LES FRAGILITÉS STRUCTURELLES DE L'ÉCOLE
FAVORISENT LA PERTE DES REPÈRES RÉPUBLICAINS

III. LES FRAGILITÉS STRUCTURELLES DE L'ÉCOLE FAVORISENT LA PERTE DES REPÈRES RÉPUBLICAINS

A. UN SYSTÈME SCOLAIRE AUX RÉSULTATS DÉCEVANTS, DANS L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS NOTAMMENT

1. Un mauvais classement dans les enquêtes internationales

Malgré une progression constante en valeur absolue de la dépense intérieure d'éducation depuis les années 1980 (cf. tableau), le système scolaire français enregistre des résultats moyens et, en tout état de cause, très en deçà de ceux auxquels pourrait prétendre notre pays, une des toutes premières puissances économiques mondiales.

Évolution trentenaire de la dépense intérieure d'éducation

1980

2000

2011

2012

2013

Dépense intérieure d'éducation (DIE)

- aux prix courants (en milliards d'euros)

25,2

92,9

124,3

125,3

127,4

- aux prix 2013 (en milliards d'euros)

64,6

114,1

126,8

126,3

127,4

DIE/PIB en %

5,6 %

6,3 %

6,0 %

6,0 %

6,0 %

DIE / habitant aux prix 2013 (en euros)

1 360

2 120

2 140

2 130

2 140

Dépense moyenne par élève

- aux prix courants (en euros)

1 760

6 200

8 210

8 220

8 320

- aux prix 2013 (en euros)

4 520

7 610

8 370

8 280

8 320

La dépense intérieure d'éducation (DIE) correspond à l'ensemble des dépenses effectuées en faveur de l'enseignement scolaire, tous financeurs confondus (État, collectivités territoriales, entreprises et ménages).

Source : Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance

Pourtant, comme le rappelait M. Loys Bonod, professeur de lettres au lycée Chaptal à Paris, lors de son audition 176 ( * ) , le diagnostic d'une dégradation ou d'une stagnation du niveau du système scolaire français ne va pas de soi. Au contraire, l'idée d'une progression du niveau des élèves français a longtemps été le credo de certains chercheurs et sociologues : « pendant des années, on a été plutôt dans le déni. Souvenez-vous, on nous disait encore au début des années 2000 : le niveau monte . Aujourd'hui, même le camp des " pédagogues " verse dans le catastrophisme. Plus personne ne sait ce qu'il convient de faire ».

L'aveuglement n'est plus de mise aujourd'hui ! Depuis plusieurs années, le constat de la dégradation s'impose, appuyé sur des faits vérifiés par des évaluations réalisées aux niveaux national et international. Il est en outre désormais largement partagé tant par les familles que par les élèves eux-mêmes et entretient un sentiment de dépit et de défiance vis-à-vis de l'institution scolaire .

Au cours de son audition, M. Laurent Bigorgne, directeur de l'institut Montaigne 177 ( * ) , a ainsi rappelé que « les rapports PISA attestent que l'école française est celle de la défiance, fruit des mauvais résultats qu'enfants et parents savent parfaitement identifier et objectiver : les travaux de Yann Algan et Pierre Cahuc l'ont montré ».

Certes, on pourra toujours remettre en cause la méthodologie de ces études, mais elles constituent un outil utile permettant de mesurer les grandes évolutions et de comparer, au niveau international, les différents systèmes scolaires à partir de critères uniformisés. Il est toujours tentant de critiquer un outil statistique dont les conclusions ne sont pas favorables, mais les chiffres sont là : à critères égaux de comparaison, le système français se révèle moins performant que beaucoup d'autres.

a) Les évaluations nationales mettent en avant une insuffisante maîtrise des connaissances fondamentales
(1) Un socle de connaissances et de compétences mal maîtrisé par près de 20 % des élèves

Dans le prolongement de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, qui a notamment mis en place le socle commun de connaissances et de compétences, des évaluations standardisées sur des échantillons d'élèves sont menées chaque année afin d'apprécier la proportion d'élèves qui, en fin d'école primaire et de collège, maîtrisent ces savoirs de base.

Comme le montrent le tableau et le graphique ci-après, l'évaluation réalisée en 2013 révèle que seuls 80 % des élèves de CM2 maîtrisent la compétence 1 (maîtrise de la langue française) et 71 % la compétence 3 (maîtrise des principaux éléments de mathématiques et des connaissances de base en culture scientifique et technologique).

Proportion d'élèves de CM2 qui maîtrisent les compétences 1 et 3 du socle commun

En compétence 1 , environ 80 % des élèves de fin de CM2 maîtrisent les éléments suivants :

Lire

Dégager le thème d'un texte, repérer dans un texte des informations explicites, inférer des informations nouvelles (implicites), repérer les effets de choix formels

Étude de la langue (vocabulaire, grammaire, orthographe)

Maîtriser quelques relations de sens entre les mots, savoir utiliser un dictionnaire, distinguer les mots selon leur nature, identifier les fonctions des mots dans la phrase, utiliser les temps à bon escient, maîtriser l'orthographe (lexicale et grammaticale).

