Rapport d'information n° 554 (2013-2014) de Mlle Sophie JOISSAINS , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 21 mai 2014

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N° 554

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 mai 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur l' avenir des politiques européennes en matière de liberté , de sécurité et de justice ,

Par Mlle Sophie JOISSAINS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM.  Alain Bertrand, Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Mme Françoise Boog, Yannick Botrel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Jacques Lozach, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

INTRODUCTION

Ce rapport d'information sur les perspectives de l'après Stockholm dans le domaine des affaires intérieures et de la justice s'inscrit dans un contexte particulier.

En effet, jamais le terme « perspectives », avec ce qu'il comporte d'aléatoire, n'a été aussi approprié. Car les éléments d'information relatifs au bilan des cinq dernières années, aux priorités ainsi qu'aux ambitions exprimées pour les cinq années qui viennent, ont été recueillis auprès d'institutions européennes qui se trouvent en fin de mandat.

Qu'il s'agisse, bien sûr, du Parlement européen mais surtout de la Commission européenne, force essentielle de proposition dans les institutions, y compris, depuis le traité de Lisbonne, dans le secteur qui nous occupe, et dont les Commissaires et les équipes devraient être profondément renouvelés dans quelques mois.

En tout cas, les interlocuteurs de votre rapporteure au sein du cabinet de Mme Viviane Reding, commissaire en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté ainsi que du cabinet de Mme Cecilia Malmström, commissaire en charge des affaires intérieures, ont fait preuve d'une liberté de ton et d'une franchise qui n'auraient, peut-être, pas été de mise il y a encore six mois.

Qui sait si les programmes envisagés par les équipes actuelles seront validés et mis en oeuvre par les nouvelles équipes ?

Il reste qu'il y a fort à parier que les futures politiques européennes en matière de justice et d'affaires intérieures des États membres s'inscriront dans la continuité d'un certain nombre d'axes restés constants.

Au demeurant, de nombreux paquets législatifs (s'agissant en particulier de l'asile, des visas ou de la protection des données personnelles, sans oublier le parquet européen) sont actuellement en voie de transposition ou en cours de discussion et devraient déboucher sur des textes législatifs européens applicables dès 2015.

Les programmes, soulignons-le, se sont succédé dans une continuité assez remarquable dans le domaine de la justice et de la sécurité.

Et ce, même si le traité de Lisbonne a opéré une petite révolution en plaçant l'« Espace européen de liberté, de sécurité et de justice » dans ce que l'on appelait autrefois le « Premier Pilier communautaire », c'est-à-dire relevant de la procédure législative ordinaire avec codécision, la Commission européenne étant la force de proposition essentielle et la Cour de justice européenne assurant le contrôle judiciaire des décisions prises de concert par le Parlement européen et le Conseil.

On rappellera en quelques mots que si l'« Espace Schengen » a été créé en 1985 par l'Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, avant d'être progressivement élargi à d'autres pays, si le traité de Maastricht de 1992 a institutionnalisé la coopération judiciaire et policière européenne, le premier Programme pluriannuel européen dans le domaine des libertés, de la sécurité et de la justice, a été arrêté par le Conseil européen à Tampere en 1999.

Les priorités affichées alors sont d'ailleurs toujours d'actualité :

- la mise en place d'une politique européenne commune en matière d'asile et d'immigration ;

- la création d'un véritable espace européen de justice ;

- le renforcement de la lutte contre les formes graves de criminalité à l'échelle de l'Union européenne.

Le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice au sein de l'Union européenne devait être la pierre angulaire de la coopération judiciaire. C'est durant la période de réalisation de ce programme qu'a été mis en place ce que beaucoup considèrent comme la plus belle réussite en la matière : le mandat d'arrêt européen, créé en 2002.

En 2004, un nouveau Programme pluriannuel a été adopté à La Haye. Ce programme a vu notamment la montée en puissance et le renforcement d'Europol et Eurojust dans un contexte international quelque peu traumatisé par les attentats terroristes commis en 2004 et en 2005. Le « Programme de Stockholm » adopté par le Conseil européen pour la période 2010-2014, était ambitieux. Ses grandes priorités se sont articulées autour de l'objectif « mettre le citoyen au coeur de l'espace de liberté, de sécurité et de justice ».

Le 17 mars dernier, la Commission a présenté trois communications :

- une communication intitulée : « Un nouveau cadre de l'Union européenne pour renforcer l'État de droit » ;

- une communication intitulée : « L'agenda de l'Union européenne en matière de justice pour 2020 - améliorer la confiance, la mobilité et la croissance au sein de l'Union » ;

- une communication intitulée : « Faire de l'Europe ouverte et sûre une réalité ».

Dans ces textes, la Commission a notamment mis l'accent sur les aspects opérationnels des politiques à venir de préférence à l'adoption de nouveaux textes. Le Conseil « JAI » devrait examiner ces questions les 5 et 6 juin prochains avant que le Conseil européen ne se prononce lors de sa session de fin juin.

Ce rapport d'information s'efforcera de dresser le bilan du programme de Stockholm et d'envisager l'« après ».

I. LE VOLET AFFAIRES INTÉRIEURES

A. LE DOSSIER DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE L'IMMIGRATION : UN MAIGRE BILAN

La réunion conjointe Parlement européen - parlements nationaux, organisée à Bruxelles, le 19 mars dernier, à l'initiative de la commission Libé, a bien fait apparaître que la politique européenne en la matière se réduisait, en dépit de grandes déclarations de principe sur la nécessité d'une approche globale, à une tentative de rapprochement des règles en matière de droit d'asile ou de visas et à une contribution de l'agence européenne FRONTEX à la surveillance des frontières extérieures de l'Union.

À la Commission européenne, on estime, au demeurant, que les États membres sont, à titre principal, responsables du contrôle de leurs frontières extérieures.

Pourtant, il y a, aujourd'hui, « péril en la demeure européenne ».

Le dernier rapport trimestriel de l'agence FRONTEX est édifiant à cet égard.

En 2013, on a enregistré plus de 107 000 entrées illégales dans l'Union soit une hausse de 48 % par rapport à 2012. Le 3 e trimestre 2013 a battu tous les records s'agissant des entrées illicites aux frontières extérieures de l'Union avec 47 400 passages illégaux (20 000 en 2012). Le 4 e trimestre de cette année a été caractérisé par le plus grand nombre d'illégaux détectés aux frontières pour une période équivalente depuis 2009.

Sur les 4 premiers mois de l'année 2014, le nombre de traversées recensées entre l'Afrique du nord et l'Italie aurait presque décuplé par rapport aux 4 premiers mois de l'année 2013.

Dans ces conditions, on comprend que les autorités italiennes s'avouent complètement débordées par le phénomène.

Il semble qu'on ait dépassé le stade où certains États membres, confrontés à de ponctuelles « poussées migratoires », avaient simplement besoin d'être « épaulés » par l'agence européenne FRONTEX qui ne dispose, au demeurant, que de 300 agents avec, en 2014 , un budget ( en baisse) de 89 millions d'euros soit environ 0,4 % du budget de 24 milliards de dollars que les États-Unis consacrent à leurs douaniers (63 000 agents) et à leurs garde-côtes (50 000 agents) !

Un projet de règlement sur la surveillance des frontières extérieures de l'Union est en cours de discussion. Mais il faut maintenant aller plus loin. Chaque État membre de l'Union doit comprendre qu'il est directement concerné par les pressions migratoires qui s'exercent sur les pays de la périphérie.

Le principe de libre-circulation à l'intérieur du territoire de l'Union est un des fondamentaux de l'Europe. Il ne peut plus être remis en cause. En conséquence, tous les États membres ont la responsabilité de la surveillance des frontières extérieures.

Cette responsabilité est la contrepartie de la création de l'espace Schengen. On ne devrait même plus parler de solidarité entre États membres mais de responsabilité commune.

Il y a plusieurs années, la Délégation du Sénat aux affaires européennes avait préconisé la création de gardes-frontières européens . Cette proposition est toujours sur la table. Il s'agirait maintenant de l'activer. Contrairement à ce que certains prétendent, c'est impérativement de plus d'Europe dont nous avons besoin sur ce dossier. Le repli sur soi serait parfaitement illusoire. Les défis à relever en la matière appellent des réponses que chaque État membre seul est bien incapable d'apporter parce qu'elles requièrent l'échelle de toute l'Europe !

Le règlement de la situation d' urgence précédemment décrit n'est nullement contradictoire avec la mise en place d'une véritable gestion raisonnée et prospective des flux migratoires , à l'échelle européenne.

Les principes qui doivent gouverner cette politique ont été définis depuis longtemps. Mais chacun voit que si l'actuelle crise migratoire ne trouve pas rapidement de solutions, toute politique globale d'accueil et d'intégration est vaine.

Synthèse des indicateurs FRONTEX

Indicateurs du réseau FRONTEX Analyse des risques

2012

2013

Évolution (%)

Entrées illégales entre les points de passage des frontières

72 737

107 365

+48

Entrées clandestines aux points de passage des frontières

599

599

0

Passeurs interpellés

7 720

6 902

-11

Séjours illégaux

344 928

344 888

0

Refus d'entrées

116 202

128 902

+11

Demandes d'asile

276 308

353 991

+28

Personnes utilisant des faux documents

7 882

9 804

+24

Décisions de retour

269 949

224 305

-17

Retours effectifs

158 955

160 699

+1.0

Autres indicateurs

Visas délivrés

13 510 250

NC

Flux de voyageurs

NC

Source : Rapport annuel d'analyse des risques de Frontex, 14 mai 2014.

B. L'EXPLOSION DES DEMANDES D'ASILE

Un chiffre tout d'abord : d'après Eurostat, les demandes d'asile dans l'Union européenne auraient atteint 435 000 en 2013 soit une hausse de 36 % par rapport à 2012.

