ANNEXES

Compte rendu de l'audition de Mme Alya Aglan,
professeure d'histoire contemporaine à l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, jeudi 24 octobre 2013

Biographies des intervenants

Quelques portraits de Résistantes

Paroles de Résistantes

Audition de Mme Alya Aglan, professeure d'histoire contemporaine
à l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne

(24 octobre 2014)

Présidence de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente . - Nous recevons ce matin Mme Alya Aglan, professeure d'histoire contemporaine à l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, qui va évoquer avec nous, dans ses grandes lignes, la question du rôle des femmes dans la Résistance.

Cette audition est organisée dans la perspective de la préparation du colloque dont nous avons adopté le principe lors de notre réunion du 3 octobre 2013.

Je rappelle que ce colloque sera la contribution de notre délégation à la première commémoration de la Journée nationale de la Résistance, le mardi 27 mai 2014, dont l'instauration résulte d'une proposition de loi de notre collègue Jean-Jacques Mirassou, signée par les membres du groupe socialiste. Cette proposition a été adoptée en mars 2013 et elle est devenue la loi du 20 juillet 2013.

Ce texte a fixé la date de la Journée nationale de la Résistance au 27 mai pour commémorer la première réunion, par Jean Moulin, du Conseil national de la Résistance. Madame la Professeure, nous vous écoutons avec intérêt.

Mme Alya Aglan, professeure d'histoire contemporaine à l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne . - Je vous remercie de m'associer à vos travaux sur ce thème des femmes résistantes.

Les femmes ont-elles joué un rôle spécifique dans la Résistance ? Quelle a été leur place ? Comme pour les hommes, il n'est jamais aisé de répondre avec des chiffres à des questions concernant un mouvement clandestin. On dispose toutefois de données a minima relatives au nombre de femmes fusillées et surtout déportées, grâce au travail de recensement des convois effectué par Serge Klarsfeld. On estime aujourd'hui à 88 000 le nombre total de déportés politiques, dont 10 % de femmes. C'est une preuve irréfutable de l'engagement des femmes, même si cela ne rend compte ni de son intensité, ni de sa variété.

Malgré une participation très faible à la vie politique avant-guerre, les femmes sont nombreuses à prendre en charge le quotidien de la Résistance. Leur rôle essentiel consiste à restaurer le lien social mis à mal par la force corrosive de l'occupation.

Leur faible nombre apparent tient aussi au fait qu'elles ont été très peu nombreuses, après-guerre, à demander des cartes de combattants volontaires. Certaines ont été médaillées par le gouvernement français ou par le gouvernement britannique, mais lorsque l'on interroge la plupart d'entre elles, elles estiment que ce qu'elles ont fait était « normal ».

Claire Andrieu a décrit ces femmes comme les « intendantes de la Résistance ». Je dirais, pour ma part, qu'elles ont plutôt été les protectrices de l'ordre clandestin, s'adaptant aux modalités de l'action clandestine avant même la constitution des grandes organisations.

La Résistance a été organisée par des femmes et autour d'elles. Ce sont elles qui mettent en place les premières filières d'évasion des prisonniers de guerres français, qui ont ensuite profité aux aviateurs alliés. Comme exemple de cette action, on peut citer le rôle des femmes auprès des prisonniers du centre de La Croix de Berny à Antony pour les prisonniers en attente de transfert vers l'Allemagne, ou encore le rôle joué par Simone Martin-Chauffier en Côte d'Or. Plus tard, ce sont elles qui assurent le ravitaillement des maquis.

Leur rôle est complémentaire de celui des hommes, à la fois au sein des réseaux d'action clandestine - spécialisés par types d'opérations - et au sein de mouvements de Résistance à vocation plus politique. Elles y assurent des fonctions de secrétariat, d'agents de liaison ou prennent en charge le transport de matériel au travers de la ligne de démarcation. Cela supposait d'innombrables contrôles. Or, pour l'occupant, elles n'ont pas le profil de « terroristes ». Être une femme était un atout pour passer ces contrôles.

Elles exercent rarement des fonctions de responsabilités, même si des exceptions existent telles Marguerite Gonnet, chef de Libération Sud pour l'Isère, ou Lucie Aubrac, à la tête d'un corps franc chargé d'organiser des évasions.

Elles peuvent aussi exercer une influence politique, comme celle de Berty Albrecht auprès d'Henri Frenay. C'est sous son influence qu'Henri Frenay a évolué en faveur de l'idée européenne.

Des femmes ont ainsi pu diriger des réseaux après l'arrestation de leur chef. C'est le cas de Marie-Madeleine Fourcade qui le raconte très bien dans son livre, L'Arche de Noé , surnom donné au réseau Alliance. Rappelons qu'il s'agissait de jeunes femmes d'environ 25 ans...

Une mention particulière doit être faite des résistantes communistes. Au Parti communiste français, les femmes jouent un rôle important. Tout d'abord, les femmes germanophones se consacrent à une mission très dangereuse : un « travail antiallemand », consistant à lier conversation avec les soldats d'occupation pour les démoraliser. Il y a aussi les manifestations de ménagères organisées par le PCF. L'une de ces manifestations, restée célèbre, a lieu le 1 er août 1942 devant le magasin Félix Potin de la rue Daguerre à Paris. Lise Ricol, compagne d'Artur London, y mobilise la foule contre la pénurie et contre la relève annoncée par Pierre Laval, consistant en un échange de travailleurs volontaires contre le retour de prisonniers français. Il y a plusieurs blessées ; dix jours plus tard les militantes sont arrêtées. Ces mouvements ont été particulièrement étudiés par l'historienne américaine Paula Schwartz.

Les femmes ont aussi une place dans la Résistance extérieure. On peut citer Élisabeth de Miribel, affectée à Londres en 1939 à la mission française de guerre économique et qui reste pour assurer le secrétariat particulier du Général de Gaulle. On peut citer aussi, bien sûr, Eugénie Éboué qui travaille au cabinet de Félix Éboué, à Brazzaville, capitale de l'Empire rallié à la France Libre. Elles participent aussi aux comités de la France Libre constitués notamment aux États-Unis et en Amérique du Sud pour soutenir la cause de la Résistance. Des femmes sont engagées volontaires militaires au sein du corps féminin des volontaires, devenu en 1941 le corps des volontaires françaises. Sans jouer de rôle directement combattant, elles remplacent les hommes partout où cela est possible : comme conductrices de camion, mécaniciennes, infirmières, médecins ou encore au service du chiffre ; certaines sont même parachutistes.

Un cas unique est celui de Jeanne Bohec, jeune chimiste travaillant dans une poudrerie à Brest. À Londres, elle est engagée comme caporal dans le secrétariat des laboratoires de recherche militaires. Elle travaille au développement d'explosifs et réalise le coup de force d'être envoyée en mission en France par le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), les services secrets de la France Libre. Elle instruit les Forces française de l'intérieur en Bretagne à l'usage des explosifs. Cette région revêtait un caractère stratégique car en application du « Plan vert », les Résistants y étaient prêts, dès le mois de mai 1944, à détruire toutes les voies de communication avec le reste du pays, gênant ainsi les Allemands dans le rapatriement des troupes après le débarquement. Dans ses mémoires, intitulées La plastiqueuse à bicyclette , elle raconte qu'elle maniait mieux les armes que ses compagnons masculins mais qu'on ne la laissait pas s'en servir lorsqu'un homme était là pour le faire.

Présentes dans toutes les armes, les femmes volontaires sont au nombre de 15 000, dont 1 800 au sein de la France Libre ; que l'on songe notamment au fameux bataillon des « Rochambelles » au sein de la 2 ème division blindée.

Les femmes ont donc exercé des fonctions spécifiques : elles ont eu une contribution incontestable à la Résistance.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente . - Votre présentation permet de saisir tout ce qu'il y avait en creux des actions de la Résistance. Mais que sont devenues toutes ces femmes ? Au-delà de leur engagement pour défendre le pays, ces femmes se sont-elles ensuite mobilisées pour sa reconstruction ?

Mme Alya Aglan . - Des femmes sont restées engagées, comme Gilberte Brossolette, sénatrice, ou d'autre élues députées, mais il n'y a eu à ce jour aucune étude sur ce que les femmes de la Résistance sont devenues, plus particulièrement dans la vie politique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente . - Elles se sont plutôt consacrées au devoir de mémoire ?

Mme Alya Aglan . - Il y a eu bien entendu Lucie Aubrac qui a donné de nombreuses conférences dans les lycées. Il y a eu aussi un engagement très fort dans les années 1945-1947 en faveur de l'Europe, mais assez peu dans les partis politiques traditionnels, restés très masculins. Nombre de femmes avaient pour objectif principal, après la guerre, de fonder une famille.

Mme Corinne Bouchoux . - Comment notre colloque pourrait-il être le plus pédagogique possible, évitant à la fois l'écueil de l'invisibilité des femmes dans la Résistance et celui de l'hagiographie ?

Mme Alya Aglan . - Cela pourrait être évité en prenant des cas particuliers et en reliant toujours leur rôle à celui des hommes. Elles n'ont pas eu le rôle le plus visible mais leur protection et le maintien du lien social auquel elles se sont consacrées ont été essentiels.

Mme Françoise Laborde . - Mettre en valeur quelques personnalités d'envergure sera incontestablement de nature à enrichir notre colloque. En jouant ce rôle de protection qui leur est viscéral, les femmes sont entrées dans le vif du sujet à leur façon.

Mme Alya Aglan . - Il s'agissait d'une protection au sens très large du terme, presque maternel car la protection armée des opérations était assurée par les hommes. Le rôle des femmes a été encore plus important avant la mise en place des organisations, moment où les hommes ont commencé à revendiquer qui des postes de délégué militaire régionaux, qui des mandats de représentants à l'Assemblée d'Alger.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente . - Notre manifestation s'annonce très bien...

Mme Alya Aglan . - Oui, d'autant qu'elle permettra d'étudier les carrières des résistantes devenues sénatrices et députées, ce qui donnera une vision en coupe des femmes dans la vie politique au sortir de la guerre. Le Parti communiste est celui qui leur a laissé la plus grande place, y compris dans l'action clandestine. La plupart des femmes de cette époque aspiraient toutefois à une vie de famille... Il faut ajouter que la Guerre froide a apporté une certaine désillusion sur la construction du monde meilleur auquel on avait rêvé pendant la guerre.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente . - Oui, le Conseil national de la Résistance fut un grand moment d'ouverture et de consensus et puis...

Mme Alya Aglan . - ... le jeu politique traditionnel a hélas repris ses droits.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente . - C'est important car tout cela reste encore d'actualité. Je vous remercie.

Biographies

des Intervenants

Brigitte Gonthier-Maurin

Brigitte Gonthier-Maurin est sénatrice des Hauts-de-Seine depuis juin 2007. Elle siège au groupe communiste républicain et citoyen.

Au nom de la commission de de la culture, de l'éducation et de la communication, dont elle est vice-présidente et rapporteure pour avis des crédits de l'enseignement scolaire, elle a publié en juin 2012 un rapport d'information intitulé Le métier d'enseignant au coeur d'une ambition émancipatrice . Elle est par ailleurs membre du conseil d'administration du Centre d'art et de culture Georges Pompidou .

Au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes qu'elle préside depuis 2011, elle a publié divers rapports d'information : Harcèlement sexuel : une violence insidieuse et sous-estimée en juin 2012, Femmes et travail: agir pour un nouvel âge de l'émancipation en janvier 2013, La place des femmes dans l'art et la culture : le temps est venu de passer aux actes en juin 2013, Projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes : premier jalon vers une approche intégrée en juillet 2013 et Pour que le viol et les violences sexuelles cessent d'être des armes de guerre en décembre 2013.

Jacques Vistel

Jacques Vistel, né en 1940, préside la Fondation de la Résistance et joue un rôle actif dans la transmission de l'histoire et de la mémoire de la Résistance.

Conseiller d'État honoraire, il a été, entre autres fonctions, directeur adjoint des Musées de France (1978-1982), président de la Commission d'aide à la distribution des films (1981) et Médiateur du cinéma (1987 - 1991).

Son père, Alban Vistel, Compagnon de la Libération, actif dans la Résistance dans la région lyonnaise, est l'auteur de nombreux ouvrages sur la Résistance, dont La Résistance spirituelle .

Claire Andrieu

Claire Andrieu est professeure des universités en histoire contemporaine à l'IEP de Paris / Sciences Po. Elle est spécialiste d'histoire politique et sociale du XX ème siècle et plus particulièrement des années de guerre (1939-1945) et de la Libération (1944-1946), ainsi que des débuts de la V ème République.

Sur la Résistance, elle a notamment publié Le programme commun de la Résistance, éditions de l'Érudit en 1984 ; le Dictionnaire De Gaulle, en codirection avec Philippe Braud et Guillaume Piketty, aux éditions Robert Laffont en 2006 ; La Résistance aux génocides, en codirection avec Jacques Semelin et Sarah Gensburger paru aux Presses de Sciences-Po en 2008; plusieurs articles dans le Dictionnaire historique de la Résistance française, de François Marcot (dir.) aux éditions Robert Laffont, paru en 2006 ; « Les résistantes. Perspectives de recherche », in Le Mouvement social (juillet-septembre 1997) ; « Réflexions sur la Résistance à travers l'exemple des Françaises à Ravensbrück », Histoire@Politique, en ligne, n° 5, août 2008 ; et « La Résistance comme mouvement social », in Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky (dir.), Histoire des mouvements sociaux en France, de 1814 à nos jours, éditions La Découverte, 2012.

