CONCRÉTISER LE STATUT AVANCÉ DU MAROC

Le partenariat entre le Maroc et l'Union européenne a été initié en 1969 par la signature d'un accord commercial. Un nouvel accord trouvé en 1976, puis renégocié en 1988, a ensuite ajouté au volet commercial des dispositions économiques, sociales et financières. Le Conseil européen a parallèlement rejeté, le 1 er octobre 1987, la candidature du Maroc à l'Union européenne, en s'appuyant sur l'article 49 du Traité sur l'Union européenne qui impose au candidat d'être un État « européen ».

Un tournant a néanmoins été opéré en 1996 avec l'adoption d'un accord d'association entré en vigueur en 2000. Celui-ci s'inscrivait dans le cadre de la déclaration de Barcelone de 1995 établissant le Partenariat euro-méditerranéen. L'accord d'association fournit un cadre pour les relations entre les deux parties. Il fixe les conditions d'une libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux. Il promeut la coopération dans les domaines économique, financier, social et culturel. Le texte a pour double ambition d'oeuvrer pour la prospérité au Maroc et de favoriser l'intégration économique du Maghreb. Un dialogue politique au niveau ministériel et administratif est mis en place à cet effet.

La mise en oeuvre de la politique européenne de voisinage à partir de 2004 a contribué à l'adoption, en juillet 2005, d'un Plan d'action Union européenne / Maroc renforçant un peu plus le partenariat. Plusieurs axes de travail ont alors été définis :

- La poursuite des réformes législatives et l'application des dispositions internationales en matière de droits de l'Homme ;

- Le dialogue politique renforcé dans les domaines de la PESC et de la PESD et le renforcement de la coopération dans la lutte contre le terrorisme ;

- La négociation d'un accord de libéralisation des échanges dans le domaine des services ;

- Le développement d'un environnement favorable à l'investissement direct étranger, à la croissance et au développement durable ;

- La coopération en matière de politique sociale avec comme objectif la réduction de la pauvreté et de la précarité ainsi que la création d'emplois ;

- Le soutien au système de l'éducation et de la formation, de la recherche scientifique et des technologies de l'information comme levier essentiel au développement économique du pays ;

- La gestion efficace des flux migratoires, y compris la signature d'un accord de réadmission, ainsi que la facilitation de la circulation des personnes en examinant les possibilités d'assouplissement des formalités pour certaines catégories de personnes ;

- Le développement du secteur du transport basé sur la sécurité et la sûreté, ainsi que sur le renforcement des infrastructures nationales, régionales et leur interconnexion avec le Réseau Trans-Européen de Transport (RTE -T) ;

- Le développement du secteur énergétique et l'intégration progressive du marché électrique marocain au marché européen de l'électricité, en application du Protocole d'accord pour l'intégration progressive des marchés électriques des pays maghrébins au marché intérieur de l'électricité de l'Union européenne, signé à Rome le 2 décembre 2003.

Séparé de seulement 13 kilomètres du continent, l'arrimage européen du Maroc est géographiquement incontestable. Le poids de la diaspora et les liens culturels et historiques avec le Vieux continent ne sont plus à démontrer. L'aspiration du Maroc à faire partie de l'espace économique européen est de fait légitime. Elle va de pair avec la participation du Royaume aux travaux du Comité de politique et de sécurité de l'Union européenne (COPS), qui contribue à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

Devenue le deuxième pôle économique du pays et la première ville bénéficiaire d'investissements directes étrangers, Tanger constitue la porte d'entrée vers l'Afrique que veut incarner le Maroc aux yeux de l'Europe. La construction du port de Tanger Med, lancée en 2001, symbolise en effet plus que tout programme européen la volonté du Maroc de devenir un interlocuteur incontournable pour les États membres de l'Union européenne. Cette structure consiste en un port d'éclatement pour les porte-conteneurs opérant sur la route maritime dite du « Tour du monde ». Situé au carrefour de la ligne sud-nord vers l'Europe et de la ligne est-ouest vers Gibraltar et l'Atlantique, il relie ainsi le Maroc aux grands réseaux mondiaux. 30 % du trafic maritime mondial passe ainsi dans cette zone. Tanger Med I, première phase du projet, est entré en service 2007. Tanger Med II qui devrait ouvrir en 2015-2016 permettra de porter la capacité totale de traitement des conteneurs au niveau de celle de Rotterdam, soit celle du premier port européen. Le projet a, dès l'origine, bénéficié de financements européens et notamment d'un prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI) d'un montant de 386 millions d'euros, soit plus de 10 % de l'investissement total (3,2 milliards d'euros).

