ATELIER 1 - AUTONOMIE, THÉORIE POLITIQUE, CONSTRUCTION JURIDIQUE

Sous la présidence de Jean-Claude Fortier

Jean-Claude Fortier, Professeur des facultés de droit émérite, fondateur du CRPLC - Autonomie, théorie politique, construction juridique

Je voudrais tout d'abord vous exprimer le bonheur que j'éprouve d'être associé, par la complicité et l'amitié du professeur Justin Daniel, à une nouvelle manifestation scientifique du Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe (CRPLC). Ce bonheur est, cette fois, mêlé d'incompréhension, de tristesse, et - pour être tout à fait franc - de colère, devant la perspective du démantèlement, de la disparition de l'Université des Antilles et de la Guyane, dont le CRPLC est - je ne veux pas dire était - non seulement le fleuron, comme le rappelait le président Serge Larcher, mais aussi, je le crois profondément, le symbole universitaire de l'union caribéenne des deux îles avec la Guyane.

La rencontre d'aujourd'hui sur l'autonomie locale, notamment dans ses déclinaisons ultramarines, constitue un curieux retour de flamme des premières journées d'étude de Fort-de-France que le CPRLC naissant avait organisées, il y a près de 30 ans, autour de la décentralisation outre-mer. À l'époque, l'idée de décentraliser l'outre-mer faisait rire. C'est pourtant de ces journées d'étude que sont issus le premier ouvrage du CRPLC (auquel avaient participé Justin Daniel, Antoine Delblond, Annie Fitte-Duval, Maude Elfort, Danielle Perrot, Joël Boudine, présents dans ces lieux en 2014) et la labellisation du centre par le CNRS.

La mission de ce premier atelier est de procéder à un cadrage théorique, doctrinal de l'autonomie locale. Le professeur Delblond rappelait à juste titre que l'autonomie est partout, mais n'existe pas juridiquement, en tant que formalisation théorique, à l'intérieur de la république unitaire qu'est la France. Ce n'est pas l'effet du hasard. L'autonomie a souvent été regardée, surtout depuis que l'on a appris qu'elle n'était pas l'indépendance, comme la porte de l'indépendance. L'autonomie des territoires, la République française a toujours eu du mal avec ça. Et elle n'est pas près de se l'approprier si j'ai bien compris le discours de politique générale du nouveau Premier ministre, il y a deux jours. Je souhaite bon courage à Marthe Le Moigne qui doit nous parler de la clause de compétence générale dont la suppression est annoncée. Notre collègue interviendra après que l'autonomie locale aura été envisagée sous l'éclairage fondamental de la liberté et de la responsabilité par Pierre-Yves Chicot, puis sous celui de la gestion et de la gouvernance par Vincent Roux et avant qu'Edwin Matutano ne parle de la logistique de l'autonomie locale, c'est-à-dire de la méthode d'élaboration et de rédaction des textes qui y sont relatifs.

Pierre-Yves Chicot, Maître de conférences en droit public à l'Université des Antilles et de la Guyane Habilité à Diriger les Recherches - Autonomie locale : liberté et responsabilité

Comment penser le couple liberté locale et responsabilité locale dans le cadre d'une approche juridique consacrée à la notion d'autonomie qui se veut d'abord une théorie du droit ? On aura pris la précaution de souligner que le propos d'ensemble est consacré à la décentralisation, notion que le doyen Georges Vedel 1 ( * ) , en accord avec la pensée du doyen Hauriou 2 ( * ) qui l'a précédé, définit comme un processus, ayant pour criterium essentiel : l'élection des organes politiques locaux dotés de compétences administratives, et dans certains cas, de collectivités disposant de la compétence normative.

Bien que le sujet de la décentralisation fasse l'objet d'une particulière prospérité dans la sphère politique, juridique, administrative et financière, celui-ci ne leur est pas exclusif. La décentralisation témoigne de l'existence d'un mouvement dynamique qui consiste à changer de lieu, d'espace, tout en rendant compte d'une évolution psychologique caractérisée par l'autonomie, dans la manière d'envisager l'art d'agir.

Dans « Les vies d'Alexandre » , le héros, Marius Jacob, cambrioleur membre du courant anarchiste qui opéra en France à la fin du XIX e siècle, répondait de la façon suivante à la question qui lui était posée, lors de son procès en 1905 devant la cour d'assises de la Somme : « Pourquoi alliez-vous cambrioler en province ? -- Je faisais de la décentralisation », répondit-il. En effet, à l'époque, « le bandit recherché à Nantes pour meurtre et pris à Verdun en flagrant délit de cambriolage avait toutes les chances, pourvu que son identité de rechange fut solide, de n'être condamné que pour ce dernier méfait » 3 ( * ) .

En fait, Alexandre Marius Jacob mettant en oeuvre un esprit d'autonomie s'émancipait de la dépendance d'un lieu unique d'intervention. Il cultivait la liberté, en changeant à sa guise de centres d'intervention. Il cultivait aussi la responsabilité, en s'affranchissant de la facilité qui le contraignait vraisemblablement à faire usage de modes opératoires différents, mais présentant l'avantage de brouiller davantage les pistes.

Rapportés au droit public, les couples autonomie/décentralisation d'une part, et liberté locale/responsabilité locale d'autre part, sont à intégrer dans un discours global relatif à la théorie de l'État, dont Carré de Malberg 4 ( * ) est certainement celui dont l'oeuvre à ce sujet est la plus connue du grand public averti.

Les épithètes « autonomique » , « décentralisé » , peuvent être choisies à loisir pour qualifier les grands traits de l'État. Et là où il y a octroi de libertés et de responsabilités aux collectivités infraétatiques, l'organisation politique et juridique consacre, à des degrés variables, la décentralisation et/ou l'autonomie. À ce stade du propos, comment peut-on résister à la tentation de citer la très célèbre formule de Maurice Hauriou, développée abondamment dans la belle thèse de François Fournier 5 ( * ) : « La décentralisation est une manière d'être de l'État ».

Autrement dit, une volonté étatique qui peut aller jusqu'à aspirer et à consacrer à l'autonomie locale, en décentralisant. Une manière d'être dont le témoignage coïncide sur le plan juridique avec l'inscription dans la loi constitutionnelle ou ordinaire des concepts de liberté locale et de responsabilité locale.

Le théoricien du droit allemand Hans Kelsen indique que le degré de décentralisation d'un État, « ordre juridique relativement centralisé » peut varier sans que cela soit prévu par sa Constitution. Dans le cas qui nous occupe, si la liberté locale est expressément constitutionnalisée, il n'en est pas de même de la responsabilité locale. Autrement dit, pour la responsabilité locale, il n'existe pas de principe général inscrit dans la Constitution qui la définit. Toutefois, la loi ordinaire, se référant à la mention ajoutée dans l'article 1 er de la Constitution par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 6 ( * ) : « Son organisation est décentralisée », nous fournit le cadre de référence qui convient pour énoncer la définition 7 ( * ) .

Aussi, la responsabilité locale pourrait être définie sur la base du corpus de compétences exercées par le niveau infraétatique. On en veut pour preuve ce que dit le Sénat à ce propos : « Les nouvelles responsabilités confiées aux échelons décentralisés touchent des secteurs essentiels intéressant l'ensemble de la population : développement économique, tourisme, formation professionnelle, transport et infrastructures, logement, action sociale » 8 ( * ) .

Dans le raisonnement scientifique de Kelsen « le degré de centralisation et de décentralisation est indiqué par le nombre et l'importance des normes centrales et des normes locales » 9 ( * ) . Dans le cas français, les pays d'outre-mer (POM) 10 ( * ) mis à part, il est de doctrine constante d'affirmer que la décentralisation française est de nature administrative et non politique, alors même que l'article 72 alinéa 3 de la Constitution dispose que « Les collectivités territoriales disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ». Mais, il est vrai que cette disposition est davantage prometteuse que précise.

Même si la France se distingue par son modèle légicentrique, on ne peut pas écarter l'approche kelsénienne pour analyser le cas français. Le recours à l'argumentaire kelsénien est pertinent mais insuffisant pour apporter la preuve de l'existence de l'autonomie locale en droit public français dans la mesure où le constituant énonce la notion de pouvoir réglementaire local sans qu'une loi organique ne la mette encore réellement en oeuvre. Dans le même temps, la compétence normative au bénéfice des collectivités de droit commun constitue bien une réalité, si on se réfère aux habilitations législatives prévues par l'article 73 alinéa 5 de la Constitution.

En attendant que la compétence normative autorisée pour les collectivités françaises d'Amérique soit généralisée à leurs homologues de France hexagonale 11 ( * ) , il nous semble que pour apporter la preuve de la compatibilité de la notion d'autonomie avec le droit français de la décentralisation, les notions de liberté locale constitutionnalisée, et de responsabilité locale légalisée nourrissent substantiellement la possible définition d'une autonomie en droit public français. La liberté locale serait à la fois une construction sociale symbolisant l'émancipation administrative (I). La responsabilité locale pour sa part, pourrait être mise en lien avec la notion de décentralisation-autonomie (II).

I. - La liberté locale : entre construction sociale et émancipation administrative

Les collectivités territoriales sont le résultat de l'ordre social au même titre que l'État. Même s'il demeure encore un rapport d'asymétrie entre le pouvoir central et les collectivités infraétatiques, la conception et la mise en oeuvre de nombre de politiques publiques sont davantage une affaire de coproduction. À la faveur des principes de liberté locale et de responsabilité locale énoncés dans la loi, l'échelon local peut être désormais désigné, moins comme un obligé de l'État que comme un partenaire de celui-ci.

L'émancipation administrative mise en oeuvre peut signifier que le pouvoir d'impulsion n'est, plus uniquement, l'apanage du centre. De ce fait, la marge d'initiative des organes périphériques s'en trouve confortée et gagne en fécondité. L'émancipation administrative signifie, par ailleurs, la reconnaissance de l'autonomie de gestion et de décision dont les fondements sont à rechercher dans le principe de liberté locale procédant d'un construit social (A) et équivalant à une liberté d'agir (B).

A. La liberté locale procède de l'ordre social

La construction de l'État résulte-t-elle exclusivement d'un processus juridico-normatif ? L'histoire des faits 12 ( * ) sociaux nous enseigne que le principe de libre administration est enraciné dans un processus social qui dépasse les frontières des sciences juridiques. L'État peut être perçu « comme une institution qui s'agrège à la société civile et qui tend à en prendre les rênes, sans s'y identifier, ni même totalement la dominer » 13 ( * ) .

Le principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l'article 34, et surtout par l'article 72 alinéa 3 de la Constitution est un principe à valeur constitutionnelle 14 ( * ) . Les principes à valeur constitutionnelle prennent leur source dans ce que le doyen Hauriou appelle la Constitution sociale 15 ( * ) . Issus de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou du préambule de la Constitution de 1946 ou tout simplement de la tradition républicaine et législative, le législateur ne peut y porter atteinte.

Cette qualification juridique du principe de libre administration n'altère pas l'unité de l'État. Pour autant, celui-ci va progressivement contribuer à affadir la centralisation des affaires publiques, au fur et à mesure que les collectivités territoriales vont être fondées à jouer un rôle de régulateur social de plus en plus grand en direction du territoire local.

Pour certains membres de la doctrine du droit public français, le principe de libre administration des collectivités territoriales ne saurait être réduit à un simple principe d'organisation mais constitue bien une liberté inhérente des collectivités locales 16 ( * ) . Cette conception remonte au début du siècle dernier. Certains publicistes soutiennent que la décentralisation équivaut à l'affirmation des libertés locales, suivant toujours le sort des autres libertés 17 ( * ) .

L'insertion du principe de libre administration dans la Constitution du 27 octobre 1946 exprime la volonté des constituants de consacrer les libertés locales et pas simplement un principe d'organisation administrative, parce qu'en réalité l'octroi de ces libertés s'adresse à des communautés humaines. Pour autant, cette liberté n'est pas sans limite. Elle s'exerce sous le contrôle administratif du représentant de l'État. On est en présence d'une régulation sociale de la collectivité locale soumise le cas échéant à la censure de la collectivité supérieure.

Pour Maurice Bourjol, il s'agit d'« une liberté publique, parmi les plus anciennes, les libertés locales » 18 ( * ) . Elles inspirent le principe de libre administration présenté comme une liberté constitutionnellement reconnue et garantie, dont le respect s'impose au législateur. « La libre administration met l'accent par ailleurs, sur l'existence des libertés locales, attachées au groupe humain, à la « société de citoyens» constituant la collectivité territoriale, lesquelles doivent être préservées non seulement des empiétements de l'État lui-même mais aussi de ceux pouvant émaner d'autres personnes publiques » 19 ( * ) .

La mise en relation du principe de libre administration avec la régulation sociale est pertinemment soulignée par Constantinos Bacoyannis lorsqu'il évoque « le droit de s'administrer librement comme n'étant pas conféré à la personne morale, « collectivité territoriale» , mais au groupement naturel qui est délimité grâce à son rattachement à un territoire et qui préexistait à sa reconnaissance par l'État » 20 ( * ) .

La référence « au groupement naturel » et qui renvoie également à un groupe social induit un raisonnement sur la manière de faire d'un État démocratique. Si la particularité ne doit pas contrarier la vision commune, cette dernière ne peut pas non plus déployer ses effets par le droit, sans tenir compte de l'aire de transplantation de la règle. Au surplus, compte tenu de la légitimité démocratique des organes délibérants locaux, le Conseil constitutionnel tire toutes les conséquences et consacre dans une jurisprudence plutôt abondante, la liberté d'agir qui entretient un lien de proximité avec la notion d'autonomie.

B. La liberté locale, l'équivalent de la liberté d'agir

La liberté des collectivités territoriales s'arrête là où commence celle de l'État et du peuple et inversement. En vertu de la Constitution, en effet, la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce soit de manière directe, soit de manière médiatisée. Expression et garant de la souveraineté, l'État dispose d'un droit d'évocation qui pourrait s'opposer à toute limitation de ses pouvoirs.

Par ailleurs, la France malgré les inflexions subies au fil des années demeure un État unitaire dont les soubassements reposent aussi sur l'affirmation du rôle du délégué du Gouvernement ayant « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois » 21 ( * ) .

Enfin, s'il en était besoin, il est utile de rappeler que l'un des fondements essentiels de la République est l'article 3 de la Déclaration de 1789 qui dispose que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».

Après avoir consacré la valeur constitutionnelle du principe de libre administration, sans se référer à une disposition constitutionnelle précise (décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979), le Conseil constitutionnel a veillé au respect de ce principe en procédant à une démarche casuistique.

Aussi, le principe de libre administration implique que chaque collectivité territoriale « dispose d'un conseil élu doté d'attributions effectives » 22 ( * ) . Le Conseil constitutionnel a également considéré que le législateur ne pouvait imposer aux collectivités locales des contraintes excessives et qu'il ne pouvait rester en-deçà de ses compétences en renvoyant à une convention conclue entre collectivités le soin de fixer les conditions d'exercice des compétences 23 ( * ) . Il a jugé non conforme la faculté reconnue au représentant de l'État de provoquer la suspension des actes des collectivités locales pendant trois mois 24 ( * ) .

En matière financière, le Conseil constitutionnel a posé les limites dans lesquelles le législateur pouvait imposer des charges aux collectivités locales. Il a ainsi précisé que « si le législateur est compétent pour définir les catégories de dépenses qui revêtent pour les collectivités territoriales un caractère obligatoire..., toutefois les obligations ainsi mises à la charge d'une collectivité territoriale doivent être définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration ». S'agissant des ressources, le Conseil constitutionnel a établi que « le législateur peut déterminer les limites à l'intérieur desquelles une collectivité territoriale peut être habilitée à fixer elle-même le taux d'une imposition établie en vue de pourvoir à ses dépenses » 25 ( * ) . Enfin, il a clairement affirmé que « les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration » 26 ( * ) .

Il apparaît donc bien que le principe de la libre administration peut être considéré comme la liberté pour des collectivités de gérer leurs propres affaires. « Certes, la libre administration comporte diverses facettes ; elle englobe plusieurs composantes, telle une liberté-gigogne : liberté de gestion du personnel territorial, liberté contractuelle, liberté de prendre des actes directement exécutoires, liberté d'organisation et de fonctionnement des organes des collectivités, liberté de percevoir des impôts et liberté de dépenser, etc. En forçant un peu le trait on pourrait d'ailleurs considérer que la libre administration est aux collectivités territoriales ce que la liberté individuelle est aux personnes physiques » 27 ( * ) .

En philosophie morale, l'autonomie signifie que « la volonté est législatrice », qu'elle « va poser par elle-même ses lois » 28 ( * ) . La centralisation française ne s'accommode guère d'une telle conception dès lors qu'il est question des collectivités territoriales. Pour autant, la doctrine française a depuis longtemps soutenu l'idée de la logique de « décentralisation autonomie » 29 ( * ) .

II. - La responsabilité locale : la logique de « la décentralisation-autonomie »

Michel Verpeaux, en commentant la fameuse décision du Conseil d'État du 18 janvier 2001, Commune de Venelles c./M. Morbelli, considère que « le principe de libre administration des collectivités territoriales constitue... une garantie, au même titre que le principe de la séparation des pouvoirs. L'un comme l'autre ne constituent pas des droits mais peuvent être conçus comme des conditions jugées constitutionnellement nécessaires, par l'article 72 de la Constitution pour l'un, par l'article 16 de la Déclaration des droits pour l'autre, pour l'affirmation des libertés reconnues dans d'autres dispositions qui ne sont plus alors organiques mais qui concernent des droits substantiels ».

Les droits substantiels dévolus aux collectivités territoriales évoqués par celui qui revêt pour l'occasion les habits de l'arrêtiste permettent de nourrir une autre notion développée par la doctrine : la décentralisation-autonomie qui est à la fois mue par l'exercice des compétences locales (A) et l'exercice du pouvoir normatif local (B).

A. La logique « décentralisation-autonomie » mue par l'exercice des compétences locales

Une des premières définitions du principe de subsidiarité dans la littérature politique et juridique française a été apportée par le rapport Vivre ensemble, dit « Rapport Guichard » 30 ( * ) :

« Il conduit à rechercher toujours le niveau adéquat d'exercice des compétences, un niveau supérieur n'étant appelé que dans les cas où les niveaux inférieurs ne peuvent pas exercer eux-mêmes les compétences correspondantes. L'État doit ainsi déléguer aux collectivités tous les pouvoirs qu'elles sont en mesure d'exercer ».

L'exercice des compétences locales toujours plus nombreuses, s'il ne rend pas obsolète la relation verticale entre le pouvoir central et les collectivités infraétatiques, témoigne de l'émergence de ce que la doctrine qualifie de « puissance territoriale » 31 ( * ) . Elle rompt ainsi avec la conception selon laquelle il n'existerait en France que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, tout en vidant de son sens la notion de centre d'impulsion unique, qui est le meilleur signifiant de la relation de dépendance des collectivités territoriales vis-à-vis du pouvoir central.

Benjamin Constant avait déjà évoqué en 1815 l'idée d'un pouvoir local et/ou d'un pouvoir municipal et indiquait : « que l'on a considéré le pouvoir local comme une branche dépendante du pouvoir exécutif : au contraire, il ne doit jamais l'entraver, mais il ne doit point en dépendre » 32 ( * ) . L'expression d'un équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir local l'emporte sur la relation asymétrique, donnant de ce fait de la substance à la notion de décentralisation-autonomie.

Alexis de Tocqueville 33 ( * ) et Benjamin Constant, imprégnés de leur conviction libérale, en glosant sur le pouvoir local, se posent en défenseur de la décentralisation qu'ils considèrent comme une garantie de la liberté tout en étant un vecteur du développement de la responsabilité locale. En effet, l'élection des organes représentatifs de la collectivité territoriale favorise l'éducation de la population.