Danielle Tartakowsky

Présidente de l'Université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis, Danielle Tartakowsky est professeur d'histoire contemporaine et spécialiste des mouvements sociaux dans la France contemporaine. Elle travaille plus particulièrement sur les manifestations et mobilisations collectives auxquelles elle a consacré de nombreux ouvrages.

En 1996, elle publie : Le Front populaire : la vie est à nous , éditions Gallimard, puis en 1998 Le pouvoir est dans la rue : crises politiques et manifestations en France , éditions Aubier. En 2005, elle écrit une histoire du 1 er mai ( La part du rêve : histoire du 1 er mai en France , Hachette littératures). Elle a récemment publié Les Droites et la Rue. Histoire d'une ambivalence, de 1880 à nos jours , aux éditions La Découverte.

Catherine Lacour-Astol

Professeure agrégée d'histoire au lycée Pasteur de Lille, Catherine Lacour-Astol est docteure en histoire contemporaine. Elle a soutenu sa thèse de doctorat en 2010 à l'Institut d'études politiques de Paris : La Résistance féminine : répression et reconnaissance (1940 - fin des années 1950). L'exemple du Nord .

Elle est l'auteure de plusieurs articles publiés dans les actes des colloques organisés par l'Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHiS) et la ville de Bondues (musée de la Résistance), notamment : "Résistance, genre et représentations en sortie de deuxième guerre mondiale dans le Nord" , dans La clandestinité en Belgique et en zone interdite (1940-1944) , édité par Robert Vandenbussche (2009). À paraître en 2015 aux Presses de Sciences Po : Le genre de la Résistance. Répression et reconnaissance de l'engagement féminin dans le Nord (1940-début des années 1950) .

Guy Krivopissko

Historien spécialiste de la Résistance, et notamment de la presse clandestine, Guy Krivopissko est depuis 1985 conservateur du Musée de la Résistance nationale qui regroupe plusieurs sites en France, dont le Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne.

Guy Krivopissko a participé à de nombreux colloques et rencontres et coordonné des ouvrages sur la période : avec Jacques Gaucheron, Florilège des poèmes de la Résistance (éd. Messidor-Musée de la résistance, 1991), La vie à en mourir - Lettres de fusillés 1941-1944 (éd. Tallandier, 2003 et Point-Seuil Histoire, 2006), À vous et à la vie, lettres de fusillés du Mont-Valérien 1940-1944 (éd. Tallandier-Ministère de la Défense, 2010), avec Guy Hervy, Aurélien Poidevin et Axel Porin, Quand l'Opéra entre en résistance, les personnels de la Réunion des théâtres lyriques nationaux sous Vichy et l'Occupation , (éd. l'OEil d'or, 2007) et, avec Guy Brossard, Comment parler de la Résistance aux enfants (éd. Le Baron perché, 2012).

Colette Périès-Martinez

Dès le début de la guerre, Colette Périès, née en 1922 et sa soeur Louise, née en 1918, filles de Paul Périès, préfet, suivent une formation d'aide médico-sociale de la Croix Rouge. Elles appartiennent à un groupe qui fait parvenir des faux papiers ou des colis à des prisonniers en Allemagne.

Fin 1942, les deux soeurs s'engagent dans l'équipe féminine d'agents de liaison mise en place par Antoinette Reille, sous la tutelle du commandant Vallette d'Osia, chef départemental de l'Armée Secrète (A.S.), fonction qu'il assurera jusqu'à son arrestation en 1943.

Colette Périès a notamment pour missions de faire passer des messages, de transporter de l'argent venant de Suisse ou de Lyon, nécessaire à la Résistance, ou encore de venir en aide à des fugitifs. Elle a pour sa part accompagné de nombreux passages à travers la frontière suisse. Les deux soeurs et leurs camarades effectuent aussi des missions de renseignement et sont ainsi amenées à se rendre à Marseille, à Grenoble, dans l'Ain et, très fréquemment, à Lyon, où elles se chargent de transmettre des courriers via des boîtes aux lettres qui changent fréquemment d'emplacement pour éviter les nombreux contrôles de police.

Leur moyen de transport privilégié est la bicyclette, ce qui permet notamment d'éviter les contrôles, très fréquents dans les gares et les trains. Ces contrôles sont particulièrement dangereux car les jeunes filles mènent souvent leurs actions sous leur véritable identité : en cas d'arrestation, toute leur famille se trouverait menacée. Colette et sa soeur sont donc habituées à parcourir chaque jour de grandes distances à vélo, parfois plus d'une centaine de kilomètres. Colette Périès déclarera d'ailleurs ensuite, non sans humour, qu'après la guerre, elle était prête à faire le Tour de France ! Toutes ces volontaires défileront d'ailleurs à bicyclette lors de la libération d'Annecy.

Les soeurs Périès ont également aidé la Résistance organisée autour du plateau des Glières, en assurant la liaison entre les maquis et les résistants locaux.

Colette Périès, comme sa soeur Louise, est décorée de la médaille de la Résistance. Elles ont reçu ensemble la Croix de Guerre avec citation commune, dont voici un passage : « Mesdemoiselles Périès, agents de liaisons intelligentes, courageuses, ont su avec un total mépris du danger, assurer tantôt ensemble, tantôt en se relayant, un service de plus en plus difficile, tant dans la clandestinité qu'au cours des opérations de Libération ».

Colette Périès est également décorée de la Légion d'Honneur.

Un salon de la préfecture de Haute-Savoie porte le nom des deux soeurs résistantes depuis le 4 mai 2013. La préfecture a rendu hommage à « deux femmes exemplaires et, à travers elles, [à] toutes celles, trop méconnues, qui, après s'être engagées dans la Résistance avec courage et abnégation, sont rentrées dans l'ombre avec humilité une fois la liberté reconquise » 122 ( * ) .

Colette Lacroix

Colette Lacroix est née en 1924. En 1940, son père est prisonnier de guerre. Élève au  lycée Quinet de Bourg-en-Bresse, Colette Lacroix entre en contact avec Raymond Sordet, lui-même élève au lycée Lalande. Avec d'autres camarades, ils forment un groupe dès la fin de 1940 ; ils sont en lien avec l' Intelligence service et lui font parvenir des renseignements.

En avril 1941, tous sont dénoncés et arrêtés. Colette Lacroix, probablement du fait de son jeune âge, est libérée. Le groupe est dissout mais elle souhaite poursuivre son activité dans la Résistance et prend contact avec Paul  Pioda, pionnier de la Résistance qui rejoint le mouvement « Libération-Sud ». À ses côtés, elle distribue des tracts et vend des photos du  Général de Gaulle. Elle quête également au profit des maquisards. Des amies de lycée la suivent. Colette se trouve ainsi intégrée aux « Forces unies de la jeunesse patriotique ».

Colette Lacroix est également membre du  mouvement « Combat ».  En 1942, elle déménage à Nantua et participe notamment à la recherche de terrains de parachutages et à la fabrication de faux papiers. En lien  avec Yvon Morandat, elle est chargée de repérer des sites susceptibles d'accueillir les premiers groupes de maquis dans le secteur de Grenoble.

Elle intègre le réseau  « Pimento » (dépendant du Special  opérations executive - SOE, faisant partie des services secrets des Britanniques). Elle y rencontre Henri Gauthier qu'elle épouse. Enceinte, elle est envoyée à Montauban pour accoucher. Dans la même maison se trouve alors Clara Malraux, l'épouse d'André Malraux. Colette agit pendant un temps pour le réseau « Pimento » dans le Sud-Ouest de la France puis revient dans l'Ain, où elle effectue des missions d'agent de liaison. Elle est aussi amenée à transporter messages et matériel, notamment des explosifs et des armes, d'un groupe à l'autre. Elle participe également à des sabotages - le réseau « Pimento » est spécialisé dans le sabotage des voies ferrées. En août 1944, alors que le débarquement allié est annoncé en Provence, elle est chargée de surveiller Klaus Barbie.

Corinne Bouchoux

Corinne Bouchoux est sénatrice écologiste de Maine-et-Loire depuis septembre 2011. Elle siège à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et à la commission pour le contrôle de l'application des lois. Elle est, par ailleurs, membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA).

Corinne Bouchoux est diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris, titulaire du CAPES de Sciences économiques et sociales et docteure en Histoire (Université d'Angers).

Militante associative depuis trente ans, elle a effectué sa carrière professionnelle dans l'enseignement secondaire de l'Éducation nationale comme enseignante puis personnel de direction (1997-2007), puis dans l'enseignement supérieur agricole comme directrice des formations et de la vie étudiante (2007-2011).

Elle est auteure des ouvrages suivants : L'Allemagne réunifiée , Paris, Syros, 1992 ; Lucie Aubrac. Cette exigeante liberté, entretiens avec Corinne Bouchoux, Paris, L'archipel, 1997 ; Rose Valland, La Résistance au musée, La crèche, Geste édition, 2006 et Si les tableaux pouvaient parler : le traitement politique et médiatique des retours d'oeuvres d'art pillées et spoliées par les nazis (France 1945-2008) , PUR, 2013.

En octobre 2013, elle a été co-auteure avec le sénateur Jean-Claude Lenoir d'un rapport intitulé L'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : une loi qui n'a pas encore atteint ses objectifs . À la commission de la culture, elle est rapporteure pour avis du budget de la culture pour les crédits « arts visuels ».

Claudine Lepage

Claudine Lepage a été élue sénatrice représentant les Français de l'étranger en septembre 2008. Membre du groupe socialiste, elle siège à la commission des affaires culturelles, où elle est rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur, et à la délégation aux droits des femmes ; elle préside le groupe interparlementaire d'amitié France-Canada du Sénat et est présidente déléguée pour le Togo du groupe interparlementaire d'amitié France - Afrique de l'Ouest.

Claudine Lepage est l'auteure de la proposition de loi visant à indemniser les personnes victimes de prises d'otages, adoptée par le Sénat le 9 octobre 2013. Elle est par ailleurs membre du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et de France Médias Monde, société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Corinna von List

Corinna von List a fait des études d'histoire, de français et de relations internationales à la Freie Universität Berlin et à l'Université Lyon III (Jean Moulin). Supervisée par M. Bernhard Kroener, professeur titulaire à l'Université de Potsdam, sa thèse de doctorat a porté sur le thème suivant : « La Résistance au féminin - services de liaison - aide à l'évasion - presse clandestine » . Ce travail a été récompensé en 2006, à Paris, par le prix du Comité Guillaume Fichet-Octave Simon.

Aujourd'hui, Corinna von List est chercheure indépendante pour la Fondation de la Résistance et l'Institut historique allemand de Paris. Elle a également participé, en sa qualité de documentaliste, à la saisie du fonds « Tribunaux allemands » conservé au Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (une antenne du Service historique de la Défense).

Dernières publications : Corinna von List, Résistantes , Alma Éditeur, Paris 2012 (nouvelle édition sous presse) ; Gaël Eismann, Corinna von List, Les fonds des tribunaux allemands (1940-1945) conservés au BAVCC à Caen, in Francia 39 (2012), p. 347-378.

Marie-José Chombart de Lauwe

Née en 1923, Marie José Wilborts participe à la Résistance dans les Côtes d'Armor, dès le début de l'Occupation, à dix-sept ans, alors qu'elle est en classe de terminale. Elle contribue avec ses parents et un groupe d'amis, dans un mouvement portant le nom de « La bande à Sidonie », aux évasions vers l'Angleterre. Le groupe est intégré en 1941 au réseau de renseignement « Georges France 31 ». Marie-José, qui commence ses études de médecine à Rennes, possède un Ausweis , ou laisser-passer, qui lui permet de se rendre sur la côte, alors zone interdite, ses parents y étant domiciliés. Elle est alors chargée de ramener aux responsables du réseau les documents sur les défenses côtières collectés par les résistants, bien cachés dans ses cahiers. Le 22 mai 1942, les responsables du réseau sont arrêtés à Rennes ; dénoncés par un agent double, Marie-José, ses parents et onze membres du réseau sont arrêtés par la Gestapo. Elle a alors dix-neuf ans.

De la prison de Rennes, elle est transférée à la prison d'Angers où sa mère est également enfermée, puis à la prison de la Santé où sont alors internées Marie-Claude Vaillant-Couturier et France Bloch-Sérazin, et enfin, à Fresnes. En juillet 1943, elle est déportée à Ravensbrück. Elle occupe, avec ses compagnes de convoi, le bloc 32, celui des « Nacht und Nebel » (« Nuit et Brouillard ») et des femmes utilisées comme cobayes par les nazis pour leurs expériences pseudo médicales. En septembre 1944, elle est affectée au bloc 11, la Kinderzimmer (« pouponnière »), où les nourrissons sont voués à une mort certaine. En mars 1945, elle est évacuée à Mauthausen, et libérée par la Croix Rouge le 22 avril 1945. Elle a vingt-deux ans quand elle regagne la France.

Après la guerre, elle reprend ses études et passe un doctorat d'État en psychologie infantile. Elle témoigne en 1950 lors du procès de l'ancien commandant du camp de Ravensbrück. Pendant la guerre d'Algérie, elle prend position contre la torture. Elle est alors présidente de l'Amicale de Ravensbrück.

Elle épouse Paul-Henry Chombart de Lauwe, ancien résistant et pilote dans la RAF ; en 1954, elle entre au CNRS puis dirige un séminaire de thèses à l'École pratique des hautes études en sciences sociales.

