C. DE FORTES SPÉCIFICITÉS

1. Une population très diverse
a) Des régimes juridiques très divers

Entrepreneurs au régime des micro-entreprises, gérants de sociétés, auto-entrepreneurs, les 2,5 millions d'affiliés au RSI forment une population très diverse.

Les auto-entrepreneurs : un quart des effectifs de cotisants au RSI

Rappels

Créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) le régime de l'auto-entrepreneur est entré en vigueur le 1 er janvier 2009.

Il a connu une montée en puissance très rapide avec 320 000 auto-entrepreneurs en 2009, 900 000 en 2013. Les auto-entrepreneurs représentent 1 cotisant du RSI sur 4.

Régime social et fiscal

Juridiquement, le régime de l'auto-entrepreneur constituait un aménagement dérogatoire au régime micro-fiscal créé pour les travailleurs indépendants, dont il doit respecter les seuils de chiffres d'affaires : 82 200 euros pour le commerce et 32 900 euros pour les services.

L'auto-entrepreneur tant qu'il reste sous les seuils de chiffres d'affaires de la micro-entreprise :

- déclare son chiffre d'affaires et règle ses cotisations sociales chaque mois ou chaque trimestre ;

- peut payer dans le même temps 3 ( * ) l'impôt sur le revenu sur cette activité ;

- bénéficie d'une franchise de TVA, ni facturée, ni récupérée.

Figure n° 3 : Taux de cotisations applicables aux auto-entrepreneurs

Activité

Taux de cotisation

Assiette

Versement libératoire IR

Taux global

CFE

Taxe pour frais de chambre

achat/vente,

14,1 %

Chiffre d'affaires

1 %

15,1 %

exonération

exonération

prestations de services

24,60 %

Chiffre d'affaires

1,70 %

2,2 % (BNC)

26,30 %

prestations de services libérales

23,30 %

25,2 % en 2015

Chiffre d'affaires

2,20 %

23,50 %

Source : Acoss

Protection sociale

Lorsque l'auto-entreprenariat est l'activité principale de la personne, elle bénéficie de la même couverture sociale que les autres travailleurs indépendants.

En cas de poly-activité, l'auto-entrepreneur :

- cotise au RSI au titre de son activité d'auto-entrepreneur ;

- reçoit des prestations au titre du régime auquel il est affilié au titre de son activité principale ;

- acquiert des droits à retraite auprès du RSI [ou de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (Cipav) pour les activités libérales] sous réserve d'atteindre des montants suffisants pour acquérir des trimestres (entre 11 430 euros et 26 013 euros de CA annuel pour quatre trimestres ; entre 60 % et 80 % des AE ne valident aucun trimestre).

Les formalités d'affiliation et de radiation et le recouvrement des cotisations sont sous la responsabilité de l'Acoss, qui retransmet aux régimes (RSI et caisses relevant de la CNAVPL) les informations nécessaires.

En application du principe « pas de chiffre d'affaires, pas de cotisations », un auto-entrepreneur n'est pas soumis aux cotisations minimales applicables.

Ces dispositions ont été aménagées par la loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises qui unifie régimes microsocial et microfiscal. A compter du 1 er janvier 2016, tous les actifs ayant le statut micro-fiscal paieront leurs cotisations sur la base de leur chiffre d'affaires directement aux URSSAF. Le texte prévoit, pour les entrepreneurs qui relèvent de ce régime, un droit d'option de paiement de la cotisation minimale.

Compensation

Les crédits liés à la compensation de l'exonération liée au régime social des micro-entreprises sont inscrits au programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission Travail et emploi.

Hors auto-entrepreneurs, le nombre de cotisants est stable autour de 1,4 million de cotisants, en légère diminution sur la période récente.

Figure n° 4 : Evolution du nombre de cotisants artisans et commerçants entre 2008 et 2013

Source : RSI / DEEP/SARDE

Avec les auto-entrepreneurs avec chiffre d'affaires positif, le nombre de cotisants est d'1,7 million, dont 300 000 professionnels libéraux.

Figure n° 5 : Cotisants : artisans, commerçants et professions libérales

(2011, 2012 pour AE)

en milliers

en %

Micro-entreprises

148

6 %

Entrepreneurs individuels

770

30 %

Gérants à l'IR

97

4 %

Gérants à l'IS

682

27 %

Agent général d'assurance

6

0,2 %

Auto-entrepreneurs

822

33 %

Auto-entrepreneurs avec CA positif

525

Total

2 525

Source : RSI

Il résulte de cette diversité une difficulté à dégager un consensus sur l'étendue et le niveau de la protection sociale nécessaire tant les capacités de financement sont différentes.

b) Des écarts de revenus très importants

Le revenu moyen des indépendants, hors auto-entrepreneurs, s'élève, d'après l'Insee, à 37 200 euros pour l'année 2011.

