VII. AMÉLIORER LES TRANSPORTS AU QUOTIDIEN

Les trois enjeux de demain : la multimodalité, l'information intégrée et la billettique unique .

Le développement de la multimodalité - existence de plusieurs modes de transport pour relier deux lieux - et de l'intermodalité - utilisation de plusieurs modes de déplacement au cours d'un même trajet -, a créé de nouveaux liens entre les collectivités territoriales et la SNCF afin de faciliter le transport au quotidien.

Ces nouvelles relations s'articulent autour de trois grands projets :

- le développement de pôles d'échange multimodaux ;

- la mise à disposition d'une information intégrée tout au long du parcours de l'usager ;

- le développement d'un titre de transport unique.

A. LES PÔLES D'ÉCHANGE MULTIMODAUX : LE FRACTIONNEMENT DES ACTEURS EN PRÉSENCE

a) Penser le déplacement au-delà du quai de gare

Un pôle d'échange multimodal est un espace permettant l'accès à différents moyens de transport dans une logique d'encouragement à l'utilisation des transports alternatifs à la voiture individuelle. De nombreux pôles multimodaux aux abords des gares dans les villes se sont développés ou sont en cours de développement afin de permettre à l'usager du train, une fois arrivé à sa gare de destination de poursuivre son voyage via un autre moyen de transport, qu'il s'agisse de transports en commun comme le bus, le tram ou le métro, de moyens qualifiés de doux comme le vélo, ou individuel comme sa voiture 57 ( * ) .

Or, le Centre d'études techniques de l'équipement de Nord-Picardie 58 ( * ) le souligne : les pôles d'échanges sont « une force pour l'accessibilité des réseaux » mais ils peuvent aussi être « une fragilité pour la mobilité des personnes », et ceci pour trois raisons :


• L'accessibilité
: le changement de mode de transport entraîne une rupture dans la prise en charge du voyageur avec une perte de temps. Il peut parfois être source d'inquiétude sur le lieu de prise en charge du prochain mode de transport, une pénibilité pour accéder, la correspondance entre les deux lieux n'ayant pas été prévue initialement (escalier, éloignement, dangerosité due à la traversée de voies ou de routes). Ces inconvénients doivent être surmontés : l'existence d'un pôle qui intègre est un atout.


• L'urbanisme
: la concentration d'infrastructures, souvent née d'une juxtaposition ne répondant plus aux besoins actuels, peut être source de nuisances. Un pôle a besoin d'être pensé.


Le social : évitons de faire de ces lieux des lieux anonymes où se croisent des milliers de personnes. Il faut concevoir un pôle comme un équipement plurifonctionnel intégré.

L'arrivée d'un nouveau moyen de transport est souvent l'élément déclencheur. Il peut s'agir du TGV ou de transports urbains comme le tramway au Mans. Comme le souligne le contrat de plan État-région Bretagne 2007-2013, « l e projet Bretagne à Grande Vitesse va s'accompagner d'une augmentation des trafics ferroviaires ayant un impact sensible sur le fonctionnement des gares des principales villes moyennes desservies et nécessitant dans un certain nombre de cas des travaux d'aménagement. Une réflexion est menée pour traiter ces noeuds comme de véritables pôles d'échanges multimodaux du point de vue de l'accessibilité par d'autres modes comme des services implantés pour faciliter les échanges. La même problématique concerne de nombreux autres noeuds, notamment des gares TER . »

Une approche « gestion des temps » apporte un éclairage utile.

b) Le fractionnement des acteurs en présence dans et aux abords des gares

Dans une ville, « la gare » est toujours un lieu sensible, générateur d'une dynamique, du fait de sa localisation, de sa fonctionnalité, de l'influence qu'elle a sur son environnement. Elle se caractérise par un fractionnement des acteurs , qu'ils s'agisse des propriétaires ou des autorités organisatrices des transports.

Cette complexité apparaît souvent lors de la création de pôles d'échanges multimodaux et d'opérations d'aménagement de la gare. En effet, ces aménagements se font sur plusieurs aspects :

- aménagement du bâtiment gare, création de nouveaux accès ;

- aménagement aux abords de la gare : création d'un nouvel arrêt de transport urbain, mise en place de vélos en libre-service ;

- création de parking, modification de l'emplacement de la gare routière ;

- projet d'urbanisme dans le quartier.

L'emboîtement de ces différents aspects implique de nombreux acteurs du fait du fractionnement de la propriété.

En premier lieu, la SNCF, et notamment sa filière Gares & Connexions, et RFF sont concernés, en raison de leur caractère de propriétaires de divers éléments du « complexe gare » 59 ( * ) .

