N° 452

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 avril 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer (1) comportant les actes du colloque organisé le 10 avril 2014 sur « Un kaléidoscope de l' autonomie locale : théorie, pratique institutionnelle et déclinaisons ultramarines »,

Par M. Serge LARCHER,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Serge Larcher, président ; MM.  Éric Doligé, Michel Fontaine, Pierre Frogier, Joël Guerriau, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Requier, Mme Catherine Tasca, MM. Richard Tuheiava, Paul Vergès et Michel Vergoz, vice-présidents ; Mme Aline Archimbaud, M. Robert Laufoaulu, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jean-Étienne Antoinette, Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Berthou, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Christian Cointat, Jacques Cornano, Félix Desplan, Mme Jacqueline Farreyrol, MM. Gaston Flosse, Jacques Gillot, Mme Odette Herviaux, Jean-Jacques Hyest, Jacky Le Menn, Jeanny Lorgeoux, Roland du Luart, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Néri, Georges Patient, Mme Catherine Procaccia, MM. Charles Revet, Gilbert Roger, Abdourahamane Soilihi et Hilarion Vendegou.

OUVERTURE

Serge Larcher, Sénateur de la Martinique, Président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer

Monsieur le Directeur du Centre de recherche pour les pouvoirs locaux dans la Caraïbe, Cher Justin Daniel,

Madame la Déléguée interministérielle et Chère Sophie Élizéon,

Monsieur le Directeur du séminaire sur l'autonomie locale, Cher Antoine Delblond qui êtes à l'origine du présent colloque,

Mesdames et messieurs qui, nombreux, avez accepté d'apporter votre contribution à notre rencontre de ce jour,

Chers collègues,

Mesdames et messieurs,

Permettez-moi, à titre personnel et en ma qualité de président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, de vous souhaiter la bienvenue au Sénat. Je me félicite de la fructueuse collaboration que nous avons nouée, pour la réalisation de cette rencontre, avec le CRPLC, unité mixte de recherche (UMR) entre le CNRS et l'Université des Antilles et de la Guyane.

Je me réjouis tout particulièrement que cette manifestation permette d'orienter les projecteurs sur le CRPLC, un des fleurons de l'Université des Antilles et de la Guyane qui traverse à ce jour, quant à elle, une crise profonde.

Cher Justin Daniel, votre laboratoire de recherche, créé en 1982 par le professeur Jean-Claude Fortier qui présidera le premier atelier de notre matinée, c'est-à-dire au moment même où l'UAG naissait en tant qu'université de plein exercice, déploie aujourd'hui une intense activité à travers, notamment, un ensemble de partenariats extérieurs qui dénote son souci d'ouverture et de rayonnement. Ceci est extrêmement bénéfique à notre université qui, actuellement en plein chamboulement, devra lors de sa restructuration prochaine intégrer cet objectif.

Je me permets de vous informer au passage que notre délégation sénatoriale à l'outre-mer, très préoccupée par la situation universitaire aux Antilles et en Guyane, a créé avec la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat un groupe de travail dont le rapport sera présenté la semaine prochaine devant la délégation et la commission réunies en formation plénière. La notion d'autonomie est d'ailleurs au coeur de cette crise universitaire et des schémas qui permettront de la dénouer.

Un dicton créole affirme qu'« il faut un bon désordre pour mettre en ordre » : « sé en gwo désod ki ka mété lod ». La condition paraît largement satisfaite en ce qui concerne le désordre... et la mise en ordre devra prendre appui sur les valeurs sûres de l'université, comme le CRPLC, qui tiennent le cap dans la tempête.

Cher Justin Daniel, le colloque d'aujourd'hui marque votre fidélité au Sénat ! J'ai encore en mémoire celui de février 2011 intitulé « Les outre-mer à l'épreuve du changement : réalités et perspectives des réformes territoriales » : notre délégation à l'outre-mer n'était pas encore née mais la mission sénatoriale d'information sur la situation des DOM créée en 2009 en était déjà la préfiguration ! Le colloque de 2011 avait dressé un panorama très éloquent des évolutions statutaires des collectivités ultramarines dans le cadre de la réforme territoriale, et le professeur Ferdinand Mélin-Soucramanien, qui présidera notre second atelier de l'après-midi, y avait déjà présenté, avec le brio qu'on lui connaît, la question de l'autonomie des collectivités territoriales situées outre-mer.

Il s'agit d'une question centrale de notre organisation institutionnelle et du dialogue entre l'État et les collectivités.

Désormais, formellement inscrite à l'article 74 de notre Constitution pour définir la catégorie des collectivités ultramarines dont le statut relève de la loi organique, la notion d'autonomie occupe une place de plus en plus importante dans le débat sur l'évolution de la décentralisation, en matière d'organisation comme en matière normative. Et les outre-mer, reconnus pionniers et précurseurs en matière d'innovation institutionnelle, continuent à jouer un rôle moteur dans cette évolution. Qu'il s'agisse de l'autonomie normative avec une mise en oeuvre de la procédure d'habilitation de l'article 73 qui commence à se développer et devrait connaître un essor accéléré avec la naissance des collectivités de Guyane et de Martinique en 2015, qu'il s'agisse de l'autonomie statutaire illustrée en particulier par l'avenir du dossier calédonien ou encore, par exemple, de l'autonomie financière des collectivités territoriales, la notion d'autonomie, aux multiples facettes, est au coeur de l'actualité.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour en sonder les fondements et tenter d'en cerner les contours.