En la matière, il existe au sein de l'Union de grandes disparités. Une première disparité est relative au nombre des États membres qui accordent le droit d'asile : en fait, 5 à 6 États (Allemagne, France, Suède, Pays-Bas notamment) prennent en charge 80 à 90 % des demandeurs d'asile.

La seconde disparité concerne les taux d'acceptation. Certains États, par exemple, accordent le statut de réfugié à 80 % des Irakiens qui en font la demande, d'autres ne le délivrent qu'à 3 % des demandeurs de cette origine nationale !

Pour l'année 2013, Eurostat fournit les données suivantes :

Demandes d'asile déposées (2013)

Nombre de demandeurs

En % de l'ensemble des demandes

Allemagne

126 705

29 %

France

64 760

15 %

Suède

54 270

13 %

Royaume-Uni

29 875

7 %

Italie

27 930

6 %

Demandes d'asile par rapport à la population de l'État membre (2013)

Nombre de demandeurs d'asile par million d'habitants en 2013

Nombre de demandeurs d'asile par million d'habitants au 4 e trimestre 2013

Suède

5 700

1 965

Malte

5 300

740

Autriche

2 100

565

Luxembourg

2 000

535

Hongrie

1 900

280

Belgique

1 900

410

France

985

255

UE 28

860

245

Nationalité des demandeurs d'asile (2013)

Nombre de demandeurs

En % des demandes totales dans l'UE

Syrie

50 470

12 %

Russie

41 270

10 %

Afghanistan

26 290

6 %

Serbie

22 380

5 %

Pakistan

20 885

5 %

Kosovo

20 175

5 %

Proportion des demandeurs d'asile par nationalité selon l'État membre (2013)

État de dépôt de la demande

Origine de la demande (pays arrivant en premier)

En % des demandes déposées dans l'État membre

Pologne

Russie

84 %

Lettonie

Géorgie

76 %

Roumanie

Syrie

68 %

Bulgarie

Syrie

63 %

France

Kosovo

8 %

Décisions de première instance dans l'UE 28 (2013) 1 ( * )

Rejets

66 %

Statuts de réfugié

15 %

Protection subsidiaire

14 %

Raisons humanitaires

5 %

Décisions de première instance par pays (4 e trimestre 2013)

Nombre de décisions

Rejets

Statut de réfugié

Protection subsidiaire

Raisons humanitaires

Allemagne

22 935

80 %

13 %

6 %

1 %

France

14 500

84 %

13 %

3 %

0 %

Suède

9 925

39 %

14 %

46 %

1 %

Italie

5 395

39 %

15 %

24 %

22 %

Pays-Bas

4 945

34 %

8 %

27 %

8 %

Belgique

4 455

66 %

24 %

10 %

0 %

Certains États ont une culture et une expérience de l'asile, comme par exemple la France ou l'Allemagne. D'autres en sont totalement dépourvus, comme les États nouvellement entrés dans l'Union européenne.

Les procédures et les pratiques diffèrent d'un pays européen à l'autre. Le statut de réfugié et les aides qui l'accompagnent sont aussi très différents d'un État membre à l'autre.

Un paquet législatif comportant trois directives - la directive « qualification », la directive « procédure » et la directive « accueil » - a été adopté par le Parlement européen au mois de juin 2013. L'adoption de ces textes et leur transposition devraient permettre un certain nombre d'harmonisations.

Il n'est, pour l'heure, toujours pas question de revenir sur la règle fixée dans le règlement Dublin selon laquelle chaque demande d'asile doit être instruite et traitée dans le premier État membre dans lequel le demandeur d'asile est entré. Ce principe a été posé pour « responsabiliser » tous les États membres, en particulier ceux de la périphérie.

L'actuelle explosion de la pression migratoire sur certains de ces pays pourra peut-être relancer le débat !

Mais ce qu'il importe avant tout pour l'Europe, c'est de mieux s'investir dans les régions du monde dont les demandeurs d'asile sont originaires. Les États européens devraient, par exemple, s'engager massivement avec des aides financières, mais aussi des programmes d'aide opérationnelle et technique, en faveur de l'Afrique et notamment en direction des pays africains qui accueillent parfois des millions de réfugiés. La Commission européenne appelle de ses voeux des programmes de ce type qui pourraient être mis en oeuvre par les États membres de concert avec l'Union européenne pour aider les régions du monde les plus concernées. Certains États européens, compte tenu de leurs relations historiques, pourraient, d'ailleurs, être mieux placés que d'autres pour piloter ce type d'opérations.

C. LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES VISAS : UNE TENTATIVE D'HARMONISATION

Le paquet législatif composé de deux projets de règlements sur les visas - l'un sur la refonte du code communautaire des visas, l'autre sur le visa d'itinérance - a pour objet de faciliter un certain nombre d'allers et venues dans l'espace Schengen pour des voyageurs réguliers, originaires de pays soumis à l'obligation de visa.

Il pourra s'agir d'un visa multi-entrées qui pourrait être accordé aux hommes d'affaires, aux artistes ou aux sportifs originaires de pays tiers qui se rendent au moins trois fois par an pour raisons professionnelles dans l'espace Schengen.

La Commission fait valoir que l'actuel visa mérite d'être modernisé à l'ère de la globalisation. Il existe actuellement 28 procédures différentes pour l'instruction des visas dans l'espace Schengen. Une harmonisation apparaît indispensable. L'objectif, c'est la mise en place de bureaux communs européens des visas avec des procédures uniformes dans chaque pays tiers. Cela suppose, bien sûr, un renforcement de la coopération entre les États membres mais aussi une harmonisation des critères.

D. SÉCURITÉ INTÉRIEURE : DES PROGRÈS LENTS MAIS INCONTESTABLES NOTAMMENT DANS LE DOMAINE DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE

Europol, qu'une délégation de notre commission des affaires européennes a récemment visité, apparaît à cet égard comme une vraie réussite. Il se qualifie lui-même comme un « méga-moteur de recherche » et permet, à l'évidence, une meilleure transmission des informations entre États membres.

Dans sa communication « Faire de l'Europe ouverte et sûre une réalité », la Commission indique, certes, que l'Europe devra « faire face aux conséquences de l'instabilité qui touche de nombreuses parties du globe, en particulier son voisinage immédiat. Des événements tels que le printemps arabe et la crise actuelle en Syrie appellent des réactions appropriées et coordonnées aux flux migratoires ... et des efforts supplémentaires seront nécessaires pour éviter que d'autres tragédies ne se produisent en mer Méditerranée. »

Mais elle attire aussi l'attention sur le fait que le développement des technologies révolutionne les modes de connexion et de relations interpersonnelles et sont sources de nouveaux problèmes de sécurité.

« La cybercriminalité , souligne-t-elle, devient préoccupante, la traite des êtres humains tend vers une plus grande sophistication, la criminalité organisée transfrontière prend de nouvelles formes et le terrorisme demeure une menace pour la sécurité. Les innovations technologiques et scientifiques doivent être mises au service de la lutte contre ces risques. »

Il reste que, de l'aveu même de la Commission, la sécurité intérieure relève prioritairement des affaires intérieures des États membres et donc des politiques régaliennes.

Elle ne s'en félicite pas moins de l'amélioration constante de la collaboration entre les différentes organisations policières. Cette coopération, a vocation à se renforcer à l'heure où la cybercriminalité ainsi que les différentes formes de grande criminalité organisée se moquent allègrement des frontières.

Rapport général d'activité 2013 d'Europol sur l'année 2012

Champ des infractions

Nouvelles affaires

Trafic de drogue

29 %

Fraude et escroquerie

15 %

Vol

11 %

Blanchiment d'argent

9 %

Immigration illégale

8 %

Total

15 949 (1 329 par mois)

En hausse de 16 % par rapport à 2011

Parties à l'initiative des enquêtes

États membres

82 %

Europol

8 %

Tiers

10 %

414 334 messages opérationnels ont été échangés, soit environ 34 528 par mois, en hausse de 25 % par rapport à 2011.

II. LE VOLET JUSTICE

Dans sa communication du mois de mars 2014, la Commission a articulé la politique de l'après Stockholm en matière de justice autour de trois axes :

- la confiance ;

- la mobilité ;

- la croissance.

Si le principe de confiance à l'intérieur de l'Union ne souffre, à l'évidence, aucune discussion avec notamment la reconnaissance mutuelle des décisions de justice qui constitue une des pierres angulaires de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, les principes de mobilité ou de croissance sont peut-être moins explicites ou, en tout cas, moins liés à la notion française de justice plutôt perçue comme une proclamation de droits accompagnée d'un système juridique et judiciaire permettant de les garantir.

La Commission fait valoir, pour sa part, que des dizaines de millions de personnes et d'entreprises circulent et commercent entre eux sur le territoire européen et que cette mobilité requiert que tous les citoyens européens, se trouvant dans un pays de l'espace européen, puissent bénéficier d'un socle commun et minimal de droits et de garanties. D'autre part, la croissance économique dans l'Union européenne suppose, notamment pour les entreprises, un cadre juridique clair, un fonctionnement des systèmes juridiques présentant une harmonisation minimale.

A. RENFORCER L'ÉTAT DE DROIT

La Commission entend, à l'horizon 2020, renforcer ce qu'elle appelle l'État de droit.

À cet égard, elle a publié, au mois de mars dernier, une communication intitulée « Un nouveau cadre de l'Union européenne pour renforcer l'État de droit ».

L'objectif est de combattre les violations du droit de l'Union lorsqu'il existe, mais aussi la mise en cause des valeurs européennes dans tel ou tel État membre.

Lorsqu'un État membre de l'Union décide de se mettre en dehors de la loi, la Commission propose d'enclencher un mécanisme spécifique qui comprendrait deux étapes :

- un processus d'établissement des faits ;

- un processus de dialogue avec l'État membre afin qu'il finisse par respecter les règles et les valeurs de l'Union.

Ce processus déboucherait sur une recommandation, au cas où l'État concerné ne donnerait pas suite aux observations qui lui sont faites.

