III. UNE NOUVELLE MISSION : LA SUPERVISION BANCAIRE

La crise financière traversée par les banques européennes a conduit le Conseil européen à acter, en juin 2012, le principe d'un renforcement de la supervision des banques au sein de la zone euro, dans le cadre d'une Union bancaire. L'ambition affichée est de rompre le cercle vicieux entre crise bancaire et crise de la dette, à l'origine, notamment, des difficultés traversées par l'Irlande et l'Espagne.

Au-delà, l'Union bancaire doit permettre de juguler de nouveaux risques :

- Les conséquences du manque de profitabilité actuel des banques, exacerbé dans un contexte de taux bas et alors que certains pays disposent de trop d'établissements bancaires ;

- La part des crédits non performants dans leurs actifs. 12 % des crédits accordés sont jugés toxiques, les échéances n'étant pas remboursées. Ce taux est supérieur à celui rencontré en Asie ou aux États-Unis. Il est dépassé en Espagne, en Grèce, en Italie, au Portugal et en Slovénie. Au total 40 banques installées dans 10 pays de la zone présentent actuellement de sérieuses difficultés ;

- La surexposition aux pays émergents dans un contexte de retournement de la conjoncture ;

- Le risque d'attaques cybernétiques ;

- Le poids des sanctions administratives sur la solidité des banques à l'image de l'amende américaine reçu par le groupe BNP-Paribas.

A. LES OBJECTIFS DU MÉCANISME DE SUPERVISION UNIQUE

1. Le mandat du MSU

Le règlement n°1024/2013 du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit accorde à la BCE un rôle clé pour mettre en oeuvre cette surveillance au sein d'un Mécanisme de supervision unique (MSU). Celui-ci qui est entré en fonctions le 4 novembre 2014.

L'Union bancaire doit permettre de faciliter la transmission de la politique monétaire de la BCE. Le succès de l'utilisation des mesures non-conventionnelles dépend, en effet, de la qualité du système financier dans lequel elles s'inscrivent. Certains observateurs relèvent que l'efficacité du programme d'assouplissement quantitatif mis en oeuvre au Japon a été altérée par l'absence de réforme du secteur bancaire local.

Composé de la BCE et des autorités de contrôle nationales (ACN) des États membres, le MSU est chargé de la surveillance prudentielle de tous les établissements de crédit. Il poursuit trois objectifs :

- garantir la sauvegarde et la solidité du système bancaire européen ;

- accroître l'intégration et la stabilité financières ;

- assurer une surveillance cohérente.

Le MSU a mandat pour mener des contrôles prudentiels et des missions sur place. Il vérifie le respect des règles prudentielles européennes. Au terme de sa mission de surveillance, la BCE a le pouvoir d'accorder et de retirer l'agrément de tout établissement de crédit et d'évaluer l'acquisition de participations dans des établissements de crédit qu'elle supervise. Il peut également imposer des exigences de fonds propres supplémentaires pour couvrir des risques spécifiques. Si un manquement aux exigences réglementaires est constaté, des sanctions administratives aux banques allant jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires annuel total peuvent être imposées. À partir de 2016, la nouvelle autorité européenne de résolution bancaire, dotée de 55 milliards d'euros d'ici à 2022, sera en mesure de restructurer voire de démanteler une banque en difficulté.

L'action du MSU est dans les faits limitée à la zone euro, même si l'Union bancaire est, en principe, ouverte aux autres États membres. Le Danemark envisage à ce titre d'intégrer à terme cette structure, alors même qu'il bénéficie d'une clause d'exemption ( opt out ) en ce qui concerne l'Union économique et monétaire). Aucune demande formelle n'a pour l'heure été déposée. Un processus préparatoire d'au moins 5 mois serait nécessaire avant toute adhésion. La Banque centrale européenne s'était déclarée favorable fin avril à la mise en place d'incitations à rejoindre l'Union bancaire pour les pays situés en dehors de la zone euro. Il s'agit, selon elle, de prendre en compte l'activité transfrontalière au sein du marché intérieur, qui ne saurait se limiter à la zone. Le Royaume-Uni comme la Suède demeure assez rétifs à toute intégration dans ce dispositif.

2. Le rôle spécifique de la BCE

La BCE est chargée de veiller au bon fonctionnement du MSU et plus particulièrement à la répartition des responsabilités entre la BCE et les ACN. Afin d'assurer une surveillance efficace, les banques sont, en effet, classées en tant qu'établissements «importants» ou «moins importants ». La BCE est chargée d'exercer une supervision directe des premiers, tandis que les ACN se consacrent aux secondes.

Un établissement de crédit est considéré comme important s'il remplit l'une des conditions suivantes :

- la valeur totale de ses actifs est supérieure à 30 milliards d'euros ou dépasse 20 % du PIB national, la valeur totale de ses actifs ne pouvant être à 5 milliards d'euros ;

- la banque fait partie des trois établissements de crédit les plus importants établis dans un État membre ;

- l'établissement est bénéficiaire de l'assistance directe du Mécanisme européen de stabilité ;

- la valeur totale de ses actifs est supérieure à 5 milliards d'euros et le ratio entre ses actifs ou passifs dans plus d'un État membre et le total de ses actifs ou passifs est supérieur à 20 %.

Le MSU peut, par ailleurs, déclarer important un établissement qui ne satisferait pas à ces critères.

Dans ces conditions, la BCE est amenée à superviser directement 123 groupes représentant approximativement 1 200 entités. Les actifs détenus par celles-ci représentent 21 000 milliards d'euros soit 85 % du total des actifs détenus dans la zone euro (26 000 milliards d'euros, contre 12 900 milliards d'euros aux États-Unis). Les 3 520 établissements jugés moins importants sont concentrés en Allemagne (1 688 banques et 48 % du total), en Autriche (16 %) et en Italie (15 %).

Répartition par pays des actifs bancaires au sein de la zone euro

France

32 %

Allemagne

22 %

Espagne

14 %

Italie

10 %

Pays-Bas

10 %

Autres pays de la zone euro

13 %

Source : Institut Bruegel

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