Tanger Med participe du désenclavement du nord du pays. Celui-ci devrait se poursuivre par l'ouverture d'une ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca, dont la mise en service est prévue en 2016. Une telle modernisation des infrastructures accélère indéniablement le rapprochement entre le Maroc et les pays européens. L'ouverture d'une zone franche à Tanger en 2001 s'inscrivait dans la même logique. Elle a permis la colocalisation d'un certain nombre d'entreprises, à l'image de Renault. Le projet Renault Tanger Méditerranée initié en 2007 s'est concrétisé en février 2012. 100 000 véhicules ont depuis été produits. Une deuxième ligne de production a été ouverte le 8 octobre 2013 portant la production totale à 340 000 véhicules par an. 6 000 emplois directs et 30 000 indirects ont été créés depuis l'ouverture du site.

Des entreprises espagnoles - l'Espagne concurrence la France pour le titre de premier partenaire commercial du Maroc - ont également fait le pari de la colocalisation, quand il ne s'agit pas de délocalisation pure et simple, avec dans les deux cas l'installation d'une main d'oeuvre espagnole sur place . Au final, 6 à 7 000 emplois industriels ont ainsi été créés chaque année depuis l'ouverture de la zone franche.

Cette stratégie d'accueil des capitaux européens va de pair avec une politique commerciale à destination du sud. Le Maroc est ainsi le premier investisseur en Afrique de l'Ouest et s'appuie notamment sur le secteur bancaire ( Attijariwafa Bank , BMCE), les télécommunications (Maroc Telecom) et les mines.

« PLUS QUE L'ASSOCIATION, MOINS QUE L'ADHÉSION » : UN POSITIONNEMENT À INCARNER

UN STATUT AVANCÉ EN PERPÉTUELLE MUTATION
Le Statut avancé

C'est dans le contexte d'une intensification de ses relations avec l'Union européenne que le Maroc a obtenu le 13 octobre 2008 un « Statut avancé ». Ce Statut avancé s'inscrit dans la continuité de l'Accord d'association de 1996 et du Plan d'action. Il répond à la volonté du roi Mohammed VI, exprimée en 2000 d'obtenir un partenariat qui serait « à la fois un peu plus et mieux que l'association, corrigé et revue et, pour quelques temps encore, un peu moins que l'adhésion ».

Le Maroc est aujourd'hui le premier pays bénéficiaire des crédits accordés dans le cadre du volet méditerranéen de la politique européenne de voisinage, les Territoires palestiniens constituant un cas particulier. Le Maroc dispose de fait d'une position singulière au sein de la politique de voisinage de l'Union européenne. Les relations entre le Royaume et le Vieux continent sont plus denses que celles nouées par ses voisins de la rive Sud de la Méditerranée voire que celles mises en place par certains pays du Partenariat oriental, à l'image de l'Arménie. Le Statut avancé vient d'ailleurs reconnaître cette singularité. Il répond aussi à une demande de la part du Maroc pour se distinguer des autres pays de la rive Sud, qu'il estime moins en pointe 3 ( * ) .

Aux yeux de l'Union européenne, le Statut avancé est une formule originale qui permet à l'Union européenne de tester de nouveaux outils qu'elle pourra ensuite dupliquer au sein de la politique de voisinage. S'il ne prépare pas une demande d'adhésion, le Statut avancé n'est pas in fine très éloigné du statut de candidat. Il vise, en effet, à donner des perspectives plus ambitieuses à l'accord d'association, en s'ouvrant notamment à de nouveaux acteurs, à l'image des coopérations mises en place entre le Parlement marocain et le Parlement européen et entre le Conseil économique et social marocain et le Conseil économique et social européen. La Commission parlementaire mixte (CPM) Maroc-Union européenne, créée en mai 2010 réunit ainsi des parlementaires européens et marocains. Elle constitue un véritable organe de contrôle démocratique des progrès enregistrés dans la mise en place du Statut avancé.