En fin de processus, si l'État concerné refuse de donner suite à la recommandation européenne, il sera toujours possible d'appliquer l'article 7 du traité - ce que la Commission appelle, elle-même, son « arme atomique » - qui prévoit la suspension du droit de vote au Conseil de l'État récalcitrant. Il s'agit bien sûr d'une étape ultime qui n'a jusqu'à présent jamais été déclenchée. Elle ne peut intervenir que dans des situations exceptionnelles et systémiques qui ne peuvent se régler par une simple procédure d'infraction.

Certains États membres sont, plus particulièrement, dans le « viseur » de la Commission.

B. LE PARQUET EUROPÉEN : UNE ÉVOLUTION FAVORABLE

Sur le dossier du parquet européen , qui fut quand même un des grands « chevaux de bataille » de la commission des affaires européennes du Sénat, on note que le ton de la Commission est désormais mesuré et positif. La plupart des acteurs du dossier sont même étonnés que les discussions sur une avancée aussi importante pour l'Union européenne soient plus faciles que prévu.

Pour commencer, la Commission n'est plus hostile à l'idée de collégialité. Elle s'attache, en revanche, à faire prévaloir deux aspects qui lui paraissent essentiels : l'efficacité et l'indépendance du parquet européen.

Le schéma qui semble rallier aujourd'hui tous les suffrages à l'exception du Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni, pour la structure du parquet européen, serait le suivant :

- un procureur en chef avec cinq adjoints ;

- une formation collégiale de 20 à 25 membres (un par État).

La formation collégiale, qui pourrait être divisée en chambres permanentes ou ad hoc pour traiter les dossiers, serait bien le lieu du pouvoir stratégique pour toutes les décisions importantes notamment celles d'engager des poursuites ou de classer sans suite une affaire. Le procureur européen serait lui chargé de faire tourner la structure et d'assurer le suivi des dossiers traités ;

- des procureurs délégués dans les États membres.

La Commission restera ferme sur ce qu'elle considère comme l'indépendance du parquet européen par rapport aux États membres. Si une affaire concerne un État membre, par exemple, elle refuse que le procureur du parquet européen de la nationalité de cet État membre soit seul en charge du dossier. Elle accepte toutefois que ce procureur puisse siéger dans la chambre qui prendra la décision.

La Commission entend aussi fixer, pour l'institution, un seuil de compétence qui pourrait être, par exemple, de 5 000 euros.

En tout cas, elle n'exclut plus une évolution consensuelle sur le sujet.

Cette évolution rendrait, peut-être, inutile la solution du recours à la coopération renforcée pour la mise en oeuvre du parquet européen.

La question de l'extension du champ d'attribution du parquet européen se posera plus tard, une fois démontrée la valeur ajoutée de cet organe. La Commission est, pour sa part, persuadée de l'existence de cette valeur ajoutée.

En tout cas, tous les interlocuteurs de votre rapporteure ont insisté sur le fait que le carton jaune des parlements nationaux avait eu un impact psychologique déterminant.

C. LE DOSSIER COMPLEXE DE LA PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES

Sur ce sujet, il convient d'être prudent.

La Commission recherche manifestement un hypothétique équilibre entre la protection des données et le développement des entreprises européennes dans le domaine du numérique.

Les plus optimistes relèvent que la situation évolue lentement et que le Parlement européen a, pour sa part, bien avancé sur le sujet. Les pessimistes constateront qu'il sera sans doute difficile de trouver une solution avant la fin de l'année 2015, les blocages restant forts sur un certain nombre de points.

Les données personnelles constituent, comme le pétrole, une matière première d'une valeur considérable : le marché mondial des données représente sans doute des trillards d'euros !

Il faut s'attendre à la multiplication des applications sur les smartphones avec une implication forte des PME sur ce créneau. L'Europe, estime la Commission, a un puissant intérêt à voir se développer sur son sol des « Google européens ».

Mais, d'un autre côté, il ne faut pas oublier les enjeux liés aux droits des personnes : droit d'accès (« qui » détient « quoi » sur tel ou tel citoyen), droit au consentement, droit à l'oubli, droit au refus de voir traiter et exploiter des données personnelles, interprétation uniforme des droits des citoyens au niveau européen.

Le projet de règlement sur la protection des données personnelles civiles et commerciales, de même que le projet de directive sur les données pénales et judiciaires s'efforcent de répondre à ces enjeux.

Relevons qu'à la suite de l'affaire « Snowden » les sociétés américaines de « clouds » ont perdu des centaines de milliards de dollars en raison d'un mouvement de défiance des consommateurs.

La mise en place d'un régime de protection élevée des données personnelles peut donc être, en fait, un excellent « Business Plan ». Le futur dispositif européen devrait être attractif pour les citoyens et les entreprises. Face aux États-Unis, il est temps que les 28 États européens se dotent d'une règle commune en la matière.

À la suite de l'affaire « Snowden », la Commission a remis 13 revendications au Gouvernement américain pour « assainir » les relations entre l'Europe et les États-Unis en matière d'échange de données et rétablir la confiance.

Sur ces 13 recommandations, 12 ont un caractère technique ; une seule pose vraiment problème : il s'agit de la question capitale de savoir ce qu'il advient des données européennes transférées aux États-Unis. La discussion n'est pas facile mais les lignes semblent bouger. On se dirige, semble-t-il, vers une restriction d'accès à ces données pour les agences de sécurité de type NSA.

Un accord pourrait donc être trouvé sur un principe de limitation d'accès et sur l'idée que certaines données pourraient faire l'objet d'un traitement spécifique.

Mais si un accord s'avérait impossible sur la 13 e recommandation, on serait, juge la Commission, face à un très gros problème politique. N'oublions pas que le gouvernement américain n'est pas la seule partie prenante en la matière. Le Congrès américain semble en effet plutôt hostile à la position européenne.

La Commission invite les parlementaires des États membres à entrer en contact avec leurs collègues américains pour en discuter.

D. LA FORMATION DES JUGES ET DES EXPERTS EN EUROPE : UNE PRIORITÉ

C'est un aspect très important du programme de travail que la Commission européenne souhaiterait mettre en oeuvre pour les cinq prochaines années. Il existe en effet une préoccupation sur l'effectivité du droit et des droits en Europe.

La formation des magistrats tient une place importante dans le programme justice de 2015-2020.

La moitié des crédits de la Commission dédiés à la justice y sera consacrée.

Un des objectifs de la Commission est non seulement que les praticiens du droit, en Europe, connaissent le droit européen mais encore que ces praticiens se rencontrent et se connaissent entre eux. Relevons toutefois qu'aucun projet concret n'a été présenté en la matière à votre rapporteure.

La Commission n'envisage pas de formation centralisée à Bruxelles mais souhaite la participation des différents centres de formation existants en Europe : pour la France, il pourra s'agir de l'École nationale de la magistrature (ENM) mais aussi des barreaux, des organismes de formation des notaires, des huissiers, etc.

E. UNE EXIGENCE DE CODIFICATION

Une forte exigence de codification se fait enfin jour dans le maquis des textes législatifs adoptés en matière de droit civil notamment. Avant de songer à élaborer un nouveau droit commun en matière de vente par exemple, il faudrait peut-être s'attacher à codifier les règles relatives aux conflits de compétence entre juridictions européennes. D'une manière générale, l'objectif sera désormais de codifier ce qui existe avant de démarrer de nouveaux chantiers législatifs.

CONCLUSION

On peut peut-être tirer deux conclusions :

Rappelons tout d'abord que les éléments d'information présentés par la Commission, qui constituent la matière première de cette communication, ont été fournis par les représentants d'une institution européenne en fin de mandat. Ces réflexions peuvent donc s'apparenter à des « testament politique ».

La première conclusion, c'est que le souhait exprimé par la Commission de consacrer le mandat à venir à la simplification, à la consolidation et à la mise en oeuvre des textes législatifs existants au plan européen, parait parfaitement fondé.

Les interlocuteurs de votre rapporteure ont souvent été modestes en développant l'idée que les institutions européennes existaient pour apporter une valeur ajoutée aux politiques conduites par les États membres dans le secteur, et s'efforçaient de mettre en place un socle minimal et acceptable par tous, de règles et de procédures dans le domaine de la coopération policière et judiciaire, de l'asile, de l'immigration, des visas, etc.

La seconde conclusion de votre rapporteure sera peut-être plus sévère, en tout cas plus franche. Dans le secteur JAI, l'Union européenne dispose de moyens très maigres voire dérisoires même si certains investissements ont été conséquents en particulier pour Europol.

Il a été indiqué précédemment que le budget consacré par l'Union à la surveillance de ses frontières extérieures représentait environ 0,4 % du budget que les États-Unis dédient à cette fin. En adhérant à l'Union européenne, beaucoup d'États n'ont pas compris que l'entrée dans l'espace Schengen - la Bulgarie et la Roumanie n'y sont pas encore pour l'instant mais pourraient un jour en être membres à part entière - impliquait le contrôle de leur portion de frontières extérieures pour le compte de tous les autres États membres.

Cette contrainte est d'autant plus forte que le règlement Dublin les oblige à traiter les demandes et à héberger, en cas d'acceptation, les réfugiés qui ont présenté leur requête sur leur territoire parce qu'ils y sont entrés en premier lieu. Et pourtant, ces États rencontrent souvent beaucoup de difficultés à assurer un contrôle efficace de leurs frontières.

Désormais, il faut tirer les conséquences de cette situation. Le repli sur soi n'étant pas une solution, ce sont au contraire les moyens mutualisés de l'Europe toute entière qui doivent être renforcés et mis au service des politiques d'immigration, d'asile et d'intégration, pour le plus grand profit de tous les États membres de l'Union européenne.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le mercredi 21 mai 2014 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par Mme Sophie Joissains, le débat suivant s'est engagé.

