N° 621

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 mai 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer (1) sur les défis et opportunités pour les collectivités françaises des Amériques ,

Par M. Michel MAGRAS,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Michel Magras, président ; Mme Aline Archimbaud, M. Guillaume Arnell, Mmes Éliane Assassi, Karine Claireaux, MM. Éric Doligé, Michel Fontaine, Pierre Frogier, Joël Guerriau, Antoine Karam, Thani Mohamed Soilihi, vice-présidents ; M. Jérôme Bignon, Mme Odette Herviaux, MM. Robert Laufoaulu, Gilbert Roger, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jean Bizet, Mme Agnès Canayer, MM. Joseph Castelli, Jacques Cornano, Mathieu Darnaud, Félix Desplan, Jean-Paul Fournier, Jean-Marc Gabouty, Jacques Gillot, Daniel Gremillet, Mme Gisèle Jourda, MM. Serge Larcher, Nuihau Laurey, Jean-François Longeot, Mme Vivette Lopez, MM. Jeanny Lorgeoux, Georges Patient, Mme Catherine Procaccia, MM. Stéphane Ravier, Charles Revet, Didier Robert, Abdourahamane Soilihi, Mme Lana Tetuani, MM. Hilarion Vendegou, Paul Vergès et Michel Vergoz.

Ouverture

Gérard LARCHER - Président du Sénat

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Madame l'Ambassadrice déléguée à la coopération régionale Antilles-Guyane,

Monsieur le Directeur général des outre-mer,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je suis très heureux de vous accueillir ce matin, au Sénat, et de vous souhaiter la bienvenue, dans cette maison des collectivités territoriales, de toutes les collectivités territoriales de la République, qu'elles soient de métropole ou des outre-mer, à l'occasion de cette deuxième Conférence économique organisée par notre Délégation à l'outre-mer, présidée par notre collègue Michel Magras qui a succédé à Serge Larcher, et conférence consacrée cette année aux six collectivités françaises des Amériques.

Permettez-moi de vous rappeler que cette délégation est composée de tous les sénateurs ultramarins et d'un nombre équivalent de membres désignés par le Sénat de manière à assurer la représentation proportionnelle de tous les groupes politiques.

Grâce à sa délégation, notre Haute assemblée bénéficie pour éclairer sa réflexion et ses prises de décisions sur les sujets qui touchent aux outre-mer, d'une expertise de haut niveau. La qualité des rapports d'information qu'elle rédige est unanimement reconnue.

Une fois de plus, vous avez répondu nombreux à l'invitation du Président Magras et de ses dynamiques partenaires :

- la Fédération des Entreprises d'Outre-Mer qui fête demain le 30 e anniversaire de sa création,

- les chambres de commerce et d'industrie de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique et de Saint-Martin,

- la chambre d'agriculture, de commerce, de l'industrie, des métiers et de l'artisanat de Saint-Pierre-et-Miquelon,

- et enfin la chambre économique multi-professionnelle de Saint-Barthélemy,

partenaires qui témoignent de la diversité de vos territoires, de vos entreprises et de leurs atouts. Mais aussi des défis à relever : vous pourrez ainsi, au cours de cette journée, largement évoquer les dynamiques sectorielles et les réels potentiels de vos économies. Notre assemblée sait le rôle essentiel que vous jouez à travers vos entreprises dans le développement économique de vos territoires.

Vos témoignages nous seront donc précieux et contribueront à une meilleure appréhension des défis et des opportunités de chacune de vos collectivités. Les réalités économiques des outre-mer sont encore peu ou mal connues de nos concitoyens de Métropole.

Il est vrai que les médias nationaux s'y intéressent trop peu, ou ne s'y intéressent le plus souvent que lorsque nous devons faire face à des catastrophes naturelles, des épidémies ou des conflits sociaux, comme ceux de l'hiver 2008-2009 contre la vie chère, ou encore à des manifestations liées à des questions d'insécurité, comme très récemment à Mayotte.