En compétence 3 , environ 71 % des élèves de fin de CM2 maîtrisent les éléments suivants :

Nombres et calculs

Écrire, nommer, comparer et utiliser les nombres entiers, décimaux et quelques fractions simples, utiliser les techniques opératoires des quatre opérations sur les nombres entiers et décimaux, résoudre des problèmes relevant des quatre opérations.

Géométrie

Reconnaître, décrire et nommer les figures et solides usuels, utiliser la règle, l'équerre pour vérifier la nature des figures planes usuelles, percevoir et reconnaître parallèles et perpendiculaires.

Grandeurs et mesure

Connaître et utiliser les formules du périmètre et de l'aire d'un carré, d'un rectangle et d'un triangle, utiliser les unités de mesures usuelles, résoudre des problèmes dont la résolution implique des conversions.

Organisation et gestion de données

Lire, interpréter tableaux et graphiques, résoudre un problème mettant en jeu une situation de proportionnalité.

Culture scientifique et technologique

Maîtriser des connaissances dans divers domaines scientifiques (le ciel et la Terre, la matière, l'énergie, l'unité et la diversité du vivant, le fonctionnement du vivant, le fonctionnement du corps humain et la santé, les êtres vivants dans leur environnement, les objets techniques, environnement et développement durable).

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Ces chiffres passent à 79 % pour les élèves de 3 ème , s'agissant de la maîtrise des compétences 1 et 3 (cf. tableau et graphique).

Proportion d'élèves de 3 ème qui maîtrisent les compétences 1 et 3 du socle commun

En compétence 1 , environ 79 % des élèves de fin de 3 ème maîtrisent les éléments suivants :

Lire

Adapter son mode de lecture à la nature du texte proposé et à l'objectif poursuivi ; repérer les informations dans un texte à partir des éléments explicites et des éléments implicites nécessaires ; utiliser ses capacités de raisonnement, ses connaissances de la langue, savoir faire appel à des outils appropriés pour lire ; dégager, par écrit ou oralement, l'essentiel d'un texte lu ; manifester, par des moyens divers, sa compréhension de textes variés.

En compétence 3 , environ 79 % des élèves de fin de 3 ème maîtrisent les éléments suivants :

Pratiquer une démarche scientifique et technologique, résoudre des problèmes

Rechercher, extraire et organiser l'information utile ; réaliser, manipuler, mesurer, calculer, appliquer des consignes ; raisonner, argumenter, pratiquer une démarche expérimentale ou technologique, démonter ; présenter la démarche suivie, les résultats obtenus, communiquer à l'aide d'un langage adapté.

Savoir utiliser des connaissances et des compétences mathématiques

Organisation et gestion des données :

Reconnaître des situations de proportionnalité, utiliser des pourcentages, des tableaux, des graphiques. Exploiter des données statistiques et aborder des situations simples de probabilité.

Nombres et calculs :

Connaître et utiliser les nombres entiers, décimaux et fractionnaires

Mener à bien un calcul :

Mental, à la main, à la calculatrice, avec un ordinateur.

Géométrie :

Connaître et représenter des figures géométriques et des objets de l'espace. Utiliser leurs propriétés.

Grandeurs et mesures :

Réaliser des mesures (longueurs, durées, ...), calculer des valeurs (volumes, vitesses, etc.) en utilisant différentes unités.

Savoir utiliser des connaissances dans divers domaines scientifiques

L'Univers et la Terre :

Organisation de l'univers ; structure et évolution au cours des temps géologiques de la Terre, phénomènes physiques.

La matière :

Principales caractéristiques, états et transformations ; propriétés physiques et chimiques de la matière et des matériaux ; comportement électrique, interactions avec la lumière.

Le vivant :

Unité d'organisation et diversité ; fonctionnement des organismes vivants, évolution des espèces, organisation et fonctionnement du corps humain.

L'énergie :

Différentes formes d'énergie, notamment l'énergie électrique, et transformations d'une forme à l'autre.

Les objets techniques :

Analyse, conception et réalisation ; fonctionnement et conditions d'utilisation.

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Au total, si une majorité d'élèves de CM2 et de 3 ème semblent maîtriser les compétences inscrites dans le socle commun et correspondant à leur niveau, il est, en revanche, inquiétant que notre système scolaire laisse de côté près de 20 % d'entre eux.

Ces chiffres soulignent l'incapacité du système éducatif français à garantir la réussite de l'ensemble de ses élèves .

Face à la gravité de cette situation, on ne peut que souscrire à l'analyse de M. Laurent Bigorgne, qui estimait que « dès lors que l'on fait arriver en sixième des cohortes d'élèves dont 20 % maîtrisent mal la lecture, l'écriture et le calcul, et n'ont pas un niveau de compréhension suffisant pour aborder un texte simple, les programmes restent accessoires, aussi beaux soient-ils ».