M. Simon Sutour , président . - Le rapport présenté par notre collègue, Mme Sophie Joissains, montre que la situation évolue dans le bon sens même si c'est lentement.

Il faut se souvenir à quel point la Commissaire européenne en charge de la Justice exprimait, il y a encore peu de temps, sa vive réticence sur l'idée de collégialité pour le parquet européen. Notre « carton jaune » a donc été utile.

Le déplacement à Europol et Eurojust a permis le recueil d'informations très utiles.

Il serait intéressant de partager avec la Commission des lois les éléments d'information qui nous ont été communiqués sur l'ensemble de ces questions.

Mlle Sophie Joissains . - Je présenterai devant la commission des lois une communication sur ce sujet la semaine prochaine.

M. Jean Bizet . - Bravo à notre rapporteure pour le panorama qui vient de nous être dressé.

Je relèverai, pour ma part, que les demandes d'asile, présentées dans l'Union européenne ont connu une progression de 36 % en 2013 par rapport à l'année 2012 ! Qu'en est-il du taux d'acceptation de ces demandes, en France par exemple.

Sur le Parquet européen, il faut se féliciter des progrès accomplis sur l'idée de la collégialité. Nos efforts n'ont donc pas été vains.

Sur la question de la protection des données personnelles, il ne faut surtout pas céder aux américains. Il faut faire preuve, au contraire, de volonté politique même si des solutions techniques doivent être trouvées. Notre démarche doit s'inscrire, aussi, dans le contexte des négociations que mène actuellement la Commission européenne avec nos partenaires américains sur le Traité transatlantique.

Les Américains tiennent beaucoup à ce qu'une solution soit trouvée sur le Traité transatlantique ; de notre côté, il nous faut « tenir bon » sur le dossier de la protection des données.

Certes, le Net doit conserver son caractère universel mais l'affaire « Snowden », qui fragilise à l'évidence la position américaine, nous montre que nous devons, absolument, conforter en Europe un régime de protections et de garanties.

M. Simon Sutour , président . - Je signale que la Commission des lois a invité les membres de la Commission des affaires européennes à participer à un colloque qu'elle organise, demain, sur la protection des données personnelles.

Mlle Sophie Joissains . - Nos interlocuteurs, à Bruxelles, m'ont dit qu'ils verraient d'un très bon oeil que les parlementaires nationaux des États membres entrent en contact avec leurs collègues américains pour expliquer la position européenne.

M. Simon Sutour , président . - Cette discussion ne sera pas facile !

M. Jean Bizet . - Quand nous connaîtrons le nom de l'ambassadeur des États-Unis en France, peut-être pourrons-nous entamer un processus de discussion.

M. Simon Sutour , président . - Pour répondre à la question posée par M. Jean Bizet, j'indique que, selon l'OFPRA, on a enregistré, en 2013, en France quelque 47 000 demandes d'asile et que 11 000 décisions, soit un taux d'acceptation d'un peu moins du quart, ont été positives !

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a autorisé la publication du rapport.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

À Paris :

- M. Frédéric Baab, conseiller diplomatique de Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux

À Bruxelles :

- M. Peter Bosch, conseiller au cabinet de Mme Cecilia Malmström, commissaire européen en charge des affaires intérieures

- Mme Pauline Rouch, chef de cabinet adjoint de Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté

- Mme Adrienn Kiraly, membre du cabinet de Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté

- M. Frédéric Veau, responsable du secteur JAI - Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

- M. Jean-Baptiste Chauvel, secteur JAI - Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

- Mme Françoise Le Bail, directeur général - Direction générale Justice de la Commission européenne

ANNEXE

Synthèse de la réunion conjointe du Parlement européen et des Parlements nationaux sur les « futures priorités dans le domaine des libertés, de la justice et des affaires intérieures »

Bruxelles - 19 mars 2014

***

M. Virvidakis, président de la commission des lois du Parlement grec. - Je me félicite de l'organisation de ce forum d'échanges et d'idées entre membres du Parlement européen et des parlements nationaux sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice qui est un des grands moteurs de l'UE.

Les parlements nationaux pourront désormais exercer un vrai contrôle sur Europol au terme du vote du Parlement européen de février 2014 sur la proposition de règlement « Europol » ; ces parlements nationaux qui, depuis 2009 rappelons-le, peuvent utiliser le « carton jaune » (un quart des parlements dans le domaine JAI) au titre de la subsidiarité (deux occurrences déjà : le droit de grève des travailleurs détachés et le Parquet européen).

Il convient d'aborder les défis d'internet et la question de la confidentialité des données privées collectées, traitées et échangées.

Il faudra aussi évoquer l'« effet dévastateur » des flux migratoires, notamment en Grèce ; les points de départ des trois vagues actuelles de migrations sont la Syrie, l'Afrique du Nord et l'Afrique orientale et sub-saharienne. Aux frontières Sud et Est de l'Union européenne, il faut traiter les problèmes d'immigration clandestine et les crises humanitaires qui en découlent.

*

S ession I
L'avenir d'Europol

M. Fernando Aguilar, président de la commission LIBE du Parlement européen. - M. Aguilar présente d'abord un historique d'Europol créé par voie de convention en 1995 puis devenu une agence européenne.

Aux termes de l'art. 88 du TFUE, le statut d'Europol relève désormais de la « codécision ».

Rendons hommage au travail du Parlement européen et de la position qu'il a adoptée le mois dernier (721 amendements présentés ; compromis sur 500 amendements. Au final, ont été consacrés :

- le renforcement de la garantie de protection des données par un organisme indépendant ;

- la clarification des modalités d'échanges d'informations entre États membres, pays tiers et Europol ;

- le rejet de la fusion Europol-CEPOL ;

- la création d'un groupe conjoint Parlement européen/parlements nationaux pour le contrôle d'Europol. Il y aura peut-être dans ce groupe conjoint deux représentants par pays pour les États à système bicaméral.

M. Diaz de Mera, député européen, rapporteur de la proposition de règlement COM (2013) 173 final. - L'orateur précise d'abord le champ du contrôle exercé par le futur « groupe conjoint » qui se verra désormais communiquer les rapports d'activité périodiques et les différents résultats d'Europol et pourra entendre les cadres dirigeants de l'agence.

La proposition de règlement offre un cadre juridique plus stable et plus solide pour Europol. Je voudrais aussi souligner que la création du Centre européen de cybercriminalité est une avancée intéressante.

M. Lopès Garrido, membre de la commission Justice du Congrès des députés espagnol. - Le débat sur la réforme d'Europol a été vif mais utile. Les citoyens se sont impliqués, ils ont critiqué, c'est positif.

Des points d'accord sont maintenant acquis :

- oui, il faut mieux faire coopérer nos forces de l'ordre ;

- oui, Europol doit rendre des comptes au Parlement européen et aux parlements nationaux ;

- oui, il faut protéger les données personnelles des citoyens européens.

Désormais, Europol est une agence de l'Union européenne comme les autres, c'est positif. Mais ne soyons pas trop optimistes ! Pour le partage des informations, il faut la confiance. Oublions les coercitions. Que l'Union européenne n'impose pas d'obligations en matière d'échange d'informations surtout avec les États tiers ! Soyons prudents sur la gestion du Conseil d'administration d'Europol. Le rejet de la fusion Europol-CEPOL est une bonne nouvelle : ce n'était pas dans les traités. Peut-être le niveau d'ambition au départ était-il excessif ! Pour conclure, disons que le texte issu des travaux du Parlement européen est certainement plus satisfaisant que le projet initial.

M. Robert Wainwright, directeur d'Europol. - Les dernières années ont été très importantes pour l'activité d'Europol. Le « cycle politique » contre la criminalité organisée en a été la traduction.

Depuis sa création, Europol :

- a multiplié par 2 ses opérations ;

- a multiplié par 4 la collecte des informations échangeables auprès des États membres.

Nous avons été soutenus par les parlements nationaux et le Parlement européen. La proposition du Parlement européen pour le nouveau cadre juridique d'Europol nous satisfait. Mais je dois exprimer mes préoccupations : il existe un manque de confiance de la part de l'opinion publique par rapport à la question de la gestion des données personnelles. Il nous faut faire preuve de davantage de transparence et de responsabilité. Notre base de données doit être plus flexible et mieux mise à jour.

Nous sommes soumis à de nouvelles exigences en termes de capacité opérationnelle alors que nos moyens financiers n'augmentent pas.

Nous approuvons l'idée d'un « comité de surveillance » parlementaire.

Il nous fallait un nouveau cadre juridique adapté aux nouvelles formes de criminalité organisée et au terrorisme, adapté à la mondialisation et à la mobilité des personnes.

Sur la criminalité en ligne, n'oublions pas que les infrastructures Internet sont gérées à 90 % par le secteur privé. Il nous faut un cadre juridique clair nous permettant d'obtenir des informations de ce secteur privé sur des sujets aussi graves que la pornographie enfantine par exemple.

Sur la question de la protection des données, Europol dispose d'un dispositif robuste, efficace et suffisant qui ne remet pas en cause ses capacités opérationnelles. C'est en tout cas l'appréciation de nombreuses organisations internationales (« Statewatch » ).

N'oubliez pas qu'Europol collecte des données déjà collectées par les autorités nationales sur les criminels et la criminalité.

Notre système de protection réalise un bon équilibre entre le droit des citoyens européens à la sécurité et leur droit à la protection de la vie privée.

Malgré tout, notamment après les révélations « Snowden », certains estiment que la voix de la communauté policière n'est pas suffisamment entendue.

Il importe que les règles sur la protection des données s'appliquent à tout le monde ; pour ce faire, le mieux est de travailler et de fixer des garde-fous avec les opérateurs privés de l'internet.

En conclusion, rappelons que pour le président du Parlement européen, M. Martin Schultz : « Europol est une des plus grandes réussites de l'Europe ».

