin-Gerbier . - Pour répondre à la première question, j'ai abordé avec les enquêteurs l'examen très détaillé et documenté de pratiques. Pour des questions de sécurité personnelle, je n'ai pas encore fourni un certain nombre de noms. J'ai néanmoins rédigé un document qui regroupe toutes les pièces permettant de prouver mes accusations. Tous ces documents et ces notes ont été consignés auprès d'un tiers. Ils sont destinés à être communiqués lorsque j'évoluerai dans un environnement adapté.

Concernant la deuxième question, je crois que nous ne devrions pas revenir sur le passé. Le politiquement correct ne mène qu'à des demi-mesures. Il faut avoir le courage politique de dire que l'argent est déjà sorti de France. Sans mesures adéquates, on risque de ne le rapatrier que de manière marginale. On pourrait par exemple s'inspirer de l'exemple italien et mettre en place un rapatriement sur une base anonyme, avec une pénalisation non confiscatoire. La réponse serait ensuite de contraindre le réinvestissement de cet argent, par exemple dans un grand emprunt d'Etat servant à tous nos besoins publics. Je peux vous assurer, pour avoir parlé de cette mesure avec certaines personnes concernées, qu'elle serait extrêmement efficace.

M. Jean-Yves Leconte. - Vous proposez ici des solutions pour gérer des anciens délits. Comment faire pour que la situation change ?

M. Pierre Condamin-Gerbier . - Aucune des mesures proposées par le gouvernement actuel n'aurait empêché l'affaire Cahuzac. Les déclarations d'honneur ne peuvent rien changer. C'est peut-être l'occasion de s'interroger sur les raisons pour lesquelles le premier réflexe d'un entrepreneur qui a réussi est celui de la fraude ou du départ.

Je n'excuse pas les pratiques des politiques. Toutefois, la rémunération du personnel politique et les contraintes du financement des partis politiques créent peut-être un système encourageant les pratiques que nous remarquons. C'est en fait une réflexion sur le système fiscal français qu'il faudrait mener.

En tout cas, régler le passé et rapatrier des sommes non négligeables nous permettrait d'exercer une influence positive sur l'ensemble de nos besoins de financement.

M. François Pillet . - Quelle est la nature de l'environnement défavorable que vous subissez à l'heure actuelle ?

M. Pierre Condamin-Gerbier . - L'environnement est très clair. Je n'ai aujourd'hui pas de liste à proposer, et je n'exerce pas un jugement moral sur l'ensemble des personnes dont nous avons parlé aujourd'hui. Ma motivation a été uniquement de dénoncer des personnes qui n'ont pas l'honnêteté morale de se taire face aux pratiques qu'elles appliquent à elles-mêmes. Les moralisateurs sont les premiers acteurs du système qu'ils dénoncent. Je dénoncerai ces pratiques dans un acte citoyen désintéressé. Je ne les dénonce pas aujourd'hui pour des raisons personnelles et familiales. Je me trouve dans une situation de menace sur mon intégrité physique et celle de ma famille, et d'exercice de décrédibilisation systématique de ma personne auprès de l'ensemble de mes interlocuteurs. Je communiquerai ces éléments le jour où je ne me sentirai plus la possible victime de ces menaces. J'ai déjà une idée précise des canaux par lesquels je le ferai.

M. Eric ocquet. - J'aimerais revenir à certains chiffres. Combien de comptes dissimulés, correspondant à combien de personnes, avez-vous pu identifier ? Pour quel montant ? Combien concernaient des hommes ou femmes exerçant des responsabilités politiques ? Y a-t-il des ministres ayant exercé sous l'ancienne ou l'actuelle législature ?

Pensez-vous par ailleurs que l'Etat suisse conforte ses positions à partir de la connaissance qu'il a de certaines situations fiscales de responsables politiques étrangers ?

Enfin, bénéficiez-vous de mesures de protection ?

M. Pierre Condamin-Gerbier . - En ce qui concerne les situations d'actifs non déclarés dont j'ai pu être témoin depuis vingt ans, il s'agit très certainement de plusieurs centaines de comptes, dont la taille va d'une centaine de milliers d'euros à des montants atteignant le milliard d'euros. Les situations politiques directes dont je peux témoigner concernent une quinzaine d'individus, incluant des anciens ministres et des ministres actuels.

Je ne bénéficie aujourd'hui d'aucune mesure de protection, pour n'en avoir pas demandé.

Concernant la Suisse, il ne faut pas oublier que dans l'environnement suisse Reyl & Co n'a rien fait d'illégal. Le problème des Suisses est de gérer à la fois les intérêts des opérateurs financiers, qui sont parmi leurs plus gros contribuables et employeurs, et ceux du monde industriel. Les premiers ne souhaitent pas d'harmonisation fiscale en Europe tandis que les seconds encouragent cette intégration afin de pouvoir vendre leurs produits sans discrimination.

La problématique française n'a rien à avoir avec la problématique américaine. Les grandes banques suisses ne seraient pas très affectées par la perte de leur licence bancaire en France, d'autant plus qu'elles n'ont pas beaucoup percé le marché institutionnel français.

M. Eric Bocquet . -Je vous remercie chaleureusement pour votre intervention, qui représente pour moi une heure de vérité très utile. Au nom de la commission, seriez-vous disposé à nous rencontrer pour nous exposer les techniques dont vous avez apporté quelques exemples extrêmement intéressants ?

M. Pierre Condamin-Gerbier . - Je suis à votre disposition.

M. François Pillet. - Je vous remercie de nouveau. Je souhaite que votre environnement s'apaise et libère des informations très intéressantes.

M. Pierre Condamin-Gerbier . -Je vous remercie.

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