SECONDE PARTIE - LES CONTRAINTES PESANT SUR LE CHOIX DES MODALITÉS DE RAPPROCHEMENT

I. LA DÉCISION DE RENFORCER LES FONDS PROPRES DE L'AFD INDÉPENDAMENT DU RAPPROCHEMENT AVEC LA CAISSE DES DÉPÔTS PERMET D'ENVISAGER PLUSIEURS SCENARIOS

A. LA TRANSFORMATION DE L'AFD EN « SECTION » AU SEIN DE LA CAISSE DES DÉPÔTS AURAIT DES CONSÉQUENCES SUR SES BESOINS EN FONDS PROPRES

La transformation de l'AFD en filiale du groupe CDC n'a aucune conséquence en matière de fonds propres : l'AFD demeurerait soumise aux règles de « Bâle III » et au contrôle prudentiel de droit commun. En revanche, l'intégration de l'AFD à l'établissement public Caisse des dépôts et consignations en tant que nouvelle section conduirait à ce que l'agence ne soit plus soumise à ces règles, mais au régime prudentiel particulier de la Caisse des dépôts et à des règles internes ad hoc , ce qui aurait des conséquences sur ses besoins en fonds propres.

1. Le régime prudentiel particulier de la CDC

La Caisse des dépôts est soumise à un double contrôle prudentiel, dont les règles se distinguent du droit commun.

Tout d'abord, depuis 2008, ses activités bancaires sont soumises à un contrôle externe, exercé dans des conditions proches du droit commun. L'article L. 518-15-2 du code monétaire et financier prévoit l'application à la Caisse des dépôts de certaines règles - notamment prudentielles - applicables au secteur bancaire, « sous réserve des adaptations nécessaires » , par décret en Conseil d'État pris après avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts.

Le décret du 27 avril 2010 6 ( * ) soumet la CDC au respect des règlements relatifs aux fonds propres, aux grands risques et à la liquidité dans leur version au 1 er janvier 2010 , sous réserves d'aménagements spécifiques : les participations bancaires et financières ne peuvent être déduites des besoins en fonds propres et le ratio grands risques de 25 % est considéré comme un seuil d'alerte et non un plafond. Dans l'attente d'un nouveau décret, les règles applicables à la CDC ne prennent pas en compte les nouvelles règles européennes (« CRD IV » et « CRR », cf. supra ). L'article L. 518-15-3 du même code précise que la Commission de surveillance confie à l'ACPR l'examen du respect de ces règles.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 518-7 du même code, la Caisse des dépôts est soumise à un modèle prudentiel élaboré par la commission de surveillance .

En application de l'article R. 518-30-2 du même code, ce modèle est élaboré sur proposition du directeur général de la CDC et après avis de l'ACPR . À l'issue de cette procédure, la commission de surveillance fixe le niveau de fonds propres approprié au regard de ce modèle prudentiel, de la situation financière et des risques spécifiques de la CDC.

Sur le fond, ce modèle s'inspire des modèles internes « Bâle II » et prend également en compte la mission de long terme de la CDC . Il couvre la plupart des risques : risques liés aux filiales et aux participations, risque de perte de valeur des portefeuilles d'actions, risque de liquidité, risque de taux d'intérêt, risque de crédit sur les prêts accordés, risque immobilier et risque opérationnel.

La commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations

La commission de surveillance est chargée de « surveiller la Caisse des dépôts et consignations ». Elle contrôle notamment la gestion du fonds d'épargne.

Elle est composée de trois membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale et de deux membres de la commission des finances du Sénat, d'un membre du Conseil d'État, de deux membres de la Cour des comptes, du gouverneur ou de l'un des sous-gouverneurs de la Banque de France, du directeur général du Trésor, de deux personnalités qualifiées désignées par le Président de l'Assemblée nationale et d'une personnalité qualifiée désignée par le Président du Sénat. Elle est présidée par un parlementaire.

La place du Parlement dans la composition et la désignation de ses membres illustre le fait que « cet établissement est placé, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ».

Les sections qui constituent la CDC (la section générale et la section du fonds d'épargne) sont soumises à ces deux séries de règles et le niveau de leurs fonds propres est déterminé par la commission de surveillance.

Les filiales et participations significatives du groupe CDC qui ont des activités bancaires et financières sont supervisées de manière indépendante dans le cadre qui leur est applicable. Ainsi, la Banque publique d'investissement est placée sous supervision directe de la BCE et est soumise aux dispositions applicables à l'ensemble des établissements de crédit, de même que la Société de financement local (Sfil) ou la Banque postale.

2. Les conséquences du scenario de la « section » : l'application de règles prudentielles ad hoc aurait diminué le besoin en fonds propres

L'intégration de l'AFD au sein de la CDC en tant que section impliquerait qu'elle soit soumise à des règles prudentielles ad hoc .

D'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, les principales particularités pourraient être les suivantes :

- la prise en compte, dans la mesure des risques, du mécanisme du « compte de réserve », qui n'est pas pris en considération par le régulateur (cf. supra ) ; or, ce mécanisme permet en quelque sorte de diminuer le risque réel associé à un crédit et l'intégrer diminuerait le besoin en fonds propres ;

- la prise en compte de la ressource à condition spéciale dans le capital économique de l'AFD, quand elle n'est aujourd'hui prise en compte que partiellement dans le calcul des fonds propres règlementaires s'agissant du ratio grands risques ;

- l'instauration d'un comité proposant un dispositif de limites internes.

La conséquence de ces deux premiers points serait de diminuer les besoins en fonds propres de l'AFD. D'après la Caisse des dépôts, il permettrait même d'augmenter de 4 milliards d'euros les engagements de l'AFD, comme s'y est engagé le Président de la République, sans augmenter ses fonds propres .

Vos rapporteurs spéciaux n'ont pas pu étudier le détail de ce calcul, même s'il est évident que les éléments avancés auraient pu permettre de diminuer le niveau de fonds propres nécessaire. Ils soulignent néanmoins le fait que bien qu'elle ne soit pas soumise au ratio grands risques de 25 %, qui ne constitue pour elle qu'un seul d'alerte, la Caisse des dépôts ne s'en éloigne que très peu sur ses principales contreparties.

Ils insistent également sur la nécessité d'une gestion prudente du risque de crédit de l'AFD, dans la mesure où l'agence est en phase d'augmentation très forte de ses encours , qui passeraient de 30 milliards d'euros aujourd'hui à 85 milliards d'euros en 2035.


* 6 Décret n° 2010-411 du 27 avril 2010 relatif au contrôle externe de la Caisse des dépôts et consignations.

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