La France est pourtant bien présente au sein du bassin économique « Atlantique » :

- dans l'arc antillais avec la région monodépartementale de la Guadeloupe, la collectivité territoriale de la Martinique ainsi que les deux collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ;

- aux portes de l'Amérique du Sud avec la collectivité territoriale de la Guyane, dont le territoire est aussi étendu que celui du Portugal ;

- et enfin, dans la partie septentrionale de l'océan Atlantique, avec la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont nous fêtons cette année le bicentenaire du rattachement de cet archipel à la France.

Si chaque territoire est une entité spécifique où il est important de faire vivre les différences en privilégiant autant que faire se peut des politiques publiques sur mesure, il n'en demeure pas moins qu'ils partagent tous un certain nombre de caractéristiques :

- éloignement de la métropole ;

- insularité, mis à part la Guyane, mais qui connaît toutefois des contraintes similaires en raison de son isolement sur le continent ;

- exposition importante aux risques naturels ;

- taux de chômage largement supérieur à celui de la métropole, (à l'exception de Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon), en particulier chez les jeunes ;

- vie chère avec un niveau des prix à la consommation, en particulier pour les produits alimentaires, nettement plus élevés qu'en France métropolitaine ;

- faible insertion dans leur environnement régional, héritage du système économique colonial, alors que, par exemple, les États partageant la même façade maritime, à savoir la mer des Caraïbes, représentent un marché potentiel de plus de 250 millions d'habitants, avec de belles perspectives pour nos entreprises en raison de l'ouverture économique engagée à Cuba.

Aussi, je me réjouis de l'actualité récente. Actualité parlementaire d'abord, avec l'adoption par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l'outre-mer dans son environnement régional qui vise à développer davantage les échanges avec les pays de leur bassin géographique.

Actualité diplomatique ensuite, avec l'intégration de la Martinique en qualité de 10 e membre de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO).

La coopération régionale doit être au coeur des stratégies de développement des outre-mer. On le dit depuis de nombreuses années et il faut maintenant dépasser le stade des discours.

De même, nous devons transformer certaines contraintes en avantages. Ainsi, comme la plupart des économies insulaires, les économies des outre-mer ont massivement recours à l'importation pour leurs approvisionnements en biens et en matières premières, par le biais du fret maritime, ce qui confère aux ports ultramarins, comme l'a souligné Rémy-Louis Budoc, dans un avis du Conseil économique social et environnemental, une place centrale dans le développement de ces territoires.

Nous devons donc profiter du formidable atout que représentent les ports ultramarins, et veiller au dynamisme de ces derniers en lien avec leur environnement régional, car ils sont un élément majeur de la diversification des économies locales.

Nous devons également tous avoir conscience de l'importance et de la diversité des potentiels de croissance durable et du rayonnement portés par les espaces maritimes ultramarins, comme l'a clairement montré le solide rapport d'information de notre délégation à l'outre-mer sur les zones économiques exclusives ultramarines.

En effet, ces dernières représentent de réelles opportunités en matière d'énergie marine renouvelable, de pêche et d'aquaculture, de recherche médicale ou encore de développement de technologies de pointe. Elles permettent en outre à la France de se prévaloir d'une dimension mondiale exceptionnelle.

La France doit, pour cela, aider ses outre-mer à se saisir de cette chance et miser sur l'économie bleue tout en veillant à la protection des ressources. Je pense en particulier à la pêche illicite sur les côtes guyanaises souvent accompagnée d'actes de violence.

C'est une réelle chance pour les outre-mer bien sûr, et pour la France, mais aussi pour l'Europe. Toutefois, l'Europe ne semble pas en avoir totalement conscience.

La vision européenne semble davantage dominée par un souci d'ouverture au libre-échange sans borne, qui constitue, au contraire, une menace pour certaines de nos productions ultramarines.