(2) L'évaluation CEDRE : des performances à la baisse

Le « cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon » (CEDRE) mesure l'évolution des performances des élèves entre le CM2 et la troisième en compréhension de l'écrit (2003 et 2009), langues étrangères (2004 et 2010), histoire-géographie (2006 et 2012) sciences expérimentales (2007 et 2013), mathématiques (2008 et 2014). Cette analyse permet de comparer les performances des élèves en fin d'école élémentaire et en fin de collège à six ans d'intervalle et de mesurer leur évolution.

Si les performances enregistrées en fin d'école primaire semblent stables dans le temps pour la plupart des connaissances évaluées (à l'exception des langues, pour lesquelles une progression du niveau des élèves peut être constatée), les performances mesurées à la fin du collège ont tendance à régresser .

S'agissant de l'évaluation des compétences en sciences expérimentales menée en 2013, celle-ci révèle que si plus de la moitié des élèves maîtrisent au moins les deux tiers des connaissances et compétences attendues par les programmes de sciences de l'école primaire, seuls 27 % d'entre eux font preuve d'aisance dans la manipulation des concepts étudiés et près de 16 % des élèves de CM2 ne les maîtrisent pas et ne savent répondre qu'aux questions liées à un support visuel dans un contexte qui leur est familier ou à des notions se référant à la vie quotidienne.

Encore faut-il souligner que ces données agrégées ont tendance à masquer l'écart qui se creuse entre les différents niveaux d'élèves. On devrait ainsi distinguer les résultats enregistrés par les élèves « en retard » (c'est-à-dire ayant déjà redoublé) et ceux des élèves « à l'heure » (c'est-à-dire n'ayant jamais redoublé). On constate qu'en fin d'école primaire, les élèves « en retard » sont surreprésentés dans les groupes rencontrant le plus de difficultés (30,8 %) par rapport aux élèves « à l'heure » (10 %).

Répartition des élèves par groupe de niveau en 2007 et en 2013
en sciences en fin d'école primaire

Lecture : en 2013, 29 % des élèves appartiennent au groupe de niveau 3 contre 27,8 % en 2007. Par le jeu des arrondis, les totaux des pourcentages peuvent être légèrement différents de 100.

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Les performances des élèves en fin de scolarité au collège se révèlent globalement stables dans les disciplines scientifiques entre 2007 et 2013. En sciences de la vie et de la terre, le score moyen n'évolue pas de manière significative. Il diminue en revanche de cinq points en physique-chimie.

Un élève sur dix maîtrise parfaitement la démarche scientifique. Près de trois élèves sur cinq ont acquis les connaissances du programme de physique-chimie et de sciences de la vie et de la Terre. Ils savent utiliser le vocabulaire scientifique et extraire des données scientifiques (de tableaux, de graphiques ou de croquis) et sont capables de les analyser.

En revanche, un peu plus de 14 % des élèves de troisième ne maîtrisent aucune des étapes de la démarche scientifique, même si la plupart d'entre eux savent accomplir des gestes manipulatoires simples, utiliser du matériel spécifique ou suivre un protocole expérimental.

Répartition des élèves par groupe de niveau en 2007 et en 2013
en sciences en fin de collège

Lecture : en 2013, 30,8 % des élèves appartiennent au groupe de niveau 3 contre 28,8 % en 2007. Par le jeu des arrondis, les totaux des pourcentages peuvent être légèrement différents de 100.

Source : Ministère de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche

La gravité de la situation, mise en avant par les différentes évaluations réalisées par le ministère, est en outre corroborée par les statistiques issues des journées défense et citoyenneté (JDC). Comme l'a rappelé M. François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie, lors de son audition 178 ( * ) , « une dernière statistique, la mieux connue mais dont nous parlons le moins, me paraît la plus dramatique. Elle ressort des journées défense et citoyenneté et mesure chaque année l'illettrisme dans notre pays. Sont considérés dans une situation de grande difficulté 18 à 20 % des jeunes majeurs, incapables de déchiffrer un programme de cinéma, l'heure du film, ses acteurs ou le chemin à suivre pour se rendre dans la salle de cinéma ».

La baisse tendancielle du niveau des élèves français a en outre été fréquemment évoquée au cours des déplacements réalisés par la commission d'enquête. Ainsi, la communauté éducative du lycée Jean Moulin de Roubaix a fait part de son inquiétude face à la forte baisse des acquis et des connaissances des élèves en matière langagière, en français et en histoire-géographique, de nature à provoquer une véritable « perte de repères » .

