Clôture

Michel MAGRAS, Président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer

Avant de céder la parole à Madame la ministre des Outre-mer dont l'intervention clôturera cette journée, je souhaiterais en remercier tous les intervenants, venus pour certains de très loin et que nous avons contraints à un temps d'intervention limité.

Je remercie également les deux modérateurs de nos tables rondes pour la qualité de leur arbitrage et de leurs interventions. Je gage que tous deux sauront tirer parti de cette expérience pour poursuivre et enrichir leurs missions dans nos outre-mer.

Je voudrais remercier également mes collègues sénateurs, qui se sont prêtés au jeu d'animer eux-mêmes une part des travaux de cette journée, pour éclairer notamment les particularités de leurs territoires respectifs.

Merci aussi au public de cette conférence. Nous ne pouvons que nous réjouir de vous voir aujourd'hui si nombreux, connaisseurs et concernés par l'avenir de nos territoires.

Je souhaiterais également remercier nos partenaires que sont la Fedom, les CCI et les chambres consulaires des collectivités, sans qui nous n'aurions sans doute pas pu organiser un tel évènement.

Face aux défis nombreux auxquels nous faisons face, il est vrai que des opportunités se dessinent. Madame l'ambassadrice a évoqué une « effervescence ». Pour ma part, j'irai jusqu'à parler d'une dynamique.

Cette dynamique, que nous percevons à travers cette journée, est caractérisée par un certain sens de l'initiative et de l'innovation. Une route se trace ainsi progressivement, qui nous donne de bonnes raisons d'être optimistes pour l'avenir.

Dans la mondialisation en marche, une organisation de nos outre-mer par bassin semble incontournable. Il nous faudra être capables de nous organiser avec notre environnement régional. Faute de quoi, la mondialisation se fera sans nous.

George PAU-LANGEVIN, Ministre des Outre-mer

Monsieur le Président,

Mesdames les Sénatrices,

Messieurs les Sénateurs,

C'est avec plaisir que j'ai accepté votre invitation à clôturer cette conférence économique, riche en débats et en idées.

Je crois que vous l'avez bien indiqué au cours des tables rondes, tout l'enjeu n'est pas de repérer les défis qui se posent et les opportunités que nos territoires peuvent capter, mais de créer les conditions pour transformer les défis en opportunités de développement.

Trop longtemps, nous avons vu ces défis comme des menaces et des handicaps.

La perspective du changement climatique, le vieillissement de la population ici ou l'explosion démographique là-bas, l'éloignement, l'insularité et l'étroitesse du marché, l'émergence de nouvelles concurrences sur nos productions traditionnelles ont été perçus comme autant de fléaux compromettant l'avenir des DFA, nourrissant un discours décliniste et une cécité sur le potentiel de nos territoires ultramarins.

Il nous faut désormais ouvrir les yeux sur les opportunités qui en découlent. Les mutations technologiques, organisationnelles et économiques récentes, couplées à la mondialisation, permettent aujourd'hui d'en tirer pleinement profit.

Tous ces défis doivent se présenter, je le crois, comme des gisements d'emplois et de progrès pour permettre un changement de modèle reposant sur l'émergence d'économies pleinement résilientes, solidaires et intégrées à leurs environnements régionaux.

Les défis constituent de formidables catalyseurs d'innovation. Ils poussent à la créativité, à la formulation de solutions inédites qui mobilisent l'intelligence collective. L'éloignement, l'étroitesse du marché, le changement climatique, le vieillissement sont autant de dynamiques qui obligent nos entrepreneurs à faire preuve de créativité afin d'imaginer de nouvelles manières de produire des biens et des services, de distribuer, de consommer c'est-à-dire de créer de la richesse.

Les défis génèrent de nouveaux besoins qui, à leur tour, engendrent l'émergence de nouveaux marchés. Tout l'enjeu consiste donc pour nos entreprises ultramarines à se positionner rapidement sur les niches qui émergeront demain. Il leur faut anticiper les changements dans la consommation des ménages, des administrations, des entreprises et travailler avec les pouvoirs publics pour « solvabiliser » la demande.

Les défis communs forgent des destins communs. Vous l'avez souligné, les défis identifiés se posent à peu près dans les mêmes termes aux territoires voisins des DFA. À ce titre, ils constituent des catalyseurs pour la coopération régionale et le développement des échanges. Je suis persuadée que les exportations de services vers nos partenaires caribéens et sud-américains, notamment en matière d'assistance technique et de prestations d'ingénierie, représentent une opportunité au moins aussi importante que les échanges de biens pour les entreprises antillaises et guyanaises.