Feuille de route définissant des pistes de coopération renforcée, le Statut avancé vise à renforcer le partenariat entre l'Union européenne et le Maroc et dresse, à cet effet, quatre priorités :

- Un approfondissement des relations politiques ;

- Une intégration au marché intérieur par le biais d'un rapprochement réglementaire ;

- Une coopération sectorielle ;

- Une dimension humaine, marquée par le renforcement des échanges culturels, scientifiques et éducatifs et l'implication d'acteurs non-institutionnels dans le dialogue Union européenne - Maroc.

Le Statut avancé a également permis de mettre en place une réelle concertation sur les questions de défense et de sécurité. Le dialogue bilatéral dans ce domaine porte notamment sur la question de l'insécurité au Sahel ou la guerre civile en Syrie. L'Union européenne et le Maroc ont également décidé de travailler ensemble à la préparation d'un accord-cadre sur la participation du Royaume aux missions civiles et militaires européennes de gestion de crise.

L'ambition première du Statut avancé consiste à consolider les réformes politiques, économiques et sociales entreprises dans le pays. Le Maroc devient le premier bénéficiaire de la politique européenne de voisinage, soit environ 200 millions d'euros par an. La révision de la politique européenne de voisinage s'est même traduite par l'octroi d'un financement additionnel de 80 millions d'euros pour la période 2012-2013. La répartition des crédits européens accordés depuis 2007 témoignent, à ce titre, d'une réorientation de l'aide en direction de l'appui aux réformes démocratiques entreprises depuis 2011.

Axes stratégiques

2007-2010

2011-2013

En millions d'euros

%

En millions d'euros

%

Développement des politiques sociales

296

45,3

116,1

20

Modernisation économique

235

35,9

58,05

10

Appui institutionnel

65

9,9

232,4

40

Bonne gouvernance et droits de l'Homme

8

1,2

87,07

15

Protection de l'environnement

50

7,6

87,07

15

Total

654

580,5

Source : Commission européenne

À compter de 2014, le mécanisme « More for more », plus incitatif et plus flexible, devrait être mis en place.

Le Statut avancé vient, dans le même temps, couronner la densification des relations économiques entre l'Union européenne et le Maroc. L'Union est le premier partenaire économique du Royaume avec 60 % des échanges commerciaux, plus de 60 % des investissements étrangers privés et 50 % des entrées annuelles de touristes. Une zone de libre-échange est effective depuis le 1 er mars 2012 pour les produits industriels (les produits industriels marocains entraient déjà sur le territoire de l'Union européenne sans droit de douane depuis 1976) et un accord sur les indications géographiques est en cours de négociations. À la fin de l'année 2012, un accord agricole et un accord sur le règlement des différends sont entrés en vigueur.

Au plan institutionnel, le Statut avancé s'est traduit par un certain nombre de nouveautés : organisation d'un sommet Union européenne -Maroc en 2010, mécanismes de concertation au niveau ministériel, invitation du Maroc en marge de réunions ministérielles ou de certains groupes de travail du Conseil de l'Union européenne. Le Maroc est également autorisé à participer à certains programmes et agences communautaires mis en place pour les États membres de l'Union européenne, à l'image d'Eurojust, de l'Agence de sécurité aérienne ou de l'Observatoire européen des drogues et toxicomanies.

Les autorités marocaines souhaitent désormais renforcer ce lien et se rapprocher d'un « Statut avancé plus ». Celui-ci se traduirait notamment par un soutien financier plus important, à la hauteur des fonds accordés aux États candidats à l'adhésion, et un renforcement de la mobilité des Marocains sur le territoire de l'Union européenne. Pour les autorités marocaines, le modèle à suivre est celui de l'accord d'association en cours de signature avec l'Ukraine. Lors de la première Conférence des Ambassadeurs du Maroc, organisée le 30 août 2013, le roi a d'ailleurs invité le ministère des affaires étrangères à « redoubler d'efforts » dans la mise en oeuvre du Statut avancé.

La question de l'augmentation du soutien financier européen se heurte cependant à un écueil, celui de la règle du cofinancement, alors même que le gouvernement marocain est confronté à des difficultés budgétaires de première ampleur.

Le nouveau Plan d'action Union européenne - Maroc mettant en oeuvre le Statut avancé (2013-2017)

Ce nouveau Plan d'action, en cours d'adoption, devrait succéder à celui de 2005 qui a expiré en 2010. Dans l'attente de la conclusion de ce nouveau plan, les deux parties ont convenu de continuer à appliquer le Plan d'action de 2005 .