Cette situation semble fortement contraster avec le niveau des élèves des générations précédentes. Lors de son audition 179 ( * ) , M. Laurent Lafforgue, membre de l'académie des sciences, a pu ainsi évoquer ses grands-parents, qui appartenaient tous à des milieux populaires : « aucun n'avait suivi d'études supérieures, ni même fréquenté le lycée. Trois sur quatre avaient commencé à travailler à l'âge de douze ans, mais avaient obtenu leur certificat d'études primaires et parlaient et écrivaient parfaitement le français » : son constat, même s'il demeure purement personnel, rejoint pourtant celui d'un très grand nombre de parents qui déplorent que le niveau de leurs enfants en français, en histoire et en géographie soit nettement moindre que celui des générations précédentes.

b) Une place médiocre dans les enquêtes internationales

Ce sentiment n'a rien d'illusoire : la stagnation, voire la régression, du niveau des élèves français est confirmée par la plupart des études internationales.

Menée tous les cinq ans par l'IEA ( International Association for the Evaluation of Educational Achievement ) dans 45 pays, dont 23 pays européens, l ' enquête PIRLS (Programme international de recherche en lecture scolaire) porte sur la lecture des élèves de quatrième année d'enseignement obligatoire (CM1 en France). Nos collègues Jean-Claude Carle et Françoise Férat rappelaient, dans leur rapport pour avis sur les crédits 2015 de la mission « Enseignement scolaire » 180 ( * ) , que « les résultats de la dernière évaluation PIRLS, conduite en 2011, montrent que la France, avec un score en légère baisse de 520 points, se situe nettement en deçà de la moyenne européenne (534 points) ».

Par ailleurs, à partir de 2000, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a mis en oeuvre le « programme international pour le suivi des acquis des élèves » (PISA) qui vise à évaluer la capacité des jeunes de 15 ans « à relever les défis de la société de la connaissance ». Menée tous les trois ans, elle couvre trois domaines : la compréhension de l'écrit, la culture mathématique et la culture scientifique.

En 2012, la France a obtenu un score global de 495 en culture mathématique , qui la situe dans la moyenne des pays de l'OCDE. Il convient toutefois de noter que ce résultat est inférieur de 16 points à celui obtenu en 2003 . En outre, la part des élèves de 15 ans qui ne possèdent pas les compétences et connaissances mathématiques leur permettant de faire face aux situations de la vie courante passe de 16,6 % à 22,4 %.

En 2012 comme en 2003, la France figurait en outre parmi les pays de l'OCDE dont les élèves déclaraient la plus forte anxiété vis-à-vis des mathématiques.

Résultats des pays sur l'échelle internationale de culture mathématique et position des élèves en France en fonction de la classe fréquentée

La largeur des rectangles traduit l'intervalle de confiance autour de la moyenne qui correspond à l'erreur d'échantillonnage. Les élèves de l'échantillon français sont situés sur la ligne de la France en fonction du score moyen de la classe fréquentée.

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Avec un score moyen de 505, les résultats de la France en compréhension de l'écrit sont stables par rapport à 2000. La part des élèves rencontrant des difficultés connaît toutefois une augmentation, passant de 15,2 % à 18,9 % entre 2000 et 2012 . Parallèlement, la proportion d'élèves dans les hauts niveaux passe de 8,5 % à 12,9 % alors qu'elle reste stable dans la moyenne des pays de l'OCDE.

Résultats des pays sur l'échelle internationale de compréhension de l'écrit

La largeur des rectangles traduit l'intervalle de confiance autour de la moyenne qui correspond à l'erreur d'échantillonnage.

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Avec un score de 499 en culture scientifique , les résultats de la France sont stables et se situent dans la moyenne des pays de l'OCDE (501). La seule différence significative réside dans le nombre élevé d'élèves français dont le niveau est très faible.

Résultats des pays sur l'échelle internationale de culture scientifique

La largeur des rectangles traduit l'intervalle de confiance autour de la moyenne qui correspond à l'erreur d'échantillonnage.

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

c) Un système éducatif qui ne parvient plus à corriger les inégalités scolaires et sociales

Dans un tel contexte, si l'école républicaine a longtemps constitué le vecteur privilégié de la réduction des inégalités sociales et le moteur de ce qu'il est convenu d'appeler « l'ascenseur social », elle ne semble plus, aujourd'hui, en mesure de jouer ce rôle. Pire, elle tendrait même, selon différentes études, à aggraver les inégalités scolaires et sociales.

Ainsi, les évaluations CEDRE révèlent que les écarts tendent à s'accroître entre les élèves les plus performants et ceux rencontrant le plus de difficultés , alors que, dans le même temps, la proportion des élèves en difficulté tend à augmenter.

Comme le rappelaient nos collègues Jean-Claude Carle et Françoise Férat dans leur rapport pour avis sur les crédits 2015 de la mission « Enseignement scolaire », précité, « en matière de lecture et de compréhension de l'écrit, le cycle d'évaluation "CEDRE" met en évidence une baisse significative du score moyen des élèves entre 2003 et 2009 . Cette régression se traduit aussi bien par une contraction de la proportion des élèves performants (de 10 % à 7,1 %) que par une augmentation de la proportion des élèves en difficulté (de 15 % à 17,9 %). Le constat est identique en histoire-géographie et éducation civique. Tandis que le score moyen diminue significativement entre 2006 et 2012, la part des élèves les plus faibles augmente (de 15 % à 21,4 %) et le pourcentage des élèves les plus performants diminue (de 10 % à 6,3 %) ».