L'importance de l'élection des organes délibérants locaux fait l'objet de toutes les attentions de la part du doyen Hauriou. D'après ce qu'il rapporte, la décentralisation « consiste en la création de centres d'administration publique autonomes où la nomination des agents provient du corps électoral de la circonscription et où ces agents forment des agences collectives ou des assemblées » 34 ( * ) . Il décrit donc très clairement comme une relation de cause à effet l'autonomie de ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui les collectivités territoriales, avec le critère de l'élection des organes de décision.

L'attribution de compétences à des organes non centraux autonomes ne suffit pas à caractériser la décentralisation. Il faut également que ces organes soient élus pour que leur autonomie soit garantie. Aussi, pourrait-on considérer que la décentralisation, ainsi que l'autonomie des organes non centraux, n'existent pas dans les sociétés qui ne connaissent pas ou ne pratiquent pas la démocratie. À la vérité, dans une société démocratique, l'élection n'est pas seulement une technique ou un procédé de nomination. Elle met en oeuvre des forces politiques et des structures sociales qui vont s'inscrire dans un processus global de responsabilité locale.

Aussi dans un État unitaire centralisé ou décentralisé, il est possible d'affirmer le principe de la décentralisation administrative qui nie l'autonomie locale en général, tout en consacrant dans la norme l'autonomie financière des collectivités territoriales 35 ( * ) . Par ailleurs, le pouvoir central va jusqu'à consentir l'attribution du pouvoir normatif à une partie des collectivités territoriales. C'est la situation dans laquelle se trouve la France aujourd'hui. Certains auteurs parlent « d'ordre public autonomiqu e » 36 ( * ) pour expliquer cet état de fait.

L'ordre autonomique semble s'établir sur la base de considérations endogènes, c'est-à-dire propres à l'État visé, par exemple la nécessité d'adapter 37 ( * ) , mais aussi par des considérations issues de l'ordre public international. C'est ainsi que l'autonomie locale, concept politique en vogue dans les États unitaires européens, puise largement ses racines juridiques dans la Charte européenne de l'autonomie locale adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985 38 ( * ) par le Conseil de l'Europe. Un document politique 39 ( * ) , certes, mais susceptible d'avoir une valeur contraignante pour les États à la double condition de signature et de ratification par les Parlements nationaux. Le professeur Auby a certainement raison lorsqu'il dit que ces documents politiques « ne sont pas des textes froids. Ils sont chargés de résonances » 40 ( * ) .

Au prisme de la notion « d'autonomie administrative et financière », « la fonction de l'autonomie locale consacrée peut être atteinte dès lors que les conditions d'exercice de la liberté d'action recherchée s'accompagnent d'un ensemble de règles et de pratiques harmonisées qui tendent à conférer plus d'épanouissement aux collectivités territoriales décentralisées dans leurs rapports avec l'État » 41 ( * ) .

Les règles et les pratiques les plus emblématiques de l'affirmation de l'autonomie locale sont certainement la construction d'un droit de la décentralisation qui accepte sous certaines conditions le pouvoir normatif local.

B. La logique « décentralisation-autonomie » mue par le pouvoir normatif local

Marc Joyau 42 ( * ) , plus que d'autres, avait proposé d'adopter une stricte répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales pour permettre à ces dernières d'édicter des normes de nature politique prise non pas « en exécution » de la loi, mais « en application de la loi ». Ladite proposition parce qu'elle entraîne les collectivités territoriales françaises sur le terrain de la décentralisation politiques se trouve limitée par la philosophie centralisatrice, héritée de la Révolution et des réformes napoléoniennes.

En droit français, l'autonomie n'est ni la souveraineté, ni l'indépendance. La souveraineté et l'indépendance étant rapportées à l'État, quel obstacle existe-t-il à décréter l'autonomie des collectivités territoriales françaises ? C'est l'impossibilité pour les personnes publiques locales de décider pour elles-mêmes en créant du droit. La conception défendue par Charles Eisenmann est pourtant moins rigide. Il formule une définition originelle de l'autonomie locale en invoquant la décentralisation qu'il fait reposer sur la notion de compétences des organes non centraux 43 ( * ) .

Il faut se rappeler qu'à l'origine, l'existence ou la reconnaissance de la commune et donc de l'autonomie locale n'entretient aucun lien avec une quelconque soumission de cette communauté humaine locale à l'ordre du pouvoir politique en place. L'autonomie locale n'est donc pas une expression qui suscite des craintes. Concept positif au départ, l'autonomie locale sera dénaturée tout au long de la période révolutionnaire jusqu'à la fin d'une période récente qui verra l'émergence d'une République française dont l'organisation est désormais décentralisée.

Par autonomie locale, l'article 3, alinéa 1 er de la Charte de l'autonomie locale entend « le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, une part importante des affaires publiques ». La part importante des affaires publiques des collectivités infraétatiques à gérer peut aller jusqu'à la capacité de produire de la norme locale.

Aussi, il n'y a pas d'incompatibilité fondamentale entre la forme de l'État unitaire et l'affirmation d'une décentralisation territoriale qui intègre l'autonomie locale, à l'égard de laquelle a été manifestée bien des peurs. Les exemples les plus illustratifs sont certainement les collectivités de droit commun de l'article 73 de la Constitution ainsi que les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74, notamment celles qui adoptent le statut d'autonomie. Par conséquent, le chemin parcouru par l'autonomie locale est déjà bien plus long outre-mer que dans l'hexagone.

Depuis la révision constitutionnelle de 2003, donnant naissance à un nouvel ordre public décentralisé, il est plus aisé de conceptualiser la norme dite locale qui n'est pas elle-même autonome de la norme centrale, précisément en raison du strict respect de la hiérarchie des normes. L'intérêt de la chose ne réside pas dans le rapport de subordination évident de la norme dite locale à la norme centrale, mais bien dans le fait que les organes non centraux peuvent produire de la norme locale. Soit dit en passant, dans la théorie développée par Charles Einsenmann, on en arrive à une autonomie de la norme non-centrale qui conteste le principe d'unité 44 ( * ) .

Il a même été évoqué « la propriété des normes qui pourront être édictées » 45 ( * ) par les collectivités territoriales. En référence à la décentralisation moderne, Maurice Bourjol traduit de manière limpide cette idée en affirmant que « la libre administration implique en effet, le pouvoir de prendre des actes administratifs et parmi ces actes, des règlements... » 46 ( * ) .

Sur la base de la définition de la norme livrée par Michel Troper, l'épineuse question à résoudre est de savoir si le système juridique français est un système de justification permettant à l'acte juridique local d'acquérir la signification de norme 47 ( * ) . On peut tenter une réponse que l'on va emprunter à la doctrine de Bertrand Faure qui estime que « la présence d'un pouvoir réglementaire local n'est pas distincte de l'apparition des notions de collectivités locales et de décentralisation, elles-mêmes concomitantes à l'essor du centralisme » 48 ( * ) .

Marcel Waline, soutient pour sa part, que « décentraliser, c'est retirer des pouvoirs à l'autorité centrale pour les transférer à une autorité de compétence moins générale » 49 ( * ) . Aussi, la faculté d'adaptation conférée aux collectivités françaises d'Amérique depuis la révision constitutionnelle de 2003 par le procédé des habilitations législatives n'emporte pas pour conséquence un retrait de la faculté d'adapter au Gouvernement et au Parlement, mais davantage un partage de compétence normative. C'est moins vrai pour les collectivités d'outre-mer de l'article 74 ou pour la Nouvelle-Calédonie, mais avec cette limite constante d'un toujours possible retour en arrière qui aurait pour effet de reverdir le légicentrisme.

D'une manière générale, si le pouvoir réglementaire local contenu à l'article 72, alinéa 3 de la Constitution demeure plus prometteur que prolixe pour ce qui le concerne, le nouvel article 72, alinéa 4 de la Constitution, complété par la loi organique du 1 er août 2003 50 ( * ) autorise désormais les collectivités territoriales à « déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ».

Il ne s'agit plus pour les autorités locales d'expérimenter une nouvelle compétence dans le cadre d'une loi ou d'un règlement dérogatoire, mais d'élaborer elles-mêmes la norme, en s'affranchissant de la règle nationale générale. La constitutionnalisation de l'expérimentation locale constitue une double nouveauté parce qu'en France aucune collectivité territoriale de droit commun n'avait été autorisée à exercer, fût-ce à titre expérimental, un pouvoir normatif dans le domaine de la loi. La décentralisation législative était jusqu'en 2003 exclusivement réservée aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution.

La doctrine tire les conséquences de cette avancée considérable de l'autonomie locale grâce à cette consécration constitutionnelle qu'est l'expérimentation locale. Il est constaté qu'« en oscillant entre une fonction de rationalisation de l'élaboration des règles de droit et une expression directe de l'autonomie locale », l'expérimentation locale apparaît « comme les prémices d'une décentralisation politique » 51 ( * ) .

Le contexte actuel de l'acte III de la décentralisation peut-il faire l'économie d'un débat sans arrières pensées régionalistes et sans peur d'un quelconque délitement de l'État, sur les perspectives en droit français d'une compétence législative d'attribution aux collectivités territoriales ? La question n'appelle pas ipso facto de réponse immédiate mais a pour objet d'ouvrir de manière franche les discussions sur ce sujet, objet de développements dignes d'intérêt sous la plume de Jacqueline Domenach 52 ( * ) .

Conclusion

L'affirmation de « l'État stratège » 53 ( * ) , couplée à une logique d'approfondissement de la décentralisation et de territorialisation de l'action publique, notamment locale, fait le lit d'une montée en légitimité juridique de l'autonomie locale. La Commission sur l'avenir de la décentralisation présidée par Pierre Mauroy faisait observer « qu'il n'existe pas aujourd'hui de politique publique qui ne doive faire sa part à la dimension territoriale. Il est de moins en moins possible d'agir uniformément sur l'ensemble du territoire » 54 ( * ) .

Par ailleurs, « le pari d'une société mature permettant la clarification du rôle de l'État et la construction des progrès sur la confiance » 55 ( * ) nourrit le développement de la logique « décentralisation-autonomie » par la multiplication des politiques décentralisées reposant sur les principes de libertés locales et de responsabilités locales.

En étudiant les recommandations-injonctions de l'Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE) en matière de gestion publique, la conviction livrée consiste à encourager le rapprochement entre « autonomie et responsabilité » pour en faire un « couple nécessairement vertueux » 56 ( * ) . Il s'agit de confier une plus grande liberté d'action à l'échelon local en matière de gestion ainsi qu'une plus grande autonomie dans la mise en oeuvre des programmes dont il a la charge. Cette plus grande liberté s'exerçant dans un cadre défini et limité au sein duquel le décideur public local est comptable des résultats à l'égard du pouvoir central et supranational, mais également devant les citoyens.

Pour s'emparer de la prospective susceptible de devenir la réalité demain, référons nous à un rapport parlementaire qui n'a certes pas de valeur normative mais dont la nature prénormative ne peut pas être écartée. L'avenir de l'organisation décentralisée de la République imaginée par le Sénat comporte la volonté de franchir le cap du pouvoir réglementaire local d'ici 2025 57 ( * ) .

À ce propos, Geneviève Koubi, dans une de ces nombreuses productions invite à « examiner les frontières psychologiques de notre droit public en s'interrogeant, notamment, sur la possibilité d'attribuer aux collectivités locales un véritable pouvoir normatif ou bien encore sur la possibilité de se représenter l'intérêt général en dehors du seul État. Au-delà du système légal, il convient d'examiner les procédures techniques du pouvoir qui se trouvent au centre de « l'art de gouverner » » 58 ( * ) .

Vincent Roux, Professeur agrégé à la Faculté de droit et de science politique de l'Université d'Aix-Marseille, secrétaire général de l'Institut de droit d'outre-mer (IDOM) - Autonomie, gestion locale et gouvernance

La gestion et la gouvernance des collectivités territoriales posent la question de leur autonomie. Si cela est particulièrement vrai pour les départements, régions et collectivités d'outre-mer, qui pourraient verser dans la revendication d'une autonomie qui flirterait avec l'indépendance, cela est aussi vrai pour l'ensemble des collectivités territoriales françaises et dans une moindre mesure pour un grand nombre d'établissements publics.

L'article 1 er de la Constitution du 4 octobre 1958 qui dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée (...) » contient dans sa rédaction le germe des difficultés de conciliation entre le concept d'organisation décentralisée qui devra s'appliquer aux collectivités territoriales et qui sous-tend l'acceptation d'une certaine autonomie dans la gouvernance de ces entités et le concept de République indivisible qui douche tout espoir d'autonomie politique radicale pour les collectivités territoriales.

Au-delà de cette tension des concepts d'autonomie des parties face à l'existence affirmée d'un tout, il convient de s'interroger sur les problématiques multiples et incertaines qui entourent la notion d'autonomie dans la gestion locale et la gouvernance des collectivités territoriales. Quelle autonomie pour quelles structures administratives ?

Cette question amène à réfléchir aux différentes acceptions du concept d'autonomie et à se questionner sur le sens de la notion d'autonomie des collectivités territoriales au regard du « mille-feuille » que ces dernières constituent et au regard de l'enchevêtrement de collectivités territoriales correspondant à des territoires communs qui nécessiteraient une gouvernance unique ou au moins concertée.

Le principe de subsidiarité issu du droit communautaire permettra-il de sortir par le haut de cette trop grande complexité qui gangrène l'efficacité dans la mise en oeuvre des missions de service public qui restent la raison d'être des collectivités territoriales ?

En effet, l'autonomie, si importante puisse-t-elle être pour les acteurs et les femmes et hommes politiques qui font vivre les collectivités territoriales, ne devrait pas être l'objectif principal de ces dernières. En effet, l'autonomie des collectivités territoriales n'est qu'un moyen au service des objectifs clairs mais non atteints de la gestion locale et de la gouvernance. Ces objectifs devraient être une gestion irréprochable au service de l'intérêt général, orientée vers un développement endogène et durable des territoires concernés.

Les problématiques sont multiples et incertaines autour de la notion d'autonomie dans la gestion locale et la gouvernance des collectivités territoriales. Cela est particulièrement vrai outre-mer. Car les questionnements qui agitent les départements et collectivités d'outre-mer s'apparentent quelquefois à des questionnements étatiques.

Faut-il qu'une collectivité territoriale soit autonome pour que sa gestion et sa gouvernance soient performantes ?

Les termes de « bonne gouvernance » ou de « bonne gestion », n'emportent pas de définitions unanimes dans la doctrine économique, juridique ou de gestion 59 ( * ) . De même, la notion d'autonomie pour un territoire ou une structure juridique peut revêtir plusieurs acceptions 60 ( * ) .

Dans le cadre de l'Union européenne, le concept de subsidiarité, lui aussi complexe et sujet à interprétations, pourrait peut-être représenter une solution pour l'autonomie des collectivités territoriales et autres entités administratives plus ou moins bien identifiées, à condition d'une réforme en profondeur de ces dernières qui permettrait d'en réduire radicalement le nombre et d'en clarifier les compétences.

I. - Quelle autonomie pour quelle gouvernance ?

Les concepts de gouvernance et d'autonomie doivent être précisés. Il faudra se demander si une « bonne gouvernance », à supposer que l'on s'entende sur ce que cela signifie, nécessite impérativement une autonomie de la part de la structure qui exerce cette gouvernance. De même, une interrogation sur le type d'autonomie que les collectivités territoriales doivent revêtir dans le cadre d'une république décentralisée ne peut être évitée.

A. Le nouveau concept de gouvernance 61 ( * ) territoriale.

Le concept de gouvernance territoriale désigne un mode de gestion des affaires publiques qui n'est pas seulement le fait d'une hiérarchie administrative étatique juridiquement établie. Dans cette notion, les lieux de décision publique, qu'ils soient institutionnellement reconnus ou qu'ils aient émergé de l'action spontanée des acteurs de la société comme les associations, les entreprises, les individus, doivent coopérer ensemble dans un même objectif de performance et d'amélioration des conditions d'existence des populations. De même, dans le concept de « gouvernance territoriale », la notion administrative qui découpe les territoires en frontières bien délimitées : communes, cantons, départements, régions... devient illusoire. Ce qui compte, ce n'est pas la qualification juridique du territoire en tant que commune, département ou région... mais c'est son existence réelle en terme géographique et identitaire. La bonne gouvernance implique ainsi la coopération interrégionale. Elle implique de faire fi des frontières juridiques pour laisser exister les fortes ressemblances et synergies locales mêmes transfrontalières, si cela va dans le sens de l'amélioration des conditions de vie. Cette question de l'efficacité ou de l'inefficacité des frontières entre deux collectivités territoriales est particulièrement présente dans les collectivités et départements d'outre-mer qui ont un environnement spécifique souvent distinct du standard européen.

Le territoire devient un système ouvert en relation avec le monde et influencé par ce dernier. Il existe, progresse, se développe, mais aussi se met en danger, s'autodétruit, se recroqueville par les échanges et les relations qu'il choisit de mettre ou de ne pas mettre en oeuvre.

Avec la notion de système, le territoire devient un tout cohérent mais changeant, constitué d'un nombre très important de sous-systèmes qui sont autant de territoires spécifiques. Le territoire développe sa propre identité, sa propre histoire, sa propre dynamique économique. Il y a une forme d'autonomisation et d'auto-organisation qui sont à l'oeuvre 62 ( * ) .

À côté de la réflexion sur la nature et l'étendue du territoire à prendre en compte pour une gouvernance optimale, le concept de « gouvernance territoriale » interroge aussi sur ce que veut dire être efficace ou être performant en matière de conception, de mise en oeuvre, de contrôle et de suivi des politiques territoriales.

C'est dans cet axe de définition que se situe la résolution n° 2 sur la gouvernance territoriale adoptée à la 14 e session de la Conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire (CEMAP) des États membres du Conseil de l'Europe, à Lisbonne, le 27 octobre 2006. Cette résolution en cinq points donne une définition assez précise de ce que l'Europe entend par « gouvernance territoriale », notamment dans son premier point : « La gouvernance territoriale peut être perçue comme la manière de gérer les territoires d'un État et de mettre en oeuvre des politiques, notamment en ce qui concerne la distribution des rôles et des responsabilités entre les différents niveaux du gouvernement (supranational, national et régional) et les processus sous-jacents d'établissement de relations, de négociation et de création de consensus. À cet égard, les principes de subsidiarité et de réciprocité préconisés dans les principes directeurs de la CEMAT revêtent une importance toute particulière. La gouvernance territoriale peut également être considérée comme l'émergence et la mise en oeuvre de nouvelles formes communes de planification et de gestion de la dynamique socio-territoriale. Le rôle directeur traditionnel de l'État est remis en question par un engagement beaucoup plus global et coresponsable des acteurs clés dans le domaine de l'aménagement du territoire. La culture sociopolitique, le cadre législatif, la capacité institutionnelle, les grandes structures organisationnelles, les traditions de création de partenariats et de mise en oeuvre de stratégies de développement de chaque pays entraîneront des perceptions et des attitudes différentes face à la gouvernance territoriale et aux difficultés à surmonter pour son application effective.

« Une gouvernance territoriale saine vise à gérer la dynamique territoriale en indiquant les conséquences, au niveau territorial, des diverses politiques prévues par les acteurs des secteurs public et privé. Le but est de convenir d'un ensemble d'objectifs et de responsabilités partagées en ayant recours à des stratégies et à des politiques d'aménagement du territoire » 63 ( * ) .

Dans le même sens, l'accord de Cotonou de juin 2000 définissait aussi la « bonne gouvernance » comme la « gestion transparente et responsable, des ressources humaines, naturelles, économiques et financières dans des buts de développement équitable et durable » 64 ( * ) .