En 1983, elle publie Complots contre la démocratie, les multiples visages du fascisme , puis en 2010 Réhabilitations du nazisme... attention, danger ! aux éditions de la Fédération nationale des Déportés et Internés résistants et patriotes (FNDIRP) dont elle est membre. De 1988 à 1991, elle participe aux travaux du Comité national consultatif pour les Sciences de la Vie et de la Santé, fondé par le professeur Jean Bernard, et milite pour l'adoption de la Convention internationale des droits de l'enfant.

En 1996, elle succède à Marie-Claude Vaillant-Couturier à la Présidence de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. Très engagée dans la transmission de la mémoire de la Résistance et de la déportation, elle témoigne régulièrement dans des établissements scolaires. Elle a publié ses souvenirs sous le titre Toute une vie de Résistance (éditions FNDIRP-Pop Com, 2000).

Marie-José Chombart de Lauwe est Grand-Croix de la Légion d'Honneur, titulaire de la Croix de Guerre, de la Médaille de la Résistance, officier du Mérite National et Chevalier des Arts et des Lettres.

Jacqueline Fleury

Jacqueline Marié est née le 12 décembre 1923 à Wiesbaden, en Allemagne. Son père est officier de carrière. Sa famille maternelle, originaire du Soissonnais, a été durement éprouvée par la Première Guerre mondiale.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Jacqueline Marié termine ses études secondaires. En 1940, la famille entière entre en Résistance.

Jacqueline Marié commence par recopier des tracts, à la main, avec son frère, Pierre. Elle s'engage dans le mouvement « Défense de la France », qui crée et diffuse un journal clandestin. Ce mouvement s'organise autour de Philippe et HélèneViannay et compte parmi ses membres Geneviève de Gaulle. Jacqueline Marié transporte et distribue le journal à Versailles, où elle habite, et dans ses environs.

Son frère est membre du réseau de renseignements « Mithridate » ; mettant à profit son excellente connaissance de la langue allemande, il subtilise des plans du Mur de l'Atlantique, que Jacqueline Marié recopie dans une arrière-boutique de Versailles. Ces plans sont ensuite envoyés à Londres.

Sa mère est membre du même réseau et son père, de l'Organisation civile et militaire (OCM).

Jacqueline Marié est arrêtée, avec ses parents, le 29 juin 1944. Ils sont incarcérés à la prison de Fresnes, d'où ils sont déportés le 15 août 1944 (son père, à Buchenwald ; Jacqueline et sa mère, à Ravensbrück).

Jacqueline Marié et sa mère sont contraintes aux « marches de la mort » du 13 avril au 9 mai 1945. Après des jours de marche forcée, elles s'évadent ; des prisonniers de guerre français leur portent secours.

En 1946, Jacqueline Marié épouse Guy Fleury. En 1958, elle est décorée de la Légion d'Honneur. Elle est aujourd'hui Grand Officier de la Légion d'Honneur et titulaire de la Grand-Croix de l'ordre national du Mérite, de la Croix de Guerre avec palme, de la Croix du Combattant Volontaire 1939-1945 et de la Croix du Combattant Volontaire de la Résistance. Jacqueline Fleury est également Chevalier de l'Ordre des Palmes académiques.

En tant que présidente de l'ANADIR (Association nationale des Anciennes Déportées et Internées de la Résistance) et vice-présidente de la FNDIR (Fédération nationale des déportés et internés de la Résistance), Jacqueline Fleury intervient dans de nombreux collèges et lycées pour transmettre la mémoire de la Résistance et de la Déportation et joue un rôle actif dans le Concours national de la Résistance qu'elle a créé avec des déportés résistants dans les années 1960.

Rose-Marie Antoine

Rose-Marie Antoine fut successivement assistante parlementaire au Sénat, déléguée nationale à la Fondation France-Libertés puis chargée de mission à la Présidence de la République avant d'intégrer, en 1989, le corps préfectoral.

En 1995, elle rejoint le ministère de la Défense dans lequel elle occupe différentes fonctions : chef de la mission Innovation prospective à la Direction centrale du service national (DCSN), chargée de mission pour l'encadrement supérieur à la Direction de la fonction militaire et du personnel civil (DFP), sous-directrice de l'action culturelle et éducative à la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), directrice du projet "Affaires territoriales et emploi" à la Délégation interministérielle aux restructurations de défense (DIRD), puis chargée de la tutelle et du pilotage stratégiques des établissements publics du ministère de la Défense au Cabinet du Secrétaire général pour l'administration.

Rose-Marie Antoine a été nommée Directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) le 14 janvier 2013. Elle est administratrice générale depuis janvier 2013.

Christine Bard

Christine Bard est professeure d'histoire contemporaine à l'Université d'Angers, membre de l'UMR CERHIO (Centre de recherches historiques de l'Ouest). Elle travaille sur l'histoire politique, sociale et culturelle des femmes et du genre (parmi ses ouvrages : Les Filles de Marianne ; Les Garçonnes ; Les Femmes dans la société française au XX ème siècle ; Ce que soulève la jupe. Identités, transgressions, résistances ; Une histoire politique du pantalon ; Le féminisme, au-delà des idées reçues ; Les insoumises. La révolution féministe ; Histoire des femmes dans la France des XIX ème et XX ème siècles ).

Elle préside l'association Archives du féminisme et dirige la collection « Archives du féminisme » aux Presses universitaires de Rennes. Elle dirige la structure fédérative de recherches Confluences à l'Université d'Angers et coordonne actuellement un projet interdisciplinaire sur les discriminations sexistes et homophobes (GEDI). Elle anime également le musée virtuel sur l'histoire des femmes et du genre MUSEA, créé en 2004.

Sabrina Tricaud

Sabrina Tricaud est agrégée et docteure en histoire. Chercheure associée au Centre d'histoire de Sciences Po, elle est professeure d'histoire au collège Henry Bordeaux, à Cognin en Savoie.

Spécialiste d'histoire politique et d'histoire des femmes, elle a publié des articles sur les femmes politiques sous les IVe et Ve Républiques ainsi que plusieurs ouvrages sur Georges Pompidou ( L'entourage de Georges Pompidou aux éditions Peter Lang en 2014, Georges Pompidou et Mai 1968 chez le même éditeur en 2008 en collaboration avec Bernard Lachaise).

Laurence Cohen

Laurence Cohen a été élue sénatrice du Val-de-Marne en septembre 2011. Membre du groupe communiste républicain et citoyen, elle siège à la délégation aux droits des femmes et à la commission des affaires sociales, où elle est rapporteure pour avis des crédits de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt).

Au nom de la délégation aux droits des femmes, elle a publié en avril 2013 un rapport d'information intitulé Élection des sénatrices et des sénateurs : vers plus d'égalité ?

Laurence Cohen est également membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes et du conseil d'administration de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Conseillère régionale d'Ile-de-France, elle préside par ailleurs le groupe interparlementaire d'amitié France-Brésil du Sénat.

Christiane Demontès

Élue sénatrice en septembre 2004, Christiane Demontès, membre du groupe socialiste, est vice-présidente du Sénat. Elle siège à la commission des affaires sociales et à la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale ; elle est rapporteure « branche vieillesse » des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Elle est également vice-présidente de la délégation aux droits des femmes.

Au nom de la commission des affaires sociales, elle a été rapporteure de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel et de la loi du 1 er mars 2013 portant création du contrat de génération. Elle a également été rapporteure pour avis de la loi de juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. En juin 2011, elle a été l'auteure, avec d'autres membres de la commission des affaires sociales, d'un rapport d'information intitulé Politique familiale et protection de l'enfance : quelles leçons tirer du modèle québécois ?

Christiane Demontès est conseillère municipale de Saint-Fons ; elle préside le Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE) et la Fédération des régions européennes pour la recherche en éducation et en formation (FREREF).

Elle siège, au nom du Sénat, au Conseil d'orientation des retraites ainsi qu'à l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.

Alain Gournac

Alain Gournac est sénateur des Yvelines depuis septembre 1995.

Vice-président du groupe Union pour un Mouvement populaire, il siège à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; il est également vice-président de la délégation aux droits des femmes et président délégué pour la Géorgie du groupe interparlementaire d'amitié France-Caucase.

Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Alain Gournac a publié avec d'autres collègues, en juillet 2012, trois rapports d'information  intitulés : Forces armées : peut-on encore réduire un format « juste insuffisant » ? , L'avenir des forces nucléaires françaises et Les capacités militaires industrielles critiques .

Françoise Laborde

Françoise Laborde a été élue sénatrice de la Haute-Garonne en septembre 2008. Elle siège au groupe du Rassemblement démocratique et social européen. Vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, elle est membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et préside le groupe d'études du Sénat sur les arts de la scène, les arts de la rue et les festivals en régions.

Membre de l'Observatoire de la laïcité, elle est l'auteure d'une proposition de loi adoptée par le Sénat en janvier 2012 pour étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et assurer le respect du principe de laïcité.

Au nom de la délégation aux droits des femmes, Françoise Laborde a publié, en juin 2010, un rapport d'information intitulé Violence au sein des couples , dans le cadre de la préparation de la loi du 10 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. En juin 2013, elle a présenté un rapport d'information intitulé A la recherche d'un nouvel équilibre hommes-femmes dans l'enseignement supérieur et la recherche .

Françoise Laborde préside par ailleurs le groupe interparlementaire d'amitié France-Irlande du Sénat. Elle est également adjointe au maire de Blagnac.

Joëlle Garriaud-Maylam

Joëlle Garriaud-Maylam, sénatrice représentant les Français établis hors de France, a été élue en septembre 2004. Elle est vice-présidente du groupe Union pour un Mouvement populaire et siège à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (où elle est rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur) ainsi qu'à la commission des affaires européennes.

Elle est présidente déléguée, pour le Sénégal, du groupe interparlementaire d'amitié France - Afrique de l'Ouest et, pour la Birmanie, du groupe interparlementaire d'amitié France - Asie du Sud-Est. Elle est par ailleurs membre de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel et de la délégation française à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

Vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, elle est également membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Au titre de la commission des affaires étrangères, Joëlle Garriaud-Maylam a été rapporteure, entre autres textes, du projet de loi tendant à l'élimination des armes à sous-munitions (avril 2010), et du projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique, dite convention d'Istanbul (avril 2014). Elle est co-auteure d'un rapport d'information intitulé Pour une réserve de sécurité nationale publié en décembre 2010.

En octobre 2010, Joëlle Garriaud-Maylam a présenté, au nom de la délégation aux droits des femmes, un rapport d'information intitulé Vers la parité pour la gouvernance des entreprises .

Quelques portraits de Résistantes

Berty Albrecht (1893-1943)

Berty Albrecht, née Berty Wild, naît le 15 février 1893 à Marseille dans une famille protestante. Dès 1940, elle refuse la défaite. Ses fonctions d'inspectrice du travail lui permettent de camoufler ses activités clandestines : réseau de renseignements, aide aux prisonniers et aux familles d'internés, évasions vers la zone libre. Elle poursuit son engagement aux côtés d'Henri Frenay, rencontré dans les années 1930, avec qui elle fonde le mouvement « Combat ». Elle est l'une des inspiratrices de la création des Mouvements Unis de la Résistance (MUR).

Elle est arrêtée une première fois en mai 1942 et internée ; un groupe franc la fait évader en décembre 1942. Deux mois après, en février 1943, elle rejoint Henri Frenay à Cluny et reprend avec lui ses activités clandestines. Elle est arrêtée par la Gestapo le 28 mai 1943, torturée puis transférée à la prison de Fresnes, où elle meurt 123 ( * ) .

Berty Albrecht est l'une des rares femmes à être inhumées dans la crypte du Mont Valérien. Le courage dont elle a fait preuve pendant le conflit a été récompensé à titre posthume : elle est décorée de la Médaille militaire, de la Croix de Guerre 1939-1945 avec Palme et de la Médaille de la Résistance. Elle fait également partie des six femmes Compagnons de la Libération.

Lucie Aubrac (1912-2007)

Née en 1912, Lucie Bernard grandit dans une famille de vignerons. Elle est reçue à l'agrégation d'histoire en 1938 et affectée à Strasbourg, où elle rencontre Raymond Aubrac, ingénieur des Ponts et chaussées. Après la débâcle, elle rejoint Clermont-Ferrand où est repliée l'académie de Strasbourg dont elle dépend. A l'automne 1940, elle fait la connaissance d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie, cofondateur du mouvement de résistance Libération Sud et s'engage avec Raymond Aubrac dans le réseau « la dernière colonne », qui signe notamment des tracts contre Vichy. Alors qu'elle attend un enfant, Lucie Aubrac participe à la création du journal Libération , dont le premier numéro paraît en juillet 1941. Elle aide plusieurs résistants à franchir la ligne de démarcation et contribue à des évasions. Le 21 juin 1943, Raymond Aubrac est arrêté à Caluire en même temps que Jean Moulin ; Lucie Aubrac, accompagnée d'un groupe franc, attaque le fourgon dans lequel son mari est enfermé et lui permet de s'échapper.

Le 8 février 1944, le couple se rend à Londres où elle met au monde leur deuxième enfant. Elle intervient plusieurs fois à la BBC, en particulier le 20 août 1944, au cours d'une allocution qui évoque le rôle des femmes dans la Résistance. En janvier 1945, Lucie Aubrac regagne Paris et siège à l'Assemblée consultative.