Les conclusions de l'étude PISA de 2012 confirment cette tendance. Elles mettent ainsi en avant l'accroissement de l'écart entre les résultats des meilleurs élèves et ceux des moins bons. Par rapport à 2003, cet écart s'est ainsi accru de dix points entre les 25 % les plus faibles et les 25 % les plus performants, plaçant ainsi la France parmi les pays les plus inégalitaires selon ce critère .

Or, comme le rappelait M. Guillaume Dupont 181 ( * ) , vice-président de la Fédération des conseils de parents d'élève (FCPE), inculquer les valeurs républicaines « est d'autant plus dur lorsque l'école reproduit des inégalités. Dès le plus jeune âge, les enfants sont classés, triés, jugés, notés afin de les situer dans l'échelle de la classe. Les bons d'un côté, à qui l'on promet de grandes carrières, et les moins bons de l'autre, à qui on laisse entendre qu'ils ne comprennent pas ».

Comme le montre le tableau ci-après, en culture mathématique, l'écart entre les scores obtenus par le premier et le quatrième quartile s'élevait ainsi à 119 pour la France, contre 90 en moyenne dans les pays de l'OCDE, 102 en Allemagne, 75 en Italie et 67 en Finlande.

Score moyen en culture mathématique selon le statut économique,
social et culturel des élèves

Très défavorisés

Défavorisés

Favorisés

Très favorisés

Écart entre le 1 er et 4 e quartile

OCDE

452

482

506

542

90

Suède

443

470

495

518

75

États-Unis

442

462

494

532

90

Espagne

442

471

495

533

91

Italie

447

475

498

522

75

France

442

476

511

561

119

Allemagne

467

502

540

569

102

Finlande

488

509

529

555

67

Pays-Bas

484

513

537

565

81

Japon

500

528

551

575

75

Moyenne de l'OCDE = tous les pays OCDE participants en 2012, n=34

Lecture : en France, en 2012, le score moyen des élèves très défavorisés est de 442 points.

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Ces inégalités scolaires constituent en outre généralement le reflet des inégalités sociales . L'étude PISA de 2012 souligne ainsi que les déterminismes sociaux sont particulièrement importants dans notre pays.

Comme le notait M. Philippe Watrelot, président du Cercle de recherche et d'action pédagogiques (CRAP) 182 ( * ) , « notre système éducatif est profondément inégalitaire. Il détient le triste record du pays où l'origine sociale joue le plus dans la réussite scolaire . Un enfant d'ouvrier a en France sept fois moins de chances d'obtenir le bac qu'un enfant de cadre ou d'enseignant ».

Les études réalisées au niveau national confirment ce diagnostic. Ainsi, 88 % des enfants de cadres ou d'enseignants entrés en 6 ème en 2007 étaient inscrits en seconde générale en 2012-2013, contre 41,9 % pour les enfants d'ouvriers. Ces écarts sont en outre globalement stables dans le temps, ces taux s'élevant respectivement à 89,4 % pour les enfants de cadres et d'enseignants et à 39,1 % pour les enfants d'ouvriers en 1995 (cf. tableau).

Situation scolaire des élèves de sixième dans le second cycle
selon leurs caractéristiques sociodémographiques (%)

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

2. Un investissement très insuffisant sur l'enseignement primaire

Comme le notaient nos collègues Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux de la commission des finances sur les crédits 2015 de la mission « Enseignement scolaire » 183 ( * ) , « le système scolaire français se singularise par rapport aux autres pays de l'OCDE par la part prépondérante des dépenses en faveur de l'enseignement secondaire dans le total des dépenses consacrées à l'enseignement scolaire. [...] Pourtant, le premier degré constitue le lieu où sont enseignés les apprentissages les plus fondamentaux . Sa valorisation apparaît donc comme un préalable indispensable à la mise en oeuvre d'une politique éducative ».

La dépense d'éducation par élève du premier degré ne représentait ainsi, en 2012, que 65 % de celle par élève du second degré.

Évolution de la dépense intérieure d'éducation par niveau d'éducation

(au prix 2013)

Primaire

Secondaire

Supérieur

Total

Total Md€

Par élève (€)

Total Md€

Par élève (€)

Total

Par élève (€)

Total Md€

Par élève

Md€

(€)

1980

21,5

3 050

33,4

6 090

10,9

7 760

64,6

4 520

2012*

41,4

6 100

56,6

9 490

28,4

11 600

126,3

8 280

2013p**

42,3

6 220

56,3

9 440

28,7

11 540

127,4

8 320

* En 2012, le passage à la nouvelle base de la comptabilité nationale modifie les montants.
** Données provisoires.

Champ : France métropolitaine + DOM y compris Mayotte

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Cette sous-dotation de l'enseignement primaire en France se traduit, en pratique, par un taux d'encadrement inférieur et des salaires plus faibles dans le premier degré français que la moyenne des pays de l'OCDE .