Au regard du concept de gouvernance qui affaiblit la notion de centre décisionnel et qui met l'accent sur la nécessaire coopération de réseaux complexes d'acteurs et d'institutions différents selon les territoires considérés, la recherche de l'autonomie n'a de sens que si elle permet effectivement de mieux atteindre les objectifs de la bonne gouvernance : un développement équitable et durable du territoire.

B. Quelle autonomie ?

La question de l'existence et du degré d'autonomie des collectivités territoriales ou des établissements publics 65 ( * ) par rapport à l'État central, n'est pas simple. Elle va de pair avec le concept de libre administration des collectivités territoriales et est souvent reliée en droit public au processus de décentralisation 66 ( * ) à l'oeuvre depuis 1982 67 ( * ) .

L'autonomie est : « la possibilité de décider, pour un organisme, un individu, sans en référer à un pouvoir central, à une hiérarchie, une autorité » 68 ( * ) ; « C'est le droit de gouverner par ses propres lois » 69 ( * ) .

La notion d'autonomie remonte au droit que les romains avaient laissé à certaines villes grecques de se gouverner elles-mêmes. D'un point de vue étymologique, le mot provient de la combinaison de deux mots grecs : auto (à soi-même, pour soi-même) et de nomoï (la loi). C'est se donner à soi-même sa propre loi.

Depuis la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 70 ( * ) , la notion d'organisation décentralisée de la République est consacrée dans l'article 1 er de la Constitution.

La décentralisation suppose l'existence d'une certaine autonomie pour les collectivités territoriales sans aller jusqu'à remettre en cause l'unité de l'État. Le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales 71 ( * ) semble donner un certain contenu à cette notion d'autonomie tout en prenant le soin d'exclure les compétences régaliennes qui demeurent l'apanage de l'État central.

La notion d'autonomie pour un territoire peut se décliner entre une autonomie faible ou de simple façade jusqu'à une autonomie forte qui ressemblerait à l'indépendance.

Ainsi peut-on distinguer, l'autonomie institutionnelle, l'autonomie de gestion, l'autonomie politique, l'autonomie constitutionnelle 72 ( * ) ...

Quant au contenu du principe d'autonomie des collectivités territoriales, on distingue de manière classique l'autonomie juridique, l'autonomie organique, l'autonomie fonctionnelle.

L'autonomie juridique se confond avec l'autonomie institutionnelle. Elle signifie la reconnaissance juridique par l'État d'une collectivité humaine, sur un territoire. Les collectivités territoriales, personnes juridiques distinctes de l'État, sont créées par la Constitution. En tant que personnes morales de droit public, elles disposent d'un patrimoine, de la capacité d'accomplir des actes juridiques et de la possibilité d'ester en justice.

L'autonomie organique signifie que les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus (article 72 de la Constitution de 1958) alors que les autorités administratives déconcentrées sont nommées par l'État.

L'autonomie fonctionnelle se confond avec l'autonomie de gestion. Elle signifie que l'assemblée locale délibérante doit avoir une compétence normative.

Cela se traduit pour les outre-mer depuis la réforme de 2003 par la distinction entre principe d'identité législative et principe de spécialité législative contenus respectivement dans les articles 73 et 74 de la Constitution.

L'article 73 qui définit le statut des départements et régions d'outre-mer permet, sur habilitation législative ou réglementaire, d'adapter la législation nationale pour tenir compte des « caractéristiques et des contraintes particulières de ces collectivités ».

Ainsi, la loi organique du 21 février 2007 73 ( * ) crée dans son article premier un nouvel article L.O. 3445-1 dans le code général des collectivités territoriales ainsi libellé : « Dans les conditions et sous les réserves prévues au présent chapitre, les conseils généraux de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de La Réunion peuvent être habilités à adapter sur le territoire de leur département les lois et règlements, dans les matières où s'exercent leurs compétences ».

Quant à l'étendue de l'autonomie, en France, les compétences transférées aux collectivités territoriales ne peuvent être que purement administratives, à l'exception peut-être du cas complexe de la Nouvelle-Calédonie 74 ( * ) . En revanche, dans certains pays européens voisins comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne, les entités décentralisées peuvent se voir transférer des compétences législatives et acquérir une forme d'indépendance politique.

L'étendue de l'autonomie dépend aussi de la plus ou moins grande « autonomie financière » qui sera laissée aux collectivités territoriales ou aux établissements publics. C'est la loi organique du 29 juillet 2004 75 ( * ) qui a fixé, en application des dispositions constitutionnelles de l'article 72-2, les règles relatives à l'autonomie financière des collectivités territoriales 76 ( * ) . L'autonomie financière est nécessaire à la libre administration. Mais si l'autonomie financière suppose un certain pouvoir budgétaire, on peut s'interroger 77 ( * ) sur le fait de savoir si une autonomie fiscale est véritablement nécessaire pour les collectivités territoriales.

II. - Le principe de subsidiarité pour quelles structures administratives ?

La notion d'autonomie, pour les collectivités territoriales et pour les établissements publics, pose la question du principe de subsidiarité. Comment ventiler les compétences entre les très nombreuses structures administratives, territoriales ou fonctionnelles, sans tomber dans l'inefficacité, le gaspillage ou à tout le moins dans l'empilement de compétences enchevêtrées qui conduisent à une allocation sous-optimale des deniers publics ?

Pour que l'autonomie de chaque structure administrative existante ait un sens, il faut s'interroger sur une réforme de la structure administrative française dans son ensemble qui, dans sa trop grande complexité actuelle, rend difficile une vraie autonomie pour chacune des trop nombreuses « entités administratives » réclamant leur liberté. Une réforme radicale des structures administratives françaises qui pourrait apparaître comme une solution théorique efficace à l'engourdissement et à l'endettement chronique de l'État ne paraît cependant pas possible concrètement dans le court terme, surtout si l'on souscrit aux analyses de l'école du public choice sur cette question.

A. Le principe de subsidiarité.

Le très ancien principe de subsidiarité 78 ( * ) , repris comme modèle dans l'architecture des pouvoirs de l'Europe, pourrait permettre une bonne articulation des politiques publiques en fonction de leur plus ou moins grande proximité avec le local.

En effet, une définition qui est souvent donnée de ce principe est la suivante : « le principe de subsidiarité signifie que tout échelon supérieur s'interdit de réaliser lui-même ce qu'un échelon inférieur pourrait faire ».

Il faut noter que la subsidiarité n'est pas seulement le principe d'efficacité qui affirme que le bon niveau de compétence ne doit être jamais plus haut que nécessaire mais toujours le plus bas possible. Originellement, ce principe affirme la primauté de l'initiative individuelle sur l'initiative collective et celle des communautés de base sur celle des communautés plus vastes et d'un rang plus élevé ; il en déduit l'attitude que les groupes doivent adopter lorsqu'ils suppléent les défaillances des individus ou des groupes qui les composent : il s'agit de leur apporter les secours nécessaires à leur rétablissement mais non de les détruire ni de les absorber 79 ( * ) .

Ce principe a été amené par Aristote : « la famille est capable de suffire aux besoins de la vie quotidienne, et le village à ceux d'une vie quotidienne élargie » 80 ( * ) , repris par saint Thomas d'Aquin, avec l'idée qu'il faut que le niveau supérieur vienne au secours des initiatives défaillantes des niveaux inférieurs et qui relie ce concept à celui de justice qui serait ce qui oblige à « donner à chacun son bien propre » 81 ( * ) , puis développé par les encycliques sociales de l'Église catholique, notamment, Rerum novarum de Léon XIII 82 ( * ) et Quadragesimo Anno de Pie XI 83 ( * ) .

Pour la doctrine sociale de l'Église, le principe de subsidiarité 84 ( * ) est d'abord « le principe de la fonction supplétive de toute collectivité ».

Le principe de subsidiarité est aujourd'hui surtout connu pour être présent dans le droit communautaire. En effet, le traité sur l'Union européenne du 7 février 1992, dit traité de Maastricht, précise dans son article 3B que : « La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité.

« Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire.

« L'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité ».

Le principe de libre administration des collectivités territoriales complété par la révision constitutionnelle de 2003 intègre le principe de subsidiarité, notamment dans l'article 72, alinéas 2 et 3 : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. »

Le problème avec le principe de subsidiarité dans la grande complexité des structures administratives françaises 85 ( * ) , c'est qu'il devient difficile de savoir quel est l'entité ou l'échelon le plus adapté pour résoudre une difficulté.

Pour améliorer la gouvernance et la gestion locale, c'est-à-dire pour mettre en oeuvre un service public efficace, une réflexion et une réforme importante du fonctionnement de l'État devrait être rapidement engagées.

B. La réforme nécessaire des structures administratives.

Le grand nombre, la complexité, la diversité, l'obscurité, le chevauchement, l'enchevêtrement, l'entrelacs... des collectivités territoriales et structures administratives françaises, conduisent à l'inefficacité, au gaspillage et à l'explosion des coûts financiers nécessaires à la mise en oeuvre des services publics.

La réflexion lancée en 2008 avec le « Comité Balladur » 86 ( * ) qui débouchera sur la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriale 87 ( * ) marque une prise de conscience de la nécessité de réformer l'État et les collectivités territoriales.

Cependant, cette réforme ne va pas assez loin et ne permet pas de résoudre l'inflation permanente du secteur administratif : trop de niveaux ; trop d'élus ; trop d'administrations ; trop de ministères ; trop de subdivisions administratives...

En réalité, la loi du 16 décembre 2010 ne simplifiait pas l'architecture administrative des collectivités territoriales mais mettait en place une nouvelle complexité. Il suffit pour s'en convaincre de lire « l'objet du texte » présenté par le site internet du Sénat : « Le projet de loi vise principalement à réorganiser les collectivités autour de deux pôles, un pôle départements-région et un pôle communes-intercommunalité, à simplifier et à achever la carte de l'intercommunalité et à créer des métropoles.

« L'article 1 er substitue ainsi aux conseillers régionaux et conseillers généraux une nouvelle catégorie d'élus locaux : les conseillers territoriaux siégeant à la fois dans les départements et les régions. Ils seraient, comme le précise l'article 36, désignés pour la première fois en mars 2014.

« Le projet de loi veut renforcer la structuration des territoires en facilitant les fusions de communes par la substitution d'un nouveau dispositif au mécanisme prévu par la loi «Marcellin» de 1971 (articles 8 à 11) ainsi que les regroupements de départements et de régions (article 12 et 13) et en créant des structures de coopération spécifiquement dédiées aux agglomérations très urbaines, les métropoles (articles 5 et 6) et les pôles métropolitains (article 7).

« Concernant les intercommunalités, l'article 2 prévoit l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, qui seront désignés en même temps que les conseillers municipaux par le biais d'un système de «fléchage». L'article 3 modifie, quant à lui, les règles de fixation du nombre et de la répartition des sièges au sein des conseils communautaires. Les dispositions de ces deux articles entreraient en vigueur lors du prochain renouvellement général des conseils municipaux, en mars 2014. Corrélativement, les articles 16 à 30 visent à achever et à rationaliser la carte de l'intercommunalité d'ici au 31 décembre 2013.

« Le projet de loi vise enfin à fixer des principes permettant l'élaboration d'une future loi visant à clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Cette loi devra mettre fin à l'enchevêtrement des responsabilités locales, auquel répond celui des financements » 88 ( * ) .

Ce texte ne s'attaque pas au véritable problème qui, d'un point de vue de la bonne gouvernance, est celui du trop grand nombre de structures administratives et du trop grand nombre d'élus.

Il suffit de tenter d'établir une liste exhaustive des différentes structures administratives territoriales et nationales en France pour se rendre compte qu'il y a une hypertrophie de ce secteur. Le « mille-feuille administratif et territorial » est un véritable frein à l'efficacité et à la bonne gouvernance. Et même La Cour des comptes 89 ( * ) invite l'État à réformer en profondeur son organisation territoriale pour supprimer les doublons et devenir plus efficace.

On compte aujourd'hui en France un élu ou plus exactement un mandat électoral, car il y a souvent cumul, pour 108 habitants. Le taux de représentation français est quatre fois et demie supérieur à celui des États-Unis d'Amérique !

Malgré la bonne volonté affichée, avec notamment la RGPP (révision générale des politiques publiques) puis la MAP (modernisation de l'action publique) ou encore l'annonce d'un choc de simplification et le vote d'une législation limitant le cumul des mandats, la gestion locale souffre encore de ce canevas de structures administratives imbriquées qui génère des freins et de la complexité dans l'action et dans la gouvernance des collectivités territoriales.

Tableau non exhaustif du mille-feuille administratif et territorial français

Intitulé

Nombre

Présidence

1

Ministères

38 (2013)

Ambassades

En 2011, le réseau diplomatique et consulaire comprend 162 ambassades, 4 antennes diplomatiques, 98 consulats généraux ou consulats, 130 sections consulaires, 2 antennes consulaires et plus de 500 consulats honoraires.

Assemblée nationale

1 (577 députés)

Sénat

1 (348 sénateurs)

Conseil économique, social et environnemental

1 (233 conseillers)

Régions d'Europe

8 (78 députés européens français)

Régions françaises

26 (2 040 élus)

Département français

101 (4 042 élus)

Intercommunalité (EPCI) : Métropole ; communautés urbaines ; communautés de communes ; communautés d'agglomération

Au 1 er janvier 2012, notre territoire compte 35 303 communes regroupées au sein de 2 581 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. On dénombre désormais 15 communautés urbaines et une métropole, 202 communautés d'agglomération, 2 358 communautés de communes, 5 syndicats d'agglomération nouvelle (SAN). (environ 38 000 élus - chiffre étrangement difficile à obtenir et à confirmer) 90 ( * )

Communes Maires

Maires (36 635) ; conseillers municipaux (519 417)

Préfectures

101

Sous-préfectures

138

Rectorats

30 académies en comptant les DOM

Autorités administratives indépendantes

38

III. - Quelle autonomie pour le département de Mayotte ?

Pour illustrer la complexité de la problématique outre-mer, j'évoquerai les changements institutionnels et les spécificités du département de Mayotte.

A. Le cadre général.

L'évolution du statut juridique de Mayotte est un cas d'école pour le droit public Français. Il permet de cerner les difficultés du passage d'un régime de spécialité législative à celui d'un régime d'identité législative. Il est vrai que cette distinction classique considérée par la doctrine comme la Summa Divisio du droit de l'outre-mer a pu être critiquée et considérée comme inopérante. Toutes les collectivités d'outre-mer seraient à mi-chemin entre ces deux concepts avec seulement une dominante de spécialité ou d'identité 91 ( * ) .

L'étude des vicissitudes de Mayotte dans l'obtention d'un statut de département d'outre-mer nous paraît essentielle comme préalable à l'approfondissement des questions de compétences environnementales et à une réflexion sur un développement durable de Mayotte dans le cadre du droit Français. Cette étude permettrait aussi de montrer que la notion d'autonomie pour le département de Mayotte est particulièrement difficile à cerner. « L'autonomie » de Mayotte étant peut-être mieux garantie dans le cadre français et européen que dans une vie solitaire ou dans un rapprochement de l'Union des Comores.

L'adaptation du département de Mayotte, à la complexité et à la rigueur du droit commun, constitue sans doute le défi majeur du processus de départementalisation. En effet, de nombreuses spécificités mahoraises devront être intégrées sans heurts au corpus juridique national.

La révision constitutionnelle de 2003, réorganise les articles 73 et 74 de la Constitution.

À l'intérieur de ce maquis, Mayotte se trouve à la croisée des chemins institutionnels : « Mayotte voyage dans les catégories juridiques ».

Jusqu'au 31 mars 2011, collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution, elle est aujourd'hui département d'outre-mer régi par l'article 73 de la Constitution.

Au terme de cet article est posé explicitement le principe de l'identité législative pour Mayotte. Des mesures d'adaptation facultatives sont possibles en fonction « des caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Cette possible remise en cause de dispositions législatives longtemps incontestables, soient qu'elles prévoient l'exclusion de l'application à Mayotte de dispositions en vigueur dans les autres départements, soit qu'elles instaurent un dispositif spécifique à l'île, conduiront le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État à apprécier le caractère proportionné ou non aux caractéristiques et contraintes actuelles de Mayotte du contenu des lois promulgués.

B. Les faibles marges de manoeuvre de Mayotte.

Mayotte est un petit territoire situé dans l'océan Indien avec de fortes spécificités culturelles économiques, sociales et environnementales : fortes contraintes démographiques, double insularité, éloignement, culture africaine, religion musulmane, plurilinguisme, fragilité du milieu naturel, biodiversité menacée...

Le PIB de Mayotte s'élevait à 3 960 euros par habitant en 2001 et à 6 575 euros en 2009, soit environ 25% du PIB moyen européen.

La question du développement de ce territoire et de sa gouvernance est d'actualité car Mayotte, en devenant département Français, doit rattraper des retards accumulés liés à ces contraintes.

Cette situation particulière de Mayotte limite les possibilités d'économies d'échelle et entraîne des surcoûts, tant pour l'accès aux facteurs de production et aux marchés qu'en termes d'aménagements et d'infrastructures.

Depuis 2001, Mayotte a connu une forte augmentation du niveau de vie de sa population. À la fois grâce à la croissance des revenus mais surtout grâce à la qualité et à la couverture des services publics (protection sociale, éducation, santé).

La stabilité politique et juridique consécutive à la départementalisation offre une réelle sécurité aux investisseurs potentiels. Cependant cette croissance forte de Mayotte, son rattrapage progressif des standards métropolitains, entraînent un renchérissement des coûts des facteurs et le renforcement des contraintes règlementaires. Cela se traduit par des handicaps de compétitivité par rapport aux concurrents de la région. Les prix mahorais sont trop élevés pour être concurrentiels dans la zone régionale de l'océan Indien. De ce point de vue encore, l'économie locale reste dépendante de la commande publique et des transferts de la métropole.

Une réflexion générale et théorique sur le concept de gouvernance et plus particulièrement sur la notion de « bonne gouvernance » est nécessaire pour promouvoir le développement local des départements d'outre-mer.

La notion de gouvernance, complexe et plus utilisée dans le monde de l'entreprise que dans celui des collectivités territoriales fait débat. Les collectivités locales, qu'il s'agisse des départements d'outre-mer ou des communes de ces départements, doivent intégrer cette dimension.

La gouvernance implique le bon fonctionnement de réseaux et l'existence de flux entre ces réseaux. Il ne s'agit plus pour un territoire d'administrer son territoire par le haut sans prendre en considération l'ensemble des acteurs qui concourent, chacun à leur place, au développement local des espaces. Les collectivités territoriales doivent inscrire leurs actions dans leurs environnements géographique, économique, social, institutionnel et culturel. L'aménagement du territoire impulsé par l'État et mis en oeuvre par les collectivités locales est un moyen puissant de développement local s'il est suffisamment réfléchi selon des principes de « bonne gouvernance ».

Mayotte qui vient d'accéder en 2011 au statut tant espéré de cinquième département d'outre-mer est très concernée.

L'équilibre des finances publiques et l'efficacité de la fiscalité de Mayotte devront être des priorités pour le territoire. De même, le contrôle de la gestion publique locale mahoraise est particulièrement important dans la poursuite d'une bonne gouvernance.

Le développement local de ce territoire de la République française, de par ses spécificités économiques, sociales, culturelles et environnementales, devra se faire dans une perspective de développement durable afin de préserver et de valoriser le patrimoine naturel exceptionnel et unique de cette île. Une « bonne gouvernance » sera nécessaire pour atteindre un développement économique local respectueux des nombreuses contraintes culturelles, sociales, géopolitiques et environnementales de Mayotte. L'absence de bonne gouvernance ou l'insuffisance des efforts de bonne gouvernance peuvent à terme se révéler être des contraintes internes qui limiteront l'influence positive en terme de développement économique de l'obtention du statut de département.