Parmi les professions indépendantes, les écarts de revenus sont plus importants que pour les salariés avec un rapport interquartile 4 ( * ) de 5,2 contre 1,8 pour les salariés.

Au sein du premier décile, un indépendant sur dix déclare un revenu nul, un sur quatre a un revenu annuel inférieur à 8 650 euros et la moitié déclare moins de 21 600 euros annuels.

Au sein du dernier décile, un indépendant sur quatre a un revenu supérieur à 44 600 euros et, pour un sur dix, le revenu excède 84 300 euros, soit deux fois plus que le dernier décile de revenu des salariés du privé (38 100 euros).

c) Un turn-over important des affiliés et la prédominance de polypensionnés

Le RSI est caractérisé par une rotation particulièrement rapide du fichier de ses cotisants : en 2012, il a enregistré quelque 565 000 affiliations et 475 000 radiations.

1,8 million de personnes, radiées du régime, ont des droits ouverts (au moins un trimestre) au titre de la retraite.

Autre caractéristique du régime, l'imbrication croissante de la carrière de ces affiliés avec d'autres régimes. La quasi-totalité des retraités artisans et commerçants a exercé une activité salariée au cours de sa carrière professionnelle.

La durée moyenne d'assurance est relativement courte dans le régime des indépendants (14 ans pour les nouveaux retraités artisans, 11 ans pour les commerçants).

Un indépendant « classique » sur dix, un auto-entrepreneur sur trois cumule cette activité avec un travail salarié.

2. Un mode de paiement spécifique des cotisations

La séquence du paiement des cotisations des travailleurs indépendants s'apparente à celle de l'imposition des revenus.

Les deux premières années du démarrage de l'activité, tant que les revenus ne sont pas connus, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire. Le paiement peut être reporté au-delà de la première année et fractionné jusqu'à 5 ans.

Par la suite, les cotisants procèdent à une déclaration de leurs revenus (DCR), sur le fondement de laquelle les cotisations sont calculées puis appelées. Lorsque les données nécessaires au calcul des cotisations ne sont pas transmises, celles-ci sont calculées sur une base majorée.

En application de l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, les cotisations dues au titre de l'année N, sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d'activité N-2 puis font l'objet d'une régularisation en fin d'année N+1, une fois connu le revenu de l'année N.

A titre dérogatoire, les cotisants ayant recours à la dématérialisation de leur déclaration peuvent demander une régularisation dès le début de l'année N+1.

Toujours à titre dérogatoire, un cotisant peut demander à ce que ses cotisations provisionnelles soient calculées en fonction de son revenu N-1.

A compter du 1 er janvier 2015, l'écart entre le revenu de référence et l'année de versement des cotisations provisionnelles est réduit d'un an. Les cotisations provisionnelles seront calculées sur la base du revenu d'activité de l'année N-1 et les cotisants pourront demander un ajustement de leurs cotisations sur la base de l'estimation de leur revenu d'activité de l'année en cours.

3. Un lien cotisations/prestations

Le lien entre le paiement des cotisations et de droit à prestations est une spécificité fondamentale du RSI. Il explique pour une large part les difficultés rencontrées lors de la réforme et sera décisif pour les retraités du régime lors de la liquidation de leurs droits.

a) Une exigence de cotisations minimales

Pour ouvrir leurs droits, les travailleurs indépendants doivent s'acquitter d'une cotisation minimale, équivalent de la durée d'affiliation pour l'ouverture de droits aux salariés. Le paiement de cette cotisation concerne plus de 30 % des assurés du régime maladie.

Ce principe ne souffre qu'une exception, celle des auto-entrepreneurs auxquels s'applique un principe « pas de chiffre d'affaires, pas de cotisation ».

Afin de limiter les effets de seuil préjudiciables aux plus bas revenus, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a modifié le mode de calcul de la cotisation minimale maladie-maternité pour lui substituer un mécanisme de dégressivité. Lorsque le revenu du travailleur indépendant est négatif ou nul, la cotisation est de 30 % de la cotisation minimale ; au-delà, la réduction décroît avec l'augmentation du revenu et s'annule à hauteur de 40 % du plafond de la sécurité sociale. En 2014, la cotisation minimale maladie-maternité varie entre 659 euros et 976 euros.