Débat

Lord David Hannay of Chiswick, Président de la sous-commission des affaires intérieures de la Chambre des Lords britannique. - Bravo au rapporteur du texte Europol pour le résultat obtenu. Il a trouvé le ton juste.

Ces questions de coopération policière relèvent d'une compétence partagée entre les États membres et l'Union européenne. Il importe donc que prévale une égalité absolue entre parlements nationaux et Parlement européen sur le sujet. Ce qu'il faut, c'est la confiance pour l'avenir. Sur la gouvernance d'Europol, ni le Parlement européen ni les parlements nationaux ne doivent « interférer » dans la désignation du directeur exécutif.

Conservons le dispositif actuel.

Oui au rejet de la fusion Europol-CEPOL.

Mme Afroditi Stampouli, membre de la commission des lois du Parlement grec. - Bravo au rapporteur, M. Diaz de Mera. La lutte contre la criminalité internationale et transfrontière est essentielle. La coordination entre Europol et les forces de maintien de l'ordre des États membres est donc indispensable. Oui, il faut renforcer le régime de protection des données personnelles des citoyens européens. Les conclusions de la commission LIBE du Parlement européen sont positives : les parlements nationaux doivent pouvoir exercer leur contrôle.

M. Andrew Henri William Brons, élu européen non inscrit. - Europol est une structure qui a monté en puissance après un commencement « minimaliste » (au départ, pas de pouvoir d'enquête ou d'arrestation par exemple). La protection des données ne doit pas concerner que les criminels mais aussi les victimes, les témoins, les personnes non condamnées. Quel sera exactement le pouvoir de contrôle et de suivi des États membres sur les données qu'ils auront transférées à Europol ? Sur ce sujet, il convient d'établir une coopération internationale sur une base adéquate.

Quel est le rôle d'Europol par rapport à Interpol ? N'y a-t-il pas doublon ? N'oublions pas que la criminalité organisée peut couvrir un espace qui ne se limite pas au territoire de l'Union européenne.

M. Lajor Mile, membre de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale hongroise. - Nous étions contre la fusion Europol-CEPOL. La position du Parlement européen nous satisfait. Ne diluons pas le volet formation . CEPOL doit demeurer une agence distincte garante d'une bonne formation des policiers européens. Budapest sera un bon siège pour CEPOL.

M. Sanchez Amor, vice-président de la commission des affaires constitutionnelles au Congrès des députés espagnol. - Les agences telles qu'Europol ont une tendance naturelle à « s'autonomiser ». Je suis favorable, par conséquent, au renforcement de son contrôle démocratique. Je m'interroge sur Interpol et sur les modalités de son contrôle démocratique ! (Récemment des dissidents politiques Kazaks ont été interpellés en Europe par l'intermédiaire d'Interpol). Sur les dossiers que nous traitons, efforçons-nous de n'oublier ni les droits de l'homme ni l'aspect économique.

Mme Birgit Sippol, membre du Parlement européen. - Il faut être prudent sur la question de la protection des données. De quelles données s'agit-il ? Selon quelles modalités s'effectueront les échanges ? Selon quel droit procédural ces données seront-elles collectées, traitées, utilisées ? Quid des données relatives aux victimes. Il faut assurer un équilibre entre les pouvoirs et surtout mettre en place des normes de protection unifiées .

M. Miguel Gotor, membre de la commission des affaires constitutionnelles du Sénat italien. - Je m'interroge sur la notion d'« informations sensibles » évoquée par l'article 54 de la proposition de règlement sur Europol relatif « à l'accès du Parlement européen aux informations classifiées directement par Europol ou par son intermédiaire » . Je songe, tout naturellement, aux relations entre Europol et l'Italie. Il me paraît, en tout cas, impérieux de favoriser les échanges entre les autorités transfrontalières.

M. Jan Philipp Albrecht, membre du Parlement européen. - Il nous faut absolument des modalités communes d'échange des informations. Sur la procédure, les règles sont aujourd'hui très hétérogènes d'un État membre à l'autre. Il nous faudrait impérieusement des règles minimales qui pourraient dériver de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Mme Rol Mayer, membre du Parlement européen. - Nous devons trouver le « point d'équilibre » entre le droit des citoyens à la protection contre la criminalité et le droit à la protection des données personnelles.

En réponse aux différents orateurs, sont intervenus :

M. Diaz de Mera, rapporteur. - Je pense que dans son travail, le Parlement européen a tenu compte des exigences liées à la confiance et au rôle des parlements nationaux. Certes, nous avons dû prendre en considération le point de vue de la communauté policière, mais aussi celui des autres.

Nous nous sommes attachés à mettre le Parlement européen et les parlements nationaux sur un strict pied d'égalité dans le contrôle d'Europol même si cela n'est pas prévu par les textes !

Notre droit primaire, c'est la Charte européenne des droits fondamentaux. Sur la question de l'accès aux données classifiées ou sensibles, admettons que c'est souvent l'événement qui fait pencher la balance de l'opinion dans telle ou telle direction !

M. Fernando Aguilar, président de la commission LIBE du Parlement européen. - Avec son nouveau cadre juridique, Europol va constituer désormais un protagoniste avec lequel les États membres devront compter. Une coopération devra s'imposer naturellement. Il faut se préparer à de nouveaux « leaderships ». Si nous avons rejeté la fusion Europol-CEPOL, c'est aussi parce que nous nous sommes inquiétés de l'affectation des crédits qui financent actuellement ces deux structures !

M. Robert Wainwright, directeur d'Europol. - Europol n'est pas une force de gendarmerie. Il représente une goutte d'eau par rapport aux deux millions de policiers européens.

Avec Interpol, la coopération est intégrée et productive. Nous appuyons les projets de structures identiques à la nôtre ailleurs qu'en Europe (« Ameripol », « Afripol »). Nous sommes très favorables à des normes standard et uniformes de protection des données privés collectées par les services de police.

L'activité policière relève de principes spécifiques différents des principes du droit commun.

Prenons le principe selon lequel toute personne doit savoir que les données le concernant font l'objet d'un traitement. Mais ce principe doit-il bénéficier aux « mafieux » ?

Prenons le principe selon lequel certaines données sensibles concernant par exemple les moeurs doivent être interdites de collecte ou de traitement. Mais quid de la répression de la criminalité pédophile ?

Le problème de la criminalité en ligne est beaucoup plus difficile à traiter par la police (plus difficile qu'un braquage de banque par exemple) alors que le montant des sommes en jeu est souvent beaucoup plus élevé. L'anonymat règne sur Internet. Il est souvent difficile d'identifier les auteurs des faits délictueux. Il faut aussi protéger le citoyen contre la divulgation sans contrôle des données le concernant en ligne !

*

Session II - Politique d'immigration et d'asile de l'Union européenne Comment faire face à la crise actuelle que connaît la Méditerranée ?

M. Attarios Bousios, représentant M. Miltiadis Varvitsiotis, ministre de la marine marchande de la République hellénique. - La crise migratoire est complexe et permanente. Elle impacte les États de l'Union européenne, les États d'Afrique et les États asiatiques. Elle a des conséquences sur le tissu social même des pays de transit ou d'accueil. Mon pays a mis en place un dispositif de surveillance maritime autour de ses îles et des autres surfaces maritimes. Notre priorité est de démanteler les réseaux organisés d'immigration illicite.

Nous devons collaborer avec l'Union européenne (Frontex), développer le nombre d'experts.

Les pays subissant des pressions importantes sur leurs frontières extérieures doivent bénéficier de la solidarité des autres États de l'Union européenne. À cet égard, l'accord dégagé sur la proposition de règlement établissant des règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par Frontex aux frontières extérieures des États membres est particulièrement bienvenu.

Mais il nous faut aussi protéger les droits fondamentaux - civils notamment - des réfugiés, s'attacher à leur sauvetage notamment lorsqu'il y a péril. Au-delà du contrôle et de la gestion des frontières, il nous faut définir les orientations stratégiques d'avenir de notre « espace européen de liberté, de sécurité et de justice ».

Oui à une autorité européenne commune chargée des réfugiés.

Oui à une politique européenne intégrée en matière de sécurité maritime comme cela se met en place pour la surveillance des frontières (Eurosur).

Donnons à la notion de « solidarité » une dimension réelle à l'échelle européenne dans le domaine :

- de l'immigration,

- de l'asile,

- de la surveillance des frontières extérieures.

Il faut élaborer des actions intégrées en collaboration avec les pays tiers, notamment ceux dont les réfugiés sont originaires mais aussi les pays de transit. C'est là que réside, nous le savons, la véritable solution.

Il nous faut aussi développer les campagnes de sensibilisation dans les pays d'origine des migrants.

Par une étroite coopération Frontex-Europol, efforçons-nous de transformer l'immigration illicite en immigration régulée , ce qui permettra, au passage, de démanteler les réseaux criminels organisés d'immigration clandestine.

M. Carlos Coehlo, député européen, rapporteur pour la proposition de règlement établissant des règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnées par Frontex aux frontières extérieures des États membres. - La Méditerranée est une zone de conflit et de tensions depuis une dizaine d'années. Cette situation a généré une augmentation des flux migratoires notamment en direction de l'Italie, de l'Espagne, de Malte et de Chypre. 10 000 personnes ont été détectées dans cette zone en 2010, 70 000 en 2011 et 20 000 en 2012. La plupart sont passées par des réseaux de trafiquants et environ une sur quatre a perdu la vie.

Il faudrait assurer une plus grande sécurité juridique dans la zone car les règles et pratiques sont aujourd'hui très différentes. Si le phénomène produit des effets dans tous les États de l'Union européenne, certains pays, directement concernés, méritent d'être aidés en priorité.

Fermer les frontières intérieures n'est pas la solution.

Il nous faut, en revanche, une gestion commune et efficace des flux migratoires. Des mesures ont déjà été adoptées, comme celles prises dans le cadre d'Eurosur, qui concerne dix-huit États membres, pour la surveillance des frontières depuis décembre 2013.