Nous l'avons encore vu récemment avec les négociations commerciales Union européenne/Vietnam qui mettent en danger la production sucrière des régions ultrapériphériques et, par là même, déstabilisent des territoires déjà fragiles.

Nos collègues Gisèle Jourda et Michel Magras, dans un récent rapport, montrent clairement les méfaits d'une politique commerciale européenne par trop dogmatique, et la nécessité d'éviter, à l'avenir, que ne s'empilent des accords commerciaux conclus sans vision d'ensemble de leurs répercussions sur les économies ultramarines et la prise en compte de son « ultra périphérie ».

Cette politique européenne est d'autant moins compréhensible que, si l'on prend l'exemple du « sucre », c'est l'Europe qui a financé, grâce à la politique agricole commune (PAC) et à sa politique régionale, la modernisation industrielle de cette filière.

De plus, il est important de rappeler inlassablement que les régions ultrapériphériques portent les valeurs européennes en matière de normes sanitaires, sociales et environnementales, normes par ailleurs malheureusement édictées sans tenir compte de leurs caractéristiques propres.

Si la France doit encore changer son regard sur les outre-mer, elle doit aussi contribuer à faire évoluer celui des institutions européennes, à moins de condamner les outre-mer à être en permanence la variable d'ajustement des négociations commerciales entre l'Union européenne et les pays tiers.

Le programme thématique de cette journée vous donnera l'occasion d'aborder cette ambivalence de l'action européenne à l'égard des outre-mer.

Je vous souhaite donc de riches débats et remercie par avance les nombreux intervenants pour leur apport à cette journée qui permettra d'enrichir notre réflexion commune et de participer à la définition de ce que doit être la vision économique de la France dans le bassin Atlantique.

Je vous remercie.

Michel MAGRAS, - Président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus des territoires français des Amériques,

Madame et Messieurs les présidents de chambres de commerce qui avez accepté notre proposition de partenariat pour orienter les projecteurs, avec la conférence d'aujourd'hui, vers les économies de ces territoires,

Monsieur le président de la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom), cher Jean-Pierre Philibert, qui avez également accepté de renouer un partenariat avec notre délégation, en direction du bassin Atlantique cette fois après la première édition des conférences économiques qui nous avait transportés dans le Pacifique le 25 juin dernier,

Madame l'ambassadrice, chère Véronique Bertile, qui mobiliserez votre talent et votre dynamisme pour mener les débats de cet après-midi, tout comme Jean-Pierre Philibert le fera ce matin. Je vous remercie très sincèrement tous deux d'avoir immédiatement accepté de relever le défi de l'orchestration !... avec une cinquantaine de témoignages sur la journée, je crois pouvoir en effet parler de défi et je compte sur les intervenants pour vous faciliter la tâche en respectant les 5 minutes imparties,

Monsieur le Directeur général des outre-mer,

Mesdames et Messieurs qui avez si nombreux répondu à notre appel pour témoigner aujourd'hui en vos qualités de capitaines d'entreprise, de responsables associatifs, d'acteurs incontournables des circuits financiers et de l'ingénierie indispensables au développement des entreprises, de hauts représentants de la sphère publique en charge de la promotion et de la défense des intérêts de nos outre-mer,

Mesdames et messieurs dont la présence nombreuse manifeste l'intérêt porté à nos territoires,

À la suite du président du Sénat qui honore notre manifestation en ouvrant ses travaux, je vous souhaite à tous la bienvenue au Sénat, en mon nom propre et celui de mes collègues de la délégation.

Partant du constat d'un déficit global de connaissance des spécificités, atouts et contraintes de nos outre-mer, et de la rareté des études d'ensemble les concernant, notre délégation a initié un cycle de trois conférences pour dresser un panorama des économies ultramarines : chaque conférence est ainsi consacrée à un bassin océanique.

Cette logique de bassin veut souligner l'importance qui s'attache à une meilleure insertion des territoires dans leur environnement régional, sujet qui mobilisera notre attention cet après-midi dans le cadre de la dernière table ronde.