C. Les atouts de Mayotte.

Les problématiques sociétales liées au développement durable sont très nombreuses et déterminantes à Mayotte. En effet, la structure, l'organisation et le fonctionnement de la société mahoraise sont spécifiques. L'introduction du droit métropolitain dans cette société insulaire à forte identité africaine et musulmane nécessitera une prise en compte non seulement des défis économiques et sociaux mais aussi des enjeux démographiques et culturels propres à ce territoire.

À propos des défis économiques et sociaux, il convient de rappeler que Mayotte compte parmi les territoires les moins développés de la Nation 92 ( * ) . Les économies ultrapériphériques dont Mayotte fait partie partagent des handicaps communs : insularité, éloignement, faible superficie, relief et climat difficiles et forte dépendance vis-à-vis de l'extérieur.

Mayotte figure parmi les régions les moins avancées d'Europe 93 ( * ) . Malgré une croissance économique de l'ordre de 10 % annuel ces dernières années, le PIB moyen par habitant s'établit à l'heure actuelle à environ 25 % de la moyenne de l'UE-27. Au niveau régional, ce PIB par tête reste néanmoins huit fois supérieur à celui de l'Union des Comores.

Les administrations publiques sont les principaux contributeurs de cette création de richesses puisque la valeur ajoutée de ce secteur représente près de la moitié du PIB. S'agissant de la balance commerciale, les échanges avec l'extérieur sont structurellement déficitaires : le taux de couverture est inférieur à 2 % depuis 2007. La croissance rapide des importations suit la forte progression de la demande, qu'il s'agisse de la consommation des ménages ou de la commande publique.

Les retards économiques et sociaux de Mayotte pèsent aussi sur la préservation et la valorisation de l'environnement. Notamment en ce qui concerne la gestion des déchets, les questions du logement et de l'habitat insalubre et celle des transports ou encore de l'accès à l'eau potable et de l'assainissement.

Pour que le changement de statut constitutionnel de Mayotte se fasse sans heurts, il convient de mettre en oeuvre un développement endogène pour ce territoire. Cela passe dans un premier temps par un règlement de la « crise de la vie chère » qui a connu son paroxysme à Mayotte entre septembre 2011 et janvier 2012 mais qui est toujours présente aujourd'hui ; cela passe aussi par un rattrapage social progressif mais programmé et constant des standards sociaux métropolitains.

Dans un second temps, il conviendra de développer les atouts propres de Mayotte et d'éviter l'impasse, souvent présente dans les DOM, qui consiste en même temps à craindre le marché et à critiquer l'État.

Parmi les atouts de Mayotte, il y a l'environnement. Ce dernier peut constituer le moteur du développement économique futur du territoire. Pour cela, il convient de concilier la croissance économique avec le respect de la nature et de la biodiversité de Mayotte. Dans ce sens, les politiques publiques devront mieux prendre en compte les spécificités de Mayotte et veiller à une meilleure insertion de Mayotte dans son environnement régional.

Quant aux défis démographiques et culturels, ils peuvent là encore, s'ils ne sont pas relevés, constituer des freins au développement durable de Mayotte. Le changement de statut juridique de Mayotte ne permettra pas à lui seul de répondre aux problématiques de la croissance démographique de Mayotte et à celle de l'immigration clandestine très importante en provenance des pays africains de la région, et notamment de l'Union des Comores.

De même, la culture et l'identité très marquées de Mayotte devront faire une place et s'adapter, sans perdre leur âme, aux droits et aux valeurs républicaines qui prévalent dans les départements français d'outre-mer.

Le patrimoine naturel de Mayotte est exceptionnel, qu'il s'agisse de ses ressources terrestres, avec notamment ses forêts, ou de son environnement marin avec son lagon. De même, la diversité biologique est très grande à Mayotte et sa préservation constitue à n'en point douter une richesse pour le futur de l'île.

La bonne gouvernance impose le renforcement et le soutien des secteurs économiques traditionnels et une réflexion et un projet visant à développer de nouvelles activités.

Les activités traditionnelles sont l'agriculture, la pêche, le tourisme et l'artisanat. Les activités nouvelles à développer sont très nombreuses. On peut citer : l'éco-tourisme ; la recherche et l'exploitation maîtrisée des ressources halieutiques ; l'élevage de perles ; les énergies renouvelables ; la production de biens et de services de qualité destinés à l'exportation dans la zone de l'océan Indien mais aussi un travail sur l'image de Mayotte de manière à rendre l'île plus attractive ; de même, l'ouverture et l'incitation aux IDE (investissements directs étrangers) sont très importantes.

La crise « de la vie chère » qu'a traversé et que vit encore Mayotte n'est pas totalement liée au processus de départementalisation.

Cependant, dans les revendications des populations et des syndicats, il est souvent fait appel à l'arbitrage de l'État ou du conseil général.

En réalité, la crise actuelle doit trouver ses solutions et son dépassement dans une gouvernance du département qui favorise non seulement les activités traditionnelles de Mayotte, mais qui mette aussi en avant une politique publique volontariste de soutien et de facilitation de l'émergence de secteurs nouveaux ouverts sur l'océan Indien et sur le monde.

Conclusion

La gouvernance de la collectivité territoriale de Mayotte et les répercussions économiques et sociales qui y sont liées peuvent constituer des limites internes au développement économique durable du territoire. Si les problématiques économiques et sociales peuvent être résolues en partie par l'investissement et la formation à moyen et à long terme, la question de la gouvernance administrative de Mayotte et de sa performance sera un enjeu majeur à court terme pour le nouveau département.

La bonne gouvernance est en effet une nécessité pour le développement local de Mayotte. C'est pourquoi les finances locales devront être gérées de manière très rigoureuse de façon à permettre à plus ou moins moyen terme l'émergence de marges de manoeuvre budgétaires pour la collectivité. Pour parvenir à un tel résultat, une réflexion globale sur la nature et les enjeux de la gouvernance devra déboucher sur une dynamique économique endogène pour le développement de Mayotte.

Sans une bonne gouvernance du nouveau département, le processus de départementalisation pourrait exacerber les difficultés d'adaptation institutionnelle de Mayotte et réduire encore les capacités financières déjà faibles de la collectivité. Cela serait sans nul doute préjudiciable au développement durable de Mayotte. De plus, cela risquerait de monter la population contre le processus de départementalisation, qui pourrait alors apparaître comme un bouc émissaire idéal. La bonne gouvernance du territoire et le développement économique et social sont donc bien au coeur de la réussite ou de l'échec du changement de statut de Mayotte.

Par ailleurs, parmi les difficultés d'adaptation de Mayotte à prendre en considération de manière approfondie et sérieuse, il y a la réception des coutumes mahoraises dans la dynamique de développement insufflée par la départementalisation. En effet, pour que le passage au nouveau statut ne soit pas rejeté à moyen et à long terme, il faudra, à l'intérieur du cadre légal français, laisser une place aux réseaux de solidarités familiaux et locaux et au cadre villageois. Il faudra aussi intégrer de manière subtile les coutumes et les procédures infra-judiciaires de Mayotte.

Marthe Le Moigne, Maître de conférences en droit public à l'Université de Bretagne occidentale - Autonomie locale et clause générale de compétence

Il est difficile d'aborder l'autonomie locale sans évoquer la clause générale de compétence tant le lien entre les deux semble parfois revêtu de la force des évidences. Toutefois, « l'évidence première n'est pas une vérité fondamentale » 94 ( * ) et l'on peut se demander si ce lien participe ou pas de ces « convictions qui [n'] ont [que] l'apparence d'un savoir » 95 ( * ) . La question se pose avec une particulière acuité au moment où Manuel Valls envisage de faire disparaître la clause générale de compétence des départements et des régions 96 ( * ) rétablie par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles 97 ( * ) après l'affirmation de sa suppression par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales 98 ( * ) et où l'on peut s'interroger sur les répercussions de la réforme ainsi envisagée sur l'autonomie de ces collectivités.

L'appréhension de ces relations entre l'autonomie et la clause générale de compétence se heurte cependant à des difficultés qui tiennent notamment à la polysémie et à la polymorphie de l'une et de l'autre. La clause générale de compétence découle de la formule en vertu de laquelle « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Issue du premier alinéa de l'article 61 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale 99 ( * ) , cette formule, qui a été étendue aux conseils généraux 100 ( * ) et aux conseils régionaux 101 ( * ) , est désormais codifiée aux articles L. 2121-29, L. 3211-1 et L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales 102 ( * ) , dispositions applicables aux communes 103 ( * ) , départements 104 ( * ) et régions 105 ( * ) situés outre-mer ainsi qu'à la collectivité départementale de Mayotte 106 ( * ) , aux collectivités de Guyane 107 ( * ) , de Martinique 108 ( * ) , de Saint-Pierre-et-Miquelon 109 ( * ) , de Saint-Martin 110 ( * ) et de Saint-Barthélemy 111 ( * ) . Elle n'a pas toujours le même sens dans le discours politique -où elle est parfois comprise comme étant l'aptitude des collectivités territoriales « à tout faire » 112 ( * ) - et dans le discours juridique où elle désigne l'habilitation du « conseil municipal [général ou régional] à statuer sur toutes les questions d'intérêt public communal [départemental ou régional], sous réserve qu'elles ne soient pas dévolues par la loi à l'État ou à d'autres personnes publiques et qu'il n'y ait pas d'empiètement sur les attributions conférées au maire [au président du conseil général ou au président du conseil régional] 113 ( * ) ». Cette clause comporte ainsi deux facettes : une facette externe - la définition des compétences de la collectivité territoriale par rapport aux autres personnes - et une facette interne - la répartition des compétences entre les organes de la collectivité. Quant à l'autonomie locale, si l'on tente de dépasser ce que nous apprend l'étymologie - le terme « autonomie » est emprunté du grec autonomia , dérivé de autonomos « qui se régit par ses propres lois », « qui agit de soi-même » 114 ( * ) -, elle est « l'un de ces concepts très fondamentaux que l'on trouve toujours difficile de définir 115 ( * ) ». La Charte européenne de l'autonomie locale 116 ( * ) la définit, toutefois, en son article 3, comme étant « le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ». Tout comme la clause générale de compétence, l'autonomie présente plusieurs facettes - autonomie de gestion, autonomie financière, autonomie institutionnelle, etc. 117 ( * ) Ainsi définies, la clause générale de compétence et l'autonomie locale entretiennent des relations complexes. En effet, ces deux notions sont en interaction dans la mesure où, d'un côté, l'autonomie locale participe des justifications de la clause générale de compétence et, de l'autre côté, la clause générale de compétence constitue un facteur de l'autonomie locale. Toutefois, ces interactions sont limitées. L'autonomie locale n'intervient effectivement que de manière limitée dans l'argumentation utilisée pour montrer le bien-fondé de la clause (I) tandis que cette dernière ne participe que de manière limitée à la concrétisation de l'autonomie locale (II)

I. - L'autonomie locale, justification limitée de la clause générale de compétence

L'autonomie locale participe de l'argumentation utilisée pour montrer le bien-fondé de la clause générale de compétence. Toutefois, elle ne joue à cet égard qu'un rôle limité, qu'il s'agisse de justifier l'apparition de la clause (A) ou son maintien (B).

A. L'autonomie locale, justification limitée de l'apparition de la clause générale de compétence

Les différentes facettes de la clause générale de compétence sont apparues successivement. Si l'autonomie locale est au coeur des préoccupations qui conduisent à justifier l'apparition de la facette interne de la clause générale de compétence (1), elle joue un rôle plus ambivalent dans l'argumentation déployée au moment de l'apparition de la facette externe de cette clause.

1. L'autonomie locale, justification de l'apparition de la facette interne de la clause générale de compétence

Du point de vue interne, la clause générale de compétence permet de définir les attributions de l'organe délibérant de la collectivité territoriale et elle correspond à l'intention initiale des auteurs du texte. La formule du premier alinéa de l'article 61 de la loi du 5 avril de 1884 permet en effet, dans l'intention de ses auteurs, de répondre à deux problèmes. Le premier concerne la force des délibérations de l'organe délibérant de la collectivité territoriale : constituent-elles en principe des délibérations règlementaires - c'est-à-dire des délibérations exécutoires qui traduisent l'exercice d'un pouvoir de décision 118 ( * ) - ou pas ? L'emploi du verbe « régler » répond à cette question dans un sens favorable. Les délibérations règlementaires deviennent le droit commun. Le second problème intéresse la répartition des compétences entre le conseil municipal, le maire et le préfet en matière d'affaires de la commune 119 ( * ) - sans préjuger de ce que sont ces affaires. La formule de la loi de 1884 fait du conseil municipal l'autorité de droit commun de la commune, « l'autorité principale, normale en quelque sorte, de la commune » 120 ( * ) .

Le souci d'assurer l'autonomie locale et plus précisément l'autonomie communale transparaît dans l'argumentation utilisée par Jozon dans l'exposé des motifs du projet de loi qui a donné naissance à la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale 121 ( * ) , mais aussi par E. de Marcère, rapporteur au nom de la commission chargée d'examiner les propositions de loi municipale 122 ( * ) pour justifier le bien-fondé de l'adoption de la formule en vertu de laquelle « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Il apparaît également dans les différents ouvrages pratiques destinés à l'expliciter 123 ( * ) et les travaux universitaires. R. Maspétiol et P. Laroque estiment ainsi que l'article 61 de la loi municipale pose un « principe de liberté » 124 ( * ) .

Si l'autonomie participe de l'argumentation destinée à montrer le bien-fondé de la facette interne de la clause générale de compétence, elle est également présente mais, de manière plus ambivalente, dans l'argumentation développée pour montrer le bien-fondé de sa facette externe.

2. L'autonomie locale, justification ambivalente de l'apparition de la facette externe de la clause générale de compétence

L'autonomie locale joue un rôle ambivalent dans la consécration de la facette externe de la clause générale de compétence. Cette dernière procède d'une réinterprétation du premier alinéa de l'article 61 de la loi du 5 avril 1884 et de l'article 48 5° de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux 125 ( * ) , opérée à la fin du XIX e siècle et au début du XX e siècle. À cette époque, les circonstances économiques et sociales ainsi que l'évolution des idées conduisent les conseils municipaux à organiser des services publics qui ne correspondent pas aux attributions qui leur sont expressément reconnues par la loi - boulangeries, pharmacies, boucheries ou blanchisseries 126 ( * ) . Certains juristes - universitaires 127 ( * ) et commissaires du gouvernement 128 ( * ) - tentent alors de trouver un fondement légal à ces interventions dont la légitimité n'est guère contestée. La formule de l'article 61 de la loi de 1884 et, dans une moindre mesure, celle de l'article 48 de la loi du 10 août 1871 leur semblent pouvoir remplir cet office. Ainsi, Roland Maspétiol et Pierre Laroque estiment qu'elles reconnaissent aux autorités de la commune et du département des « pouvoirs généraux » car elles autorisent les autorités de la commune et du département « à faire tout ce qui est d'intérêt local, tout ce qui est favorable à la bonne administration et à la prospérité de leurs circonscriptions et n'est pas formellement interdit ou réservé à d'autres autorités » 129 ( * ) . R. Bonnard développe une analyse similaire 130 ( * ) . La consécration de ces pouvoirs généraux est alors présentée par certains auteurs tels que Maurice Hauriou 131 ( * ) et Roger Bonnard 132 ( * ) , comme étant le fruit d'une reconnaissance de l'autonomie dont disposent les collectivités locales. Cette dernière permet ainsi de justifier l'émergence de la facette externe de la clause générale de compétence.

Toutefois, l'autonomie joue à cet égard un rôle ambivalent. Elle participe en effet également de l'argumentation développée pour démontrer l'absence de bien-fondé de la clause. Ainsi, dans leur ouvrage consacré à la tutelle administrative, Roland Maspétiol et Pierre Laroque indiquent qu'« à première vue, la première conception [celle dans laquelle les autorités locales sont « autorisées à faire un certain nombre d'actes énumérés par la loi et aucun autre »], qui est celle des États anglo-saxons, paraît beaucoup moins libérale que la seconde [« accorder des pouvoirs généraux aux autorités locales, c'est-à-dire les autoriser à faire tout ce qui est d'intérêt local »], pratiquée dans la plupart des pays continentaux et notamment en France » mais qu'« en réalité il n'en est rien » et ils concluent en affirmant que « la délimitation de la compétence des personnes morales du droit public est en France un des éléments essentiels de la tutelle administrative 133 ( * ) ». Dans le même sens, Roger Bonnard relève que « le procédé de l'énumération législative offre peut-être plus de garanties pour l'autonomie locale 134 ( * ) ».

Justification limitée de l'émergence de la clause générale de compétence dans sa facette interne et dans sa facette externe, l'autonomie locale participe également, de manière plus ou moins directe, de l'argumentation destinée à montrer le bien-fondé de son maintien.

B. L'autonomie locale, justification limitée du maintien de la clause générale de compétence

L'autonomie locale constitue l'un des arguments mis en avant dans les raisonnements déployés dans les discours juridiques et politiques destinés à montrer le bien-fondé de la clause générale de compétence.

Elle apparaît ainsi dans l'argumentation développée dans nombre de travaux qui justifient le maintien de la clause générale de compétence par l'existence d'une différence de nature entre les collectivités territoriales et les établissements publics, et notamment les établissements publics territoriaux. Jean-Claude Douence considère ainsi par exemple en effet que la clause générale de compétence est inhérente à la nature des collectivités territoriales qui sont des personnes morales de caractère corporatif et qu'elle constitue l'expression de l'« autonomie interne du groupe humain personnifié par le droit 135 ( * ) ».

Le rôle justificatif de l'autonomie locale se manifeste également de manière plus ou moins sous-jacente dans les discours qui s'attachent à démontrer le bien-fondé du maintien de la clause générale de compétence en présentant cette dernière comme étant un moyen de préserver la capacité d'initiative des collectivités territoriales 136 ( * ) , leur droit à l'imagination, ce qui constitue également une des formes de l'autonomie locale.

Toutefois, l'autonomie locale ne joue aujourd'hui qu'un rôle limité dans la justification du maintien ou du rétablissement de la clause générale de compétence. En effet, elle n'intervient parfois que de manière subsidiaire dans les discours car d'autres arguments sont présentés. Tel est le cas par exemple d'assurer la complétude et la souplesse du système de répartition des compétences pour éviter les lacunes, pour permettre d'adapter les collectivités territoriales au changement permanent des techniques et des mentalités qui suscite une évolution continue des besoins collectifs 137 ( * ) , de sécuriser leur action 138 ( * ) et aussi de rendre compte des interventions qui ne relèvent pas explicitement d'un texte, voire ne peuvent être rattachées à aucun texte. Ainsi, par exemple, J.-M. Pontier estime que « l'un des intérêts de la clause générale de compétence est de rendre compte des compétences qui ne figurent pas explicitement dans un texte de loi, [...] d'autant que non seulement on ne peut les présumer illégales, mais qu'il convient, à l'inverse de les présumer légales. D'ailleurs, l'État ne les a pas considérées comme irrégulières, le représentant de l'État n'a pas déféré ces actes devant la juridiction administrative » 139 ( * ) . Plusieurs justifications sont ainsi entremêlées et certaines d'entre elles procèdent plus d'une « conception technocratique de la répartition des compétences », pour reprendre l'expression de F.-P. Benoit 140 ( * ) , que de la mise en avant de l'autonomie locale. Cette dernière n'intervient donc que de manière limitée dans les argumentations déployées pour justifier le maintien de la clause générale de compétence. Tel est d'autant plus le cas qu'elle est également l'un des arguments mis en avant pour contester le bien-fondé de la clause. Elle est en effet présentée dans certains discours comme étant un « instrument trompeur dont la manoeuvre revient toute entière à l'État » 141 ( * ) . Jérôme Chapuisat note, par exemple, que « le régime de la clause générale de compétence fait de l'intérêt local soit, dans un sens restrictif, le prétexte de tous les dessaisissements soit, dans un sens extensif, l'alibi de toutes les charges indues » 142 ( * ) . De sorte que « présentée souvent comme la garantie de libertés indéfinies, elle n'est en réalité que l'instrument d'une implacable mise sous tutelle. Elle n'est certes pas le seul mais elle est celle qui explique le mieux le fossé qui sépare les libertés locales diffuses des libertés publiques reconnues 143 ( * ) ».