Le nouveau Plan d'action définit clairement les objectifs prioritaires du partenariat privilégié entre l'Union européenne et le Maroc en tenant pleinement compte du Statut avancé. Ce nouveau Plan d'action doit fournir une feuille de route pour parvenir à une association plus étroite entre le Maroc et l'Union européenne.

Élaboré conjointement, il devrait structurer à l'avenir les relations entre l'Union européenne et le Maroc. Il fixe les réformes souhaitées pour le Maroc et comporte des objectifs spécifiques en matière de convergence. Il est présenté par la Commission européenne comme une synthèse entre l'ancien Plan d'action et le document conjoint concernant le Statut avancé. Il inclut ainsi les réformes prévues par le Plan d'action qui n'ont pas encore été mises en oeuvre et donne un cadre opérationnel à la feuille de route sur le Statut avancé.

Le nouveau Plan d'action donne, en outre, un caractère opérationnel à la feuille de route sur le Statut avancé et prévoit ainsi un rapprochement règlementaire graduel et séquencé avec l'acquis communautaire. Il s'agit à terme, pour le Maroc, d'intégrer progressivement l'économie de l'Union européenne et d'encourager le commerce, l'investissement et la croissance. L'intégration économique sera cependant définitivement mise en oeuvre avec la signature d'un Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA).

Le nouveau Plan d'action nourrira la programmation, la mise en oeuvre et le suivi de l'aide de l'Union européenne en tenant compte des besoins exprimés et des résultats intermédiaires obtenus. L'appui de l'Union européenne sera fourni principalement au travers des Programmes indicatifs nationaux agréés avec le Maroc qui définiront les priorités de l'aide et l'enveloppe financière accordée. Une variété d'instruments pourra être utilisée pour mettre en oeuvre l'appui de l'Union européenne au Maroc. Parmi ces instruments, on compte les échanges de conseil et d'expertise technique, de bonnes pratiques et de savoir-faire, l'appui au développement des capacités et au renforcement institutionnel, l'appui aux réformes sectorielles, l'appui à la promotion de l'intégration et à la cohésion sociale et économique et à la réduction des écarts de développement entre régions ainsi que l'appui à la société civile.

Les prêts des institutions financières européennes joueront également un rôle clé dans la mise en oeuvre du plan et en particulier la Facilité d'investissement voisinage, la Facilité euro-Méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP) et la mobilisation des fonds de la Banque européenne d'investissement (BEI).

LA CONVERGENCE RÉGLEMENTAIRE

Le Statut avancé a pour corollaire l'adoption d'un plan national de rapprochement avec l'acquis communautaire. Le Maroc espère pouvoir y parvenir à l'horizon 2015.

La convergence règlementaire constitue le socle de toute intégration poussée du Maroc au sein de l'espace économique européen. Il s'agit là de concrétiser le label « Statut avancé », qui sans cela s'apparenterait à une formule vide de sens. Le travail demandé -l'adaptation complète de la législation marocaine à la norme communautaire - est tout à la fois inédit, vaste et complexe. C'est dans ce contexte qu'un jumelage institutionnel entre le secrétariat général du gouvernement marocain et son homologue français a été mis en oeuvre.

Les jumelages institutionnels constituent avec l'assistance technique et l'échange d'expertise financés par l'Union européenne le moyen d'intervention privilégié en vue de mettre en oeuvre la convergence réglementaire. Depuis 2005, 30 contrats de jumelage ont été signés par des institutions marocaines. Plusieurs secteurs sont concernés : finances publiques, commerce, énergie, recherche, propriété intellectuelle, sécurité routière, aviation civile, pêche, emploi et formation professionnelles. La France est intervenue dans plus de trois quart des jumelages. Les institutions françaises pilotent actuellement des projets en coopération avec l'inspection générale des finances ou le ministère de l'industrie marocains. De nouveaux jumelages devraient être annoncés par la Commission européenne d'ici à la fin 2013. Le Conseil national des droits de l'Homme marocain devrait ainsi faire l'objet d'un partenariat avec la délégation interministérielle française aux droits de l'Homme.

La convergence réglementaire reste cependant tributaire du recrutement et de la formation des juristes locaux en vue d'une codification optimale de l'acquis communautaire. 45 juristes devraient ainsi être formés au terme d'un cycle de six ans, débuté en 2010. Une culture administrative lourde fragilise et ralentit encore ce travail de grande ampleur, quand bien même certains acquis sont déjà transposés, qu'il s'agisse des droits de l'Homme ou de ceux relatifs à la condition féminine. Au total, 10 000 normes locales seraient déjà harmonisées.