Après la guerre, Lucie Aubrac retrouve son métier de professeur d'histoire. Elle s'engage pour transmettre la mémoire de la Résistance.

Olga Bancic (1912-1944)

Olga Bancic est née en Roumanie en 1912, dans une famille juive. Elle est membre des Jeunesses Communistes de Roumanie ; son engagement politique la contraint à s'exiler en France en 1938.

En 1940, elle s'engage aux côtés des FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans de la Main d'oeuvre Immigrée), confiant sa fille âgée d'un an à une famille française. Elle fabrique des bombes et des explosifs et assure leur transport. Sous le pseudonyme de Pierrette, elle fait partie du groupe Manouchian avec lequel elle participe à une centaine d'attaques, c'est-à-dire à environ la moitié des actions menées par le groupe.

Elle est arrêtée en 1943, avec les autres membres du groupe Manouchian. La célèbre « Affiche rouge » montre les portraits de dix des hommes du réseau Manouchian, fusillés le 15 février 1944. Olga Bancic est internée en Allemagne, à Karlsruhe. Elle meurt décapitée, le jour de ses trente-deux ans. La veille de sa mort, elle rédige une lettre 124 ( * ) , désormais célèbre, à l'intention de sa fille, qu'elle jette par la fenêtre pendant son transfert vers la prison de Stuttgart où elle doit être exécutée :

« Ma chère petite fille, mon cher petit amour.

Ta mère écrit sa dernière lettre, ma chère petite fille, demain à 6 heures du matin, le 10 mai, je ne serai plus.

Ne pleure pas, mon amour, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs la conscience en paix et avec la ferme conviction que demain tu auras une vie et un futur plus heureux que ceux de ta maman. Tu n'auras plus à souffrir. Sois fière de ta maman, mon petit amour. J'ai toujours ton image devant moi.

Je vais croire que tu verras ton père, j'ai l'espoir qu'il aura un sort différent du mien. Dis-lui que je n'ai jamais cessé de penser à lui, comme je n'ai jamais cessé de penser à toi. Je vous aime tous les deux de tout mon coeur. Vous m'êtes chers tous les deux. Ma chère enfant, ton père est, pour toi, aussi une mère. Il t'aime beaucoup.

Tu ne sentiras pas le manque de ta maman. Ma chère enfant, je finis cette lettre avec l'espérance que tu seras heureuse pour toute ta vie, avec ton père, avec tout le monde.

Je vous embrasse de tout mon coeur, beaucoup, beaucoup.

Mon amour pour toujours,

Ta maman. »

France Bloch-Sérazin (1913-1943)

France Bloch passe son enfance à Poitiers et fait des études de chimie à Paris. Dès avant la guerre, elle milite contre l'absence d'intervention de la France dans la guerre civile espagnole ; en août 1937, elle adhère au Parti communiste. En 1939, elle épouse Frédéric Sérazin, ouvrier-tourneur, syndicaliste et militant communiste. Dès 1940, elle s'engage dans une des « Organisations Spéciales » mises en place par le Parti Communiste. Le premier statut des Juifs la chasse du laboratoire où elle travaille. Sous le pseudonyme de « Claudia », elle fabrique des explosifs pour la Résistance dans son appartement parisien. Elle est arrêtée le 16 mai 1942 avec d'autres résistants, internée à la prison de la Santé, où elle est torturée. Condamnée à mort, elle est déportée et décapitée à Hambourg le 12 février 1943. Elle est décorée, à titre posthume, de la Légion d'Honneur, de la Croix de guerre avec Palme et de la Médaille de la Résistance.

Jeanne Bohec (1919-2010)

Jeanne Bohec est née en Bretagne en 1909. Elle fait études de chimie lorsque la guerre éclate et part travailler dans une poudrerie de Brest comme aide chimiste.

A l'annonce de la signature par la France de l'armistice avec l'Allemagne, elle décide de partir en Angleterre sans prévenir ses parents ; elle n'a alors même pas entendu parler du Général de Gaulle. En novembre 1940, les « Volontaires Françaises Féminines » sont créées et Jeanne Bohec s'y engage. Elle est affectée comme secrétaire au Service technique de l'armement, jusqu'au printemps 1942. Elle est alors affectée à un laboratoire qui fabrique des explosifs pour la Résistance. Elle y apprend aux agents du BCRA (Bureau Central de Renseignement et d'action) à manipuler les explosifs.

Jeanne Bohec souhaite rentrer en France pour pouvoir participer à la Résistance, ce qui lui est d'abord refusé par le BCRA. Elle finit par obtenir son parachutage et reçoit la mission, sans précédent pour une femme, d'enseigner aux résistants le maniement des explosifs. Elle fabrique elle-même des bombes avec des produits courants. Elle a alors le grade de sous-lieutenant. Elle participe à de nombreux sabotages de voies ferrées et sera même à la tête d'une de ces opérations. On lui refuse cependant de prendre les armes à l'approche du débarquement car les dirigeants FFI considèrent que « ce n'est pas la place d'une femme ».

Après la guerre, elle devient professeur de mathématiques à Paris. Officier de la Légion d'Honneur et Commandeur de l'Ordre du Mérite, son habitude de se déplacer à vélo pendant la guerre lui a inspiré le titre de l'autobiographie qu'elle a publiée par la suite, La plastiqueuse à bicyclette .

Danielle Casanova (1909-1943)

Danielle Casanova a grandi en Corse, dans une famille d'instituteurs ; elle se nomme alors Vincentella Périni. Elle part vivre à Paris à dix-huit ans, où elle fait ses études à l'École dentaire. Dès 1928, elle milite aux Jeunesses Communistes. Elle y rencontre son futur mari, Laurent Casanova, qu'elle épouse en 1933.

En 1932, elle est élue au Comité central du Parti communiste et se rend à Moscou en 1935 pour participer au congrès de l'Internationale communiste des jeunes.

En 1936, elle est secrétaire générale de l'Union des jeunes filles de France (UJFF), fondée à son initiative.

L'interdiction du Parti communiste, en septembre 1939, pousse Danielle Casanova dans la clandestinité. Elle cherche alors à rassembler les membres du Parti pour mettre en place une organisation armée, qui devient par la suite les Francs Tireurs et Partisans français. Dans le même temps, elle rassemble les femmes, permettant notamment à des comités féminins de la Résistance de se mettre en place. Elle organise des « manifestations de ménagères », défilés de femmes pour protester contre les pénuries. Elle publie aussi un journal clandestin , La voix des femmes , qui fait prendre conscience aux femmes que la lutte contre l'occupant est possible.

En février 1942, elle est arrêtée et emprisonnée à la Santé où elle retrouve Marie-Claude Vaillant-Couturier. Elle est ensuite internée au fort de Romainville puis déportée à Auschwitz, où elle remplace la dentiste du camp. Cette position privilégiée lui permet d'aider ses camarades en leur fournissant des vivres et des vêtements supplémentaires. Elle meurt en mai 1943, emportée par le typhus.

Geneviève de Gaulle (1920-2002)

Geneviève de Gaulle, née en 1920 dans le Gard, est la nièce du Général. En 1940, elle commence par manifester son refus de l'Occupation par des actions symboliques, en arrachant par exemple des affiches allemandes. Elle transporte notamment des plis en Espagne et contribue la mise en place d'un maquis en Haute-Savoie.

En 1943, elle rejoint le réseau clandestin « Défense de la France », puis devient membre du comité rédacteur de son journal. Ses articles sont signés de son pseudonyme, « Gallia ». Elle imprime et diffuse le journal d'abord dans une grande imprimerie située à la Sorbonne, puis rue de Sèvres à Paris. Le 14 juillet 1943, elle participe à une grande distribution de ce journal, sur le parvis de Saint-Christophe de Javel ; elle se fait arrêter le 20 juillet, interroger par la Gestapo et interner à Fresnes. Elle est déportée à Ravensbrück le 2 février 1944. Le nom qu'elle porte lui vaut d'être placée en isolement dans le camp pour servir éventuellement d'otage, à partir d'octobre 1944.

Après la guerre, elle est membre, puis présidente de l'Association des Déportées et Internées de France (ADIR) et conseiller au ministère des Affaires culturelles. En 1987, elle témoigne lors du procès de Klaus Barbie. Par ailleurs membre du Conseil économique et social à partir de 1987, elle milite pendant de nombreuses années pour l'adoption d'une loi contre la grande pauvreté, ce qui fait écho à l'association qu'elle préside depuis 1964, ATD Quart Monde.

Le 27 mai 2015, Geneviève de gaulle fera son entrée au Panthéon avec Germaine Tillion, Pierre Brossolette et Jean Zay.

Charlotte Delbo (1913-1985)

Charlotte Delbo naît en 1913, dans un milieu modeste. Elle adhère en 1934 aux jeunesses communistes puis en 1936 à l'Union des jeunes filles de France fondée par Danielle Casanova. Passionnée de littérature et de philosophie, elle rencontre en 1937 le comédien Louis Jouvet en réalisant une interview pour le journal communiste Les Cahiers de la jeunesse , dirigé par son mari Georges Dudach. Louis Jouvet l'embauche et la charge de prendre ses cours en sténographie. Au moment où la guerre éclate, Louis Jouvet emmène la troupe de l'Athénée en tournée. Charlotte Delbo le suit mais en 1941 retrouve en France son mari qui a rejoint le réseau Politzer, dans lequel il s'occupe du journal La Pensée Libre . Dans le réseau, elle est chargée de l'écoute de Radio Londres et de Radio Moscou. Elle participe également à la conception des tracts et revues, qu'elle dactylographie.

Le 2 mars 1942, Charlotte Delbo est arrêtée en même temps que son mari et d'autres résistants communistes (les Politzer, Danielle Casanova et Marie-Claude Vaillant-Couturier). Charlotte Delbo et Georges Dudach sont transférés à la prison de la Santé après plusieurs interrogatoires. Georges Dudach est condamné à mort et fusillé le 22 mai 1942. Charlotte Delbo est internée à Romainville le 24 août et déportée à Auschwitz le 24 janvier 1943. Le 7 janvier 1944, elle est transférée à Ravensbrück. Elle a été libérée par la Croix Rouge suédoise le 23 juin 1945.

Son oeuvre littéraire témoigne de son expérience de la déportation : Le Convoi du 24 janvier , Auschwitz et après, Spectres, mes compagnons, La Mémoire et les Jours, Qui rapportera ces paroles ? , Ceux qui avaient choisi.

Marie-Madeleine Fourcade (1910-1989)

Dès 1940, Marie-Madeleine Fourcade rejoint le réseau « Alliance », chargé du renseignement militaire, l'un des plus importants réseaux de renseignement au service de la France libre et des Alliés, dirigé par Georges Loustaunau-Lacau jusqu'à son arrestation 1941. Marie-Madeleine Fourcade prend alors la tête du réseau, sous le pseudonyme de « Hérisson ». Elle devient le premier chef d'état-major féminin d'un réseau. « Alliance » compte alors environ trois mille membres, dont 25 % de femmes. Chacun de ses membres a pour pseudonyme un nom d'animal, ce qui conduit les Allemands à le surnommer « Arche de Noé ». « Alliance » transmet des informations inestimables aux services de renseignement britanniques, notamment sur les bases de missiles V1 et V2.

Marie-Madeleine Fourcade reste trente et un mois à la tête du réseau, ce qui est exceptionnel pour un résistant actif. Elle se rend à Londres en 1943 et rentre en France en juillet 1944 ; elle y poursuit la lutte jusqu'à la Libération.

Après le conflit, elle vient en aide aux familles des victimes en recherchant les disparus dans les camps et en faisant rapatrier leurs corps, en organisant des obsèques et des cérémonies commémoratives. Elle est titulaire de la Médaille de la Résistance et Commandeur de la Légion d'honneur.

Elle préside le Comité d'Action de la Résistance, de 1963 à sa mort en 1989. De 1979 à 1982, elle siège au Parlement européen.

Simone Michel-Lévy (1906-1945)

Simone Michel-Lévy est née dans le Jura en 1906. Elle entre à l'âge de seize ans dans les PTT. Dès 1940, elle adhère au réseau « CND Castille » du colonel Rémy et est chargée de l'établissement des faux papiers, du transport et de la mise en place des postes émetteurs sous le pseudonyme d'Emma. Les missions de radio comptent parmi les plus dangereuses, car elles sont étroitement surveillées par la Gestapo ; elles obligent de surcroît « Emma » à être en contact avec de nombreux résistants.

Simone Michel-Lévy conçoit également de fausses cartes professionnelles et des ordres de missions des PTT en vue de couvrir des réfractaires au STO.

En 1942, son poste aux PTT à Paris lui donne accès à un laissez-passer qui lui permet de circuler sur tout le territoire. Avec l'appui de deux collègues, elle crée le réseau « Action PTT » qui devient ensuite « État-major des PTT » (EMPTT) en 1942.

Elle est arrêtée le 5 novembre 1943, torturée puis déportée à Ravensbrück dans le convoi des « 27 000 ».

Au cours de sa captivité, elle est affectée au camp de Flossenbürg où elle doit fabriquer avec ses camarades des munitions pour le groupe Skoda. Elles décident ensemble de saboter la production. En octobre 1944, elle est repérée et accusée de sabotage. En avril 1945, elle est pendue avec ses deux complices, quelques jours avant la libération du camp. Simone Michel-Lévy fait partie des six femmes Compagnon de la Libération et a été décorée de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre avec Palme et de la Médaille de la Résistance. Elle est également titulaire d'une décoration britannique.