Ainsi, l'autonomie locale joue un rôle limité et ambivalent dans les discours relatifs à la clause générale de compétence, utilisée pour en montrer tantôt le bien-fondé tantôt l'absence de bien-fondé. Cette ambivalence n'est sans doute pas dénuée de tout lien avec les limites de la clause générale de compétence qui ne contribue que de manière restreinte à concrétiser l'autonomie locale.

II. - La clause générale de compétence, facteur limité d'autonomie locale

La clause générale de compétence est un facteur d'autonomie locale dans le sens où elle participe des éléments qui concourent à la concrétisation de cette dernière (A) mais elle n'est qu'un des éléments qui permettent d'atteindre ce résultat ce qui lui confère un rôle limité en la matière (B)

A. La clause générale de compétence, facteur d'autonomie locale

La clause générale de compétence a constitué et constitue encore aujourd'hui un facteur d'autonomie locale et ce, à plusieurs titres. En effet, dans sa facette interne, elle s'est d'abord inscrite dans ce que Jean-Bernard Auby appelle « l'autonomie qui se rattache à l'indépendance des organes » 144 ( * ) . Cette autonomie est réalisée « lorsque [les collectivités] disposent d'organes indépendants, libres de se déterminer parce que non-inscrits dans des mécanismes hiérarchiques et émettant des actes qui ne peuvent pas être privés d'effet ou modifiés par une autorité «supérieure» » ». Or, en proclamant que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune », le premier alinéa de l'article 61 de la loi du 5 avril 1884 « pose en principe que les conseils municipaux ont un pouvoir de décision propre, et que leurs délibérations sont en conséquence et en règle générale, exécutoires par elles-mêmes et dès qu'elles ont été prises ». La formule du premier alinéa de l'article 61 de la loi de 1884 telle qu'elle a été pensée par ses auteurs a donc contribué à la concrétisation de l'« autonomie qui se rattache à l'indépendance des organes ». Si la situation a évolué, c'est encore le cas dans une certaine mesure aujourd'hui dans le sens où la compétence de principe revient, dans les collectivités qui disposent de la clause générale de compétence, à l'organe issu du suffrage universel direct qui représente le groupement humain personnifié par le droit.

La clause générale de compétence permet aussi la concrétisation d'une autre forme d'autonomie, celle qui « a son siège dans la manière dont le droit définit les activités susceptibles d'être déployées par les collectivités locales » 145 ( * ) . Elle conduit en effet à poser en principe que les organes de la collectivité - en l'occurrence, l'organe délibérant - sont compétents pour identifier les besoins collectifs de la population locale, et les satisfaire - sous quelques réserves -, que ces besoins soient actuels ou futurs, comme en témoigne la décision « Territoire de la Polynésie française » rendue par le Conseil d'État le 18 mai 2005 146 ( * ) . La notion d'intérêt public local, qui a fait l'objet de nombreux débats 147 ( * ) et qui est au coeur de la clause générale de compétence, n'est en effet pas définie par la loi. En principe, le contenu des intérêts publics communs aux membres de la collectivité et le mode de réalisation de ces buts communs 148 ( * ) ne sont donc pas imposés de l'extérieur, comme dans le cas des attributions légales de compétence - qui constituent juridiquement l'exception pour les collectivités dotées de la clause générale de compétence - mais déterminés « de l'intérieur », ce qui correspond à l'autonomie au sens étymologique du terme comme le souligne Jean-Claude Douence 149 ( * ) .

On pourrait ainsi multiplier les angles d'approche de la clause générale de compétence et montrer que dans chacune de ses significations elle contribue à réaliser une ou plusieurs formes d'autonomie locale. Toutefois, si cette clause contribue à l'autonomie locale, elle ne permet de garantir cette dernière que de manière restreinte.

B. La clause générale de compétence, garantie limitée de l'autonomie locale

La clause générale de compétence ne permet de concrétiser l'autonomie locale que de manière limitée et elle peut même, à certains égards, apparaître comme étant un facteur de limitation de cette dernière. Les arguments sont connus. On peut cependant, sans prétendre à l'exhaustivité, rappeler certains d'entre eux.

D'abord, que ce soit sous l'angle interne ou sous l'angle externe, la clause générale de compétence ne confère pas à son titulaire une compétence illimitée 150 ( * ) , une véritable compétence générale pour se saisir de toutes les affaires d'intérêt public local.

Du point de vue interne, l'organe délibérant n'est compétent que sous réserve qu'il n'y ait pas d'empiètement sur les attributions conférées aux autres organes. Or, le jeu des attributions légales peut limiter considérablement le champ des compétences effectives de l'organe délibérant. Ainsi, à la fin du XIX e siècle, le député A.-L. Amagat soulignait que le nombre des cas dans lesquels l'approbation de l'autorité supérieure est requis en vertu de l'article 68 de la loi du 5 avril 1884 était tel que le principe posé au premier alinéa de l'article 61 de la loi « n'est qu'une illusion qu'il faut dissiper et une équivoque qu'il faut détruire 151 ( * ) ».

Cette limite existe également si l'on envisage la clause générale de compétence dans sa facette externe. Elle ne permet pas aux collectivités de se saisir de toutes les affaires d'intérêt public local et de répondre à tous les besoins directs de la population locale. Elle comporte en effet des limites externes 152 ( * ) qui tiennent notamment au respect de la liberté du commerce et de l'industrie 153 ( * ) , à l'obligation de neutralité qui interdit toute intervention dans un conflit politique 154 ( * ) ou social 155 ( * ) mais aussi les actions qui ne respectent pas les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, dans les collectivités où cette loi est applicable 156 ( * ) . Ainsi par exemple, dans une décision du 9 octobre 1992, Commune de Saint-Louis de La Réunion contre Association « Siva Soupramanien de Saint-Louis », le Conseil d'État a considéré qu'une commune ne pouvait pas accorder de subventions à une association qui a des activités cultuelles même si cette association se consacre également à des activités de caractère social et culturel - et qu'elle ne peut donc bénéficier du régime prévu par le titre IV de la loi du 9 décembre 1905 en faveur des associations dont l'exercice du culte est l'objet exclusif 157 ( * ) . Le jeu de la clause générale de compétence est également limité en raison de l'interdiction d'empiéter sur les attributions exclusives d'autres personnes publiques. Dans une décision Ville de Cayenne du 13 mars 1985 158 ( * ) , le Conseil d'État a ainsi estimé que le département de Guyane pouvait poursuivre la gestion des installations d'eau dès lors que l'organisation de la distribution de l'eau présentait un intérêt départemental et qu'« aucun texte de nature législative ne confér[ait] l'exclusive compétence aux seules communes ». Ainsi, la clause générale de compétence opère de manière « interstitielle », pour reprendre l'expression employée par la Direction générale des collectivités locales dans l'étude d'impact du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles et reprise par Marylise Lebranchu dans les travaux préparatoires à la loi. Elle ne permet donc pas de garantir aux collectivités locales « le droit et la capacité effective [...] de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques », pour reprendre la définition de l'autonomie locale par la Charte européenne.

D'autre part, si la clause générale de compétence permet bien aux organes délibérants des collectivités territoriales de déterminer l'intérêt public local, cette détermination est opérée sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le territoire et sous le contrôle de légalité du juge administratif. Elle conduit donc en définitive, en dépit des limites de ces deux contrôles, à faire dépendre la délimitation des affaires de la collectivité d'organes extérieurs au groupe humain qu'elle personnifie et, de ce point de vue, elle offre moins de garanties d'autonomie que les attributions légales de compétences.

Cette limite de la clause générale de compétence était mise en avant dès le début du XX e siècle. Ainsi, par exemple, Roland Maspétiol et Pierre Laroque indiquaient que, dans le cas de la méthode d'attributions légales de compétences, « si les autorités locales n'ont que des pouvoirs fixés limitativement par la loi, il est toujours possible de faire appel au législateur pour obtenir de nouveaux pouvoirs [...]. Au contraire si la loi se borne à décider, comme le fait en France l'art. 61 de la loi municipale, «le Conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune», ou comme l'art. 48 ancien de la loi de 1871 [...] «le Conseil général statue sur tous les objets d'intérêt départemental dont il est saisi», il faudra bien qu'une autorité intervienne pour définir quels sont ces «affaires de la commune» ces «objets d'intérêt départemental» et cette autorité ce sera l'administration. Tandis que la méthode anglo-saxonne aboutit à un régime de tutelle législative, la méthode française aboutit à un régime de tutelle administrative, contrôlé, d'ailleurs, il ne faut pas l'oublier, par la juridiction administrative 159 ( * ) ». Dans le même sens, Roger Bonnard relevait que « la clause générale formulée par la loi ne constitue qu'une détermination assez illusoire de la spécialité. Avec une clause générale, la détermination de la spécialité est en réalité l'oeuvre des autorités administratives centrales et des tribunaux intervenant avec pouvoir discrétionnaire. C'est pourquoi on peut considérer que le procédé de l'énumération législative offre peut-être plus de garanties pour l'autonomie locale parce que la détermination de la spécialité est dans ce procédé effectivement faite par le législateur 160 ( * ) ». Certes, les autorités administratives étatiques centrales et locales ne disposent plus aujourd'hui des pouvoirs qu'elles détenaient au début du XX e siècle, il n'en demeure pas moins que les collectivités territoriales sont soumises au contrôle administratif de légalité et que le représentant de l'État dans le territoire - en choisissant de déférer ou pas les actes des collectivités territoriales devant la juridiction administrative - et le juge administratif jouent toujours un rôle dans la délimitation de l'intérêt public local.

Ainsi, la clause générale de compétence ne joue qu'un rôle limité dans la concrétisation de l'autonomie locale. Tel est d'autant plus le cas qu'à l'instar des attributions légales de compétences elle ne permet pas de garantir un véritable pouvoir de décision au bénéfice des collectivités locales. Comme l'ont montré Charles Eisenmann 161 ( * ) et Jacques Caillosse 162 ( * ) , la marge de manoeuvre des collectivités territoriales dans les affaires locales ne peut se déployer que dans les « lieux » que lui assignent ou que lui offrent le législateur et le pouvoir réglementaire national. La réalité de leur pouvoir de décision dans ces affaires dépend de la rédaction de la loi et du règlement national, de l'espace qui leur est laissé et non de la clause générale de compétence qui ne permet donc d'évaluer et de protéger l'autonomie locale que de manière très restreinte.

Pour conclure ce rapide examen des relations entre clause générale de compétence et autonomie locale, on ne peut que constater que s'il existe bien des interactions entre l'une et l'autre, ces interactions sont limitées. La future loi clarifiant l'organisation territoriale de la République pourrait permettre d'ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire de ces liens entre ces deux notions. Si les réformes envisagées entraient en vigueur, nous pourrions constater l'impact de la suppression de la clause générale de compétence sur l'autonomie locale et nous pourrions aussi sans doute savoir si la suppression de la clause générale de compétence par le législateur entraînera la disparition effective de cette réinterprétation a posteriori de la loi de 1884 ou si l'autonomie locale la fera renaître.

Edwin Matutano, Docteur en droit - La légistique pour l'autonomie des collectivités territoriales : une nécessité et un enjeu

Pour certains juristes, parler de légistique est devenu, depuis déjà de nombreuses années, un champ d'études et de réflexions familier 163 ( * ) . Les contributions les plus récentes ne démentent pas l'intérêt suscité par cette matière dont le contenu englobe toutes les branches du droit sans exception et qui constitue un défi aux autorités politiques et aux administrations dépendant de celles-ci, dans la mesure où il permet d'évaluer la portée des marges d'opportunité qui leur sont consenties pour prendre des normes nouvelles, en modifier ou en abroger de précédentes.

C'est que la légistique se donne pour objet de dispenser les savoir-faire essentiels en matière d'élaboration et d'écriture des textes normatifs, mais elle s'intéresse également aux impacts produits par les modifications subies par l'ordonnancement juridique, ce qui amène ses interprètes et experts à examiner la cohérence de l'ordre juridique à un instant donné et les conduit inévitablement à interroger le volume de normes en vigueur, le nombre de textes venus s'insérer dans ce volume, période par période, et à porter ainsi un regard critique sur le contenu du droit au regard des impératifs tenant au respect des principes de clarté de la loi 164 ( * ) et de la sécurité juridique 165 ( * ) et des objectifs de valeur constitutionnelle que sont l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi 166 ( * ) .

Si les principales actions et réflexions portant sur le foisonnement normatif et les efforts qu'il implique dans le domaine de l'écriture des textes ont concerné les normes émises par l'État 167 ( * ) , nous voudrions aborder ici les enjeux que présente la maîtrise de la légistique pour les collectivités territoriales (5 567 609 actes transmis aux préfets par les organes des collectivités territoriales en 2009) 168 ( * ) , en particulier, pour celles qui, outre-mer, sont dotées de compétences étendues sur le plan normatif, a fortiori lorsque ces compétences se substituent à celles exercées jusqu'alors par l'État 169 ( * ) .

Car s'il est question d'autonomie locale, il doit être rappelé le sens littéral du mot « autonomie », dont le dictionnaire Le Littré donne la définition suivante : au premier sens, « droit que les Romains avaient laissé à certaines villes grecques, de se gouverner par leurs propres lois » ; en second lieu, « par extension, indépendance ».

Sans doute, les juristes préfèrent-ils interroger la Charte européenne de l'autonomie locale, traité conclu le 15 octobre 1985 dans le cadre du Conseil de l'Europe et approuvé par la loi n° 2006-823 du 10 juillet 2006, dont l'article 3 dispose : « L'autonomie locale est le droit et la capacité effective pour les collectivités de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques. » Cette définition, on le constate, nuance celle du dictionnaire, dans la mesure où elle situe la notion d'autonomie locale « dans le cadre de la loi ». Néanmoins, l'idée principale d'une capacité à agir par des actes propres engageant leur seule responsabilité, reconnue aux collectivités territoriales, est évidemment déterminante.

Nous sommes donc, avec la légistique, au coeur du sujet et des enjeux soulevés par la détention de cette « autonomie », qui n'a de sens que si elle suppose de pouvoir édicter des actes qui s'imposent avec une force obligatoire, sans qu'une tutelle soit exercée à leur égard, ce qui renvoie, s'agissant des collectivités territoriales, à l'exercice de compétences propres par ces dernières 170 ( * ) .

Cette présentation suivra deux axes : par le premier, l'on invitera à s'interroger sur la portée générale de l'art de faire la norme ; par le second, l'on mesurera les enjeux sous-jacents pour les collectivités territoriales ultramarines concernées.

I. - La légistique, art, technique ou mesure d'économie ?

Dans le premier volet de cette étude, se détache la nature duale de la légistique, qu'il convient de faire ressortir successivement : d'une part, il s'agit d'une technique, faite de savoir-faire et, d'autre part, il s'agit d'un moyen du respect général de la légalité.

A. La légistique, assemblage d'usages et de conventions.

C'est le terrain d'élection de la légistique formelle qui est exclusivement concerné ici, même s'il ne se confond pas entièrement avec celle-ci.

Ces usages et ces conventions constituent autant de techniques de rédaction et non de règles à portée obligatoire et c'est là une des difficultés du respect de la légistique.

Il en est de l'écriture des textes normatifs comme du langage ou des écrits de la vie courante : ses malfaçons ne sont pas, en elles-mêmes, susceptibles de porter atteinte à la validité de la norme. Elles peuvent ainsi entraîner des doutes, des interrogations sur leur sens et engendrer ainsi des difficultés d'interprétation.

Ces conséquences éventuelles sont dommageables, évidemment. Mais en droit, elles ne sont pas sanctionnées. Un texte mal rédigé sera dit obscur, il ne sera pas jugé illégal ou inconstitutionnel, en dépit de quelques garde-fous posés par la jurisprudence du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel.

Le Conseil d'État a ainsi fait de la sécurité juridique un principe général du droit et le Conseil constitutionnel a vu dans la clarté de la loi un principe constitutionnel, tandis qu'il a dégagé un objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

Néanmoins, les usages en question, dont la préconisation et la perpétuation se présentent sous forme de bonnes pratiques, relèvent, à l'analyse, du droit « mou » ou « souple 171 ( * ) », dont les mérites sont souvent vantés, mais qui nécessite, lui aussi, une connaissance approfondie.

Maîtriser les usages et les conventions qui tissent et façonnent l'élaboration des textes normatifs revient en tout état de cause à apporter une garantie de cohérence. Cohérence intrinsèque à chaque norme, mais aussi cohérence de l'ordonnancement juridique.

Cette exigence est fondamentale, comme l'est son respect. Assurer la cohérence d'un ensemble de textes, d'un corpus juridique, permet de garantir sa bonne application et, souvent, d'en assurer la validité, car un nombre important d'annulations contentieuses d'actes pour vice de compétence, vice de forme ou vice de procédure pourrait être conséquemment évité.

Aussi convient-il de divulguer les usages, les bonnes pratiques qui fondent une correcte rédaction des textes normatifs. Et de modifier des habitudes, presque un habitus, de travail dans les services administratifs. Le cloisonnement trop fréquent, le manque de partage des connaissances et des savoir-faire professionnels trouvent ici évidemment leurs limites. Cette obligation est d'autant plus impérative que les techniques de légistique sont absentes des programmes universitaires et encore peu abordées par les écoles professionnelles de la fonction publique.

Trop souvent, également, les services se fient à leur propre pratique, par goût des précédents. Ce phénomène coutumier peut produire d'excellents résultats, mais aussi de moins bons. Sans actualisation des connaissances, sans confrontation avec d'autres pratiques et, bien sûr, sans prise en considération des sources utiles existantes, il est difficile, avec la meilleure volonté qui soit, de parvenir à des résultats convaincants.

Autant dire que l'apprentissage et la maîtrise des recommandations et des références valables pour les actes de l'État trouvent leur utilité auprès des collectivités territoriales 172 ( * ) . Il s'agit d'un complément indispensable au respect strict de la légalité auquel nous allons à présent venir.

B. La légistique, instrument du respect de la légalité.

Par-là, l'art de rédiger des textes se confond avec le respect de la légalité. Il s'agit assurément d'un domaine plus familier au juriste. C'est celui occupé par la légistique matérielle et dans une moindre mesure, encore, par la légistique formelle.

Un impératif en résulte : celui de maîtriser le fond du droit dans chaque matière qui fait l'objet de l'attention du pouvoir normatif, quel qu'en soit son détenteur.

Car, pour respecter la légalité, il faut connaître l'environnement juridique au sein duquel vient s'insérer la norme nouvelle. Autrement dit, il ne suffit pas de maîtriser des usages de présentation, d'écriture de la règle de droit, il faut aussi savoir quelles sont ses incidences, une fois celle-ci en vigueur.

Aussi, la légistique matérielle implique-t-elle la bonne connaissance du droit dans un champ donné à l'instant où il est projeté d'adopter une nouvelle norme.

Ainsi, ensemble de bonnes pratiques allié au respect de la légalité et à celui de la hiérarchie des normes, la légistique marie des ordres d'idées et des compétences vastes, mais nécessairement complémentaires. Il convient à présent d'en cerner l'enjeu pour les collectivités ultramarines vouées à l'autonomie.

