II. UN RELAIS DE CROISSANCE POSSIBLE POUR L'UNION EUROPÉENNE

A. LES INVESTISSEMENTS DIRECTS EUROPÉENS EN RUSSIE

Les investissements directs européens en Russie sont très largement supérieurs aux investissements directs russes en Europe, qui s'établissent autour de 50 milliards de dollars par an. Avec 265 milliards de dollars, la Russie occupe la sixième place au monde pour les investissements étrangers au cours des cinq dernières années. Qui plus est, le rythme d'évolution des investissements européens est extrêmement dynamique ; les entreprises des États membres les plus actifs sur ce plan - l'Allemagne, la Suède et la France pour se limiter aux trois premiers - investissent en Russie des montants dix fois supérieurs aux flux en sens inverse. En outre, les Européens agissent dans des secteurs extrêmement diversifiés, alors que les entreprises russes restent concentrées dans le domaine de l'énergie, auxquelles s'ajoutent pour l'essentiel quelques investissements immobilier de rendement. Il convient ainsi de citer le rachat de 75 % de la filiale de PSA, Gefco , par les chemins de fer russes en novembre 2012.

Le renforcement des investissements russes constitue d'ailleurs une étape naturelle d'une relation de partenariat équilibrée entre nos deux pays. Une trentaine de projets russes seraient ainsi sur le point de voir le jour en France dans les années qui viennent. La présence française en Russie est, quant à elle, très large (500 entreprises) et ne se limite pas à l'énergie. Les secteurs de l'aérospatial, de l'automobile, les transports, les télécoms, les services urbains, l'agroalimentaire, les hautes-technologies accueillent également de plus en plus d'investissements. Des projets sont attendus dans les domaines des infrastructures, de l'énergie, des industries pharmaceutiques et de l'automobile.

B. LA RÉORIENTATION DE L'INDUSTRIE RUSSE

La part de la production industrielle dans le PIB russe avoisine 17 %, mais elle ne procure que 7 % des exportations. Les armements font partie de ces 7 %. À l'inverse, les biens industriels constituent environ 85 % des importations russes provenant de l'Union européenne, ce qui explique sans doute la place particulièrement éminente de l'Allemagne, qui réalise un tiers des exportations européennes vers la Russie.

La balance commerciale russe est excédentaire, avec des exportations atteignant 125 milliards de dollars au cours du premier trimestre de 2013 et des importations limitées à 75 milliards de dollars pendant la même période. Ces montants ont un ordre de grandeur cohérent avec les réalisations des années précédentes, bien que le solde positif du commerce extérieur russe ait rétréci de 15 %.

Tous ces chiffres montrent à quel point la réorientation de l'industrie russe est une impérieuse nécessité, a fortiori depuis l'entrée de la Russie à l'OMC. Cette adhésion crée pour la production russe un choc concurrentiel imposant un considérable effort d'adaptation.

Les conceptions du commerce international en particulier celle des « avantages comparatifs » de David Ricardo reposent sur l'idée que chaque pays produit des biens qu'il n'a pas intérêt à conserver en totalité, car sa prospérité augmente s'il vend certains biens pour en importer d'autres. Aujourd'hui encore, la théorie des avantages comparatifs tend à démontrer que même un pays en retard sur tous les autres et pour chacune de ses productions n'a rien à craindre d'une ouverture générale de ses frontières commerciales : il se spécialisera simplement dans les activités où sa performance est le moins mauvaise, celles qui bénéficient d'un avantage comparatif par rapport aux autres productions réalisées sur place.

Il convient toutefois d'observer que le principal facteur d'accroissement du commerce international au cours des dernières décennies est imputable non aux avantages comparatifs de tel ou tel produit fini, mais à l'accroissement de ce que l'OMC désigne comme « la teneur des exportations en importations », qui atteint aujourd'hui 40 %. Cette expression signifie qu'une exportation moyenne sur le marché international d'aujourd'hui a nécessité l'importation préalable de biens et services pour une valeur égale à 40 % de celle du produit exporté. En d'autres termes, importation et exportation portent de moins en moins sur des produits finis, pour correspondre de plus en plus à des étapes dans l'élaboration d'un bien dont on sait où il a été achevé, mais sans qu'il soit envisageable de désigner rigoureusement le « pays de fabrication ». En réalité, ce dernier concept perd largement sa pertinence. L'enchaînement formé par ces étapes successives est dénommé « chaîne mondiale de valeurs ». Un rapport conjoint de l'OCDE, de l'OMC et de la CNUCED, remis lors du sommet du G20 à Saint-Pétersbourg début septembre 2013 a précisément porté sur ces chaînes mondiales de valeur, devenues dominantes dans le commerce et l'investissement au niveau mondial. Mais la participation effective à ces chaînes nécessitera de nouveaux investissements importants dans la diffusion des technologies, le renforcement des compétences et la mise à niveau. Selon ce rapport, le succès sur les marchés internationaux dépend autant de la capacité d'importer des intrants de qualité que de la capacité à exporter : les intrants intermédiaires représentent plus des deux tiers des biens et 70 % des échanges de services dans le monde.

Jusqu'à présent, l'économie russe fonctionne selon un schéma antérieur aux chaînes de valeur. Il y a donc là une énorme marge d'évolution. Le processus à engager bénéficiera bien sûr aux entreprises russes, mais aussi à leurs partenaires étrangers de ces nouvelles chaînes de valeurs à venir.

Le Fonds monétaire international a estimé en octobre 2013 qu'il était urgent pour la Russie d'engager une restructuration de son appareil industriel. L'économie locale n'est pas assez diversifiée, la croissance étant principalement tirée par les vente des hydrocarbures. D'après le FMI, des réformes structurelles visant son appareil industriel permettrait à l'activité de croître de plus de 3,5 % en moyenne au cours des cinq prochaines années. Les prévisions de croissance tablent actuellement sur une progression de 1,5 % en 2013 et de 3 % en 2014.

Qu'elles soient industrielles ou qu'elles interviennent à titre de service dans l'industrie, les entreprises européennes pourraient participer à cette mutation économique d'envergure . Celle-ci semble pour l'heure anticipée par le gouvernement russe qui réserve une partie du produit des ventes de ses hydrocarbures à cette reconversion. Le rapprochement avec l'Union européenne et la mise en place d'un espace économique commun passe indubitablement par la mise en oeuvre d'un partenariat industriel permettant aux entreprises européennes d'accéder à ce marché en pleine évolution.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page