Après les trois collectivités du Pacifique en juin dernier, le voyage d'aujourd'hui fera escale dans six territoires : de Saint-Pierre-et-Miquelon dans la sphère nord-américaine jusqu'à la Guyane en Amazonie en passant par la Caraïbe avec Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Guadeloupe et la Martinique.

Notre première table ronde aura pour ambition de dessiner le portrait économique de chacun des territoires, avec une présentation liminaire et deux témoignages illustrant les principales dynamiques sectorielles, qu'il s'agisse des secteurs traditionnels structurants ou de secteurs émergents ou innovants. Ainsi, avant d'aborder les problématiques transversales communes dans le cadre des deux tables rondes centrales de la journée consacrées successivement au tissu entrepreneurial puis aux enjeux du lien européen pour les économies ultramarines, nous prendrons la mesure de la diversité de nos territoires et des atouts que cela représente pour notre pays.

De la forêt boréale à la forêt amazonienne, les caractéristiques géographiques illustrent d'emblée cette grande diversité : du caillou de 21 km 2 de Saint-Barthélemy à la vaste Guyane, territoire continental de plus de 83 000 km 2 ; des 6 000 habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon aux 400 000 habitants de la Guadeloupe ; des 3 habitants au km 2 de la Guyane aux presque 700 habitants au km 2 de Saint-Martin, soit 2 fois la densité de la Martinique ; du fort dynamisme démographique guyanais - 44 % de la population de moins de 20 ans - avec d'importants flux migratoires - plus du tiers de la population constituée d'étrangers en Guyane et à Saint-Martin - à la maturité démographique des Antilles où 20 à 25 % de la population est âgée de plus de 60 ans ... ces quelques données illustrent la grande diversité des situations.

Cette diversité se décline dans de nombreux domaines, culturel et linguistique, bien sûr, mais également statutaire et institutionnel, dans le cadre national comme européen.

Collectivités régies par l'article 73 de la Constitution pour trois d'entre elles - Guadeloupe, Guyane et Martinique - qui sont également des régions ultrapériphériques (RUP) et donc parties intégrantes du territoire européen, les trois autres sont régies par l'article 74 et dotées d'un plus fort degré d'autonomie - Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais, alors que Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ont opté pour le statut de pays et territoires d'outre-mer (PTOM) et entretiennent un lien d'association avec l'Union européenne, Saint-Martin offre la singularité, en ayant rejoint la catégorie des collectivités d'outre-mer, d'avoir conservé un statut de région ultrapériphérique.

Nous voyons donc qu'à maints égards nos territoires offrent une riche palette de situations et ces variantes statutaires et institutionnelles ont une incidence très directe sur l'exposition normative des acteurs économiques, ce qui nous intéresse aujourd'hui. Il est donc indispensable, au-delà des problématiques communes et des solidarités nécessaires pour être visible et se faire entendre, de prendre en compte ces spécificités afin d'appréhender avec efficacité les réalités locales. C'est tout le sens de notre manifestation d'aujourd'hui dont nous diffuserons largement les actes.

Au nom du Sénat qui a pour mission constitutionnelle de représenter les territoires, et plus particulièrement au nom de notre délégation qui veut défendre et promouvoir nos outre-mer porteurs d'opportunités d'avenir pour notre pays, je remercie encore une fois les nombreux témoins de notre journée qui, pour beaucoup d'entre eux, n'ont pas hésité à traverser l'Atlantique.

Je nous souhaite à tous une belle journée, avec de fructueux travaux, et une pause déjeuner conviviale favorisant les retrouvailles et les nouveaux contacts. Et, dans l'instant, je cède la parole à Jean-Pierre Philibert, notre chef d'orchestre de la matinée, qui n'est pas le dernier à mettre son talent et sa force de conviction au service de nos outre-mer. Cher Jean-Pierre, c'est à vous !

Je vous remercie.

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