La délégation de l'Union européenne au Maroc estime qu'il conviendra, à terme, de lancer une étude d'impact sur les résultats obtenus, tant les autorités marocaines peuvent être parfois enclines à limiter leur action à de simples effets d'annonce. La loi marocaine reste, en effet, parfois difficilement applicable. Son processus d'élaboration reste également à améliorer : la consultation des partenaires sociaux n'est pas encore optimale, notamment en matière économique. Il convient de rappeler que cette harmonisation s'intègre également dans un calendrier législatif déjà chargé : l'agenda 2012-2016, consécutif à l'entrée en vigueur de la Constitution, prévoit l'adoption de 245 textes dont 20 lois organiques.

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE COMPLET ET APPROFONDI (ALECA)

L'ALECA entre l'Union européenne et le Maroc constitue un prolongement logique du Statut avancé. Le lancement officiel des négociations est intervenu le 1 er mars 2013, dans le cadre de la visite au Maroc du Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Le premier round des négociations s'est, quant à lui, ouvert le 22 avril dernier à Rabat, avec quelques semaines de retard. Le Maroc souhaite la mise en oeuvre d'un calendrier réaliste, prenant en compte la capacité d'absorption du Maroc et préconise une mise à niveau progressive de ses normes.

L'ALECA vise, en effet, à faire converger la législation et les réglementations communautaires vers les normes communautaires dans plusieurs secteurs :

- Le commerce des biens industriels, des produits agricoles et des services ;

- La protection des investissements ;

- Les marchés publics ;

- La politique de la concurrence ;

- Les aspects commerciaux du développement durable ;

- Le commerce de l'énergie ;

- La protection des droits de propriété intellectuelle.

Pour l'Union européenne, l'ALECA devrait permettre à terme un élargissement des débouchés, un renforcement de la sécurité juridique des investissements sur le territoire marocain et la mise en place de structures industrielles solides sur place. A l'inverse, le Maroc devrait bénéficier d'un meilleur accès au marché européen et d'un climat des affaires plus prévisible et plus stable, favorisant les investissements étrangers. La priorité marocaine porte de fait sur la mise aux normes des règlementations techniques pour les produits industriels. Il s'agit, en tout état de cause, du volet le plus ambitieux du dispositif prévu. Les négociations sur des accords sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (ACAA) ont ainsi été accélérées. Le Maroc répond de la sorte aux observations de la Commission contenues dans le rapport 2012 sur la politique de voisinage. La création de filières industrielles euro-méditerranéennes, fondées sur l'innovation et le partage des technologies, est également un objectif majeur.

Plusieurs incertitudes pèsent cependant sur la tenue des négociations : qu'il s'agisse de la question de l'intégration effective des services dans la négociation, de la demande d'une augmentation des fonds européens accordés au Maroc ou des craintes exprimées par le secteur privé marocain face à une concurrence accrue des entreprises européennes.

Leurs inquiétudes sont nourries par la dégradation de la balance commerciale en 2012. Le déficit commercial a ainsi atteint 17,6 milliards d'euros à la fin de l'année dernière, soit 10 % du PIB et une hausse de 7,9 % par rapport à 2011. Le monde des affaires marocain y voit là l'impact des accords de libre-échange signés entre les États-Unis et le Maroc en 2006 et avec la Turquie deux ans plus tôt. Le cas turc est particulièrement éclairant : depuis 2006, le flux de marchandises en provenance de Turquie a triplé pour atteindre aujourd'hui quelque 592 millions d'euros en moyenne par an. Dans le même temps, les exportations marocaines vers la Turquie représentent 158,5 millions d'euros annuels. Les entreprises craignent une poursuite de cette dégradation de la balance commerciale en cas de signature de l'ALECA, dans un contexte économique moins dynamique depuis 2008. Le déficit de la balance commerciale devrait néanmoins être revu à la baisse fin 2013, où il atteindrait 8 % du PIB.

Les autorités marocaines semblent de fait peu enclines à libéraliser l'ensemble des secteurs, notamment en matière de services. La distribution et les services financiers sont ainsi concernés. Des concessions pourraient néanmoins intervenir, en contrepartie d'aides financières en faveur de la convergence règlementaire. Le coût pour l'adaptation aux normes sanitaires et phytosanitaires européennes est en effet relativement élevé.