Il nous faut un règlement sur la surveillance des frontières maritimes extérieures coordonnée par Frontex. Il nous faut des règles claires en matière d'interception et de sauvetage.

Il faut en finir avec les incertitudes juridiques nées du fait que le droit est différent dans les différents États membres.

J'énoncerai plusieurs objectifs :

- poser des règles obligatoires en matière de recherche et de sauvetage ;

- identifier les migrants qui méritent la protection européenne ;

- renforcer le principe de non-retour en cas de danger pour la vie ou la sécurité des personnes ;

- garantir que Frontex respecte les droits fondamentaux.

Nous devons, à tout prix, faire en sorte qu'il n'y ait plus de décès en mer lors de tentatives d'immigration clandestine.

L'Union européenne doit mettre en place, en la matière, les garanties procédurales pour le respect des droits de l'homme.

M. Eugenio Ambrosi, chargé de l'Europe à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). - Les pressions migratoires sur l'Europe proviennent actuellement de trois couloirs : la Syrie (phénomène récent), l'Afrique du Nord/Proche-Orient, et l'Afrique orientale/subsaharienne.

L'immigration est trop souvent vécue comme un problème alors qu'elle peut être perçue comme une donnée positive, voire une nécessité.

Au lieu d'être simplement réactive et en « mode de crise », que l'Europe s'efforce d'être « pro-active » avec une approche « projective » et d'anticipation ! Qu'elle mette en place une politique fondée sur les faits et non sur le « ressenti » !

Des outils existent (directives, agence des migrations...) mais ils sont mal mis en oeuvre.

L'Organisation internationale du travail (OIT), dans de nombreux rapports, a établi le lien positif existant entre la croissance et l'immigration ainsi que le besoin en main-d'oeuvre qu'aura l'Union européenne, en déficit démographique, d'ici 30 ou 40 ans.

Il conviendrait peut-être d'avoir une approche différente du marché du travail et de l'économie qui tienne compte du « facteur migration ».

L'Union européenne se doit, en tout état de cause, d'assurer sa mission de protection non seulement pour les demandeurs d'asile mais aussi à l'égard de ces flux migratoires de plus en plus complexes.

Mettons aussi en oeuvre une véritable politique d'aide en direction des pays d'origine afin de lutter contre les causes fondamentales de l'immigration.

Attachons-nous, enfin, à faire en sorte que l'immigration dite irrégulière « entre dans les clous » de l'immigration dite régulière.

Efforçons-nous d'anticiper l'avenir. Le problème syrien, récent et inattendu, a pris l'Europe au dépourvu !

M. Yiannos Lamaris, président de la commission des affaires intérieures à la Chambre des représentants de Chypre. - Les défis migratoires ne sont pas un phénomène nouveau. Mais c'est vrai, les États de la Méditerranée sont sous pression. La mise en l'ordre du jour de cette question dans l'Union européenne est une bonne chose. Il est dommage qu'il ait fallu tant de décès en mer pour que l'Union réagisse. Il faut prendre en compte la dimension humanitaire et sociale du phénomène. Il importe aussi de se poser les bonnes questions : qu'est-ce qui sous-tend le phénomène de la migration ?

L'Union européenne doit faire preuve de solidarité et mieux répartir la charge entre les États membres.

M. Andrew Henri William Brons, élu européen non inscrit. - Il faut que l'Union européenne refuse toute demande d'asile de la part d'arrivants clandestins. Cela réduirait, à l'évidence, les flux. Supprimer les frontières, comme le souhaitent certains, ne ferait qu'aggraver les problèmes. L'intégration ne va pas de soi pour les populations non-européennes. Que les représentants de l'Europe centrale ou orientale, ici présents, comprennent qu'ils ne sont pas à l'abri des phénomènes migratoires. Bientôt ce sera leur tour !

Mme Afroditi Stampouli, membre de la commission des lois du Parlement grec. - Il est urgent d'adopter le règlement sur la surveillance des frontières maritimes. Il faut aussi clarifier notre politique au regard du retour de ces réfugiés dans leur pays d'origine, des conditions de leur demande d'asile. Réfléchissons aussi aux conditions souvent détestables de la rétention administrative de ces personnes lorsqu'elles sont appréhendées.

M. Ignacio Sanchez-Amor, vice-président de la commission des affaires constitutionnelles au Congrès des députés espagnol. - Les frontières ne sont pas que maritimes. Elles sont aussi fluviales, aériennes, terrestres. Chaque Etat de l'Union européenne possède une spécificité à cet égard. Le transit est un phénomène de plus en plus important. Frontex et les États membres ont une responsabilité partagée. Il nous faut une approche globale du phénomène migratoire pour mettre en oeuvre une politique commune.

Mme Marit E. Maij, membre de la commission de la sécurité et de la justice de la Seconde chambre des États généraux du Royaume des Pays-Bas. - Il faut réfléchir au rôle de la Commission européenne dans l'accueil des réfugiés syriens et, plus généralement, à la question de savoir comment nos marchés du travail peuvent accueillir les migrants.

M. Smaïl Aydn, membre de la commission constitutionnelle de la Grande Assemblée nationale de Turquie. - La Turquie accueille actuellement environ un million de réfugiés syriens. Les pays de l'Union européenne doivent prendre leur part de responsabilité et mieux prendre en considération les droits de l'homme qui font partie de l'acquis communautaire. Dans l'affaire syrienne, il aurait fallu ainsi créer, dès le départ, des « zones sécurisées ». Le droit à la vie doit prévaloir sur la sécurité des frontières extérieures de l'Union européenne.

Mme Sylvie Guillaume, membre du Parlement européen. - Réfléchissons à l'utilisation des fonds européens dans les dossiers évoqués.

Je partage les idées exprimées par M. Eugenio Ambrosi. Les vraies questions sont celles de l'intégration des populations qui souhaitent vivre sur notre sol. Sur les questions d'immigration et d'accueil des populations, il y a beaucoup de chemin à parcourir avant d'aboutir à des standards communs dans les pays de l'Union européenne.

En matière d'asile, il faut appliquer le nouveau règlement Dublin III qui améliore l'efficacité du système Dublin et renforce les garanties juridiques des personnes concernées avec, notamment, l'effet suspensif en faveur des requérants qui intentent un recours contre une décision négative en matière d'asile.

M. Miguel Gotor, membre de la commission constitutionnelle du Sénat italien. - Il faut mettre en oeuvre les mesures préconisées par la « task-force pour la Méditerranée » mise en place par les États membres après la tragédie de Lampedusa qui fut une tragédie européenne et pas seulement italienne.

Sur les questions d'immigration, il nous faut une approche globale fondée sur la constatation que l'immigration est un phénomène structurel et qu'elle peut constituer une opportunité. Cela nous éviterait de toujours réagir « dans l'urgence ». Il faut plus de solidarité entre les États membres, un véritable « pacte des citoyens ».

Mme Zra Javavic, membre de la commission du système politique, du système judiciaire et de l'administration du Parlement monténégrin. -C'est un devoir pour l'Union européenne de permettre aux migrants d'améliorer leur standard de vie et de faciliter l'intégration des réfugiés.

M. Vasilis Ypsclantis, membre de la commission des lois du Parlement grec. - L'immigration est nodale et multiforme. Il faut que le message de l'Union européenne en la matière soit intelligible. En Grèce, dans certaines îles du Dodécanèse, il y a désormais plus de réfugiés que d'« îliens ». Il faut lutter contre les réseaux criminalisés d'immigration clandestine. Je ne pense pas que dans mon pays, qui connaît un taux de chômage de 26 %, l'immigration puisse avoir une influence positive sur le PNB !

En réponse aux orateurs, sont intervenus :

M. Attarios Bousios, représentant M. Miltiadis Varvitsiotis, ministre de la marine marchande de la République hellénique. - Les Etats les plus soumis à la pression migratoire ne peuvent pas devenir des territoires d'accueil. Il nous faut absolument adopter des règles et des pratiques communes en matière d'immigration. Nous devons collaborer entre nous pour détruire les réseaux de criminalité organisés avec Europol et Frontex. Appuyés sur des structures solides, nous pourrons agir avec plus d'efficacité dans le respect des droits de l'homme.

M. Carlos Coehlo, député européen, rapporteur pour la proposition de règlement établissant des règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnées par Frontex aux frontières extérieures des États membres. - Je suis d'accord avec M. Eugenio Ambrosi. Il ne faut pas avoir peur de l'immigration mais rechercher des solutions communes en faisant preuve de solidarité.

La liberté de circulation au sein de l'Union européenne nous oblige à un effort accru en matière de surveillance des frontières extérieures de l'Union. S'il faut accueillir sur le territoire européen les personnes perdues en mer, le fond de la question ne pourra être réglé que par voie conventionnelle avec les pays tiers en renforçant le principe de refoulement pour ceux qui n'ont pas de motif légitime pour s'installer sur le territoire de l'Union européenne.

M. Eugenio Ambrosi, chargé de l'Europe à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). - L'Union européenne doit respecter les conventions internationales et le droit de la mer. Elle doit appliquer le principe de non-refoulement pour les requérants légitimes. Nous avons désormais une politique commune en matière d'asile ; il nous faut maintenant une politique commune en matière d'immigration. Cette politique devra avoir l'intégration comme priorité.

*

Communications de la Commission du 11 mars 2014 sur les futures priorités dans les domaines de la justice et des affaires intérieures

Mme Viviane Reding, commissaire à la justice et aux droits fondamentaux. - Le traité de Lisbonne a conféré à la Commission une compétence en matière de justice. De nombreux textes législatifs européens ont été adoptés au cours des quatre dernières années.

Pour contribuer au débat, la Commission a publié, dans une communication du 11 mars 2014, un agenda européen « Justice » pour 2020 intitulé « Renforcer la confiance, la mobilité et la croissance à l'intérieur de l'Union », avec des priorités qui constituent autant de défis.