Or, comme l'ont indiqué la plupart des personnes entendues par la commission d'enquête, les difficultés rencontrées par les élèves se cristallisent dans les premières années de scolarisation , au moment de l'apprentissage des savoirs fondamentaux. Ainsi, pour Mme Gabrielle Deramaux 184 ( * ) , professeur de français, « l'enfant est particulièrement réceptif entre 5 et 7 ans. Ce qui n'est pas acquis pendant cette période, au CP et au CE1, est perdu. Un élève de cinquième qui n'a pas les fondamentaux aura bien plus de difficultés à les acquérir qu'un jeune enfant [...] . Je partage votre position : il faut mettre les moyens sur le primaire et soulager les instituteurs qui réalisent un travail exceptionnel ».

Ce constat est partagé par M. Laurent Bigorgne pour qui, « depuis les années 60, les acquis de la recherche ont pourtant clairement établi que le taux d'encadrement des jeunes enfants et les interactions qui leur sont offertes sont un bagage pour la vie entière . Dans ses travaux, le prix Nobel James Heckman montre que les plus gros retours sur investissement se font dans les premiers âges de la vie . Et pourtant, par rapport à la moyenne de l'OCDE, on continue en France à sous-financer la rémunération des maîtres exerçant dans les écoles maternelles, à hauteur de 20 % ; même chose pour l'école primaire ; la situation est meilleure au collège et nous surfinançons le lycée à hauteur de 30 % ».

Si la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 185 ( * ) a amorcé un rééquilibrage en faveur du premier degré, cette initiative et les moyens qui y sont consacrés, qui consistent essentiellement en une augmentation des effectifs enseignants, mais qui laissent de côté les questions du volume horaire hebdomadaire et des rémunérations, apparaissent très insuffisants au regard de l'importance des enjeux et du poids de l'existant.

La loi de 2013 prévoit ainsi le recrutement de 14 000 enseignants titulaires dans le premier degré public et privé , soit les deux tiers des 21 000 postes de titulaires créés au total. En 2015, 4 211 postes devraient ainsi être créés dans l'enseignement scolaire public du premier degré, soit 44,7 % des créations de postes prévues pour cette année.

Par ailleurs, le dispositif « plus de maîtres que de classes », mis en place par une circulaire du 18 décembre 2012, devrait bénéficier d'une partie des 7 000 emplois destinés au renforcement de l'encadrement pédagogique dans les zones difficiles, dont la création est prévue par la loi du 8 juillet 2013. Ce dispositif donne la possibilité d'affecter, sur la base d'un projet pédagogique, un enseignant supplémentaire dans une école ou un groupe scolaire.

Pour autant, comme le notaient nos collègues Jean-Claude Carle et Françoise Férat dans leur avis précité sur les crédits 2015 de la mission « Enseignement scolaire » précité, « au vu des études menées aussi bien en France, notamment l'expérimentation menée par la direction de l'évaluation, de la performance et de la prospective sur les maîtres surnuméraires dans l'école primaire en 2002, qu'à l'étranger (programmes STAR aux États-Unis et DISS au Royaume-Uni) », on ne peut que se montrer « sceptique quant à l'efficience d'un tel dispositif . Il existe en effet un risque non négligeable que le maître surnuméraire se voie chargé de la "sous-traitance" des élèves en difficulté scolaire à la place du maître titulaire, ou qu'il soit cantonné dans des tâches annexes . Pourtant, le cadrage pédagogique nécessaire pour éviter ces écueils est difficile à mettre en oeuvre et va à l'encontre de l'autonomie des équipes pédagogiques ».

Dès lors, ainsi que le rappelait M. Laurent Bigorgne, « tant que nous n'aurons pas résolu les problèmes de l'école primaire tout le reste ne sera que littérature ».

3. La non-maîtrise de la langue française, une fracture majeure qui compromet tout le reste
a) Le français, une langue de moins en moins maîtrisée par les élèves

Au cours de son audition 186 ( * ) , M. Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes, relevait que « depuis vingt ans, les enfants ont beau parler beaucoup, trop selon certains, ils s'exercent de moins en moins à l'oral, cette activité codée, régulée, dont l'absence de maîtrise pèse lourd dans la vie de tous les jours ». Il estimait ainsi que « la maîtrise du français est beaucoup plus importante que tout le reste ».

En effet, comme le confirme l'enquête CEDRE, les compétences en lecture et les compétences langagières jouent un rôle crucial sur les résultats des élèves dans la plupart des autres matières .

Or, pour reprendre la formule de M. Loys Bonod, on assiste à une « sorte de délitement, de déliquescence de la compréhension de l'expression, qu'elle soit orale ou écrite » se traduisant par des difficultés d'écriture .