Émilienne Moreau-Evrard (1898-1971)

Émilienne Moreau-Evrard, née à Wingles (Pas-de-Calais) en 1898, résiste contre l'occupant allemand dès la Première guerre mondiale. A l'âge de dix-sept ans, elle aide les troupes écossaises du 9 ème bataillon Black Watch à débusquer des soldats allemands dans son village de Loos, prenant elle-même les armes. Elle est récompensée par la Croix de guerre et est surnommée « l'héroïne de Loos ».

Elle devient ensuite institutrice et épouse Just Evrard, secrétaire général adjoint de la fédération socialiste du Pas-de-Calais. Dès le début de l'Occupation, ils s'engagent dans la Résistance avec des camarades de la SFIO. Après un sabotage, en septembre 1941, Just Evrard est arrêté ; dès sa sortie de prison, en avril 1942, il fuit en zone libre, où Émilienne Moreau-Evrard le rejoint. À Lyon, elle est agent de liaison dans le réseau « Brutus », un important réseau de la zone Sud, sous le pseudonyme de « Jeanne Poirier » ou d'« Émilienne la Blonde ». Elle travaille également avec le CAS (Comité d'Action Socialiste). Son rôle consiste à transporter des courriers ou de l'argent et à porter assistance à des réfractaires au STO ou à des résistants.

En 1943, son mari est envoyé à Alger pour siéger à l'Assemblée consultative provisoire. Émilienne Moreau-Evrard travaille alors pour « La France au Combat » qui regroupe les mouvements à tendance socialiste au sein des Mouvements Unis de la Résistance. Elle est désignée en 1944 pour siéger à l'Assemblée consultative. Elle se rend ainsi à Londres le 6 août, où elle expose le rôle des femmes dans la Résistance à la BBC. De retour en France en septembre 1944, elle poursuit son engagement dans le Pas-de-Calais. Elle est une des six femmes Compagnons de la Libération. Elle est titulaire de la Croix de Guerre 1939-1945 et de la Croix du combattant volontaire de la Résistance. Elle est également officier de la Légion d'honneur.

Jacqueline Péry-d'Alincourt (1919-2009)

Jacqueline de la Rochebochard est née en 1919 dans une famille de la noblesse bretonne. Elle fait ses études secondaires à Poitiers et se fiance à l'âge de dix-neuf ans à Joseph d'Alincourt, jeune officier ; au moment de la déclaration de guerre, ce dernier est mobilisé dans l'Est de la France. Il est fait prisonnier puis déporté à Nüremberg où il meurt au début de 1941. L'activité résistante de Jacqueline d'Alincourt commence véritablement après la mort de son mari, à Paris, quand elle voit un enfant porter l'étoile jaune dans le métro. Elle s'engage en 1942.

Elle témoigne 125 ( * ) : « J'ai vingt-deux ans au printemps 1942, dans Paris occupé. Des hommes, des femmes, des enfants disparaissent tous les jours. Comment accepter de courber la tête ? Je comprends que je préfère mourir. Ce choc détermine en moi une résolution que rien ne pourra détruire. L'ennemi n'a pas de prise sur qui ne craint pas la mort. J'en parle à mon ami Claire Chevrillon 126 ( * ) qui, à mon insu, est déjà dans la Résistance. [...] Je m'engage totalement [...] Pour combattre avec un ennemi qui incarne le mal absolu, pour sauver l'honneur de l'Homme. »

Sa mission consiste à coder des messages pour les envoyer au BCRA, à Londres. Elle rencontre ensuite Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin. Elle est chargée de chercher des « boîtes aux lettres », lieux par lesquels pourront transiter documents et messages en toute sécurité. Jacqueline d'Alincourt aide également les résistants venus de Londres à se procurer de l'argent, de fausses pièces d'identité, une couverture professionnelle et un logement. Son pseudonyme est « Violaine ».

Elle est arrêtée le 24 septembre 1943 par la Gestapo, torturée puis internée à Fresnes, à Romainville et déportée à Ravensbrück en avril 1944 où elle côtoie Geneviève de Gaulle et Germaine Tillion.

Après la guerre, elle épouse Pierre Péry, résistant, lui aussi déporté et survivant de Buchenwald. Elle intervient lors de plusieurs conférences, notamment aux États-Unis, pour témoigner de son parcours et de la déportation.

Jacqueline Péry-d'Alincourt est Commandeur de la Légion d'Honneur et titulaire de la Grand-Croix de l'Ordre du mérite.

Anise Postel-Vinay

Née en 1922, Anise Girard est réfugiée à Rennes avec sa famille lorsqu'elle entend l'allocution du Maréchal Pétain demandant aux Français de cesser le combat, le 17 juin 1940. La famille revient à Paris et elle y poursuit ses études d'allemand. Avec des camarades, elle prend part à la manifestation du 11 novembre 1940 sur les Champs-Élysées ; plusieurs sont arrêtés. Après des tentatives infructueuses pour prendre contact avec des réseaux résistants, elle se voit proposer des actions de renseignement militaire. Malgré son inexpérience, Anise Girard fournit plusieurs plans concernant le système de défense allemand. En août 1942, elle est arrêtée alors qu'elle allait livrer les documents qu'elle avait recueillis. À son arrivée à la prison de la Santé, on lui annonce qu'elle sera mise à mort le lendemain, mais elle est ensuite transférée à Fresnes, puis à Romainville, d'où elle est déportée au camp de Ravensbrück, avec Germaine Tillion.

Après la guerre, elle s'emploie à faire connaître l'histoire de la déportation. Elle évoque notamment les atrocités commises sur certaines femmes, en majorité polonaises, qui servaient de cobayes au professeur SS Karl Gebhardt, et surnommées pour cette raison les « lapins ». Elle décrit également la solidarité qui régnait dans ce camp. Après la guerre, elle épouse André Postel-Vinay, figure également célèbre de la Résistance.

Elle collabore notamment aux trois ouvrages écrits par Germaine Tillion sur Ravensbrück ( Cahiers du Rhône, 1946, et Seuil, 1973 et 1988), et aux ouvrages collectifs Les chambres à gaz, secret d'Etat (Minuit, 1984) et La France des années noires (Seuil, 1993).

Germaine Tillion (1907-2008)

Née en 1907 en Haute-Loire, Germaine Tillion fait des études d'ethnologie et part en Algérie de 1934 à 1940 pour étudier la vie des tribus chaouias. De retour à Paris, elle cherche à participer à la Résistance. Elle rencontre Paul Hauet, un colonel à la retraite, avec qui elle relance l'UNCC (Union Nationale des Combattants Coloniaux), une association qui vise à aider matériellement et moralement les prisonniers de guerre d'Outre-mer. Sous couvert d'activités légales, l'association cache en réalité des filières d'évasion, des actions de recensement de camps de prisonniers et des activités de renseignement. Germaine Tillion cache également des fugitifs dans son propre domicile de Saint Maur.

Elle prend contact avec trois membres du réseau du Musée de l'Homme, Boris Vildé, Yvonne Oddon et Anatole Lewitsky et parvient ainsi à relier ce réseau à d'autres groupes : le mouvement Valmy, Ceux de la Résistance, France-Liberté et Gloria SMH.

En août 1942, Germaine Tillion est dénoncée et arrêtée. Elle est internée pendant plus d'un an, d'abord à la Santé, puis à Fresnes, avant d'être déportée à Ravensbrück. Elle y côtoie Geneviève de Gaulle, Jacqueline Péry d'Alincourt et Anise Postel-Vinay. Elle applique ses méthodes d'ethnologue à une enquête sur le système concentrationnaire nazi, en réalisant par exemple des organigrammes SS ou des listes de déportées françaises ou de bourreaux. Sa mère, elle aussi déportée à Ravensbrück, meurt dans les chambres à gaz en mars 1945.

Germaine Tillion a été sauvée par la Croix Rouge suédoise.

Après la guerre, elle liquide le réseau auquel elle a appartenu, lui donnant le nom de « Réseau musée de l'Homme-Hauet-Vildé ». Elle écrit également plusieurs ouvrages sur la Résistance et Ravensbrück. En 1954, elle travaille en Algérie et dénonce les tortures commises par des militaires français.

En 1999, Geneviève de Gaulle lui remet la Grand-Croix de la Libération.

Le 27 mai 2015, Germaine Tillion fera son entrée au Panthéon avec Geneviève de Gaulle, Pierre Brossolette et Jean Zay.

Marie-Claude Vaillant-Couturier (1912-1996)

Marie-Claude Vaillant-Couturier est la fille de Lucien Vogel, éditeur. Reporter photographe, elle adhère aux Jeunesses communistes en 1934 et épouse Paul Vaillant-Couturier, député communiste. Elle participe à ses côtés à la fondation de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires. Elle participe, avec Danielle Casanova à la création de l'Union des Jeunes Filles de France. Elle entre en 1938 à l'Humanité . Après l'Armistice, elle s'engage dans la Résistance et met son expérience au service des publications clandestines du Parti communiste. Arrêtée le 9 février 1942, emprisonnée à la Santé, puis à Romainville, elle est déportée à Auschwitz, puis à Ravensbrück. À son retour, elle témoigne des crimes nazis devant le tribunal de Nüremberg.

Après la guerre, elle siège à l'Assemblée Consultative provisoire, est élue aux deux assemblées constituantes en 1945 et 1946, est députée de la Seine de 1946 à 1958 et de 1962 à 1967, puis du Val-de-Marne jusqu'en 1973. Elle est vice-présidente de l'Assemblée Nationale de 1956 à 1958 et en 1967-1968.

Elle reçoit, le 16 avril 1995, le grade de commandeur de la Légion d'Honneur.

Rose Valland (1898-1980)

Rose Valland est née en Isère. En 1914, elle est reçue à l'École Normale des Institutrices, qu'elle termine en 1918. Très douée en dessin, elle intègre ensuite l'École nationale de beaux-arts de Lyon, puis celle de Paris, où elle étudie en même temps qu'elle suit une formation à l'École du Louvre. Elle se consacre à l'histoire de l'art. Au début de la guerre, elle travaille au musée du Jeu de Paume à Paris. A la même époque, les nazis réquisitionnent le bâtiment afin d'y entreposer des oeuvres confisquées, en particulier des peintures d'artistes juifs. Ces oeuvres volées sont ensuite envoyées en Allemagne.

Rose Valland décide de rester au musée pendant cette période. Elle déclare à ce sujet : « Mon intention était arrêtée, je m'efforcerais de rester. [...] Je ne comprenais pas encore très nettement les raisons qui me poussaient à cette décision, ni de quelle manière je pourrais être utile et justifier ma présence [...]. Seule était précise ma détermination de ne pas quitter la place . » 127 ( * ) Elle travaille au musée pendant toute la période de l'Occupation. Elle prend des notes, reproduit des documents administratifs allemands, récupère et analyse des carbones laissés dans les corbeilles à papier, recense les destinations des oeuvres... Son travail a permis de retrouver la trace des oeuvres dérobées par les Allemands. Après la guerre, Rose Valland travaille au Comité de récupération artistique, qui vise à retrouver ces peintures et sculptures dispersées dans toute l'Allemagne.

Hélène Viannay (1917-2006)

D'origine russe, Hélène Mordkovitch est née à Paris en 1917. En 1940, elle est étudiante en géographie à la Sorbonne. Pendant un voyage en train, elle comprend la nécessité de résister. Elle raconte son arrivée à Vierzon : « Nous voilà dans la gare. En entrant, un drapeau croix gammée depuis le haut du toit jusqu'au sol, alors nous entrons en Allemagne, ce n'est plus la France, il n'y a aucun doute. La tension montait. Devant nous, deux soldats allemands font les cent pas. À un moment donné, j'ai compris ce qu'ils disaient, moi qui ne sais pas l'allemand. Ils nous regardent et disent : « Deutsche Mädchen » ou quelque chose comme cela ; nous ressemblons à deux jeunes filles allemandes, blondes aux yeux bleus. L'un des soldats s'approche de nous pour caresser la joue de la jeune fille [...] ; elle se jette en arrière et bien moi je le gifle, ... à toute volée! Je n'avais jamais donné de gifles de ma vie, je n'en ai jamais donné depuis mais j'y suis allée de bon coeur et l'Allemand est resté comme ça... On a entendu un sifflet et le train est parti : pas de fouille, rien, aucune conséquence. J'ai pleuré à chaudes larmes, la petite jeune fille a pleuré à chaudes larmes, on s'est embrassé et j'ai dit : « bon, bien, maintenant je sais où je suis, pas possible, je ne peux pas supporter, je ne les supporte pas, qu'ils s'en aillent ! ». Vous voyez, c'est comme ça qu'on devient résistant, ce n'était pas plus compliqué 128 ( * ) ».

À la Sorbonne, elle a l'idée de fabriquer des tracts intitulés : « Français, réveillez-vous », qu'elle tape elle-même à la machine, cinq par cinq, de septembre à décembre 1940. Elle rencontre alors un étudiant en philosophie, Philippe Viannay. Ensemble, ils créent un journal clandestin, Défense de la France dont le premier numéro est diffusé en février 1941. L'impression a lieu à la Sorbonne, de nuit. Hélène Mordkovitch assure toute la production du journal mais ne participe que très peu à la rédaction des articles. Elle se charge de diffuser le journal, de produire des faux-papiers et d'assurer la liaison entre les différents ateliers, jusqu'à la Libération. Elle se marie en 1942 avec Philippe Viannay ; un enfant naît le 14 juillet 1943. Le 20 juillet, une vague d'arrestations touche le mouvement, son mari est arrêté ; elle quitte précipitamment la clinique et va se réfugier chez Marie-Hélène Lefaucheux. Fin 1944, Hélène Viannay part pour le maquis de Ronquerolles et effectue des missions d'agent de liaison entre les zones d'activités du maquis et Paris.