Les négociations sur la pêche traduisent également une volonté marocaine de progresser vers des accords concrets. Après le rejet du renouvellement d'un premier accord le Parlement européen, le 14 décembre 2011, l'Union a lancé de nouvelles négociations. Les bateaux européens avaient en effet été sommés de quitter les eaux territoriales marocaines, alors même que l'accord initial devait prendre fin le 27 février 2012. Un nouvel accord a été trouvé le 24 juillet 2013. Le nouveau dispositif, d'une durée de quatre ans, autorise 126 bateaux européens à pêcher dans les eaux marocaines, contre 137 dans le cadre de l'ancien protocole. Le Maroc percevra, à titre de compensation, 40 millions d'euros par an, contre 36 millions d'euros précédemment. Onze pays européens, et principalement l'Espagne, sont concernés.

LE PARTENARIAT POUR LA MOBILITÉ

A l'occasion de la visite du président de la Commission européenne à Rabat en mars 2013, un accord politique entre représentants européens et autorités marocaines a été trouvé sur la mise en place prochaine d'un Partenariat pour la mobilité. La signature effective est intervenue en juin 2013.

Cet outil répond à deux objectifs :

- Une meilleure gestion de la mobilité, de l'immigration et de l'intégration. Celle-ci passe par une amélioration des procédures de délivrance de visas Schengen, la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles et universitaires et la facilitation de l'octroi de visas pour les étudiants, les chercheurs et les hommes d'affaires ;

- L'aide au renforcement de la capacité institutionnelle et opérationnelle du Maroc dans tous les domaines liés à la migration, à la lutte contre l'immigration irrégulière, les réseaux de trafic de migrants et de traite des êtres humains.

Ce Partenariat va s'inscrire dans le cadre d'une nouvelle politique nationale en matière d'asile et d'immigration. Le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) a en effet publié le 9 septembre dernier un rapport dénonçant l'action des autorités en la matière alors que le Maroc a connu, dans ce domaine, un changement de dimension. Terre de transit pour les migrants vers l'Europe, il est également un pays d'émigration, un territoire d'installation durable de migrants et une zone de refuge pour les demandeurs d'asile. 240 millions de personnes ont ainsi traversé le territoire marocain en 2012. Près de 6 000 migrants sont morts au large des côtes marocaines depuis 1993.

Le CNDH demande que soit mis en oeuvre un véritable statut du réfugié, la mise en place de normes destinées à combattre efficacement la lutte contre l'exploitation et la criminalité transnationale organisée et l'ouverture de nouveaux droits - liberté d'association, participation aux élections locales sous condition de réciprocité - pour les migrants en situation régulière. Le CNDH préconise en outre une régularisation exceptionnelle de migrants en situation irrégulière, sous condition de durée du séjour notamment. Un appui financier de l'Union européenne est, à ce titre, expressément demandé. Ces quatre axes de travail ont été immédiatement repris par le gouvernement.

Le rapport du CNDH insiste sur le fait qu'en termes d'immigration irrégulière, le Maroc subit les effets de la politique migratoire de l'Union européenne, qu'il juge drastique. Il relève néanmoins que la politique de contrôle des tentatives d'émigration irrégulière, mise en place avec l'appui européen, constitue un réel succès comme en témoignent les chiffres d'interpellation et les déclarations de satisfaction des États membres.

Il souhaite désormais que le traitement de la situation des migrants en situation irrégulière constitue la priorité du Partenariat pour la Mobilité. Le gouvernement marocain, qui participe aux opérations de l'agence européenne de surveillance des frontières FRONTEX depuis 2006, attend dans le même temps un appui de l'Union européenne à la mise en oeuvre de sa nouvelle politique d'immigration : une coopération technique mais aussi financière est espérée. La délégation de l'Union européenne au Maroc a salué le caractère concret des recommandations du CNDH et rappelé que le Partenariat pour la mobilité serait accompagné d'un appui financier. Celui-ci ne sera cependant effectif que si les projets de coopération mis en oeuvre avec l'Union européenne s'inspirent des axes de travail présentés par le CNDH. C'est dans ce cadre que la Commission européenne a proposé, le 4 octobre 2013, d'entamer des négociations avec le Maroc en vue de faciliter la délivrance de visas.


* 3 La Jordanie a également obtenu le Statut avancé en octobre 2010.

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