La première priorité, c'est le renforcement de la confiance mutuelle notamment par l'application dans chaque État membre des décisions judiciaires prises dans d'autres États membres.

La seconde priorité consiste à mettre la justice au service de la mobilité des citoyens et des entreprises. Tout touriste européen qui se rend dans un autre pays européen se rend compte, lors d'un contrôle d'identité par exemple, à quel point les réglementations et pratiques diffèrent d'un pays à l'autre. Il nous faut absolument nous rapprocher à cet égard.

Enfin, troisième défi : la croissance. Certains pourront s'étonner. En quoi les systèmes de justice peuvent-ils avoir un impact sur la croissance économique ? En réalité, l'environnement juridique et judiciaire, en particulier le droit civil, le droit commercial, le droit administratif ont un effet direct sur la relance économique par la sécurité juridique ou l'absence de sécurité juridique qu'ils offrent aux investisseurs. L'harmonisation du droit dans les États membres exige un puissant effort de formation des juges, des magistrats instructeurs, et des personnels judiciaires européens.

Il est nécessaire de multiplier le nombre de praticiens du droit qui connaissent à la fois le droit européen et le droit des pays de l'Union (35 % des fonds européens « Justice » seront consacrés à la formation de ces praticiens). Il nous faut codifier le droit européen avec un « compendium » des décisions de justice prises à l'échelle de l'Europe.

Bien sûr, il faut conserver la diversité des systèmes juridiques (très hétérogènes notamment en matière de droits de succession ou de pratiques notariales). Les normes communes ne doivent intervenir que lorsqu'elles apportent une véritable valeur ajoutée.

M. Lope Aguilar, président de la commission LIBE. - Dans le domaine de la coopération judiciaire, il faut beaucoup de bonne volonté de part et d'autre. Nous avons besoin, c'est vrai, de mieux connaître les différents systèmes judiciaires, de mieux connaître les jurisprudences dans les États membres.

M. G. Ard Van Der Steur, membre de la commission de la sécurité et de la justice à la Seconde chambre des États généraux du Royaume des Pays-Bas. - Il faut réfléchir au rôle qui pourra être celui des parlements nationaux dans cet effort de rapprochement et d'harmonisation.

Mme Kinga Göncz, député européen. - De quels moyens disposons-nous réellement en cas de violation grave de l'État de droit dans un État membre ? Possédons-nous un dispositif d'évaluation régulière pour la gestion des crises ? Comment aller de l'avant ? Ne devrions-nous pas modifier les traités pour disposer d'un système plus efficace. Le projet annoncé dans la communication de Mme Reding sera-t-il suffisant ?

M. Andrew Henri William Brons, élu européen non inscrit. - Selon moi, il faut « étalonner » la coopération judiciaire en Europe. Quel sera le contenu de la « formation judiciaire » annoncée par Mme Reding ? Aura-t-elle seulement pour contenu une « description » des régimes judiciaires des États membres ou bien l'objectif est-il l'intégration de nos systèmes de justice ?

M. Luigi Berlinguer, député européen. - Élaborer de nouvelles normes est une chose. Les mettre en oeuvre en est une autre. J'ai le sentiment que le « corpus législatif européen » a finalement très peu d'effet sur le citoyen européen. Intéressons-nous prioritairement à l'accès pratique des citoyens européens à la justice. Avant de créer des normes nouvelles, occupons-nous de méthodologie et de procédures !

M. Jan Philipp Albrecht, député européen. - S'agissant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, la Commission devrait se limiter à fixer une feuille de route avec des normes minimales. C'est au Parlement européen et aux parlements nationaux d'agir. Mais le Conseil, en pratique, retient ce dossier. Il n'est possible ni au Parlement européen ni aux parlements nationaux de faire valoir réellement leur point de vue.

Sur la « surveillance de masse » en Europe, quelle est, en définitive, la réaction de l'Union européenne ? Va-t-on suspendre le « Safe Harbour » ?

En réponse aux orateurs, Mme Viviane Reding a déclaré : Nous n'avons pas besoin de normes supplémentaires. Il nous faut désormais appliquer les normes existantes. Tout ce que nous souhaitons voir mis en oeuvre en matière pénale figure déjà dans les directives. Ce que nous voulons, c'est que ces normes européennes puissent vraiment bénéficier aux citoyens européens, au moins les normes minimales !

Nous devons élaborer des tableaux de bord « Justice » afin que les gouvernements des États membres sachent où ils en sont au niveau du droit civil, du droit administratif, du droit commercial, au niveau des modes d'accès aux tribunaux ordinaires ou à la médiation. C'est indispensable pour avoir la confiance des investisseurs !

Il nous faut un système de formation des juges qui prenne en compte la diversité de nos régimes judiciaires et juridiques. Sur le Parquet européen, je rappelle que tous les parlements nationaux ont ratifié l'article 67 du traité qui a autorisé la création de ce Parquet. Sur les questions relatives à la structure du Bureau du procureur, nous devons travailler tous ensemble avec le Parlement européen en association avec les parlements nationaux pour trouver les meilleures solutions.

Sur le dossier lié aux violations de l'État de droit et à ce qu'on a appelé « le dilemme de Copenhague », je pense que tout est dans l'arrêt « Lévert » de 1986 de la Cour de justice. Avant de mettre en application l'article 7, « option nucléaire » qui prive l'État membre fautif de son droit de vote au Conseil européen, il faut tout tenter pour trouver des solutions alternatives avec des recommandations et un suivi de ces recommandations.

Sur la protection des données personnelles, enfin, il est dommage que les appels du Parlement européen et des parlements nationaux n'aient pas été entendus. C'est la faute du Conseil qui prend trop de temps pour arrêter une position ! Personnellement, je pense que le « Safe Harbour » n'est pas sûr du tout ! La balle est dans le camp américain !

Mme Cecilia Malmström, commissaire en charge des affaires intérieures. - La communication de la Commission du 11 mars intitulée : « Pour une Europe ouverte et en sécurité » (SWD (2014) 63 final) a été précédée d'une large consultation. Elle s'est efforcée de dégager une vision stratégique flexible et à long terme.

Notre idée, c'est que l'Union européenne peut apporter une vraie valeur ajoutée sur des dossiers où il importe aussi de faire preuve de solidarité. Les parlements nationaux et le Parlement européen ont joué et continuent à jouer un rôle très important. Il faut maintenant mettre en oeuvre toutes les normes que l'Union européennes a d'ores et déjà adoptées sur les canaux d'immigration illégale, la traite des êtres humains, la lutte contre la cybercriminalité, les abus contre les enfants en ligne, etc.

L'espace Schengen est au centre de la construction européenne. Il nous faut assouplir notre régime de visas. Les migrants peuvent apporter une valeur ajoutée. Il faut accueillir les talents.

Dans le même temps, il faut réduire les migrations illégales, favoriser les retours volontaires dans la dignité, prendre en compte l'instabilité de certains pays de notre voisinage, éviter à tout prix à l'avenir les tragédies telles que celle de Lampedusa.

Harmonisons nos règles en matière d'asile et d'immigration en faisant preuve de solidarité à l'égard des migrants mais aussi entre États membres. Je note, au passage et avec regret, que très peu d'États membres accueillent les réfugiés syriens.

Pour que l'Europe demeure un espace sûr , un espace de sécurité , il faut redoubler d'efforts :

- contre les réseaux terroristes (développer la « coopération pratique » entre États membres) ;

- contre l'extrémisme et la radicalisation ;

- contre la traite des êtres humains ;

- contre la criminalité organisée ;

- pour la protection des données personnelles.

Une coopération accrue est indispensable avec les États tiers en matière d'immigration mais aussi de sécurité. Il faut assurer une évaluation régulière et un suivi des politiques que nous mettons en oeuvre.

Beaucoup a été accompli depuis le traité de Lisbonne. Nous avons essayé de nous soumettre à trois exigences : une exigence de transparence, une exigence d'efficacité et une exigence de légitimité, c'est-à-dire reposant sur la confiance des citoyens européens.

M. Fernando Aguilar, président de la commission LIBE du Parlement européen. -Il me paraît clair que nous devons changer d'approche sur la question de l'immigration.

Lord David Hannay of Chiswick, Président de la sous-commission des affaires intérieures de la Chambre des Lords britannique. - Il faut en finir avec ces procédures trop longues qui laissent trop de projets de directives et de règlements « s'éterniser » devant le Conseil alors que leur processus d'élaboration a déjà exigé beaucoup de temps. En tout état de cause, sur le plan législatif, il faut achever ce qui a déjà été commencé avant d'ouvrir de nouveaux chantiers ou de lancer de nouveaux débats !

Les agences européennes jouent un rôle essentiel. C'est peut-être mieux de les laisser agir que de légiférer. Je note qu'une évaluation du programme de Stockholm devait être réalisée à mi-parcours ! À ma connaissance, cela n'a pas été fait.

M. G. Ard Van Der Steur, membre de la commission de la sécurité et de la justice à la Seconde chambre des États généraux du Royaume des Pays-Bas. - Je suis d'accord avec l'idée que l'aspect « mise en oeuvre » des textes adoptés doit désormais prévaloir. Je m'interroge sur les relations Commission-États membres. Mme Reding semble considérer que la Commission n'a pas à entretenir de relations avec les parlements nationaux. À quoi servent alors nos résolutions ?

M. Andrew Henri William Brons, élu européen non inscrit. - Un pays comme le Mali voit la quasi-totalité de ses élites fuir vers l'Europe. Est-ce bon pour le Mali ? Quel est le point de vue de l'Union européenne sur ce sujet ?

Mme Franziska Keller, député européen. - Il faut faciliter l'accès juridique à l'asile, prévoir des visas « humanitaires », éviter que l'instruction des demandes d'asile ne s'opère à l'extérieur des frontières de l'Europe. Qu'en est-il des procédures de réinstallation des requérants qui se sont vu refuser le droit d'asile ?