Après la guerre, elle travaille avec son mari au centre nautique des Glénans, dont elle est co-fondatrice. Elle crée et préside également le prix Philippe Viannay, qui récompense chaque année des ouvrages portant sur la résistance au nazisme.

Photo de Charlotte Delbo : (c) Eric Schwab

Paroles de Résistantes

Lucie Aubrac

« La guerre est l'affaire des hommes.

Mais les Allemands, qui ont menacé des femmes et asphyxié des enfants, ont fait que cette guerre est aussi l'affaire des femmes.

Mais les Allemands et la police de Vichy ne connaissent pas le droit international et cette guerre est aussi l'affaire des femmes.

Nous, les femmes de France - je dis « nous » car il y a deux mois seulement que j'ai quitté mon pays - nous, les femmes de France, avons dès l'armistice pris notre place dans ce combat. Notre foyer disloqué, nos enfants mal chaussés, mal vêtus, mal nourris ont fait de notre vie depuis 1940 une bataille de chaque instant contre les Allemands. Bataille pour les nôtres, certes, mais aussi bataille de solidarité pour tous ceux qu'a durement touchés l'occupation nazie.

La grande solidarité des femmes de France : ce sont les petits enfants juifs et les petits enfants de patriotes sauvés des trains qui emmènent leurs parents vers les grands cimetières d'Allemagne et de Pologne ; ce sont dans les prisons et les camps de concentration en France les colis de vivres, les cigarettes, le linge nettoyé et raccommodé , qui apportent aux patriotes entassés derrière les murs un peu d'air civilisé et d'espoir ; ce sont les collectes de vêtements et de vivres qui permettent aux jeunes hommes de gagner le maquis ; ce sont les soins données à un garçon blessé dans un engagement avec les Allemands.

Et puis maintenant que tout le pays est un grand champ de bataille, les femmes de France assurent la relève des héros de la Résistance. Dans la Grande Armée sans uniforme du peuple français, la mobilisation des femmes les place à tous les échelons de la lutte : dactylos, messagères, agents de liaison, volontaires même dans les rangs de groupes francs et de Francs-Tireurs, patiemment, modestement, les femmes de France mènent le dur combat quotidien...

Vous n'êtes qu'un prénom, Jeannette ou Cécile, mais arrêtées, torturées, déportées, exécutées, vous restez dures et pures, sans confidence pour le bourreau. N'est-ce pas vous, héroïne anonyme qui, arrêtée par la Gestapo, frappée au visage, défigurée, un oeil perdu, vous évanouissant aux terribles coups de cravache sur le haut des cuisses, êtes restée silencieuse ?

[...] C'est peut-être dans la cellule voisine que mourut Thérèse Pierre, les reins brisés par la torture, que Mme Albrecht attendit la hache du bourreau. Battues, méprisées, toutes seules devant la souffrance et la mort, si notre martyrologue est long, nous savons, nous, femmes de France, nous qui connaissons le prix de la vie, qu'il faut nos pleurs, nos souffrances et notre sang pour que naisse le beau monde de demain. » 129 ( * )

***

« Quand les mouvements de Résistance ont commencé à se structurer, les responsabilités étaient réparties sans qu'il y eût la moindre discrimination de sexe, mais selon ce qui paraissait la meilleure utilisation des compétences et des aptitudes. C'est ainsi que par efficacité les femmes étaient secrétaires et prirent en main l'organisation des services sociaux clandestins. Une jeune femme agent de liaison attirait moins l'attention qu'un garçon dans une société où un homme jeune était a priori suspect. Il ne s'agissait pas de tâches mineures, bien au contraire. Quand elles étaient arrêtées les femmes subissaient des interrogatoires épouvantables parce que les policiers savaient qu'elles étaient des charnières importantes. La déportation et la mort était les prix courants de leur activité.

Dans tous les « services » de la Résistance le rôle et la présence des femmes était certains. [...] À mesure que tombaient les illusions créées par Vichy, que se faisaient les choix et se formaient les opinions chez les femmes, se tissait sur la France des campagnes et des villes un réseau féminin de plus en plus serré de sympathie et d'aide à la Résistance qui a très certainement été l'une des raisons de son efficacité.

Cette sympathie et cette aide ont conduit les femmes à s'engager de plus en plus. [...]

Je pense que la Résistance a entraîné une mutation profonde et radicale des mentalités et des motivations féminines. Les femmes n'ont pas hésité à prendre, ont décidé de prendre des responsabilités dans les organismes clandestins et dans ceux issus de la Résistance. [...]

Si, à la Libération, les assemblées comptaient un nombre important de femmes, ce nombre se dégrada vite. Le retour aux structures politiques d'avant-guerre, les jeux fastidieux d'un parlementarisme formel et souvent courtisan, et - pourquoi pas - l'atavisme masculin réinstallé dans de vieilles formes de pensée, ont éloigné les femmes des représentations nationales.

Pourtant elles sont restées attentives aux problèmes du monde contemporain. Leur mutation qui les rend disponibles pour d'autres engagements a entre autres permis à une nouvelle génération de continuer ses conquêtes en partant d'un acquis irréversible. » 130 ( * )

***

Yvonne Dumont 131 ( * )

« Les épreuves des années 1939-1945, l'expérience acquise au cours des multiples actions que menèrent des milliers d'entre elles, donnèrent aux femmes une conscience plus haute de leurs devoirs et de leurs droits.

Elles avaient appris, que tout ce qu'elles souffraient quotidiennement dans leur chair et dans leur coeur, leurs angoisses de mère et de femmes, était la conséquence directe et concrète d'événements qui s'étaient déroulés avant la guerre, dans notre pays et dans le monde.

Beaucoup d'entre elles, jusqu'alors, avait pensé que ces questions étaient du ressort des hommes d'État, du domaine des préoccupations du mari, mais que ce n'était pas leurs affaires à elles.

Et la vie démontrait brutalement, tragiquement à la masse des femmes, que toute la tendresse, la sollicitude, le dévouement, le courage à la tâche dont est capable une mère, une épouse, ne suffisent pas à préserver les êtres les plus chers, quand les fléaux tels que la guerre et l'occupation s'abattent sur le pays.

Avec l'ensemble de notre peuple, elles faisaient l'expérience de ce que, hommes et femmes doivent collectivement intervenir, dire leur mot, agir à propos de ces grands problèmes qui, en définitive, décident de la vie quotidienne de chacun.

De même elles réalisaient aussi de quel prix se payait la division entre travailleurs que le malheur se chargeait de réunir.

- Les bombes ne choisissaient pas entre la maison du communiste, celle du chrétien ou du socialiste.

- La faim ne faisait pas de distinction entre les enfants des uns ou des autres.

- Travailleurs des villes ou des champs, ouvriers, instituteurs, techniciens, paysans subissaient la même captivité dans les stalags, et leurs femmes la même solitude.

- Les balles du peloton d'exécution tuaient aussi bien celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas et les larmes de leurs veuves avaient le même goût amer.

Cette communauté dans le malheur imposait de s'unir dans l'action pour y mettre un terme.

C'est ainsi que les femmes que tant de choses avant la guerre tenaient éloigner les unes des autres, se sont retrouvées pour protester contre le rationnement, contre le départ des travailleurs en Allemagne, pour la solidarité aux familles des patriotes des forces françaises de l'intérieur.

Trois noms de femmes, trois noms d'héroïnes mortes pour la France, symbolisent cette union.

Danielle Casanova, la communiste, disait : « Il faut combattre jusqu'à ce que la France ait retrouvé les libertés qu'elle avait conquises au cours des siècles au prix de tant de sang et de révolutions. Notre belle France sera libre et ce sera notre oeuvre à tous ».

Bertie Albrecht, la chrétienne, confiait à une de ses amies : « Je suis prête à tous les sacrifices pour servir la France au maximum ».

Suzanne Buisson, la socialiste, apprenant la débâcle en 1940, s'écriait : « Non, la France, la République ne sont pas mortes, mais il faudra se battre, on se battra ». 132 ( * )

***

« La Résistance fut aussi une multitude d'actes modestes, répondant à des motivations d'ordre économique, personnel ou affectif, et qui, au départ, ne signifiaient pas toujours de la part de ceux et de celles qui les accomplissaient une compréhension totale de la situation, ni de ses causes, ni des moyens d'en sortir.

Et pourtant dès le début beaucoup d'actes obscurs, en apparence anodins et sans gloire, qui furent le fait de dizaines et dizaines de milliers de femmes, sont à mettre au compte de la Résistance. [...]

Et il n'est pas exagéré de dire que l'attitude et le rôle des femmes fut de ce point de vue d'une importance capitale, moins en raison de qualités qui leur sont propres, que des circonstances dans lesquelles elles furent placées. [...]

Dès le début de l'occupation les femmes se manifestèrent.

À propos du ravitaillement.

Cela commença par des pétitions, des délégations aux mairies, aux préfectures, réclamant le déblocage de lait, de matières grasses, de charbon, des bons de galoche pour les enfants, des suppléments de points textile. [...]

Et peu à peu l'action passe à un stade supérieur.

À partir de revendications économiques, les manifestations débouchent sur des actions de résistance plus affirmées. L'attitude courageuse des femmes de mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, lors de la grève menée par leur mari, déclarée le 26 mai 1941, en témoigne.

De la pétition, de la délégation, on arrive aux prises de parole dans les queues, devant les églises à la sortie de la messe, devant les magasins, et les femmes en viennent à s'attaquer aux stocks, à décharger les camions de ravitaillement, et à se servir. [...]

Mais les premières actions furent sans doute celle des femmes de prisonniers. [...] Cette activité qui, elle aussi, alla en s'amplifiant jusqu'à la fin de la guerre, commença dès l'hiver 1940. [...] Les femmes de prisonniers s'organisent peu à peu à travers toute la France en zone Nord éditent leur journal « Le trait d'union ».

À partir de 1942, aux activités concernant le ravitaillement, le sort des prisonniers de guerre, va se joindre la lutte contre la réquisition des hommes (et des femmes) pour le travail en Allemagne. [...]

L'autre secteur où se sont exercées et l'ingéniosité et la générosité des femmes est l'aide morale et matérielle apportée aux familles des emprisonnés, des déportés, qui connaissent l'angoisse permanente de l'ignorance du lieu de détention de l'être cher emmené un jour par la Gestapo, la Milice ou la police spéciale ou bien tout simplement disparu, du sort qui lui était réservé, angoisse augmentée des soucis matériels qui touchaient souvent au dénuement. [...]

Il resterait encore beaucoup à dire sur l'activité spécifique des femmes au cours de cette période. Par exemple, il faudrait parler de la place qu'eurent dans la Résistance française des femmes immigrées, chassées de leur pays avant la Deuxième guerre mondiale par le fascisme ou l'antisémitisme.

Il m'est arrivé au cours de voyages à l'étranger ou de rencontres féminines internationales de retrouver des Allemandes, des Italiennes, des Hongroises, des Polonaises, parlant un français impeccable, évoquant des souvenirs qui nous étaient communs.

Il faudrait mentionner l'activité d'un groupement de femmes juives résistantes, les initiatives personnelles de femmes qui n'avaient aucun lien avec quelque organisation que ce soit, mais obéissaient simplement à leur sentiment de femme, de Française. » 133 ( * )

***

Germaine Tillion 134 ( * )

« J'apprends, le 17 juin, la demande d'armistice et c'est pour moi un choc si violent que j'ai dû sortir de la pièce pour vomir... [...]

En 1940, dans cette période tout à fait initiale de la première résistance, il n'y a pas encore de réseaux ni d'organisations, mais seulement quantités de groupuscules, qui ont tous des choses à faire et n'en ont pas les moyens et qui, par conséquent, sont obligés de se raccorder à d'autres. Et c'est cela qui commence peu à peu à former des réseaux : des réseaux au sens grammatical du mot, pas au sens administratif de 1944. Songez que les premières arrestations de notre groupe eurent lieu dès février 1941. Mais entre août 1940 et février 1941, l'activité de résistance a été intense. [...]

Au début, nous ne nous cachions pas, ou très peu ; nous cachions seulement nos moyens, mais pas du tout nos choix. Nous étions, selon la phrase classique, comme le poisson dans l'eau. Mais une eau qui était continuellement informé de tout ce que faisaient les poissons. Par conséquent, à la merci du premier traître venu. [...]