Figure n° 6 : Mode de calcul de la cotisation minimale

Artisans/commerçants

Base de calcul

Assiette minimale

Cotisation minimale

Maladie

40 % PASS

15 019€

de 659€ à 976€

Indemnités journalières

40 % PASS

15 019€

105€

Retraite de base

5,25 % PASS

1 971€

338€

Retraite complémentaire

5,25 % PASS

1 971€

138€

Invalidité-décès

20 % PASS

7 510€

120€/83€

Total annuel

de 1 360€
à 1 677€/1 640€

Source : CSS

En matière de retraite, la cotisation minimale ne permet de valider qu'un seul trimestre, même si l'activité a été exercée tout au long de l'année (un revenu équivalent à 600 Smic horaire brut est nécessaire à la validation d'une année complète). En matière d'indemnités journalières, elle ouvre droit à un taux minimum.

b) Des modalités particulières d'ouverture et de calcul des droits à retraite et indemnités journalières

En application des articles L. 613-8 (prestations maladie en espèces) et L. 634-2-1 (vieillesse) du code de la sécurité sociale, les droits à prestations des travailleurs indépendants sont subordonnés au paiement effectif des cotisations.

Cette différence avec le régime général rend la question des flux d'information entre les Urssaf et le RSI et celle de la fiabilité de ces informations particulièrement cruciales. En l'absence de données, la liquidation des retraites ou le versement d'indemnités journalières sont impossibles.

4. Une dimension « culturelle »

Vos rapporteurs ont pu mesurer l'attachement des indépendants et de leurs représentants à une gouvernance de leur protection sociale qui leur soit propre.

a) Un attachement très fort à une gouvernance par des élus

Les conseils d'administration de la caisse nationale (50 administrateurs dont 21 commerçants et industriels, 21 artisans et 8 représentants des professions libérales) et des caisses régionales du RSI sont élus au suffrage universel. Pour les caisses régionales, ils sont composés de 24 à 36 membres selon le nombre de leurs ressortissants et comportent un tiers de retraités et deux-tiers d'actifs.

Au total le nombre des administrateurs du RSI est de 942.

Il en résulte une démocratie sociale vivante, des administrateurs actifs et engagés et de réels débats mais peut-être également un frein pour l'émergence d'une ligne conductrice claire.

b) Une méfiance à l'égard des Urssaf

Au cours de leurs différentes auditions, vos rapporteurs ont pu constater une forme de réaction identitaire à l'égard du réseau des Urssaf, auquel, la fibre « entreprise » et l'écoute des chefs d'entreprise en difficulté feraient défaut.

Plus encore, la crainte de devenir une « minorité » dans un grand ensemble entraîne un attachement fort à un régime spécifique.

c) La place de l'action sociale

Traditionnellement, l'action sociale avait pour vocation de compenser des prestations relativement limitées. Elle occupe encore une place significative.

Prévu par l'article L. 635-3 du code de la sécurité sociale, le fonds d'action sociale, avec 112 millions d'euros de budget en 2013, est l'une des spécificités du RSI. Ses principaux axes sont l'aide à l'acquisition d'une complémentaire-santé, en complément du dispositif de base, l'aide aux cotisants en difficulté et les problématiques de maintien à domicile.

Le RSI intervient notamment auprès de ses affiliés en difficulté par l'octroi de délais de paiement et de prise en charge des cotisations.

Ces interventions concernent un nombre très significatif d'affiliés et représentent un enjeu budgétaire important. Elles sont aussi un indicateur de la mauvaise santé économique des artisans et commerçants.

Pour l'année 2013, 320 000 délais de paiement ont été accordés, ce qui représente un décalage de trésorerie d'un montant de 1,7 milliard d'euros, soit près de 10 % des cotisations liquidées au titre de l'exercice.

L'aide aux cotisants en difficulté qui consiste en la prise en charge d'un trimestre de cotisations, éventuellement renouvelable une fois, a concerné 15 500 bénéficiaires pour un montant moyen de plus de 1 900 euros. Elle a vocation à soutenir des entreprises viables.

Le montant des interventions du Fonds national d'action sociale (Fnas), au titre de l'aide aux cotisants en difficulté, représente près de 30 millions d'euros en 2013. Sur ce total, 23 millions d'euros de cotisations aux régimes obligatoires des artisans et commerçants et 5 millions d'euros au titre des régimes complémentaires, financés par un prélèvement sur les cotisations des régimes complémentaires, ont été pris en charge. Le fonds est intervenu, pour près de 1,8 million d'euros au titre du régime « maladie » des professions libérales.

Les élus rencontrés par vos rapporteurs ont fait part de leur grand attachement à ce dispositif d'aide, qui peut également prendre la forme de prise en charge d'honoraires d'experts comptables, décidé dans le cadre de commissions régionales.

Ils soulignent que les dossiers leur parviennent trop souvent alors que la situation de l'entreprise est déjà trop dégradée, ce qui justifierait un effort de détection précoce et de communication renforcée.


* 3 Si le revenu fiscal de référence ne dépasse pas la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l'impôt sur le revenu par part de quotient familial.

* 4 C'est-à-dire le rapport entre le revenu plancher des 25 % ayant les revenus les plus élevés et le revenu plafond des 25 % ayant les revenus les moins élevés.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page