Les défis interrogent nos identités. Ils obligent à questionner nos codes, nos représentations du monde, nos croyances et sont, à ce titre, de formidables vecteurs d'ouverture et de résilience. Nos sociétés créoles se sont construites en réponse à quelques-uns de plus grands défis auxquels l'Humanité a été confrontée. Elles sont un Tout-Monde où se fréquentent des cultures, des traditions, des pratiques que rien ne destinait à la cohabitation.

Vous le voyez, tous ces défis, loin de se présenter comme des fatalités, mettent en mouvement nos territoires. Ils sont de formidables obstacles à l'inertie et au repli ; ils sont autant d'appels à l'innovation, l'initiative entrepreneuriale et la coopération.

Mais mon propos ne consiste pas à dresser un tableau idyllique de la situation en considérant que la voie est tracée et que l'avenir des DFA ne peut être que radieux. Bien évidemment, les pouvoirs publics doivent accompagner les territoires et les entrepreneurs et créer les conditions du développement. L'État y a sans conteste un rôle déterminant à jouer, et il a pris ses responsabilités ces dernières années.

Au défi du changement climatique, nous répondons par les politiques de transition énergétique et de développement durable qui constituent des priorités pour le Gouvernement.

La loi de transition énergétique pour la croissance verte votée à l'été 2015 fixe un cadre clair et ambitieux pour la transition énergétique dans les départements d'outre-mer : le rôle des régions est renforcé. Le Parlement a également voté la prolongation des habilitations législatives dont bénéficiaient la Martinique et la Guadeloupe, en étendant leur champ d'application : ces deux collectivités sont désormais habilitées à prendre des dispositions spécifiques en matière de planification énergétique, de maîtrise de la demande d'énergie et de développement des énergies renouvelables.

Les programmations pluriannuelles, co-élaborées par l'État et les régions, fixeront une feuille de route pour atteindre les objectifs ambitieux définis par la loi en matière de développement des énergies renouvelables. Elles offriront la visibilité nécessaire aux investisseurs et aux entreprises du secteur énergétique pour développer leurs projets.

Le Gouvernement a également obtenu le maintien du bénéfice de la défiscalisation pour les projets d'énergie renouvelable en outre-mer, et soutient activement les projets innovants : c'est ainsi que le projet d'énergie thermique des mers en Martinique a reçu une subvention de 72 millions d'euros grâce notamment au soutien de l'État. J'ai bon espoir qu'il obtienne des financements au titre du Plan Juncker lors du prochain conseil d'administration de la BEI.

Le Gouvernement soutient le développement de la géothermie, notamment dans le cadre du rachat et de la modernisation de la centrale de Bouillante en Guadeloupe.

Un autre domaine sur lequel nous devons agir est celui de l'économie circulaire : la gestion des déchets pose de nombreuses difficultés dans ces territoires où l'espace est une ressource précieuse. L'économie circulaire est un enjeu important pour la protection de l'environnement. C'est aussi une source potentielle d'emplois locaux que nous devons nous attacher à développer.

Au défi de l'éloignement, nous répondons par plus d'intégration régionale, des politiques de continuité territoriale et d'investissement dans les infrastructures numériques.

À ce titre, le Gouvernement a activement participé à l'élaboration de la proposition de loi sur la coopération régionale des collectivités d'outre-mer portée par Serge Letchimy. Il a soutenu l'adhésion des départements français d'Amérique à diverses organisations régionales, qu'il s'agisse de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO), de l'Association des États de la Caraïbe (AEC), de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) et il continuera d'accompagner cette dynamique.

J'ai moi-même tenu à me rendre à la conférence de coopération organisée en Guyane en appelant de mes voeux à franchir une nouvelle étape. Je souhaite en effet que les efforts politiques entrepris se traduisent par un développement des échanges régionaux.

Pour ce faire, le Ministère des Outre-mer a signé une convention avec Business France afin d'organiser un accompagnement plus performant des entreprises à l'export en partenariat avec les CCI. Je veillerai également à ce que les produits que Bpifrance est en train de développer pour le crédit-export soient bien proposés et adaptés aux réalités de nos territoires ultramarins.

Enfin, la modernisation et l'agrandissement des infrastructures portuaires et aéroportuaires, que nous soutenons dans le cadre des Contrats de plan État-région (CPER), traduit bien cette volonté de promouvoir le développement des échanges régionaux. Nous sommes éloignés de l'Hexagone et de l'Europe mais j'ai la conviction que nous pouvons aussi devenir des hubs indispensables sur les grandes routes du commerce international, notamment à la suite de l'ouverture récente du 3 e jeu d'écluses du canal de Panama.

En ce qui concerne le numérique, l'État intervient dans l'installation du très haut débit au travers du Plan France THD. Un préaccord de financement a déjà été notifié pour la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et Saint-Barthélemy pour une intervention totale de près de 200 millions d'euros.

Au défi du vieillissement de la population, nous répondons par le développement de l'économie sociale et solidaire et de la silver économie.

