N° 182

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de décret d' avance relatif au financement de dépenses urgentes , transmis le 18 novembre 2015 à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF),

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

AVIS DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT

sur le projet de décret d'avance notifié le 18 novembre 2015,
portant ouverture et annulation de 2 160 millions d'euros
en autorisations d'engagement et 1 703 millions d'euros
en crédits de paiement

La commission des finances,

Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ;

Vu le projet de décret d'avance notifié le 18 novembre 2015, portant ouverture et annulation de 2 160 452 834 euros en autorisations d'engagement et 1 703 440 492 euros en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général ;

1. Constate que l'objet du projet de décret d'avance est de permettre le financement des opérations extérieures et intérieures du ministère de la défense, des dépenses de personnel du ministère de l'éducation nationale et d'autres ministères, ainsi que des dépenses d'intervention liées aux contrats aidés, à l'hébergement d'urgence et aux bourses de l'enseignement supérieur ;

2. Estime que l'urgence à ouvrir les crédits est avérée au regard de la nécessité d'assurer la continuité du paiement des personnels de l'État, de poursuivre les opérations extérieures et intérieures dans lesquelles est engagée l'armée française, d'assurer le paiement des contrats aidés conclus et des bourses étudiantes, ainsi que de faire face aux besoins de l'hébergement d'urgence ;

3. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant réparties sur la quasi-totalité des missions du budget général ;

4. Constate que plus des deux tiers du total des crédits ouverts ne sont pas gagés par des annulations de crédits au sein de la même mission, ne respectant donc que partiellement le principe d'auto-assurance posé par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et rappelé par la circulaire du Premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publique ;

5. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret d'avance n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ;

6. Constate que les conditions de régularité du recours au décret d'avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 précitée sont donc réunies ;

7. Observe cependant que les ouvertures de crédits motivant le présent projet de décret d'avance sont similaires aux dépenses financées par le décret d'avance n° 2014-1429 du 2 décembre 2014 et note que les opérations extérieures, les dépenses de personnel de l'État, les dépenses d'intervention liées aux contrats aidés et à l'hébergement d'urgence font l'objet d'une sur-exécution récurrente par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale qui nuit à la lisibilité de la politique budgétaire du Gouvernement et interroge la crédibilité de la budgétisation initiale ;

8. Note que le décret d'avance est devenu un instrument récurrent d'ajustement des crédits destinés aux opérations extérieures, dont le besoin de financement par le présent projet de décret d'avance s'élève à 625 millions d'euros en 2015, soit un besoin de financement annuel total plus de deux fois supérieur à l'enveloppe de 450 millions d'euros allouée en loi de finances initiale, nuisant tant à la bonne information du Parlement qu'à la soutenabilité de la budgétisation de la mission « Défense » et souhaite qu'un débat soit engagé avec nos partenaires européens sur le financement des opérations extérieures ;

9. Relève que le caractère urgent des ouvertures ne préjuge pas de leur imprévisibilité et rappelle une nouvelle fois que le décret d'avance ne saurait se substituer à une budgétisation initiale sincère ;

10. Souligne que le présent projet de décret d'avance doit être analysé de façon conjointe au projet de loi de finances rectificative en cours d'examen par le Parlement ; qu'au total, ce sont près de 6 milliards d'euros qui sont nécessaires pour assurer la fin de gestion 2015, dont 726 millions d'euros au titre de divers dispositifs de solidarité ; que le schéma de fin de gestion est près de trois fois supérieur aux besoins constatés en fin d'exercice ces dernières années ;

11. Estime que l'ampleur des ajustements apportés aux crédits des différentes missions en fin d'année traduit les difficultés de maîtrise des dépenses en cours de gestion résultant notamment du dynamisme des dépenses de personnel et des prestations sociales dites « de guichet » ;

12. Observe en particulier qu'au titre de l'hébergement d'urgence, les financements supplémentaires prévus à hauteur de 130 millions d'euros par le décret d'avance n° 2015-1347 du 23 octobre 2015 n'ont pas suffi à couvrir l'ensemble des besoins et qu'aux crédits ouverts par le présent projet de décret d'avance s'ajoutent 53 millions d'euros supplémentaires prévus par le projet de loi de finances rectificative précité ; qu'au total, la budgétisation initiale était inférieure de 224 millions d'euros aux besoins constatés en exécution ; que l'insuffisance des crédits alloués à l'hébergement d'urgence et à la veille sociale au titre de l'année 2015 était manifeste dès la budgétisation initiale au regard de l'exécution pour l'année 2014 ;

13. Constate de même le caractère récurrent, ces dernières années, du dépassement de l'enveloppe budgétaire allouée aux contrats aidés en raison de la création de contrats aidés supplémentaires décidée en cours d'exercice, et relève que plus d'un milliard d'euros en autorisations d'engagement sont prévus à ce titre par le présent projet de décret, soit un dépassement de plus de 10 % de la budgétisation initiale ; note par conséquent que le coût de la politique des contrats aidés n'est pas contenu ;

14. Relève que les hypothèses de budgétisation relatives à la masse salariale au titre de l'enseignement scolaire se sont une fois de plus révélées insuffisantes, en particulier concernant le « glissement vieillesse technicité » (GVT), comme la commission des finances en avait déjà souligné le risque dans son avis sur le décret d'avance n° 2014-1429 du 2 décembre 2014 ;

15. Estime que ces dépassements récurrents rendent d'autant plus nécessaire d'engager des réformes permettant de maîtriser la masse salariale de l'État et de réduire le coût des contrats aidés en renonçant à en faire le principal instrument de lutte contre le chômage ;

16. Observe enfin qu'hors économies de constatation sur la mission « Engagements financiers de l'État », les annulations nettes les plus importantes pèsent sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Recherche et enseignement supérieur », à rebours des priorités affichées par le Gouvernement en matière de recherche et à la veille de la COP 21 ;

17. Émet, sous les réserves formulées précédemment, un avis favorable au présent projet de décret d'avance.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page