II. - L'enjeu pour les collectivités territoriales ultramarines

L'on abordera l'enjeu en matière d'organisation des services administratifs de ces collectivités et au premier chef de ceux des ressources humaines, car les collectivités territoriales doivent s'assurer du concours des experts juridiques dont les compétences sont requises pour édicter des normes, avant de s'interroger sur la nécessité, pour les collectivités territoriales, d'assurer la cohérence de l'état du droit en vigueur.

A. Le développement d'une expertise au service des collectivités territoriales

Il est certain que l'organisation des services est pour beaucoup dans la réussite de l'entreprise.

Si celle-ci constitue un défi, elle peut être aidée par la structure de la fonction publique territoriale, par cadres d'emplois, plus apte à cet effet que celle de la fonction publique de l'État.

La légistique renvoie inévitablement à des connaissances juridiques. À cet égard, il est important que l'organisation interne des services administratifs, dans les collectivités territoriales d'une certaine taille, épouse cette réalité.

Bien évidemment, il est nécessaire, à cette fin, pour les collectivités publiques, de pouvoir compter sur des collaborateurs bien formés.

Mais l'on fera observer que cette exigence, soulignée de longue date 173 ( * ) , doit être accompagnée d'une véritable dotation de moyens à disposition de ces agents. Nous entendons par-là qu'il ne suffit pas de recruter des collaborateurs, diplômés en droit et possédant des mastères 2. Ceci est une donnée importante, mais il faut encore que les services dont l'activité est principalement ou exclusivement juridique aient à leur tête un responsable, lequel pour asseoir son autorité dans les meilleures conditions doit être des mieux formés à la matière juridique.

Il va de soi qu'il est hors de question de pratiquer ce qui a toujours cours dans la fonction publique de l'État, en 2014, à savoir affecter des juristes à des postes non juridiques et nommer à des emplois nécessitant une véritable expertise en droit des agents n'ayant jamais fait de droit et n'étant pas diplômés dans cette discipline.

Mais surtout, il est fondamental de circonscrire ce qui doit être matériellement couvert par la notion de droit au sein de l'appareil administratif. En évitant soigneusement l'écueil, relevé dans de nombreuses administrations de l'État, qui, lors de réorganisations internes, a fréquemment conduit à réduire le droit et les affaires juridiques aux seuls services chargés du contentieux.

Le résultat est évidemment en deçà de ce qu'une logique d'efficacité commanderait. Une telle vision est extrêmement réductrice. Les affaires juridiques, dans l'administration, ne se résument pas au suivi de litiges devant les juridictions et à la présence de la défense de la collectivité publique devant celles-ci. Non que les affaires contentieuses soient secondaires, mais la confection de la règle et sa défense auprès des tribunaux sont complémentaires, elles ne sauraient s'exclure.

La matière juridique ne peut être réduite aux procédures contentieuses. Et si, par malheur, les services élaborant des actes sont sis dans un autre pan de l'organigramme que ceux ayant en charge la défense des intérêts de l'administration au contentieux, l'étanchéité a pour effet de découper, de décomposer les savoirs professionnels à propos d'une même règle, d'un même acte.

L'on ne saurait donc trop déconseiller une telle voie. L'élaboration d'actes administratifs met en oeuvre des connaissances juridiques. Si la taille de la collectivité l'autorise, un regroupement de toute la matière juridique s'impose, en n'excluant ni la légistique, ni le contentieux ; si elle ne le permet pas, il convient d'avoir toujours présent à l'esprit que l'élaboration des actes administratifs participe de l'application du droit, au même titre que les affaires contentieuses ou que le conseil.

Certes, il peut paraître difficile dans de nombreux cas de localiser et d'isoler la fonction juridique parmi les actions de l'administration. Fréquemment, la gestion et l'appréciation juridique sont entremêlées et, de ce fait, une partie majeure de l'action administrative pourrait être considérée comme relevant du domaine du droit.

Cependant, simplifier abusivement le droit en l'amputant de toutes les compétences déployées par les légistes apparaît abusif et trompeur. Et il est préférable, alors, de diviser un service en rassemblant les affaires sous des libellés indiquant la teneur de ce qui est traité dans telle ou telle subdivision, et ce, en rassemblant, le cas échéant, gestion, comptabilité et droit. Et dans cette hypothèse, les juristes doivent être aussi bien employés à prendre des décisions, les appliquer, ce qui signifie qu'ils puissent prodiguer des conseils au sujet de leur interprétation et les défendre en cas de contestations contentieuses.

Enfin, nous ajouterons qu'il ne suffit pas non plus de créer un service intitulé « juridique » ou « des affaires juridiques » si le service en question se trouve coiffé par un autre, aux attributions plus vastes, dont le responsable n'est pas juriste.

Cette situation, fréquente, qui peut s'expliquer par le voeu de regrouper les différentes branches des services administratifs en « super-fonctions », variables selon les entités et les circonstances, ne présente pas de gage de réussite, sauf à ce que le responsable du service juridique et ses collaborateurs soient perçus comme de véritables experts dont les actes ne peuvent être contrebalancés par des questions de pure opportunité, soulevées ou défendues par des services ayant en charge d'autres domaines et ne cultivant pas le droit comme métier.

Ainsi, en donnant à la légistique la place qui lui revient, c'est le droit dans son ensemble qui en est rehaussé et, logiquement, le nombre de contentieux doit diminuer à proportion de l'effort consenti en ce sens.

Sur le plan pratique, il est un modus operandi entre l'autorité politique responsable - laquelle, le plus souvent, prend la décision de recourir à une norme - et les services experts, qui rédigent matériellement la norme, qu'il apparaît essentiel de privilégier.

En effet, le plus souvent, lorsqu'une « commande » d'un texte nouveau est prise par un responsable politique auprès de ses services, une étape fondamentale, première, de l'analyse par les services en question est occultée : celle de l'appréciation de la nécessité de la norme que l'on se propose d'adopter.

Or, il va de soi que l'occultation de cette étape participe de l'essor de l'emballement normatif que connaît notre système juridique.

Il importe qu'au sein de collectivités territoriales dotées d'un large pouvoir normatif, il puisse être procédé à un tel examen, sans lequel l'empilement normatif, déjà considérable au plan national, trouverait des relais dans les collectivités territoriales dotées d'un pouvoir étendu à cet égard.

Une telle exigence suppose une bonne coordination entre les auteurs de la norme au sens littéral, qui ont la qualité de décideur politique et les membres des services administratifs qui préparent les actes normatifs, les expertisent, mais n'en décident pas le plus souvent de l'opportunité.

B. La nécessité de disposer d'un corpus normatif cohérent

La taille moindre des collectivités concernées, les facultés pour certaines d'entre elles d'agir de manière concertée, les leçons tirées des échecs et des écueils subis et rencontrés par l'État pourraient inciter les collectivités territoriales à dresser de véritables audits normatifs et à user de leur liberté d'administration pour remanier le volume de normes relevant de leurs compétences et devenir leur propre gardien de la légalité, ce qui constitue un enjeu de taille dans un État décentralisé, surtout si l'on a égard au fait que les préfectures sont de plus en plus démunies de moyens pour assurer le contrôle de légalité 174 ( * ) .

Cette nécessité s'impose avec acuité si l'on considère la plus grande autonomie normative concédée aux collectivités territoriales, et en particulier aux collectivités territoriales ultramarines en vertu, respectivement, des articles 73 alinéa 2 et 3, 74 et 77 de la Constitution 175 ( * ) .

- En effet, en premier lieu, depuis 1998, la Nouvelle-Calédonie est dotée d'un pouvoir normatif important, au travers de la compétence qui lui est reconnue d'adopter des lois du pays, en vertu des articles 99 à 107 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Actes de valeur législative, ces lois du pays sont soumises, avant leur adoption, au Conseil d'État pour avis et elles peuvent, à l'instar des lois ordinaires, être déférées au Conseil constitutionnel.

- En deuxième lieu, les collectivités ultramarines régies par l'article 74 de la Constitution peuvent, selon les termes de cet article, prendre des actes intervenant dans le domaine de la loi, au titre des compétences qu'elles détiennent. Ces actes font l'objet d'un contrôle juridictionnel exercé par le Conseil d'État.

Le même article 74 prévoit que l'assemblée délibérante de la collectivité concernée peut modifier une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité. En outre, une de ces collectivités peut prendre des mesures justifiées par les nécessités locales en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier.

C'est donc un important pouvoir normatif qui est reconnu à ces collectivités territoriales (Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin) que leurs statuts respectifs prévoient et organisent selon des gradients fort différents. La Polynésie française connaît en effet un régime d'autonomie, cependant que les trois collectivités insulaires de l'Atlantique sont régies par un système composé, laissant place à une marge de manoeuvre non négligeable des autorités locales et que dans les îles Wallis et Futuna, en revanche, la centralisation paraît s'exercer encore à plein.

L'on observe conséquemment que les dispositions statutaires de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin (articles L.O. 6214-3 et L.O. 6251-2 du code général des collectivités territoriales s'agissant de Saint-Barthélemy et articles L.O. 6314-3 et L.O. 6351-2 de ce code à propos de Saint-Martin) prévoient expressément la possibilité, pour ces deux collectivités territoriales détachées du département de la Guadeloupe, de prendre des actes administratifs dans le domaine de la loi, les projets d'actes étant obligatoirement soumis au Conseil d'État aux termes des articles L.O. 6243-3 et L.O. 6443-3 du code général des collectivités territoriales, afin de vérifier leur conformité à la Constitution, aux lois organiques, aux engagements internationaux de la France et aux principes généraux du droit.

De façon similaire, les « lois du pays » que la Polynésie française peut édicter, actes de nature administrative en dépit de leur dénomination et de ce qu'ils interviennent dans le domaine de la loi, prévus par l'article 140 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, sont soumises au contrôle a priori du Conseil d'État, conformément à l'article 177 de ladite loi organique. Le Conseil d'État a, d'ailleurs, transposé aux lois du pays de la Polynésie française la jurisprudence du Conseil constitutionnel (CC décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982) selon laquelle une loi contenant des dispositions réglementaires n'est pas pour autant inconstitutionnelle (CE 1 er février 2006, n° 286584, maire de Papara).

Cette collectivité ultramarine dispose de surcroît, en application de l'article 12 de la loi organique du 27 février 2004, du pouvoir de saisir le Conseil constitutionnel afin de lui faire constater qu'une loi postérieure à l'entrée en vigueur de la loi organique est intervenue dans le domaine des compétences de cette collectivité. Cette intéressante disposition permet ensuite à la collectivité de modifier ou abroger la loi en question.

- En troisième et dernier lieu, excepté le département et la région de La Réunion, les collectivités territoriales régies par l'article 73 de la Constitution peuvent, en vertu du troisième alinéa de cet article, être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.

C'est ainsi que les articles 68 et 69 de la loi n° 2009-493 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ont habilité le conseil régional de Guadeloupe à fixer les règles permettant la création d'un établissement public régional en charge de la formation professionnelle et à établir les dispositifs spécifiques en matière de maîtrise de la demande d'énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables. Dix délibérations ont ensuite été prises par le conseil régional.

Néanmoins, les demandes formulées par la Martinique en matière de transports intérieurs n'ont pas abouti.

Et plus particulièrement, les cas des collectivités territoriales innomées régies par l'article 73 de la Constitution, que sont à présent, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, la Guyane et la Martinique, seront intéressants à observer, même si au regard des potentialités offertes, sur le plan normatif par l'article 73 de la Constitution dont elles continueront à relever, leur situation demeurera inchangée.

À l'égard de ces deux collectivités, il y a lieu de relever que les dispositions des articles L. 7151-1 et L. 7151-2 du code général des collectivités territoriales, s'agissant de la Guyane, et des articles L. 7224-8, L. 7224-12 176 ( * ) , L. 7252-1 et L. 7252-2 de ce même code, à propos de la Martinique, sont primordiales.

Et à cet égard, l'on mesure le chemin parcouru depuis le moment où Louis Favoreu écrivait : « en dehors du cas des territoires d'outre-mer, régi par l'article 74 de la Constitution, la loi ne peut, même à titre expérimental, autoriser le pouvoir normatif local à se substituer à elle sans violer la Constitution 177 ( * ) ».

Le passage à un régime normatif caractérisé par la possibilité de prendre des mesures de nature réglementaire, voire de rang législatif, suppose un travail méticuleux et vétilleux à partir de textes consolidés. Il s'agit d'une exigence, contrepartie au régime « sur mesure » 178 ( * ) qui caractérise à présent les collectivités territoriales ultramarines, étant observé que des hypothèses de conflits de lois sont, en ce cas, susceptibles de naître 179 ( * ) .

Cette oeuvre de consolidation est d'autant plus nécessaire que des textes d'origine locale régiront des domaines entiers du droit qui, ailleurs, sur le territoire national, sont soumis au droit commun ou que des textes pris sur une initiative locale modifieront des dispositions originellement édictées par des textes de droit commun adoptés par les pouvoirs publics.

Cela nécessite la tenue rigoureuse de bases de données, dont l'articulation avec celle de « Legifrance » ne doit pas souffrir de lacune. L'accès au droit, sa connaissance en dépendent en effet. Et le travail des rédacteurs de textes en est facilité.

C'est ainsi que l'établissement de la norme doit, dans un tel cas de figure, faire l'objet de toutes les attentions du pouvoir normatif, quel qu'il soit, et, à cet égard, il convient de rappeler que la consolidation des textes normatifs peut être opérée par toute personne intervenant dans le domaine juridique 180 ( * ) et qu'il ne s'agit pas d'un monopole de l'État.

Cette acuité particulière qui leur est requise peut trouver à s'illustrer à travers l'exemple suivant, qui concerne la Polynésie française.

Cette collectivité territoriale est régie, nous l'avons dit, par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut de son autonomie.

Selon le 11° de l'article 14 de cette loi organique, l'État est seul compétent pour fixer les règles dans les matières suivantes : « Fonction publique civile et militaire de l'État ; statut des autres agents publics de l'État ». Et à l'appui de cette affirmation, le 5° de l'article 7 de ladite loi organique prévoit que dans les matières ci-après désignées : « Fonction publique civile et militaire de l'État ; statut des autres agents publics de l'État », les dispositions législatives et réglementaires s'appliquent de plein droit sans mention expresse en Polynésie française.

Or, nonobstant cette double affirmation énoncée par le statut de la collectivité territoriale, issu d'une loi organique, les agents non fonctionnaires de l'administration (dénommés « ANFA ») en fonction dans les services de l'État sont régis par le droit du travail, matière qui, en Polynésie française, relève de la compétence de la collectivité territoriale.

C'est ainsi que ces agents contractuels sont soumis à la convention collective du 10 mai 1968 conclue initialement entre le gouverneur représentant de l'État et les organisations syndicales représentatives.

De nos jours et depuis que la détermination des règles du droit du travail est du ressort de la Polynésie française, les avenants à cette convention collective sont conclus entre le président ou le ministre responsable du gouvernement de la Polynésie française et les syndicats (depuis l'avenant n° 6 en date du 10 mars 1992, paru au J.O.P.F. du 19 mars 1992, p. 583).

Des règles de droit du travail d'application locale, émanant des organes de la Polynésie française régissent ces agents de l'État non titulaires et ce, malgré l'affirmation de la loi organique qui paraît englober, au nombre des compétences exclusives de l'État, les règles à eux applicables et en dépit, réciproquement, de ce que l'article L. 1111-2 du code du travail applicable en Polynésie française et issu de la loi du pays n° 2011-15 du 4 mai 2011 relative à la codification du code du travail ( J.O.P.F. n° 27NS du 4 mai 2011, p. 938) ait également exclu du champ de la compétence du code du travail les « fonctionnaires et agents non titulaires relevant d'un statut de droit public ».

Il est donc permis de s'interroger sur la compétence des autorités de la Polynésie française pour déterminer et faire application des règles du code du travail applicable en Polynésie française à des agents non titulaires de l'État en exercice au sein de cette collectivité territoriale, interrogation à laquelle ni la consultation de « Legifrance », ni celle de son homologue polynésien « Lexpol », ne permettent de répondre.

En conclusion, la légistique, cet art difficile, est impérieux pour les collectivités territoriales ultramarines dès lors qu'elles bénéficient d'une autonomie réelle.

Il sera porté à leur crédit si elles en maîtrisent les arcanes. Liée à l'évolution et aux développements que connaît, sur un plan plus général, notre droit, elle permet de mesurer la capacité d'une société à s'adresser à ses membres, à bâtir un ordonnancement juridique accessible et intelligible et, ainsi, à donner du droit une image à la fois stable et dynamique, permanente et souple, tous qualificatifs souvent difficilement conciliés par les autorités politiques.

Elle apparaît donc bien à leur égard comme un facteur d'exigence porteur d'enjeux.


* 1 « La décentralisation a une valeur démocratique puisqu'elle se ramène à faire gérer le maximum d'affaires par les intéressés eux-mêmes ou par leurs représentants ». G. Vedel, Droit administratif, Paris, PUF, 1961, p. 460.

* 2 M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, Paris, Sirey, 9 ème édition, 1919, p. 175.

* 3 B. Thomas, Les vies d'Alexandre Jacob, Fayard, Paris, 1998, p. 137 et 138. Alexandre Jacob est réputé notamment pour avoir établi un réseau appelé « Les Travailleurs de la nuit » capable d'opérer dans plusieurs localités simultanément, et d'organiser toutes les suites des cambriolages (fuite, revente des objets volés, protection des bandits, etc.).

* 4 R. Carre de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'État, Paris, CNRS Éditions, 1985, 1530 p.

* 5 F. Fournier, Recherche sur la décentralisation dans l'oeuvre de Maurice Hauriou, LGDJ, 2005, 656 p.

* 6 Loi constitutionnelle n° 2003-276 relative à l'organisation décentralisée, JORF, 29 mars 2003, p. 5568.

* 7 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF, 17 août 2004, p. 14545.

* 8 http://www.senat.fr/ct/ct04-03/ct04-030.html#toc0.

* 9 H. Kelsen, Théorie générale du droit et de l'État, Paris et Bruxelles, LGDJ et Bruylant, 1997, p. 355.

* 10 Statut d'autonomie et titre XIII.

* 11 Le président de la République a affirmé que « les régions se verront confier un pouvoir réglementaire local d'adaptation », ce qu'avait déjà annoncé le Premier ministre Jean-Marc Ayrault lors de l'adoption du Pacte d'avenir pour la Bretagne, en décembre à Rennes. Il s'agit de « donner encore plus de libertés aux élus pour travailler », selon lui.

* 12 V. G. Bigot, L'administration française, politique, droit, société, 1789-1870, Lexis-Nexis, 400 p.

* 13 N. Foulquier, Maurice Hauriou, constitutionnaliste, jus politicum, n° 2, 2009, p. 8.

* 14 Cons. Constit., décision n° 79-104 du 23 mai 1979, Territoire de Nouvelle-Calédonie ; Cons. Constit. Décision n° 82-137 du 25 février 1982, Décentralisation).

* 15 M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2 ème édition, 1929, p. 625.

* 16 C. Bacoyannis, principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, Economica, PUAM, 1993.

* 17 J. Barthélémy, Les tendances de la législation sur l'organisation administrative depuis un quart de siècle, RDP, 1909, pp. 150-151.

* 18 V. M. Bourjol, Jurisclasseur Collectivités locales, Constitution, n° 46.

* 19 V. note L. Favoreu, La problématique constitutionnelle des projets de réforme des collectivités territoriales, RFDA, 1990, p. 400 ; M. Bourjol et S. Bodart, Droit et libertés des collectivités territoriales, Masson, 1984, pp. 34-35.

* 20 C. Bacoyannis, op. cit. p. 100.

* 21 Le Conseil constitutionnel a veillé au respect de ces prérogatives de l'État (décision n° 82-137 DC du 25 février 1982).