Mme Afroditi Stampouli, membre de la commission des lois du Parlement grec. - « Amnesty International » a émis de vives critiques contre la politique de refoulement telle qu'elle est conduite dans l'Union européenne. S'occupe-t-on suffisamment des conditions dans lesquelles la « rétention administrative » des migrants est effectuée ?

En réponse aux orateurs, sont intervenus :

Mme Cecilia Malmström, commissaire en charge des affaires intérieures. - Nous sommes tous d'accord, il faut mettre en oeuvre les normes législatives que nous avons déjà adoptées. Pour ma part, d'ailleurs, je ne fais aucune nouvelle proposition législative. C'est le Conseil, au mois de juin 2014, qui, le cas échéant, prendra de nouvelles initiatives en la matière. J'ai six agences européennes sous mon « autorité ». Ce que je souhaite, comme vous, c'est qu'elles oeuvrent pour renforcer la « coopération pratique » entre les États membres.

Sur les relations entre la Commission et les parlements nationaux, il faut préciser qu'« institutionnellement », les traités ne prévoyaient pas, au départ, de « relation directe ». Le traité de Lisbonne a fait évoluer les choses dans le bon sens, me semble-t-il.

En réponse à M. Brons sur la « fuite des cerveaux », je soulignerai que l'Union européenne se doit d'être attractive pour les travailleurs saisonniers, indispensables en agriculture, mais aussi pour les personnes hautement qualifiées. Il y va de son intérêt dans lequel l'ouverture au monde a sa place. Il faut simplifier, c'est vrai, les procédures d'asile dans le cadre de notre priorité « frontières intelligentes ». Mais nos ambassades ont-elles vocation à être des « bureaux d'asile » ? La question de la réinstallation des requérants refusés est un problème capital.

Oui, il y a eu, dans l'Union européenne, des refoulements « illégaux » au sens du droit européen.

Nous allons clarifier le droit de la « rétention administrative » dont les conditions actuelles sont loin d'être satisfaisantes. Je l'admets volontiers.

*

Session III - Droits fondamentaux des citoyens de l'Union à l'ère du numérique : Renforcer la protection des données et protéger les citoyens de l'Union contre la surveillance électronique de masse

M. Fernando Aguilar, président de la commission LIBE du Parlement européen. - La directive de 1995 sur la protection des données nous a longtemps servi de base juridique fondamentale. Depuis quelques années, tout est bouleversé dans ce domaine. Au début de l'année 2012, la Commission a présenté deux propositions composant le paquet « protection des données » : une proposition de règlement et une proposition de directive.

Il s'agit :

- de la proposition de règlement relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données), COM (2011) 0011 ;

- et de la proposition de directive relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, COM (2012) 0010.

Le 21 octobre 2013, la commission LIBE a adopté sa position et un mandat pour entamer des négociations avec le Conseil en vue d'un accord en première lecture. Les négociations n'ont pu, cependant, commencer dans l'immédiat, les États membres et le Conseil n'ayant pas encore réussi à dégager une position commune. Le 12 mars 2014, le Parlement a adopté en séance plénière deux résolutions législatives sur les projets de textes précités en vue d'engager des négociations avec le Conseil dès que ce dernier aura adopté son propre mandat de négociation.

La résolution du Parlement européen du 4 juillet 2013 sur le programme de surveillance de l'agence nationale de sécurité américaine (NSA), les organismes de surveillance de plusieurs États membres et leur impact sur la vie privée des citoyens de l'Union conférait à la commission LIBE un mandat pour mener une enquête approfondie sur la question, en collaboration également avec les parlements nationaux. Le travail réalisé lors de cette enquête ayant débouché sur une série de recommandations qui ont notamment débouché sur la résolution du Parlement européen du 12 mars 2014 sur le programme de surveillance de la NSA, les organismes de surveillance dans divers États membres et les incidences sur les droits fondamentaux des citoyens européens et sur la coopération transatlantique en matière de justice et d'affaires intérieures. .

La session III pourrait être utilement employée à débattre des priorités parlementaires dans ce domaine au cours des prochaines années.

M. Jan Philipp Albrecht, membre du Parlement européen. - Sur la question de la protection des données, nous sommes dans un domaine de « subsidiarité ». Mais le traitement des données est « transfrontière » par nature. Il faut adopter des normes uniques à l'intérieur de l'Union européenne.

Espérons que le Conseil prendra position sur le sujet avant l'été. Il y a urgence ! Nos entreprises européennes sont démunies par rapport aux entreprises américaines. Il importe que les parlements nationaux manifestent leur préoccupation et fassent aboutir le projet au plus vite ! N'oublions pas qu'au mieux, c'est en 2017 que les nouvelles normes pourront s'appliquer !

M. Claude Moraes, député européen, rapporteur pour l'enquête de la commission LIBE sur la surveillance électronique de masse des citoyens de l'Union. - L'enquête pour laquelle j'étais rapporteur a procédé, durant six mois, à dix-huit auditions. Mon rapport a été adopté à une forte majorité de la Commission.

Nous étions en face d'allégations directes d'espionnage. La situation était complexe. Le dossier dont nous étions chargés faisait déjà l'objet d'investigations de la part des services de renseignement des États membres. Les parlements nationaux, de leur côté, ont été plutôt timides dans leur réaction à l'affaire « Snowden ». La question fondamentale qui nous était posée, c'était : que faire avec les systèmes informatiques ouverts ? Nous avons travaillé essentiellement sur trois thèmes : le « cloud computing » , la liberté de la presse, le statut des dénonciations.

Nous avons conclu en la nécessité d'un « Bill of rights » du numérique. Le problème du « Safe Harbour » doit être traité. Les questions liées à la cybercriminalité ou à la lutte contre le terrorisme méritent un traitement spécifique mais d'une manière plus générale, il importe que le citoyen européen ait confiance dans notre système européen de contrôle de la surveillance de masse !

M. Fernando Aguilar, président de la commission LIBE du Parlement européen. - La protection des données privées des citoyens européens est une question essentielle. Elle concerne directement les droits fondamentaux.

M. Karl Sigfrid, membre de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement suédois. - Tout est numérisé désormais. D'où l'importance du problème. Après l'affaire « Snowden », un régime très strict de protection des données est souhaitable. Mais soyons réaliste. Dès que l'Union européenne s'empare d'une nouvelle compétence, elle ne la rend jamais. Soyons donc prudent. Le « guichet unique » en matière de protection des données est peut-être une fausse bonne solution. Nos autorités nationales de contrôle font bien leur travail. Au règlement contraignant, je préfère, pour ma part, la directive, plus adaptée à une problématique où le droit fondamental à la protection peut s'opposer à d'autres droits fondamentaux comme la liberté d'expression, par exemple.

Le problème, en fait, c'est celui de l'abus dans l'utilisation des données personnelles. Les fournisseurs (ceux qui collectent au départ les données) doivent - c'est impératif - rendre lisibles les conditions d'utilisation des données privées qu'ils recueillent ! C'est dans cette direction qu'il faut travailler. Je fixerai, en conclusion, cinq orientations dans le domaine de la protection des données :

- respecter les traditions européennes en la matière ;

- faire confiance aux services en ligne ;

- faire prévaloir la liberté d'expression et d'information ;

- défendre l'utilisation légitime des données par les opérateurs privés ou publics.

Lord David Hannay of Chiswick, Président de la sous-commission des affaires intérieures de la Chambre des Lords britannique. - Sur l'affaire « Snowden », je reconnais qu'il était difficile de mener une enquête au plan européen, alors qu'au même moment des investigations étaient conduites par des services de renseignement nationaux tenus au secret.

Sur la question de la protection des données personnelles, il faut considérer deux aspects :

- l'aspect « sécurité nationale » qui exige des règles et des procédures particulières ;

- l'aspect « compétitivité ». Il ne s'agit pas de mettre nos entreprises commerciales dans une situation concurrentielle défavorable par rapport à leurs concurrentes.

*

Session IV - Mettre en place un espace de justice pénale en vertu du traité de Lisbonne : Parquet européen et instruments de coopération judiciaire en matière pénale

M. Fernando Aguilar, président de la commission LIBE du Parlement européen. - Nous avons pris beaucoup de retard. Je vais tenter de vous résumer l'état de la situation sur ce dossier.

En juillet 2013, la Commission a présenté une nouvelle proposition de règlement portant création du Parquet européen (proposition de règlement du Conseil portant création du Paquet européen, COM (2013) 0534), ainsi qu'une proposition de règlement relatif à Eurojust (proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'Agence de l'Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), COM (2013) 0535 final), toutes deux étroitement liées. Selon la Commission, la création du Parquet européen vise à lutter plus efficacement contre la criminalité touchant au budget de l'union, et donc à économiser des millions d'euros en période d'assainissement budgétaire. Les parlements nationaux ont, par le biais de leurs avis motivés, donné un « carton jaune » à cette proposition à la fin de l'année 2013. La Commission a néanmoins décidé de ne pas retirer ladite proposition. Étant donné que l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui sert de base juridique au règlement portant création du Parquet européen, prévoit une procédure législative spéciale, dans le cadre de laquelle le consentement du Parlement européen n'intervient qu'au terme des négociations au sein du Conseil, le Parlement a décidé de rédiger un rapport intérimaire contenant des recommandations de modification de la proposition (résolution du Parlement européen du 12 mars 2014 sur la proposition de règlement du Conseil portant création du Parquet européen (rapport intérimaire) (2013/0255 (APP)).

En ce qui concerne le mandat d'arrêt européen, pierre d'angle de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière pénale, le Parlement a adopté, le 27 février 2014, une résolution dans laquelle il invite la Commission à présenter, dans un délai d'un an, des propositions législatives visant à remédier aux lacunes et aux faiblesses identifiées.


* 1 Selon l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), 46 684 demandes d'asile ont été enregistrées en France en 2013 ; 11 371, soit un peu moins du quart, ont été acceptées.

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