La répartition de la propriété entre la SNCF et RFF

Suite à la création de RFF en 1997, l'article 5 de la loi n°97-135 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire opère un partage des biens de la SNCF entre la SNCF et RFF, en fonction de l'utilité qui en est faite :

« Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation des services de transport appartenant à l'Etat et gérés par la Société nationale des chemins de fer français sont, à la date du 1 er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau ferré de France. Les biens constitutifs de l'infrastructure comprennent les voies, y compris les appareillages fixes associés, les ouvrages d'art et les passages à niveau, les quais à voyageurs et à marchandises, les triages et les chantiers de transport combiné, les installations de signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunications liées aux infrastructures, les bâtiments affectés au fonctionnement et à l'entretien des infrastructures ».

Restent propriétés de la SNCF « les biens dévolus à l'exploitation des services de transport, qui comprennent les gares, les entrepôts et cours de marchandises ainsi que les installations d'entretien du matériel roulant, et, d'autre part, les ateliers de fabrication, de maintenance et de stockage des équipements liés à l'infrastructure, ainsi que les immeubles administratifs. Il en est de même des biens affectés au logement social ou au logement des agents de la Société nationale des chemins de fer français par nécessité de service et de ceux affectés aux activités sociales, des filiales et des participations financières ».

L'annexe du décret n°97-445 du 5 mai 1997 affine cette répartition pour les gares. Sont transférés à RFF dans les gares :

« - les quais y compris leurs ouvrages de couverture et les plates-formes (à l'exception des plates-formes d'extrémité des gares terminus), les escaliers, rampes et ascenseurs des quais (à l'exception de ceux donnant accès aux bâtiments voyageurs), les passages souterrains, passerelles, sous réserve du A 4 (3 ème tiret) ci-dessus ;

- les accès routiers voyageurs (à l'exception de ceux appartenant à d'autres gestionnaires et à l'exception des zones de stationnement) ;

- l'éclairage de l'ensemble des installations ci-dessus, ainsi que les installations d'éclairage des voies de service qui relèvent de Réseau ferré de France en application du A ci-dessus ;

- les installations autres que les bâtiments, appartenant à des postes d'aiguillage ou de régulation/circulation, à des sous-stations, à des centraux sous-stations ou nécessaires à la sécurité des circulations, situées dans les bâtiments de la Société nationale des chemins de fer français ;

- les cours des chantiers de transport combiné ».

Le processus de répartition a duré dix ans et s'est achevé par un arrêté du 26 novembre 2006 60 ( * ) . Toutefois, comme le souligne le rapport au Premier ministre de Fabienne Keller « La gare contemporaine » , 553 lots situés dans des communes de plus de 5 000 habitants n'ont donc pu faire l'objet d'une répartition formalisée », l'un des problèmes étant l'impossibilité de séparer les accès routiers - devant revenir à RFF - du reste de la cour - devant revenir à la SNCF.

La ville intervient également en tant que propriétaire du parvis de la gare, ainsi que de terrains avoisinants, dans le cadre d'un projet d'aménagement du centre gare. Le conseil général en tant qu'autorité organisatrice des transports interurbains est également concerné. En outre, la présence d'autres tiers propriétaires privés ne doit pas être oubliée, notamment La Poste, qui possède souvent des locaux importants (centres de tri) d'envoi du courrier à proximité des gares.

L'article 6 du décret n°730 du 22 mars 1942 confère au préfet du département un pouvoir de police dans « les gares et leurs dépendances accessibles au public ».

Enfin, la région est également présente. D'une part, elle participe régulièrement au financement de ce pôle. D'autre part, elle élabore le schéma régional des infrastructures et des transports, lequel doit prendre en compte une approche multimodale 61 ( * ) .

Gares & Connexions, l'interlocuteur de la SNCF en matière de gare

Par modification de la loi n°2009-1503, l'article 13-1 de la loi d'orientation des transports intérieurs prévoit désormais « qu'à compter du 1 er janvier 2011, la gestion des gares, lorsqu'elle est effectuée par la Société nationale des chemins de fer français, fait l'objet d'une comptabilité séparée de celle de l'exploitation des services de transport. Aucune aide publique versée à l'une de ces activités ne peut être affectée à l'autre. »

Afin de répondre à cette demande, la SNCF a créé une nouvelle filiale dès 2009 : Gares & Connexions, chargée de la gestion des gares et interlocutrice des collectivités territoriales pour tous les projets d'aménagement et de rénovation des gares.