* 22 Décision n° 85-196 DC du 8 août 1985 et n° 87-241 du 19 janvier 1988.

* 23 Décisions n° 83-168 DC du 20 janvier 1984 et n° 98-407 DC du 15 janvier 1998 ; décision n° 95-358 DC du 26 janvier 1995.

* 24 Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993.

* 25 Décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990.

* 26 Décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991 ; Décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991 ; Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998.

* 27 A. Roux & L. Favoreu, op. cit. p. 6.

* 28 E. Gaziaux, L'autonomie en morale : au croisement de la philosophie et de la théologie, Presse universitaire de Louvain, 1998, p. 360.

* 29 V. Ch. Roig, Théorie et réalité de la décentralisation, Revue française de science politique, 16 ème année, n° 3, 1966, p. 447.

* 30 O. Guichard, Vivre ensemble, Rapport de la Commission de développement des responsabilités locales, Paris, La documentation française, 1976, t. 1, « Rapport », 432 p.

* 31 G. Protiere, La puissance territoriale : contribution à l'étude du droit constitutionnel local, Thèse, 30 juin 2006, Lyon II, 544 p.

* 32 B. Constant, Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la Constitution actuelle de la France (1815), in M. Gauchet, De la liberté chez les modernes : écrits politiques, Paris, Hachette, Pluriel, 1980, p. 263.

* 33 G. Bacot, L'apport de Tocqueville aux idées décentralisatrices, in L. Guellec, Tocqueville et l'esprit de la démocratie, Presses de Sciences Po, 2005, p. 208.

* 34 M. Hauriou, op. cit. p. 171.

* 35 Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, JORF n° 175 du 30 juillet 2004, p. 13561.

* 36 M-J Redor (dir.), L'ordre public : Ordre public ou ordres publics. Ordre public et droits fondamentaux, Actes du colloque de Caen des jeudi 11 et vendredi 12 mai 2000, Bruylant, 2001, 415 p., et principalement les articles de Étienne Picard, « Introduction générale : la fonction de l'ordre public dans l'ordre juridique », pp. 17 à 61 et Jean-Manuel Larralde, « La constitutionnalisation de l'ordre public », pp. 213 et s.

* 37 À titre d'exemple, l'article 73 de la Constitution.

* 38 L'article 2 de ladite Charte, intitulé Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale, dispose que : « Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution ».

* 39 À ce propos, Alain Delcamp la définit comme « un élan plus qu'un carcan », in La Décentralisation française vue d'Europe. La France et la Charte européenne de l'autonomie locale, colloque organisé sous le haut patronage de M. Christian Poncelet, Président du Sénat, et du Conseil d'Europe, Paris, Palais du Luxembourg, 26 juin 2001, Sénat, p. 20.

* 40 JM Auby, Jean-Marie Auby, in J. Moreau et G. d'Arcy, La libre Administration des collectivités locales. Réflexion sur la décentralisation, Economica, Presse universitaire d'Aix-Marseille, 1984, p. 93.

* 41 L. Ngomo Tsimi, L'autonomie administrative et financière des collectivités territoriales décentralisées : l'exemple du Cameroun , Thèse, septembre 2010, Université Paris-Est, p. 7.

* 42 M. Joyau, De l'autonomie des collectivités territoriales françaises. Essai sur la liberté du pouvoir normatif local , (Préface de Jean-Yves Vincent), Bibliothèque de Droit Public, tome 198, p. 1.

* 43 Ch. Eisenmann, Centralisation et Décentralisation. Esquisse d'une théorie générale, Paris, LGDJ, 1948.

* 44 J. Thalineau, Essai sur la centralisation et la décentralisation : réflexions à partir de la théorie de Charles Einsenman, Thèse, 21 février 1994, p. 11 et p. 34 et s.

* 45 Ch. Einsenmann, Centralisation - décentralisation, Dalloz, 1948, p. 8.

* 46 M. Bourjol, Libre administration et statut de la fonction publique locale, Actes du colloque d'Angers, Cahiers du C.F.P.C., n° 13, octobre 1983, p. V.

* 47 M. Troper, Système juridique et État, Archives de philosophie du droit, tome 31, Sirey, 1986, p. 41.

* 48 B. Faure, Le pouvoir réglementaire des collectivités locales, Thèse dactylographiée, Université de Pau et des Pays de l'Adour, 1992, p. 7.

* 49 M. Waline, Droit administratif, 8 ème édition, Sirey, 1958, p. 266.

* 50 Loi organique n° 2003-704 du 1 er août 2003 relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales, J.O.R.F., 2 août 2003, p. 13217.

* 51 L. Dauphin, Collectivités territoriales et expérimentation, Thèse, Université de Limoges, 4 décembre 2008, p. 191.

* 52 V. Jacqueline Montain-Domenach, La reconnaissance d'un pouvoir normatif régional : entre utopie et principe de réalité, Pouvoirs locaux, n°86/2010, p. 54 et s.

* 53 Commissariat Général du Plan, Regards prospectifs sur l'État stratège, La documentation française, 2004, 208 p.

* 54 P. Mauroy, Refonder l'action publique locale, Rapport au Premier ministre, La Documentation française, 2000, p. 20.

* 55 Premier Ministre, La stratégie d'organisation à cinq ans de l'administration territoriale de l'État, juin 2013, p. 22.

* 56 V. Institut de la Gestion Publique et du Développement Économique, 25 ans de la réforme de la gestion publique dans les pays de l'OCDE : convergence et systémique, mai 2006, p. 11.

* 57 Sénat, Rapport d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République, 8 octobre 2013, p. 38.

* 58 Cité par G. Koubi, À mi-chemin entre État centralisé et État régionalisé... "Bribes" - (re)lecture d'un rapport de février 2006..., Droit des collectivités territoriales, 19 janvier 2009.

* 59 Pasquier, R. ; Simoulin, V. ; Weisbein, J., 2007, La gouvernance territoriale : pratiques, discours et théories , LGDJ ; Voir aussi, Daniel, J., 2012, « La gouvernance territoriale aux Antilles et en Guyane : indétermination d'une notion, transformation de l'action publique », in, Elfort, M. ; Roux, V., 2012, La gouvernance territoriale dans les régions et départements français d'Amérique , PUAM, p. 13.

* 60 Delblond, A., 2012, « Autonomie locale et gouvernance territoriale outre-mer », in, Elfort, M. ; Roux, V., 2012, La gouvernance territoriale dans les régions et départements français d'Amérique , PUAM, p. 151.

* 61 Moreau-Desfarges, Ph., 2010, La gouvernance , PUF.

* 62 Krugman, P., 1998, L'économie auto organisatrice , Collection Balises, De Boeck Université.

* 63 Résolution n° 2 sur la gouvernance territoriale : renforcement des capacités d'intervention par une meilleure coordination, adoptée à la 14 e session de la Conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire (CEMAT) des États membres du Conseil de l'Europe, à Lisbonne (Portugal), le 27 octobre 2006.

* 64 L'accord de Cotonou entre l'Union européenne et les États d'Afrique, Caraïbes et pacifique (ACP) a été signé le 23 juin 2000 dans la capitale du Bénin.

* 65 Il a par exemple été beaucoup question de « l'autonomie des universités » au moment du vote de la loi LRU, sans que n'ait été véritablement défini ce concept d'autonomie.

* 66 Le Lidec, P., 2007, « Le jeu du compromis : l'État et les collectivités territoriales dans la décentralisation en France », Revue française d'administration publique 1/2007 (n° 121-122), p. 111-130.

* 67 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 68 Dictionnaire, Petit Larousse.

* 69 Dictionnaire, Petit Robert.

* 70 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.

* 71 Le principe est posé par l'article 72 alinéa 3 de la Constitution : « dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ». De même, l'article 34 de la Constitution précise que « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ». Enfin, le principe de libre administration a reçu une pleine valeur juridique avec la décision du Conseil constitutionnel n° 79-104 DC du 23 mai 1979 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 72 Delblond, A., 2012, « Autonomie locale et gouvernance territoriale outre-mer », in, Elfort, M. ; Roux, V., 2012, La gouvernance territoriale dans les régions et départements français d'Amérique , PUAM, p. 151.

* 73 Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

* 74 Clinchamps, N., 2012, « Le Conseil constitutionnel face à l'autonomie de la Nouvelle-Calédonie », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel n° 35 (Dossier : la Constitution et l'outre-mer) - avril 2012.

* 75 Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

* 76 Stirn, B., 2011, Les sources constitutionnelles du droit administratif, introduction au droit public , LGDJ, p. 166.

* 77 Philip, L., 2002, « L'autonomie financière des collectivités territoriales », Cahiers du Conseil constitutionnel n°12 (Dossier : le droit constitutionnel des collectivités territoriales) - mai 2002 ; Philip, L., 2000, « Le pouvoir fiscal local bénéficie-t-il d'une protection constitutionnelle ? », Pouvoirs locaux , n° 46, sept. 2000.

* 78 Million-Delsol, Ch., 1993, Le principe de subsidiarité , PUF, QSJ.

* 79 Chevrier, S. ; Pellissier-Tanon, A., 1999, « La subsidiarité, une forme d'autonomie alternative à la décentralisation ? », Communication au 10° congrès de l'AGRH, « La GRH, contrôle ou autonomie ? », septembre 1999, Actes du 10° congrès de l'AGRH, tome 1, pp. 325-334.

* 80 Aristote, Politique , I, 2, 1252b et s., Vrin.

* 81 Saint Thomas d'Aquin, Somme de théologie, IIa-IIae, q. 58, a. 1. 39, CERF.

* 82 Rerum Novarum , 15 mai 1891.

* 83 Quadragesimo Anno , 15 mai 1931.

* 84 La racine du mot subsidiarité est le latin subsidiarius : subsidiarius, a, um ( subsidium ), qui forme la réserve / subsidiarii, orum , m, troupes de réserve ; subsidior, ari ( subsidium ), int, former la réserve ; subsidium, ii , n ( subsido ), 1. ligne de réserve (dans l'ordre de bataille) / réserve, troupes de réserve / 2. [d'où] soutien, renfort, secours, integros subsidio adducere : amener des troupes fraîches comme renfort / 3. [fig.] aide, appui, soutien, assistance / moyen de remédier, ressources, arme, subsidia ad omnes casus comparare : se ménager des moyens de parer à toute éventualité, des ressources pour toute éventualité / 4. lieu de refuge, asile. (Félix Gaffiot, Dictionnaire abrégé Latin-Français illustré , Paris : Hachette, 1963, p. 619).

* 85 On a pu parler de « mille-feuille administratif », ou de « mille-feuille territorial ».

* 86 Balladur, E., 2009, Comité pour la réforme des collectivités locales - « Il est temps de décider » - Rapport au Président de la République, La documentation française.

* 87 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales ; Rapport n° 169 (2009-2010) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 décembre 2009, « Projet de loi de réforme des collectivités territoriales ».

* 88 Rapport n° 169 (2009-2010) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 décembre 2009, « Projet de loi de réforme des collectivités territoriales ».

* 89 Rapport public annuel de la Cour des comptes - 2013, La documentation française.

* 90 Source ADCF, Assemblée des Communautés de France ; www.adcf.org.

* 91 Jos, E., 2011, « l'article 73 de la constitution et la diversité des statuts », Colloque, Les collectivités françaises situées outre-mer à l'épreuve des évolutions statutaires et de la réforme territoriale, Mercredi 9 février 2011, Palais du Luxembourg, organisé par le CRPLC (Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe).

* 92 Goujon, M. ; Hermet, F., 2011, « L'indice de développement humain : une évaluation pour Mayotte », WP CEMOI n°10.

* 93 CEROM, 2010, « Mutations et évolutions de l'économie mahoraise à la veille de la départementalisation », n° 1, novembre ; IEDOM, 2010, Mayotte : Rapport Annuel .

* 94 Bachelard (G.), La psychanalyse du feu . Paris, Les Éditions Gallimard, 1992, 192 p, p.11.

* 95 Ibid.

* 96 Montecler (M.-C. de), « Clause générale de compétence, acte III », A.J.D.A. , 2014, p. 884 ; Pontier (J-M.), « Fluctuat et mergimus », A.J.D.A., 2014, p. 305 ; Poupeau (D.), « Manuel Valls veut réduire de moitié le nombre de régions et supprimer les conseils départementaux », A.J.D.A. , 2014, p. 765.

* 97 Article 1 er de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, J.O.R.F. , n°0023, 28 janvier 2014, p. 1562. Sur ce point, voir notamment : Brisson (J-F.), « Clarification des compétences et coordination des acteurs », A.J.D.A. , 2014, p. 605 ; Pontier (J.-M.), « Le vrai faux retour de la clause de compétence générale », J.C.P. édition Administrations et Collectivités territoriales , n° 8, 24 février 2014, 2047.

* 98 Article 73 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, ( J.O.R.F. , n°0292, 17 décembre 2010, p. 22146). Cette disposition ne devait entrer en vigueur qu'à compter du 1 er janvier 2015. Sur ce point, voir, notamment : Faure (B.), « La nouvelle compétence générale des départements et des régions », R.F.D.A., 2011, p. 240 ; Guilloud (L.), « Établissement public de coopération intercommunale et collectivité territoriale : une distinction en voie d'extinction ? », in Aubelle (V.) et Monjal (P-Y.), La France Intercommunale : Regards sur la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, Paris, L'Harmattan, 2013, pp. 167 et s. ; Janicot (L.), « Les collectivités territoriales, une définition doctrinale menacée ? », R.F.D.A., 2011 p. 227 ; Pontier (J-M.), « Requiem pour une clause générale de compétence ? », J.C.P. édition Administrations et Collectivités territoriales , 2011, no 2015 ; « Mort ou survie de la clause générale de compétence ? », B.J.C.L., 2011, p. 11.

* 99 Loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale, J.O. du 6 avril 1884, p. 1557 ; D. 1884, IV, pp. 25 et s. Ces dispositions étaient applicables à la Guyane, la Martinique et La Réunion en application de l'article 165 de la loi.

* 100 Par l'article 23 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ( J.O.R.F. , 3 mars 1983, p. 730.).

* 101 La formule figurait à l'article 6 de la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 Portant création et organisation des régions ( J.O.R.F. , 9 juillet 1972, p. 7176).

* 102 Elle figure également sous une forme légèrement différente à l'alinéa 1 de l'article L. 1111-2 du C.G.C.T. - issu de l'article 1 er de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État ( J.O.R.F. , 9 janvier 1983, p. 215) - qui dispose : « Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence. »

* 103 L'article L. 2121-29 du C.G.C.T. est applicable aux communes des départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion (Article L. 2561-1 du C.G.C.T.), de Mayotte (Article L. 2564-1 du C.G.C.T.), de Saint-Pierre-et-Miquelon (Article L. 2571 du C.G.C.T.) et de Polynésie française (Article L. 2573-5 du C.G.C.T.). Une disposition similaire figure à l'article L. 112-25 alinéa 1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie en vertu duquel « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ».

* 104 L'article L. 3211-1 du C.G.C.T. est applicable aux départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion (Article L.3441-1 du C.G.C.T.).

* 105 L'article L. 4221-1 du C.G.C.T. est applicable aux régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion (Article L. 4431-1 du C.G.C.T.).

* 106 Article L.O. 3511-1 du C.G.C.T.

* 107 Article L. 7111-1 du C.G.C.T.

* 108 Article L. 7211-1 du C.G.C.T.

* 109 Article L.O. 6414-1 du C.G.C.T.

* 110 Article L.O. 6314-1 du C.G.C.T.

* 111 Article L.O. 6214-1 du C.G.C.T.

* 112 Caillosse (J.), « La «complexité» pour que rien ne change ? », Pouvoirs locaux , n° 68, 2006, p. 38. Pour un exemple récent, lors des travaux préparatoires à l'adoption de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles : « En effet, je ne suis pas persuadé que l'on améliore la lisibilité en rétablissant la clause de compétence générale, puis en désignant un chef de file. Qu'est-ce qui prévaudra : la clause de compétence générale, qui permet de tout faire, de s'occuper de tout, ou le chef de file, qui se concentre sur une action précise ? », M. Louis Nègre, Sénat, J.O.R.F. , 1 er juin 2013, n° 64 S (C.R.), Session ordinaire de 2012-2013, compte rendu intégral, séance du vendredi 31 mai 2013, p. 5135.

* 113 C.E., 29 juin 2001, commune de Mons-en-Baroeul, req. n°193716.

* 114 Voir les définitions données par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales du nom « autonomie » et de l'adjectif « autonome ». [http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/autonomie], [http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/Autonome], (10 avril 2014).

* 115 Auby (J-B.), « La libre administration des collectivités locales : un principe à repenser », in Quel avenir pour l'autonomie des collectivités locales, Entretiens de la Caisse des dépôts sur le développement local , Paris, Ed. de l'Aube / SECPB, C.N.R.S, G.R.A.L.E, 1999, 423 p., p.87. Cadoux (C.), « Le concept d'autonomie en France (Théorie et pratique) », R.S.A.M.O., décembre 1989, p. 208

* 116 Charte européenne de l'autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985. La Charte européenne de l'autonomie locale a été approuvée par la loi n°2006-823 du 10 juillet 2006 autorisant l'approbation de la charte européenne de l'autonomie locale adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985 ( J.O.R.F. , 10 juillet 2006, p. 10335) et publiée par le décret n° 2007-679 du 3 mai 2007 portant publication de la Charte européenne de l'autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985 ( J.O.R.F. , 5 mai 2007, p. 7932). Elle est entrée en vigueur le 1 er mai 2007.

* 117 Voir les différentes facettes de l'autonomie locale telles qu'elles résultent de la Charte de l'autonomie locale. Cf. aussi : Auby (J.-B.), loc. cit.

* 118 On distingue à cette époque cinq catégories de délibérations des conseils municipaux : les délibérations règlementaires ou décisions, les délibérations sous condition d'autorisation, Les avis et les réclamations. Sur ce point, cf., par exemple, Marcère (E. de), Rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner les propositions de loi municipale, Séance du 19 décembre 1882, J.O. documents parlementaires (Chambre, Annexe n° 1547), janvier 1883, pp. 2657 et s., p. 2661.

* 119 Sur les relations ambivalentes entre la revendication d'autonomie locale et l'expression « affaires locales », voir, notamment : Burdeau (F.), « Affaires locales et décentralisation : l'évolution d'un couple de la fin de l'Ancien Régime à la Restauration », in Le pouvoir : mélanges offerts à Georges Burdeau, Paris, L.G.D.J., 1977, 1190 p., pp. 765-788.

* 120 Moreau (F.), Le règlement administratif : étude théorique et pratique de droit public français, Paris, A. Fontemoing, 1902, p. 470. Il reconnaît un statut comparable au conseil général sur le fondement de l'article 48 5° de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux (D., 1871, IV., p. 102) : « Le Conseil général doit être considéré comme l'autorité principale, normale, dans le département. La loi du 10 août 1871 est moins nette que la loi du 5 avril 1884. Néanmoins elle appelle le Conseil général à délibérer « généralement sur tous les objets d'intérêt départemental », et « il est saisi soit par une proposition du préfet, soit sur l'initiative d'un de ses membres » (art. 48 in fine). Cette règle, moins solennelle en la forme que celle donnée pour le Conseil municipal par la loi du 5 avril 1884 (art. 61) est au fond équivalente ; elle investit le Conseil général d'un pouvoir général, embrassant toutes les affaires départementales » . Id ., p. 457.