Dans les archives du « réseau du musée de l'Homme » [...], vous verrez que la résistance des premiers mois à recruter des gens qui étaient de gauche, des gens qui étaient de droite, et aussi d'extrême gauche et d'extrême droite. »

[À Ravensbrück,] j'ai acquis beaucoup de respect pour la personne humaine, car j'ai vu et coudoyé les femmes admirables. [...] En plusieurs occasions j'ai failli mourir. J'ai été aidée. J'ai aidé des camarades et beaucoup de camarades m'ont aidée. Il y a eu autour de moi une entraide constante. [Il y avait à Ravensbrück toutes les catégories]. Des plus modestes jusqu'à la plus vieille noblesse française. [...] Et des comportements assez voisins. Une duchesse, une femme de ménage, cela se tient à peu près de la même façon devant l'horreur. J'ai été frappée par la distinction des Françaises. De toutes les classes... » 135 ( * )

Gisèle Guillemot

Née en 1922, Gisèle Guillemot a déjà participé à des actions de soutien à la République espagnole quand elle entre en Résistance dès 1940. Membre du Parti communiste, elle effectue des missions d'agent de liaison sous le pseudonyme d'Annick. Arrêtée par la Gestapo en avril 1943 avec quatorze camarades, elle est emprisonnée à Caen puis à Fresnes. Ses camarades sont fusillés sur le Mont Valérien. Classée « Nacht und Nebel », Gisèle Guillemot est déportée en Allemagne et transférée à Ravensbrück à l'automne 1944, dont elle est libérée en avril 1945 par la Croix rouge. Elle a écrit de nombreux poèmes et, sous le titre Elles... revenir , un ensemble de portraits contant l'histoire du retour de déportation de dix femmes et livrant un récit sans concession des difficultés et parfois des souffrances de leur retour à la vie.

À ma mère

[...]

« Écoute, il faut que tu comprennes

Lui et moi on n'a pas supporté

Ces gens qu'on torturait

Et ceux qu'on fusillait

Et les petits-enfants

Entassés dans les trains

Alors on a rêvé

De liberté

Écoute Maman, je vais te raconter

Écoute, il faut que tu comprennes

Lui et moi on n'a pas supporté

Alors on s'est battu

Alors on a perdu

Écoute maman, il faut que tu comprennes

Écoute, ne pleure pas

Demain sans doute ils vont nous tuer

C'est dur de mourir à vingt ans

Mais sous la neige germe le blé

Et les pommiers déjà bourgeonnent

Ne pleure pas

Demain il fera si beau »

***

Arlette Humbert-Laroche

Agent de liaison, Arlette Humbert-Laroche (1915-1945) est arrêtée en janvier 1943, incarcérée à Fresnes puis jugée à Berlin et emprisonnée à la prison de Jauer en Silésie. Avec l'avancée des troupes soviétiques, elle est déportée à Ravensbrück, Mathausen et Bergen-Belsen où elle trouve la mort.

Dans ma cellule

Bientôt midi.

Ça sent la soupe monotone et moisie.

Ah ! Que j'ai envie

de fruits craquants et rebondis

d'herbes fraîches et du jus sucrés

dans des vergers alourdis

de branches qui m'égratignent.

Que j'ai envie

de bourgeons éclatés

dans mes doigts,

que j'ai envie là,

sur ma gorge

d'un baiser d'homme inassouvi,

deux étaux à ma taille,

la terre sous mes épaules

accueillante comme un lit,

une sève de fleurs, de plante, de vie

coulant de moi

avec un envahissement de marée ;

[...]

Midi ! Ça sonne ! Qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui ?

Ah ! Oui ! Des pois

des pois cassés et moisis.

***

On tue

On tue,

D'un bout de la terre à l'autre

On tue,

On tue sur la mer,

La nuit on peut voir

Dans l'énorme et indifférente solitude

De l'eau,

Des cadavres

Qui ont encore leurs dernières larmes

À leurs faces de linge

Tournées vers le ciel noir.

[...]

Pourtant le soleil est là.

Je l'ai vu ce matin

Jeune, fort, exigeant.

Il ruisselait sur les toits

Il mordait au coeur les arbres,

Il empoignait la ville aux épaules

Et réclamait de la terre son réveil,

Il est là,

Il est au fond de toutes choses

Et, devant ce monde qui s'entrouvre, s'affaisse et se replie

Il y a la mystérieuse et latente énergie

Qui refuse les ténèbres

Et ne veut pas qu'on tue la vie.

***

Marianne Cohn

Dès 1934, la famille allemande de Marianne Cohn (1921-1944) fuit les persécutions nazies et s'exile en Espagne, puis en France.

Marianne Cohn rejoint la Résistance et aide de nombreux enfants juifs à se réfugier la Suisse. Elle est arrêtée une première fois à Nice en 1943 : c'est alors qu'elle rédige ce poème. En mai 1944, elle est arrêtée une nouvelle fois alors qu'elle convoie vers la Suisse vingt-huit enfants ; elle est torturée et mise à mort par la Gestapo ; elle a vingt-trois ans.

Je trahirai demain

Je trahirai demain, pas aujourd'hui.
Aujourd'hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.

Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.

Je trahirai demain, pas aujourd'hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d'une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.

Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.

Je trahirai demain, pas aujourd'hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n'est pas pour le barreau,
La lime n'est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.

Aujourd'hui je n'ai rien à dire,
Je trahirai demain.

***

Madeleine Riffaut

Née en 1924, Madeleine Riffaut s'est engagée dans la Résistance dès l'âge de 18 ans et a participé, sous le nom de code « Rainer », à plusieurs opérations contre l'occupant nazi. Elle entre dans les FTP en mars 1944 et prend une part active aux combats de la Libération au cours desquels elle est livrée à la Gestapo et torturée. Ce poème a été écrit en août 1944. Après sa libération, elle est affectée à la compagnie Saint-Just avec le grade d'aspirant.

Chanson

« Ils me banderont les yeux

Avec un mouchoir bleu

Ils me feront mourir

Sans me faire souffrir

Ils m'avaient tué un camarade

Je leur ai tué un camarade

Ils m'ont battue et enfermée

Ont mis des fers à mes poignets.

Sept pas de long

À ma cellule.

Et en largeur

Quatre petits.

[...]

Ils ont bien pu tordre mes mains

Je n'ai jamais livré vos noms

On doit me fusiller -demain -

As-tu très peur, dis ? Oui ou non ?

Le temps a pris

Le mors aux dents !

Courez, courez

Après le temps !

Ceux-là, demain, qui me tueront

Ne les tuez pas à leur tour

Ce soir mon coeur n'est plus qu'amour.

Cela sera comme la chanson :

Les yeux bandés

Le mouchoir bleu

Le poing levé

Le grand adieu !

Ravensbrück

1 - L'enfer

Charlotte Delbo 136 ( * )

« Moi aussi

je regardais les étoiles

pendant l'appel

la nuit

longtemps avant le jour

pointes de diamant glacées

dards incandescents

diamants de glace

flèches de feu

qui trouaient le métal du ciel

pour planter dans notre chair

leurs échardes de froid

leurs griffes acérées

brûlantes

et nous transpercer jusqu'au coeur.

[...]

Toutes

des milliers

dehors dans la nuit

debout dans le froid de la nuit

bleues de froid

la poitrine serrée à faire mal

insensibles à force d'avoir mal

insensibles à la mort

qui nous enserre de sa poigne glacée.

Et c'est la nuit du matin

encore tout un jour à venir

à vivre jusqu'au soir

jusqu'à la nuit du soir. »

Gisèle Guillemot 137 ( * )

Rêve perdu

« Mon amie »

Elle disait

si je reviens

j'écrirai des romans.

Elle disait

si je reviens

j'apprendrai le violon

elle disait

si je reviens

j'aurai beaucoup d'enfants.

il n'y aura

ni enfants

ni violon, ni roman. »

Jacqueline Péry d'Alincourt

« La vie au 31 était un enfer.

Nous étions 1600 pour un espace devant contenir normalement 425 lits en trois étages.

C'était l'hiver.

Beaucoup de femmes n'avaient pas de couverture et les fenêtres n'avaient pas de carreaux.

Nous étions sans lumière.

On partait le matin dans l'obscurité.

Le soir au retour du travail, il faisait déjà nuit.

Il fallait pour gagner son lit ou toucher un morceau de pain, engager une bataille afin de se frayer un passage à travers une masse compacte qui ne pouvait ni avancer, ni reculer, frappait, hurlait dans toutes les langues...

Pour aller au lavabo, lorsqu'il y avait de l'eau, il fallait également percer la masse couverte de poux avant d'atteindre la vasque. C'était souvent l'endroit préféré des folles et il fallait nous garder de leurs coups. Le fait de nous mettre nue sous le robinet (seul moyen de se laver vite et complètement) avait le don d'exciter leur colère. » 138 ( * )

2 - Le retour du camp

Gisèle Guillemot

« REVENIR 139 ( * )

« Le train qui rapatriait ce groupe de déportées via la Suisse n'était pas vraiment confortable. De vieux wagon de troisième classe, aux sièges de bois, qui brinquebalaient sur les rails avec un bruit assourdissant. Mais les voyageuses n'en avaient cure. Les bouleversements des derniers jours, la peur sourde qui les avait d'abord taraudées, l'effarement d'une libération aussi inattendue avant la fin de la guerre, le soulagement de quitter le camp et la douleur de laisser derrière elles trop de leurs compagnes, avait miné leurs dernières ressources. Elles étaient épuisées. Après les adieux aux libérateurs, l'installation dans les compartiments, le départ, elle avait sombré dans une profonde et bienfaisante somnolence. Mais les sens toujours en éveil depuis des mois pour prévoir le pire, elles avaient senti le train ralentir. Les deux sifflements aigus de la locomotive les avaient sorties de leur léthargie. Une voix triomphante avait annoncé : « vous entrez en France ». Par les vitres vite ouvertes, elles saluaient une foule sur le quai de la gare frontière qui leur tendait des présents, sandwichs, friandises, fleurs et même des linges imbibés d'eau de Cologne. Un petit groupe tenta une Marseillaise qui avorta dans des trémolos d'émotion. »

Charlotte Delbo

« Qu'on revienne de guerre ou d'ailleurs

quand c'est d'un ailleurs

aux autres inimaginables

c'est difficile de revenir

Qu'on revienne de guerre ou d'ailleurs

quand c'est d'un ailleurs

qui n'est nulle part

c'est difficile de revenir

tout est devenu étranger

dans la maison

pendant qu'on était dans l'ailleurs

Qu'on revienne de guerre ou d'ailleurs

quand c'est d'un ailleurs

où l'on a parlé avec la mort

c'est difficile de revenir

Et de reparler aux vivants.

Qu'on revienne de guerre ou d'ailleurs

quand on revient de là-bas

et qu'il faut réapprendre

c'est difficile de revenir

quand on a regardé la mort

à prunelle nue

c'est difficile de réapprendre

à regarder les vivants

aux prunelles opaques. » 140 ( * )

« Quand nous sommes sortis du camp, épuisés jusqu'à l'hébétude, nous n'avions même pas la force d'en éprouver de la joie. Se reposer, dormir, dormir tout son saoul. Il nous semblait que notre fatigue ne se dissiperait jamais. Ni notre tristesse. Nous portions le poids de tous ceux qui ne revenaient pas. Quelques milliers de survivants pour des millions de morts, une somme de souffrances dont nul ne fera jamais le compte.

Nous, nous rentrions, et la vie reprendrait. Nous ne le savions pas encore très clairement. Tous les projets que nous avions pu échafauder, tous les rêves pour après, se diluaient dans un brouillard d'irréel. Nos préoccupations ne dépassaient pas l'immédiat : boire, dormir, manger, ne plus entendre la sirène, ne plus commander à son corps de tenir debout, de marcher ; cesser ce contrôle exténuant sur chacun de ses gestes, ne plus être sur le qui-vive, se laisser aller, s'abandonner. Enfin ne plus faire attention à tout. Pour moi, j'avais l'impression que, privés du raidissement que leur imposait ma volonté, mes membres devenaient flasques, mon squelette invertébré.

Mais, dans la confusion où nous étions, une certitude claire se dessinait : les miradors s'écroulaient, les barbelés tombaient, les camps étaient balayés par la tornade purificatrice : la victoire. L'herbe pousserait sur les places d'appel. Les énormes pustules qui avaient défiguré des territoires immenses seraient effacées par la végétation, le manteau naturel de la Terre. La victoire avait été chère, elle était là, radieuse. La liberté avait gagné. Nos morts, nos millions de morts, nos souffrances, nos humiliations s'inscriraient dans l'histoire comme faits du passé. Nous rentrions. Nous dirions l'histoire.

Plus tard. Pour l'heure, il s'agissait de reprendre des forces, de s'orienter, de se remettre dans la vie, dans celle d'avant ou dans une vie nouvelle : se marier, avoir des enfants, travailler, entreprendre des études ou les reprendre, retrouver son travail ou en changer pour partir à neuf. Notre pensée se ranimait lentement. Il fallait comme reconstruire sa personnalité. J'entends par là revenir en possession de soi-même, en rassemblant des morceaux épars qui réapparaissaient soudain ou affleuraient peu à peu, alors qu'on les avait cru perdus, et qu'il fallait ressouder en effaçant les cicatrices du camp. Aussi a-t-on vu chacun se replier chez lui, sur lui, et ceux qui avaient été des compagnons inséparables sont restés parfois des années sans se revoir. Chacun était trop absorbé par tous les problèmes qui l'assaillaient, des difficultés qu'il n'avait pas prévues, au niveau le plus terre-à-terre bien souvent. Non, ce n'était pas par égoïsme. L'Europe relevait ses ruines, les criminels étaient jugés et condamnés, l'histoire n'avait plus besoin de nous. » 141 ( * )

3 - Témoigner

Gisèle Guillemot

« Toutes les autres

Celles qui allaient mourir disaient : « Il faudra leur raconter, là-bas, en France, il faudra que tout le monde sache. Il ne faut plus jamais que cela recommence et les coupables devront être punis ».

Les revenantes ou bien essayé mais personne n'a voulu les entendre : « N'y pense plus, c'est fini ! » Puisqu'on ne voulait pas les écouter, elles se sont tues. Elles étaient si fatiguées ! Leurs nuits si difficiles ! Elles se sont résignées au silence, tout comme leur compagnon.