Mesdames, Messieurs, sur ce thème très sénatorial de l'autonomie locale, je nous souhaite une passionnante journée d'exploration en forme de kaléidoscope !

Je vous remercie et cède la parole à Justin Daniel.

Justin Daniel, Professeur de science politique à l'Université des Antilles et de la Guyane, Directeur du Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe

Monsieur le Président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, mesdames et messieurs les élus, chers collègues, chers amis, permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir accepté notre invitation.

Ce colloque résulte de la volonté commune de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer et du CRPLC de porter à la connaissance d'un public élargi le fruit de plusieurs années de réflexions, d'observations et d'analyses parfois complexes. Il s'agit donc de restituer les études menées à partir d'expériences de recherche bien souvent partagées avec des collègues des universités de métropole.

Le CRPLC a été créé dans les Caraïbes dans les années 1980 et a depuis développé une abondante activité scientifique autour des pouvoirs locaux. Il bénéficie aujourd'hui d'une expertise reconnue dans ce domaine. Malgré la diversité des situations, le positionnement géographique du CRPLC l'a plus particulièrement incliné à porter sa focale sur les territoires antillais et caribéens, tout en demeurant attentif à ce qui se passe dans les autres outre-mer. Ses travaux se trouvent donc en parfaite congruence avec les interrogations qui peuvent émerger au sein de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, et plus largement au sein de la haute assemblée. Ce colloque se trouve à la jonction précise entre ces deux séries de préoccupations et je me réjouis de constater qu'il résulte de la collaboration entre les services du CRPLC et de la Délégation.

Permettez-moi d'ajouter que les activités réalisées au sein du CRPLC s'enrichissent de l'inscription de l'unité de recherche dans de nombreux réseaux nationaux de recherche, mais également des réseaux internationaux. Ce choix assumé de notre part permet d'assurer une montée en généralité de nos travaux, au-delà du cas spécifique de l'outre-mer.

Le président Larcher l'a mentionné : la période actuelle est à la fois riche et pétrie d'incertitudes. En effet, plusieurs collectivités situées outre-mer, je pense en particulier à la Guyane et à la Martinique, se trouvent engagées dans un processus de réforme institutionnelle qui pose de façon renouvelée la question de l'autonomie locale et préfigure, si j'en crois les récents propos du Premier ministre, les changements à venir dans la carte administrative de la France.

Ce colloque nous offre donc plusieurs opportunités : celle de procéder à une mise à jour théorique et conceptuelle d'une notion incontournable, mais difficile à saisir, car historiquement marquée par une certaine instabilité, tout en étant placée au coeur d'enjeux politiques ; au-delà, nous avons pour ambition de confronter les expériences aussi bien en France qu'à l'étranger.

Antoine Delblond, Professeur de droit public à l'Université de Nantes, Directeur du séminaire sur l'autonomie locale, coordonnateur scientifique du colloque (CRPLC)

Sur le plan scientifique, notre présence ce matin est le symbole d'une évolution remarquable à plusieurs titres. Tout d'abord, l'autonomie part de très loin. Dans les années 60, elle n'était qu'une revendication politique dans un état unitaire et l'outre-mer a « payé le prix fort » de la revendication autonomiste, Justin Catayée, défenseur d'un projet d'autonomie en 1962, ayant connu le destin tragique que l'on sait. L'autonomie en tant que revendication politique a donc dans un premier temps été ignorée par le centre.

Dans les années 1970, l'autonomie devient une évolution possible, car l'État est parvenu aux limites de ses capacités d'administration décentralisée dans un contexte européen favorisant les régionalismes. L'autonomie devient alors un possible dans un État unitaire. Retenons à ce propos certaines grandes figures, au premier rang desquelles Olivier Guichard.

Enfin, l'autonomie devient une réalisation dans une troisième étape. Tout du moins, elle apparaît comme une démarche autorisée par le pouvoir. C'est l'acte un et l'acte deux de la décentralisation, qui permet pour la première fois à l'État unitaire de reconnaître l'autonomie de gestion des collectivités territoriales, c'est-à-dire leur capacité à élaborer des normes dans un certain nombre de champs.

L'autonomie se trouve partout et nulle part. Vous aurez beau chercher sa présence dans la loi ou le décret, elle n'y figure pas à l'exception de l'article 74 de la Constitution. En dehors de cette autonomie constitutionnelle, il n'existe aucune trace de l'autonomie dans la loi. Pourtant, l'autonomie est partout, y compris dans l'acte deux de la décentralisation ou dans la loi du 27 juillet 1993, ou encore dans tous les transferts de compétence de l'acte deux véhiculés par la loi d'août 2004. C'est le décalage entre une omniprésence de l'autonomie fonctionnelle et l'absence institutionnelle de l'autonomie dans la loi qui nous réunit aujourd'hui.

Le colloque de ce jour donnera lieu à la publication d'un rapport qui, espérons-le, inspirera le législateur. Nos travaux de ce jour vont nous permettre, en toute modestie, de faire le point sur ce qu'il est possible de faire et de réaliser certaines projections.

Je vous souhaite à tous et à toutes un excellent colloque.

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