Ainsi, au cours du déplacement à Besançon qui s'est tenu le 11 mai 2015, l'équipe pédagogique de l'école élémentaire Albrecht Dürer a indiqué à la commission d'enquête que certains élèves présentaient des lacunes très importantes en matière de sociabilité et de culture , des élèves de CP ignorant, par exemple, la signification du mot « pomme » . Dans le même ordre d'idée, Mme Maya Akkari a constaté avec inquiétude que certains enfants étaient incapables de faire la distinction entre une casquette, un béret ou un képi...

Votre rapporteur prend acte de la proposition du ministère de l'éducation nationale de mettre en place une évaluation du niveau des élèves en français au début du CE2. Par ailleurs, comme l'ont préconisé plusieurs membres de la commission lors de sa réunion du 1 er juillet, il est souhaitable que les élèves accusant des difficultés en français identifiées lors des évaluations durant le primaire fassent l'objet de mesures d'accompagnement et d'un suivi renforcé pour leur permettre d'y remédier.

Il estime cependant nécessaire d'aller plus loin en restaurant l'évaluation de la maîtrise du français à la fin du CM2 . Une évaluation de ce type, portant sur tous les savoirs fondamentaux, avait été mise en place en 2009 par M. Xavier Darcos, alors ministre de l'éducation nationale, mais elle a été supprimée en 2014.

Désormais, pour éviter toute sortie de l'école primaire sans une maîtrise suffisante de la lecture et de l'écriture, les résultats de l'évaluation de la maîtrise du français devront conditionner le passage en 6 ème .

PROPOSITION DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Évaluation de la maîtrise du français tout au long de l'enseignement élémentaire, notamment en CM2 conditionnant l'accès en 6 ème , l'apprentissage de la langue française devenant l'axe central des programmes du primaire

b) Des difficultés de compréhension écrite empêchant l'adhésion aux valeurs républicaines et favorisant des comportements violents

Au-delà des difficultés scolaires qu'elle génère, la non-maîtrise de la lecture et de l'expression orale comme écrite rend plus difficile l'adhésion aux valeurs de la République , dont certains élèves, y compris scolarisés dans des établissements enregistrant de bons résultats, ne parviennent pas à saisir la complexité et les nuances, faute d'un vocabulaire suffisamment riche et diversifié.

Ainsi, pour M. François-Xavier Bellamy, il n'est pas étonnant « que cette distance critique devienne difficile , lorsque nous savons pertinemment, d'après nos propres statistiques, que nos élèves de 3 ème sont marqués par cette difficulté de décryptage d'un texte ». M. François-Xavier Bellamy rappelait en outre qu'« Aristote, dans Les Politiques , affirme que le propre du citoyen est de parler avec les autres ». Avant lui, le doyen Hauriou, un des pères du constitutionnalisme démocratique français, avait qualifié la démocratie de « civilisation du dialogue ». Or, ce dialogue nécessite l'utilisation d'une même langue, reposant sur un fond culturel commun, dont l'école doit se fixer pour objectif prioritaire d'assurer la transmission.

Ce constat est partagé par certaines organisations syndicales, à l'instar d'Indépendance et direction-Force ouvrière (iD-FO) qui, par la voix de son président M. Patrick Fournié, rappelait, lors d'une table ronde organisée le 16 mars 2015, que « l'enseignement de la langue et ses premiers apprentissages sont impératifs pour que des rappels aux valeurs républicaines puissent s'ancrer dans les esprits et produire leurs effets . Au vu des résultats à la sortie de l'école primaire et du collège, on ne peut qu'être surpris du nombre, trop élevé, d'élèves qui ne maîtrisent pas la langue , ce qui leur interdit de rentrer dans ce récit national que l'on voudrait faire passer au travers des repères républicains ».

Le déficit de vocabulaire dont souffrent un nombre croissant d'élèves, tend en outre à favoriser le développement de comportements violents .

Au cours de son audition 187 ( * ) , M. Alain-Gérard Slama, journaliste et professeur à Sciences Po, rappelait ainsi que « lorsque les mots sont absents, c'est la violence qui s'exprime ». Ce constat recoupe largement l'analyse développée par M. François-Xavier Bellamy pour qui, « lorsque nous n'avons plus les mots pour parler ensemble, alors nous sommes tentés de régler nos différends par la violence. Lorsqu'il n'y a plus de dialogue commun, lorsqu'il n'y a plus de possibilité même d'un dialogue parce qu'il n'y a plus de langue commune, alors naît la violence, qui remplace la République . C'est quand la République se défait, quand la société se dissout, que la violence semble se rappeler à nous. [...] Comme vous le savez, la barbarie désigne dans son étymologie grecque "barbaros" ces sons inarticulés sortant de la bouche de celui qui n'a pas reçu la langue commune. La barbarie, c'est ce cri inarticulé qui jaillit d'une génération ou d'une partie d'une génération à qui nous n'avons pas transmis les mots pour participer à la vie citoyenne ».

Selon M. Jean-Michel Blanquer 188 ( * ) , directeur général du groupe ESSEC, le travail sur le langage doit donc intervenir dès les premiers âges de la vie dans la mesure où le nombre de mots maîtrisés à l'âge de trois ans joue un rôle déterminant dans la réussite scolaire.