Convaincue du potentiel que représente l'économie sociale et solidaire pour nos territoires, j'ai signé l'année dernière une convention avec la Caisse des dépôts et consignations prévoyant la mise en oeuvre d'un plan quadriennal pour la structuration du secteur dans les outre-mer. Cette démarche a notamment abouti en 2015 au déploiement plus large de France Active, acteur dynamique de l'accompagnement et du financement des structures de l'économie sociale et solidaire. Je serai attentive à la montée en puissance de son intervention dans nos territoires ultramarins. Je veillerai aussi à ce que l'offre de Bpifrance en faveur des acteurs de l'économie sociale et solidaire soit bien proposée et accessible aux entrepreneurs ultramarins. Enfin, j'ai lancé fin avril un appel à projets géré et animé par les préfectures de région afin de récompenser dans chaque département les projets les plus prometteurs dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, et notamment dans le domaine de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées.

Mais, au-delà de ces efforts en faveur de l'économie sociale et solidaire, l'État est mobilisé pour favoriser le développement de ce qu'il est convenu d'appeler « la silver économie », c'est-à-dire l'ensemble des activités économiques qui répondent aux nouveaux besoins induits par le vieillissement de la population. C'est devenu aujourd'hui un domaine d'innovation majeur et de renouvellement de toute une gamme de produits et de services. Je sais que les CCI ont été particulièrement proactives dans ce domaine et je tiens ici à les en remercier profondément. Le Président de la République, lors de son déplacement aux Antilles, a lui-même rappelé que l'État répondrait présent dans la structuration de ce secteur et continuerait d'intervenir par l'intermédiaire de ces opérateurs, notamment de l'Agence française de développement (AFD) qui a participé au financement de nombreuses études mais aussi de l'Agence régionale de santé (ARS) qui veille à structurer une offre correspondant aux besoins de la population dépendante. L'initiative privée doit maintenant se saisir complètement de cette opportunité et innover dans le domaine.

Au défi de la faible taille du marché, nous répondons en soutenant les démarches de mutualisation et en développant des instruments innovants de soutien aux entreprises qui permettent de compenser en partie les effets de l'absence d'économie d'échelle pour les entreprises.

Pour réduire le coût du capital et faciliter l'accès des entreprises aux financements, nous avons décidé de prolonger le dispositif de défiscalisation des investissements productifs jusqu'en 2020 dans les DOM et 2025 dans les COM. En parallèle, nous travaillons au développement d'un mécanisme de préfinancement du crédit d'impôt pour les investissements productifs. Je l'ai dit, cette mesure doit s'accompagner d'un renforcement de la présence de la BPI, voire d'un déploiement en son nom propre.

Pour réduire les coûts du travail et améliorer la compétitivité des entreprises, le Gouvernement a décidé de porter à 9 % le CICE contre 6 % dans l'Hexagone, donc d'alléger encore plus substantiellement le coût du travail, de doubler le montant de l'aide à l'embauche du premier salarié par rapport au niveau hexagonal ou encore de rendre le dispositif des exonérations de cotisations patronales encore plus favorable pour les secteurs prioritaires.

Au-delà des initiatives favorisant la compétitivité coût des entreprises, l'État, au travers du soutien à la structuration des filières économiques et à la mutualisation interentreprises, entend également favoriser la compétitivité hors-coût des acteurs locaux.

Tous ces défis que je viens d'énoncer constituent d'autant plus des atouts pour nos territoires qu'ils traduisent des dynamiques planétaires qui trouvent une expression exacerbée dans nos départements. Les phénomènes du changement climatique, du vieillissement de la population, de la polarisation territoriale, de la volatilité économique s'expriment dans les outre-mer avec une plus grande intensité. Nos outre-mer sont des sentinelles des changements mondiaux.

Loin de se présenter comme des espaces d'exotisme où se développeraient des phénomènes singuliers et marginaux, l'insularité, qu'elle soit physique ou contingente à l'histoire et la géographie d'un territoire, constitue un catalyseur et un révélateur des transformations qui affectent la planète. Ce qui s'y passe peut devenir un enseignement valable pour tous.

Dès lors, les outre-mer sont des observateurs privilégiés des changements globaux. Ils se doivent d'en être les acteurs, des terres d'innovation pionnières. Parce que les outre-mer sont exposés à des problématiques mondiales qui s'y déploient avec une intensité plus grande, nous pouvons y construire des solutions qui s'appliqueront ailleurs. Nous devons y justifier le droit à l'expérimentation d'abord pour cette raison ; parce que je crois que leur plus grande spécificité est d'être exposée à une universalité exacerbée. Je dirai que le coeur du monde y bat plus fort.

C'est pourquoi, je considère que l'Hexagone a autant besoin des outre-mer que ces derniers ont besoin d'elle.

Je vous remercie.

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