Puis dans le cours des années quatre-vingts, quelqu'un a dit : « On a exterminé seulement les poux ». Alors, elles se sont mises très en colère, sont enfin sorties de leur torpeur et ont imposé leur parole. La troisième génération, qui n'avait pas de honte à assumer, ni la sienne, ni celle de ses parents, a été avide de connaissance, elle a voulu savoir comment ces crimes avaient été possibles. Il s'est produit une sorte d'osmose entre ceux qui savaient et ceux qui voulaient savoir. Alors, non seulement les rescapés ont parlé dans les écoles, les lycées, mais elles ont enregistré leurs témoignages pour les générations à venir, écrit parfois d'excellents récits. C'est alors seulement que se sont senties moins mal et que leurs nuits sont devenues un peu moins difficiles. » 142 ( * )

Germaine Tillion 143 ( * )

« Si j'ai survécu je le dois à coup sûr au hasard, ensuite à la colère, à la volonté de dévoiler ces crimes et, enfin, à la coalition de l'amitié, car j'avais perdu le désir viscéral de vivre. [...]

Le groupe donnait à chacun une infime protection (manger son pain sans qu'on vous l'arrache, retrouver la nuit le même coin de grabat), mais il donnait aussi une sollicitude amicale indispensable à la survie. Sans elle, il ne restait que le désespoir, c'est-à-dire la mort. »

Marie-Claude Vaillant-Couturier 144 ( * )

« La Résistance à Auschwitz comme à Ravensbrück avait pour but d'aider moralement et matériellement à survivre, à rester des êtres humains, des patriotes confiantes dans la victoire.

Il s'agissait d'essayer de fournir des vêtements, des chaussures, un supplément de nourriture aux plus faibles, des médicaments aux malades, de tenter de les placer ensuite dans des postes de travail moins dur, de tenter de sauver de l'extermination une malade en la cachant ou en substituant à son numéro matricule celui d'une morte. Pour la survie, une parole d'amitié était aussi importante qu'un morceau de sucre. Également l'information sur les événements extérieurs, sur la circulation des fronts, à travers les communiqués des journaux allemands ou par celles qui pouvaient entendre la radio des SS, de même que l'organisation de causeries sur des sujets culturels, politiques ou des prières en commun, selon les convictions de chacune. [...] La proportion de détenues politiques était infiniment plus élevée à Ravensbrück qu'à Auschwitz. Il en résultait une atmosphère de lutte plus consciente, plus générale.

Le problème de l'opposition au travail au profit de l'oppresseur de notre pays y était aussi plus aigu puisque Ravensbrück était la plaque tournante fournissant des prisonnières pour l'industrie à travers toute l'Allemagne. Cela a été une de nos préoccupations constantes.

À Ravensbrück et dans les divers commandos qui en dépendaient, les Françaises n'étaient pas un groupe homogène formé uniquement de résistantes et elles n'étaient pas seules. Cependant on peut dire que d'une façon générale toutes les formes ont été utilisées pour ne pas servir l'ennemi, éviter le travail, le ralentir, saboter avec tous les risques que cela comportait et que certaines ont payé de leur vie. »

Un aspect de la libération des camps pour les anciennes déportées françaises de la Résistance : le retour à la vie en Suisse romande 145 ( * )

Entre l'été 1945 et le printemps 1947, environ 500 anciennes déportées sont venues recouvrer, tant que faire se peut, leur santé dans neuf maisons d'accueil de Suisse romande, à l'initiative de Geneviève de Gaulle, de l'ADIR (Association des déportées et internées de la Résistance) et de son Comité d'aide en Suisse.

Cet ouvrage reconstitue les conditions d'accueil de ces anciennes déportées et leur financement par diverses sources : les conférences prononcées par Geneviève de Gaulle dans toute la Suisse, des collectes et les subventions (tardives) du Don suisse 146 ( * ) . L'ADIR, qui se constitue à ce moment-là par la réunion de l'Amicale des prisonnières de la Résistance, née en 1944 et présidée par Irène Delmas, reçoit le soutien du Comité S.O.S d'aide en Suisse, dont la cheville ouvrière est Germaine Suter-Morax. La soeur de celle-ci, Florence Morax, travaille comme assistante sociale au foyer de l'ADIR, au 4 de la rue Guynemer à Paris, toute proche du jardin du Luxembourg. Cet immeuble réquisitionné avait en premier lieu été mis à la disposition de l'Amicale des prisonnières de la Résistance.

Ce livre retrace les parcours (résistance, déportation, convalescence) d'une douzaine d'anciennes déportées (Gisèle Guillemot, Manou Kellerer-Bernit, Françoise Robin-Zavadil, Denise Pons-Morin, Henriette Trachta-Docquier, Suzanne Orts-Pic, Marie-Claire Jacob-Huerre, Noëlla Rouget-Peaudeau, Anise Postel-Vinay-Girard, Yvonne Curvale-Calvayrac, Paule de Schoulepnikoff-Gouber et Ida Grinspan-Fensterzab), toutes résistantes à l'exception de cette dernière. Mais de nombreuses autres figures sont évoquées dans Retour à la vie , en particulier Simone Veil, qui a gardé du reste un souvenir noir de son séjour. Charlotte Delbo, quant à elle, qui séjourne au Mont-sur-Lausanne, publie ses premiers textes dans la presse suisse, textes qui constitueront plus tard des chapitres de son oeuvre littéraire majeure. On citera aussi Violette Lecoq ou France Audoul, qui toutes deux racontent la déportation par le dessin. France Audoul témoigne dans plusieurs lieux de Suisse romande en projetant ses dessins à l'appui de ses conférences.

L'ouvrage tente aussi d'appréhender comment ces rescapées de l'enfer ont été perçues, à l'époque, par la population et la presse d'un pays épargné par la guerre. Concernant la presse, il n'est pas indifférent de signaler que ce sont principalement des journalistes femmes qui sont venues rencontrer et recueillir les témoignages de ces « douloureuses », comme les nomme Renée Gos dans la Tribune de Genève .

A l'issue de ces séjours en Suisse, Jane Sivadon écrira dans le journal de l'ADIR, Voix et Visage 147 ( * ) : « Pourrons-nous jamais dire toute la reconnaissance que nous devons à ces voisins amis, pour leur accueil si fraternel et affectueux ? Ils ne se doutent certainement pas que plusieurs d'entre nous ont retrouvé chez eux, sinon la joie de vivre, du moins le goût à la vie. Nous avions oublié, après nos longues années de captivité, qu'il est encore possible de travailler dans le calme et dans la paix. Nous avions oublié toute la valeur que représente l'harmonie qui émane des choses et des êtres (...) [et] il est vrai que nous nous sentons plus fortes (...) parce que nous avons pu, pendant quelques semaines, respirer l'air vivifiant des montagnes . »

Quant à Geneviève de Gaulle, elle rencontre pendant cette période son futur mari, Bernard Anthonioz. Celui-ci lui donnera accès aux Cahiers du Rhône pour y publier, avec Germaine Tillion en particulier, la toute première étude scientifique sur Ravensbrück 148 ( * ) . Geneviève de Gaulle écrira en 1993, à l'occasion du cinquantenaire de cette revue : « Plusieurs de mes camarades assistaient à notre mariage. Beaucoup d'autres se trouvaient en convalescence en Suisse, grâce à la générosité de ce peuple ami. Son hospitalité était à l'image de ce qui est à l'origine des Cahiers du Rhône : une réelle solidarité envers ceux qui combattaient pour les droits de l'homme et pour la liberté » 149 ( * ) .

Les auteurs de Retour à la vie n'ignorent cependant pas que ce généreux accueil de la population ne saurait dédouaner la Suisse officielle de ses compromissions économiques avec le Reich et de la fermeture des frontières aux réfugiés pendant le conflit lui-même.


* 122 Colette Périès raconte que le général et Mme de Gaulle, en mai 1948, ont été reçus chez ses parents dont la maison avait été un haut lieu de la Résistance haute savoyarde. En partant, le général a enlevé la croix de Lorraine épinglée sur son veston et l'a remise à la mère de Colette Périès. C'est cette même croix que Colette Périès portait le jour du colloque.

* 123 D'après Vladimir Trouplin, in Krivopissko, Guy, Lévisse-Touzé, Christine, Trouplin, Vladimir, Dans l'Honneur et par la Victoire : Les femmes Compagnon de la Libération , Paris, Tallandier, 2008, p.32 : « Elle se donne la mort par pendaison dans la nuit [du 31 mai 1943]. On retrouve son corps dans le cimetière de la prison de Fresnes en mai 1945. Les circonstances de sa mort, restées mystérieuses pendant soixante ans, n'ont été élucidées qu'en août 2004 par Mireille Albrecht, qui découvrit par hasard, après plus de vingt ans de recherches, les pièces d'archives relatives au décès de sa mère ».

* 124 GUENO, Jean-Pierre, Paroles de l'ombre, Lettres, carnets et récits des français sous l'Occupation 1939-1945 , Paris, Librio, Document, 2013, p. 118.

* 125 Morin-Rotureau, Evelyne, Combats de femmes, Françaises et Allemandes, les oubliés de la guerre , Paris, Autrement, 2001, pp 158-159.

* 126 Auteure de Une Résistance ordinaire : septembre 1939-août 1944 , éd. du Félin, 1999

* 127 Thibault Laurence (dir.), Les Femmes et la Résistance , Paris, 2006, La Documentation Française, AERI, p.47

* 128 Dominique Veillon et Françoise Thebaud, « Hélène Viannay », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 1 | 1995, mis en ligne le 31 mai 2005, consulté le 20 mai 2014. URL : clio.revues.org/530 ; DOI : 10.4000/clio.530

* 129 Discours sur les ondes de la BBC , 20 avril 1944.

* 130 Actes du colloque « Les femmes dans la Résistance » tenu les 22 et 23 novembre 1975 à l'initiative de l'Union des femmes françaises, Éditions du rocher, 1977, pp. 20-21.

* 131 Membre du Conseil de la République puis sénatrice de 1946 à 1959, membre du comité central du PCF de 1947 à 1968, vice-présidente de l'Union des femmes françaises.

* 132 Bertrand, Simone, 1000 visages, un seul combat : les femmes dans la Résistance, Paris, Les Editeurs français réunis, 1965, préface

* 133 Actes du colloque « Les femmes dans la Résistance » tenu les 22 et 23 novembre 1975 à l'initiative de l'Union des femmes françaises, Éditions du rocher, pp. 123-132.

* 134 1907 - 2008, ethnologue, membre du Réseau du musée de l'Homme, déportée en 1943 à Ravensbrück où elle écrit et fait jouer une opérette, Le Verfügbar aux Enfers .

* 135 Tillion, Germaine, Lacouture, Jean, La traversée du mal , entretiens avec Jean Lacouture , Paris, Arléa, 1997 , pp. 43-78

* 136 Delbo, Charlotte, La mémoire et les jours, Paris, Berg International, 2013, pp. 38-39.

* 137 Amicale de Ravensbrück, Textes et poèmes présentés au mémorial de Ravensbrück le 17 avril 2010 à l'occasion du 65 eme anniversaire de la libération du camp .

* 138 Amicale de Ravensbrück, Textes et poèmes présentés au mémorial de Ravensbrück le 17 avril 2010 à l'occasion du 65 eme anniversaire de la libération du camp .

* 139 Guillemot, Gisèle, Elles... Revenir, Paris, Tirésias, AERI, 2006, pp. 5-6.

* 140 Delbo, Charlotte, Auschwitz et après, III. Mesure de nos jours , Paris, Les éditions de Minuit, 1971, 215 p.

* 141 Delbo, Charlotte, La mémoire et les jours, Paris, Berg International, 2013, pp. 121-122.

* 142 Guillemot, Gisèle, op. cit, pp. 58-59.

* 143 Amicale de Ravensbrück, Textes et poèmes présentés au mémorial de Ravensbrück le 17 avril 2010 à l'occasion du 65 ème anniversaire de la libération du camp.

* 144 « La Résistance ne s'arrête pas à la porte des prisons et des camps », Actes du colloque « Les femmes dans la Résistance » tenu les 22 et 23 novembre 1975 à l'initiative de l'Union des femmes françaises, Éditions du rocher, pp. 40-41.

* 145 Synthèse de l'ouvrage : Exchaquet-Monnier, Brigitte, Monnier, Éric, Retour à la vie : l'accueil en Suisse romande d'anciennes déportées françaises de la Résistance, 1945-1947, Neuchâtel, Suisse, Alphil, 2013, 411 p., préface de Marc Perrenoud, avant-propos d'Anise Postel-Vinay-Girard, postface de Noëlla Rouget-Peaudeau.

* 146 Organisme semi-officiel, créé en février 1944 par le Conseil fédéral, participant à ce que l'historien genevois Jean-Claude Favez a qualifié de « rattrapage humanitaire de la Suisse ».

* 147 N° 4, novembre 1946.

* 148 Ravensbrück , Neuchâtel, La Baconnière, 1946 ( Les Cahiers du Rhône ; 65. Série bleue ; 20). Fondée par Albert Béguin en 1942, cette revue joue un rôle majeur dans la Résistance intellectuelle pendant la guerre en publiant Éluard, Aragon, Emmanuel ou encore Maritain.

* 149 Les Cahiers du Rhône : « refuge de la pensée libre », Neuchâtel, La Baconnière, 1993, pp. 70-71.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page