Sous le bénéfice de ces observations, et compte tenu des choix budgétaires et organisationnels qu'impose nécessairement une politique portant sur des dizaines de milliers d'enfants, votre rapporteur estime que l'effort du Gouvernement doit porter en priorité sur la tranche d'âge des 4-7 ans.

Pour autant, lorsque les moyens existent et si l'environnement social ou la situation individuelle ou familiale d'enfants plus jeunes le justifient, l'accueil des enfants de moins de trois ans dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé va dans le bon sens : comme l'a fortement préconisé la Présidente de la commission d'enquête, Mme Françoise Laborde, dans toute la mesure du possible, l'entrée en maternelle dès deux ans mériterait donc d'être encouragée , surtout dans les quartiers difficiles.

c) Des élèves issus de l'immigration particulièrement exposés

Comme le soulignait le Haut Conseil à l'intégration dans un rapport de 2010 189 ( * ) , une attention particulière doit également être portée aux élèves immigrés ou issus de l'immigration.

En effet, l'insuffisante maîtrise de la langue est particulièrement fréquente chez ces élèves. Elle résulte d'une faible pratique du français à l'extérieur de l'école, la langue d'origine étant souvent privilégiée dans le cadre familial.

Certains « jeunes des quartiers » utilisent en outre un langage qui leur est propre, mélangeant « dans une même phrase des mots empruntés à des langues étrangères, à des mots français et au verlan ». D'autres ont « développé ce que les linguistes appellent le principe " d'économie linguistique ", réduisant leur vocabulaire à un nombre limité de mots, ce qui leur permet de communiquer entre eux dans un espace dont ils n'envisagent pas de sortir ».

Une telle situation n'est évidemment pas tolérable dans la mesure où elle renforce l'échec scolaire et social de ces élèves et favorise l'émergence de « contre-cultures » ou d'attitudes communautaristes.

L'effort sur le langage doit donc se concentrer prioritairement sur ces publics en difficulté qui, selon M. Laurent Bigorgne, « gagneront à fréquenter le milieu scolaire de manière précoce. Selon une étude américaine de 2004, à 3 ans, un enfant en difficulté accumule un déficit qui peut aller jusqu'à 30 millions de mots entendus, or les interactions langagières développent les facultés cognitives grâce auxquelles les enfants apprennent à lire ensuite ».

À cet égard, votre rapporteur juge opportun de s'inspirer de certaines expérimentations menées dans le champ du langage à l'instar du programme « Parler Bambin » (cf. encadré).

Le programme « Parler bambin »

Partant du constat que « le développement des cinq premières années de la vie s'avère crucial pour l'acquisition des habiletés nécessaires aux apprentissages scolaires » 190 ( * ) , une expérimentation visant à renforcer les compétences langagières d'enfants âgés de 18 à 30 mois a été menée, sous la direction de M. Michel Zorman, médecin de santé publique, dans les crèches situées en zones urbaines sensibles de Grenoble.

Ce programme mis en place à partir de 2008 a associé l'ensemble des personnels de ces établissements, qui ont bénéficié, à cet effet, d'une formation d'une trentaine d'heures, ainsi que les familles.

Les enfants ont été répartis par groupes de deux ou trois en fonction de leur niveau de langage. Il leur a ensuite été proposé de participer à des ateliers d'une vingtaine de minutes, trois fois par semaine. Au cours de ces ateliers, le rôle de l'adulte consistait, d'une part, à inciter les enfants à parler en ayant recours à un recueil d'images (également fourni à la famille), aux jeux, etc. et, d'autre part, à reformuler certaines expressions et à corriger les mots utilisés par l'enfant afin d'enrichir son vocabulaire.

Cette expérimentation conclut à une efficacité globale du programme dans la mesure où une progression des performances verbales a pu être constatée, en particulier chez les enfants « qui avaient, au départ du programme, le moins bon niveau de langage ».


* 176 Audition du 26 mars 2015.

* 177 Audition du 2 avril 2015.

* 178 Audition du 19 mars 2015.

* 179 Audition du 2 avril 2015.

* 180 Avis n° 112 (2014-2015) de M. Jean-Claude Carle et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 20 novembre 2014.

* 181 Table ronde du 16 mars 2015.

* 182 Audition du 9 avril 2015.

* 183 Rapport général n° 108 (2014-2015) de MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2014.

* 184 Audition du 19 mars 2015.

* 185 Loi n° 2013-595.

* 186 Audition du 2 avril 2015.

* 187 Audition du 19 mars 2015.

* 188 Audition du 26 mars 2015.

* 189 Haut Conseil à l'intégration, Les défis de l'intégration à l'école , rapport remis au Premier ministre pour l'année 2010.

* 190 « Parler bambin » un programme de prévention du développement précoce du langage , Approche neuropsychologique des apprentissages chez l'enfant (A.N.A.E) n° 112-113, mai-juin 2011.

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