Le pôle d'échange multimodal de la gare du Mans

Initié à partir de 1998 pour accueillir l'arrivée du tramway, ce pôle a été conçu pour permettre aux usagers de passer facilement d'un mode de transport à un autre.

De nombreux acteurs sont impliqués :

Le Mans Métropole Communauté urbaine intervient au titre de ses compétences en transport urbain, aménagement et urbanisme. Elle est responsable de la définition du projet. Elle y contribue notamment en tant que maître d'ouvrage du projet de tramway et propriétaire foncier.

La SNCF intervient en tant que propriétaire foncier, transporteur, aménageur et pour assurer une meilleure intermodalité autour de la gare ferroviaire.

Réseau Ferré de France, également propriétaire foncier de bâtiments autour de la gare dont la destruction est prévue dans le cadre de ce projet, intervient comme garant de la cohérence et de la mise en valeur du réseau ferré.

Le département de la Sarthe, autorité organisatrice des transports interurbains, est concerné par la gare routière.

La région des Pays-de-la-Loire est également concernée par la construction de la halte routière. Plus généralement, elle intervient en tant qu'autorité organisatrice des TER et au titre du contrat de plan État-Région.

Le département et la région participent au financement du projet, mais n'assurent pas de maîtrise d'ouvrage.

L'État intervient au titre du contrat de plan État-Région, et les fonds européens (FEDER) sont mobilisés pour le financement du projet.

Toutefois, des difficultés ont vu le jour. En effet, ce réaménagement urbain nécessite la destruction de bâtiments et d'équipements de la SNCF, de RFF et de tiers (bâtiments de la Poste), entraînant des surcoûts. En outre, la multitude de propriétaires nécessite de définir le bon niveau d'implication de chacun.

Enfin, l'imbrication des deux projets - aménagement du pôle d'échange multimodal et arrivée du tramway - doit être prise en compte. D'une part, afin de définir les normes techniques de la dalle recouvrant les parkings situés sous le parvis de la gare, il est nécessaire de connaître précisément l'ensemble des projets de construction de cette dalle. D'autre part, la construction de cette dalle doit être achevée début 2007 pour ne pas retarder les travaux de l'arrivée du tramway.

Deux obstacles administratifs ont complexifié ce dossier :

- premièrement, la question de l`évaluation foncière des terrains a posé des problèmes : les services fiscaux disposent en effet de peu de moyens pour évaluer la valeur de ces terrains. Or, ce projet nécessite une quarantaine de mutations foncières entre la communauté urbaine, la SNCF et RFF ;

- deuxièmement, des incertitudes sur les subventions accordées par l'Union européenne entraînent de nouvelles discussions sur la répartition et le montant maximal des investissements.

Aujourd'hui, ce pôle d'échange multimodal est achevé. Une galerie en verre connecte la gare au tramway, ainsi qu'aux autocars régionaux et départementaux. La gare routière située auparavant à plusieurs centaines de mètres de la gare ferroviaire a été recentrée dans le pôle.

Douze quais de gare ont été réalisés. Afin de permettre un déplacement doux, plus de 150 places de vélos sécurisées ont été construites. Enfin, la gare a été rénovée et repensée pour faciliter son accès aux personnes handicapées.

Un parvis a été aménagé devant la gare, facilitant la circulation des piétons et des voitures. Un parking a été construit sous cette place.


* 57 Audition de M. Delebarre, le 11 juin 2013 : « Plus aucune agglomération aujourd'hui ne peut se désintéresser de la gare et des voies ferrées car les gares constituent de véritables pôles multimodaux ».

* 58 « Les pôles d'échanges au service des nouvelles mobilités », Cyprien Richer, CETE Nord-Picardie, 3 ème journée d'étude nationale « Nouveaux services à la mobilité », Tour, octobre 2012.

* 59 Lors de son audition, M. Delebarre rappelle que ces deux organismes ont mis un délai important (près de dix ans) à savoir de quoi ils étaient responsables et ainsi procéder à une séparation de leur patrimoine.

* 60 Arrêté du 27 novembre 2006 portant approbation de la liste des biens établie en application du décret n° 97-445 du 5 mai 1997 portant constitution du patrimoine initial de l'établissement public Réseau ferré de France.

* 61 Article 14-1 de la loi d'orientation des transports intérieurs : le schéma détermine « dans une approche multimodale, les différents objectifs de services de transport aux usagers, leurs modalités de mise en oeuvre ainsi que les critères de sélection des actions préconisées, notamment pour assurer la cohérence à long terme entre et à l'intérieur des réseaux définis pour les différents modes de transport et pour fixer leurs priorités en matière d'exploitation, de modernisation, d'adaptation et d'extension ».

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