* 121 « Jusqu'ici les communes, ou plutôt les conseils municipaux, organes des communes, n'ont eu à proprement parler qu'un pouvoir consultatif, puisque l'autorité préfectorale reste toujours maîtresse d'arrêter les effets de leurs délibérations. Il est vrai que, tandis que certaines de ces délibérations doivent être approuvées expressément, d'autres, celles qui ont pour objet les mesures d'administration pure ou de peu d'importance, deviennent exécutoires par cela seul que le préfet ne les a pas annulées dans un certain délai (loi du 18 juillet 1837, art. 18). Dans la pratique, il est très rare, presque exceptionnel aujourd'hui, que le préfet s'oppose à l'exécution de ces dernières délibérations. Mais cette pratique favorable ne constitue pas un droit pour les communes. Elle entraîne dans tous les cas des retards et des complications aussi gênantes qu'inutiles. La loi que nous vous proposons donne satisfaction aux réclamations depuis longtemps élevées contre ce système. Elle pose en principe que les conseils municipaux ont un pouvoir de décision propre, et que leurs délibérations sont en conséquence, et en règle générale, exécutoires par elles-mêmes et dès qu'elles ont été prises. [...] On parle de la nécessité de l'intervention de l'autorité supérieure, en vue d'empêcher un conseil municipal, organe de la majorité des électeurs, d'opprimer la minorité, ou de sacrifier trop légèrement à l'intérêt général ou même à un intérêt de parti, les intérêts privés. Mais si l'on admet cette ingérence de l'autorité supérieure en vue de protéger les intérêts particuliers, c'en est fait de l'autonomie communale, et on retombe forcément dans le système actuel. » Jozon cité in Morgand (L.), La loi municipale : commentaire de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation et les attributions des conseils municipaux, tome 1, Organisation, Paris, Librairie administrative de Berger-Levrault et Cie, 1884, p. 325.

* 122 « Dans la loi du 18 juillet 1837, les délibérations ayant en elles-mêmes force exécutoire, forment la très minime exception. [...] En définitive, le conseil n'avait guère qu'un droit d'initiative, la décision appartenait au préfet. La loi du 24 juillet 1867 avait élargi le cercle de leur action ; mais encore, elle imposait aux délibérations, pour qu'elles fussent exécutoires, l'accord entre le maire et le conseil, et, en l'absence de cet accord, l'approbation préfectorale devenait nécessaire. C'était mettre le droit de la commune à la merci des maires, et, à cette époque, les maires étaient nommés par le pouvoir central et pouvaient être pris en dehors du conseil. Une loi libérale ne peut maintenir les communes dans cet état de dépendance : la loi actuelle contient sur ce point des modifications capitales à la législation existante. Premièrement le droit absolu de délibérer sur les affaires communales devient la règle, et il n'est fait d'énumération des objets dont les conseils peuvent avoir à s'occuper que pour les exceptions, c'est-à-dire pour les cas où l'autorisation préfectorale est exigée. En dehors de ces cas, restreints au strict nécessaire, la compétence et le droit de décision du conseil sont entiers. La loi nouvelle enlève également le droit de veto que la loi de 1867 avait conférée au maire, lequel redevient ce qu'il doit être : l'exécuteur des décisions du conseil municipal et non leur juge ». Marcère (E. de), Rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner les propositions de loi municipale, séance du 19 décembre 1882, J.O. documents parlementaires (Chambre, Annexe n° 1547), janvier 1883, pp. 2657 et s., p. 2661.

* 123 Voir, par exemple : Morgand (L.), loc. cit.

* 124 Maspetiol (R.) et Laroque (P.), La tutelle administrative , Paris, Sirey, 1930, p. 199.

* 125 Ce dernier disposait que : « Le conseil général délibère : [...] 5° Sur tous les autres objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements, et généralement sur tous les objets d'intérêt départemental dont il est saisi, soit par une proposition du préfet, soit sur l'initiative d'un de ses membres ».

* 126 Berthelemy (H.), Traité élémentaire de droit administratif , Paris, Rousseau, 1933, p. 231. Pour un aperçu plus exhaustif des services créés, cf. notamment Rouault (M-C.), L'intérêt communal , Lille, Presses universitaires de Lille, 1991, pp. 336 et s.

* 127 Hauriou (M.), « Note sous C.E., 1 er février 1901, Descroix et autres boulangers, S., 1901, III., p. 41. », in Notes d'arrêts sur décisions du Conseil d'État et du tribunal des conflits publiées au recueil Sirey de 1892 à 1928 par Maurice Hauriou réunies et classées par André Hauriou, tome 1, Paris, Éditions La Mémoire du Droit, 2000, p. 159.

* 128 Rivet, « Conclusions sur C.E. 11 juin 1926, Raynaud c/ Ville de Châtellerault », D.P. , 1927, III., pp. 43 et s.

* 129 Maspetiol (R.), Laroque (P.), op. cit. , p. 72.

* 130 Bonnard (R.), Précis de droit administratif , Paris, Sirey, 1935, pp. 277 et s.

* 131 Hauriou (M.), loc. cit.

* 132 Bonnard (R.), loc. cit.

* 133 Maspetiol (R.), Laroque (P.), loc. cit.

* 134 Bonnard (R.), loc. cit.

* 135 Douence (J-C.), « La spécialité des personnes publiques en droit administratif français », R.D.P. , 1972, p. 753, p. 771 ; Douence (J-C.), « Réflexions sur la vocation générale des collectivités locales à agir dans l'intérêt public local », in Quel avenir pour l'autonomie des collectivités locales, Entretiens de la Caisse des dépôts sur le développement local , Paris, Ed. de l'Aube / SECPB, C.N.R.S, G.R.A.L.E, 1999, 423 p., p. 317.

* 136 Sur la clause générale de compétence comme capacité d'initiative, cf. : Guichard (O.) / Commission de développement des responsabilités locales, Vivre ensemble, Rapport de la Commission de développement des responsabilités locales , Paris, La documentation française, 1976, p. 183. Cf. aussi : Auby (J-B.), « Innovation, légalité et management public », Politiques et management publics , 1993, n° 4, pp. 147-157 ; Caillosse (J.), « Repenser les responsabilités locales. Du débat sur la « clarification des compétences » et la « Clause générale de compétence » à celui d'un changement de modèle territorial », Les Cahiers de l'institut de la Décentralisation , n° 8, II, 2006 ; Douence (J-C.), « La clause générale de compétence aujourd'hui », Pouvoirs locaux , n°68, I/2006, pp. 47-52. ; Faure (B.), Le pouvoir réglementaire des collectivités locales , Paris, L.G.D.J, 1998, pp. 69-70 ; Pontier (J-M.), « Semper Manet. Sur une clause générale de compétence », R.D.P. , 1984, p. 1443, p.1471 ; Pontier (J-M.), « Nouvelles observations sur la clause générale de compétence », in La profondeur du droit local. Mélanges en l'honneur de Jean-Claude Douence , Paris, Dalloz, 2006, 501 p., p. 365, p. 394.

* 137 Douence (J.-C.), « La clause générale de compétence aujourd'hui », loc. cit.

* 138 Ainsi, par exemple, lors des débats qui ont présidé à l'adoption de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles : « Supprimer la clause générale de compétences impliquerait de faire la liste de toutes les compétences existantes. Or on en oubliera toujours ! ». M. Bruno Sido, Sénat, J.O.R.F. , 3 octobre 2013, n°101 S (C.R.), Session ordinaire de 2013-2014, Compte rendu intégral, Séance du mercredi 2 octobre 2013.

* 139 Pontier (J.-M.), « Nouvelles observations sur la clause générale de compétence », loc. cit.

* 140 Benoit (F.-P.), « L'évolution des affaires locales. De la décentralisation des autorités à la décentralisation des compétences », in La profondeur du droit local. Mélanges en l'honneur de Jean-Claude Douence , Paris, Dalloz, 2006, 501 p., pp. 23-44.

* 141 Caillosse (J.), « Repenser les responsabilités locales. Du débat sur la « clarification des compétences » et la « Clause générale de compétence » à celui d'un changement de modèle territorial », loc. cit.

* 142 Chapuisat (L.-J.), « Les affaires communales », A.J.D.A. , 1976, pp. 470-478, p. 473.

* 143 Chapuisat (J.), « Libertés locales et libertés publiques », A.J.D.A. , 1982, pp. 349-356, p. 352.

* 144 Auby (J.-B.), loc. cit.

* 145 Ibid.

* 146 « Considérant que la bonne desserte aérienne de la Polynésie française, indispensable à ses relations avec le reste du monde et à son développement, constitue un intérêt public local ; qu'en jugeant que l'intérêt public ne pouvait s'apprécier au regard des besoins futurs du développement touristique et que seule l'insuffisance de l'initiative privée était susceptible de justifier les délibérations litigieuses, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; » C.E., 18 mai 2005, Territoire de la Polynésie française, req. n°254199.

* 147 Pour une présentation synthétique de ces débats, voir, notamment, Rouault (M.-C.), « Compétences des collectivités territoriales et intérêt public local », JurisClasseur Collectivités territoriales , Fascicule 652.

* 148 Douence (J.-C.), « La spécialité des personnes publiques en droit administratif français », loc. cit.

* 149 Douence (J.-C.), « La clause générale de compétence aujourd'hui », loc. cit.

* 150 Laubadère (A. de), « Vicissitudes actuelles d'une distinction classique : établissement public et collectivité territoriale, A propos des groupements de collectivités territoriales », in Mélanges offerts à Paul Couzinet , Université des Sciences sociales de Toulouse, 1974, pp. 411-560, pp. 411-413 ; Pontier (J.-M.), « Semper Manet. Sur une clause générale de compétence », loc. cit. ; Douence (J.-C.), « la région : collectivité à vocation générale ou spécialisée ? », R.F.D.A. , 1986, pp. 539-554, p. 552 ; Douence (J.-C.), loc. cit.

* 151 Amagat (A.-L.), Séance du 30 juin 1883, Chambre des députés, J.O. Débats parlementaires du 1 er juillet 1883, pp. 1522-1523.

* 152 Pour une analyse plus exhaustive de la jurisprudence en la matière, cf. notamment : Douence (J.-C.), « La notion de service public local », Encyclopédie Dalloz. Collectivités locales ; Douence (J.-C.), « La création et la suppression des services publics locaux », Encyclopédie Dalloz. Collectivités locales. Voir aussi Schwartz (R.), « Conclusions sur C.E., Section, 26 juillet 1995, Commune de Villeneuve-d'Ascq », A.J.D.A. , 1995, pp. 834 -837.

* 153 Rivet, « Conclusions sur C.E. 11 juin 1926, Raynaud c/ Ville de Châtellerault », précitées .

* 154 Sur ce point, voir, par exemple, C.E., 23 octobre 1989, Commune de Pierrefitte-sur-Seine, Commune de Saint-Ouen et Commune de Romainville, req. n° 93331, 93847, 93885.

* 155 Sur ce point, voir la jurisprudence en matière d'aide des collectivités territoriales aux grévistes ou aux familles de grévistes et, notamment : C.E., 20 novembre 1985, Commune d'Aigues-Mortes, Rec., p. 330.et C.E., 11 octobre 1989, Commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône, Rec. , p. 184.

* 156 Ce qui n'est pas le cas de la Polynésie française. Dans la décision Ministre de l'Outre-mer contre Gouvernement de Polynésie française , le Conseil d'État a estimé que l'octroi dans l'intérêt général de certaines subventions à des activités ou des équipements dépendant des cultes n'était pas interdit C.E., 16 mars 2005, Ministre de l'Outre-mer c/ Gouvernement de Polynésie française , req. n o 265560, Rec., p. 108.

* 157 C.E., Section, 9 octobre 1992, Commune de Saint-Louis de La Réunion c/ Association « Siva Soupramanien de Saint-Louis », req. n o 94455, Rec., p. 803.

* 158 C.E., 13 mars 1985, Ville de Cayenne, req. n os 19321 et 19322, Rec., p. 76.

* 159 Maspetiol (R.), Laroque (P.), loc. cit.

* 160 Bonnard (R.), loc. cit. F.Moreau développe une analyse comparable : « Cette théorie légale suppose que certaines questions sont, pour ainsi dire, de nature départementale ; décision fort importante, puisque « tout acte et toute délibération d'un Conseil général relatifs à des objets qui ne sont pas légalement compris dans ses attributions sont nuls et de nul effet » (art. 33). Le catalogue de ces affaires n'est donné par aucun texte. L'appréciation sur ce point est faite par le chef de l'État : « la nullité est prononcée par un décret rendu dans la forme des règlements d'administration publique » (Ibid.). En outre, le juge auquel l'application du règlement est demandée doit l'écarter comme illégal et nul. Le recours au Conseil d'État n'est pas possible, la nullité proclamée par la loi n'a pas à être prononcée. » Moreau (F.), loc. cit. , p. 457.

* 161 Eisenmann (C.), Centralisation et décentralisation. Esquisse d'une théorie générale , Paris, L.G.D.J., 1948, 330 p.

* 162 Caillosse (J.), « Ce que les juristes appellent « décentralisation ». Notes sur l'évolution du droit français de la décentralisation à la lumière des travaux de Charles Eisenmann », in La profondeur du droit local. Mélanges en l'honneur de Jean-Claude Douence , Paris, Dalloz, 2006, p. 71.

* 163 Conseil d'État, De la sécurité juridique, Rapport public 1991, La Documentation française, études et documents n° 43, 1992 ; Conseil d'État, Sécurité juridique et complexité du droit, Rapport public 2006, La Documentation française, études et documents n° 57, 2006 ; Bergeal (C.), Savoir rédiger un texte normatif, Berger-Levrault, 2012, 7 ème éd. ; Drago (R.), (ss dir.), La confection de la loi : Cahiers des sciences morales et politiques, PUF, 2005 ; Fournier (J.), Le travail gouvernemental, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques et Dalloz, 1987 ; Lasserre (B.), Pour une meilleure qualité de la réglementation, La Documentation française, Paris, 2004, 47 p. ; Latournerie (D.), La qualité de la règle de droit : l'influence des circuits administratifs de son élaboration, Rev.adm., 1981, p.581-595 ; Mandelkern (D.), La qualité de la réglementation, La Documentation française, bibliothèque des rapports publics, Paris, 2002 ; Maynial (P.), Le droit du côté de la vie, Réflexions sur la fonction de l'État, Rapport au Premier ministre, La Documentation française, coll. des rapports officiels, Paris, 1997 ; PY (R.), Le Secrétariat général du gouvernement, La Documentation française, Notes et études documentaires, n° 4779, Paris, 1985 ; Remy (D.), Légistique, l'art de faire les lois, Romillat, coll. Pratique du droit, 1994.

* 164 CC n° 98-401 DC du 10 juin 1998 ; CC n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004.

* 165 CE Ass., 24 mars 2006, société KPMG et autres.

* 166 CC n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 ; Jennequin (A.), L'intelligibilité de la norme dans les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, RFDA, 2009, p. 913.

* 167 Cf. circulaire n° 5281/SG du 29 février 2008 relative à l'application des lois (J.O. du 7 mars 2008) ; circulaire du 13 septembre 2010 relative au moratoire sur l'adoption de nouvelles normes concernant les collectivités territoriales-implications sur la procédure d'élaboration des textes réglementaires ; circulaire n° 5512/SG du 17 février 2011 relative à la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales (J.O. 18 février 2011) ; circulaire du 27 mars 2013 relative à la codification ; circulaire du 2 avril 2013 relative à l'interprétation facilitatrice des normes ; circulaire du 2 juillet 2013 relative à la simplification des textes du secteur de la construction et de l'aménagement ; circulaire du 17 juillet 2013 relative à la simplification administrative ; circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en oeuvre du gel de la réglementation ; pour des exemples d'études sur des textes ou des techniques de rédaction : Richard (J.), Droit souple : pour une doctrine de recours et d'emploi, Recueil Dalloz, 2013, p. 2512 ; Peres (C.), L'article 6-1 du code civil, heurs et malheurs du titre préliminaire, Recueil Dalloz, 2013, p. 1370 ; Jean-Pierre (D.), Le projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires : un peu de moralisation, beaucoup de précipitation, La Semaine juridique-Administrations et collectivités territoriales, n° 31, 29 juillet 2013, act.665 ; Billet (P.), Le droit de l'environnement et la modernisation de l'économie, Environnement, n° 10, octobre 2008, alerte 59.

* 168 Rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, DGCL, 2010.

* 169 Reste donc hors de ce propos l'action portant sur les normes applicables aux collectivités territoriales, qui s'est traduite par l'adoption de la loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 portant création d'un Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

* 170 Janicot (L.), Réflexions sur la notion de compétences propres appliquée aux collectivités territoriales en droit français, AJDA, 2004, p. 1574.

* 171 À propos du rapport du Conseil d'État pour 2013 qui lui est consacré : Pauliat (H.), La consécration du droit souple : insuffisance des règles normatives, renforcement de la qualité du droit ?, La Semaine juridique-Administrations et collectivités territoriales, n° 48, 25 novembre 2013, act. 912 ; pour une approche générale de la notion : Thiebierge (C.), Le droit souple, réflexion sur les textures du droit, RTDC,2003,p.599.

* 172 Ainsi de l'emploi du présent de l'indicatif valant impératif : Le Gars (J.), De la manière de délier l'administration de sa compétence liée, AJDA, 2010, p.406 ou du présent de ce mode, à l'exclusion du futur : Vestur (H.), Grenelle I : une loi « hors norme »..., Environnement n° 2, février 2010, étude 4.

* 173 Rep. QE n° 11970, Sénat, J.O. Sénat, 5 octobre 1995.

* 174 Prendre acte de la décentralisation : pour une rénovation indispensable des contrôles de l'État sur les collectivités territoriales, rapport d'information n° 300, (2011-2012), par M. Jacques Mézard, sénateur, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 25 janvier 2012.

* 175 La Nouvelle-Calédonie étant une collectivité territoriale, bien qu'un titre distinct, le titre XIII, lui soit consacré par la Constitution : CC 3 juillet 2009, n° 2009-587 DC, considérant 4.

* 176 Cet article est intéressant en ce qu'il désigne le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale comme disposant, à titre exclusif, de l'administration : il fait écho à l'article L. 4422-25 alinéa 3 du code général des collectivités territoriales qui fait du président du conseil exécutif de cette collectivité territoriale le « chef des services » de celle-ci, à l'article 63 alinéa 2 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française qui place l'administration de cette collectivité territoriale à disposition de son gouvernement, à l'article 134 alinéa 4 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qui dispose que le président du gouvernement dirige l'administration de cette dernière, à l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales au bénéfice du maire, à l'article L.3221-3 du code général des collectivités territoriales s'agissant du président du conseil général, de l'article L. 4231-33 dudit code, s'agissant du président du conseil régional, aux articles L.O. 6252-3, L.O. 6352-3 et L.O.6462-5 dudit code au profit du président du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que, toutes choses égales par ailleurs, à l'article 2 alinéa 3 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton qui désigne l'administrateur supérieur du premier de ces territoires comme dirigeant ses services et de l'article 8 alinéa 5 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer qui contient une disposition analogue en faveur de leur administrateur supérieur ; il est à relever qu'aucune disposition correspondante n'est prévue en faveur de quelque organe de la Guyane .

* 177 Favoreu (L.), La loi, le règlement et les collectivités territoriales , AJDA, 2002, p.561.

* 178 Verpeaux (M.), L'Outre-mer français depuis 1982 , La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 44, 5 novembre 2012, 2349.

* 179 Sana-Chaille de Nere (S.), Les conflits de normes internes issus du transfert à la Nouvelle-Calédonie de la compétence normative en droit civil , Réflexions sur l'élaboration d'une règle de conflit, Journal du droit international (Clunet) n° 1, janvier 2014, doctr. 2.

* 180 Moysan (H.), La consolidation des codes, lois, décrets : positions doctrinales d'éditeurs ou devoir de l'État ? , La Semaine juridique-édition générale, n° 50, 13 décembre 2006, I 196.

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